Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2017 TCDP 39

Date : Le 21 décembre 2017

Numéro du dossier : T1912/14212

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Vivian M. Wirth

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Nation crie de Saddle Lake

l'intimée

Décision sur requête

Membre : George E. Ulyatt

 


[1]  La Nation crie de Saddle Lake (la « NCSL » ou l’« intimée ») a présenté une requête en vue d’obtenir un ajournement de la présente affaire, dont le Tribunal canadien des droits de la personne (le « Tribunal ») est actuellement saisi, en attendant que la Cour fédérale du Canada décide, dans l’action portée devant elle dans le dossier numéro T‑364‑14, si les élections de 2010 de la NCSL sont des « services », au sens de ce terme à l’article 5 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, c. H‑6 (la « Loi »).

[2]  À l’appui de la requête en ajournement, l’intimée a déposé les documents suivants, sur lesquels elle se fonde :

  1. les actes de procédure, les affidavits et les ordonnances liés au dossier numéro T‑364‑14 de la Cour fédérale, ainsi qu’au dossier précédent portant le numéro T‑504‑13;
  2. la requête en jugement sommaire déposée dans le dossier numéro T‑364‑14 de la Cour fédérale;
  3. l’affidavit de Finlay Moses, souscrit le 22 novembre 2016 et déposé dans le dossier numéro T‑364‑14 de la Cour fédérale.

[3]  L’intimée est l’une des deux Premières Nations qui constituent la Bande de Saddle Lake, une bande définie par la Loi sur les Indiens, L.R.C. 1985, c. I‑5. L’intimée tient des élections tous les trois ans, et le processus est régi par des coutumes tant écrites qu’orales, qualifiées de [traduction] « coutumes électorales ». D’après l’intimé, ces coutumes relèvent de pratiques antérieures.

[4]  L’intimée soutient que les élections n’ont jamais eu lieu d’une manière conforme au processus électoral que prévoit la Loi sur les Indiens et que, de ce fait, l’article 74 de cette loi ne s’applique pas, pas plus que l’intimée n’est [traduction] « revenue aux coutumes selon les exigences d’une politique fédérale quelconque ».

[5]  En juin 2010, l’intimée a tenu des élections selon ses coutumes électorales et, après ces élections, la plaignante a porté plainte sous le régime de la LCDP au motif que les préposés aux élections avaient supprimé son nom de la liste des candidats ou des bulletins de vote officiels.

[6]  La plaignante n’a pas présenté de demande de révision judiciaire en vue d’obtenir l’avis de la Cour quant à la question de savoir si la suppression était légitime selon les coutumes électorales, mais elle a bel et bien porté plainte en vertu de la Loi.

[7]  La plaignante a soutenu qu’il s’agissait d’un acte discriminatoire au sens de l’article 5 de la Loi, fondé sur l’état matrimonial ou la situation de famille, en raison du fait qu’on l’avait empêchée de prendre part aux élections du conseil de 2010, parce qu’elle était mariée à un Blanc.

[8]  La Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») a porté l’affaire devant le Tribunal. En réponse à ce renvoi, l’intimée a déposé une demande de révision judiciaire devant la Cour fédérale le 22 mars 2013. Le fondement de cette demande est énoncé au paragraphe 17 des observations de l’intimée :

[traduction]
17. Dans la demande de révision judiciaire, la NCSL soutient, notamment, que la Loi ne s’applique pas à la plaignante, car les élections fondées sur la coutume que la NCSL a tenues en 2010 n’étaient pas des « services » au sens de ce terme à l’article 5 de la Loi. D’après la demande, la décision de renvoyer la plainte empiète sur des droits ancestraux existants de la NCSL, lesquels droits sont protégés par l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. [Renvoi omis.]

[9]  À la suite de la demande de révision judiciaire, la Cour fédérale a accordé une suspension en faveur de la poursuite de l’instance par voie de déclaration le 22 janvier 2014. Dans son mémoire, l’intimée a indiqué ce qui suit :

[traduction]
18. Conformément à une ordonnance que la Cour fédérale a rendue le 22 janvier 2014, la demande de révision judiciaire a été suspendue en faveur de la poursuite de l’instance par voie de déclaration. En rendant cette ordonnance, la Cour a formulé les observations suivantes :

[L]a conversion est opportune, car les faits, y compris ceux tirés de récits oraux, ne peuvent être établis de manière satisfaisante uniquement par la voie d’affidavits; des témoignages de vive voix permettront de mieux saisir les faits et évaluer les éléments de preuve; les étapes de la production, des interrogatoires préalables et des échanges de preuves d’expert qui sont inhérentes à une instance sont nécessaires à une audition complète et équitable des questions en litige; […] les questions de nature constitutionnelle semblent déborder le cadre de la plainte et elles touchent un nombre élevé de tierces parties.

[10]  La NCSL a déposé devant la Cour fédérale une déclaration dans laquelle elle sollicite la réparation suivante :

[traduction]
21. Dans l’action intentée devant la CF, la NCSL sollicite une déclaration portant que la Loi ne s’applique pas aux élections coutumières de la NCSL et que la Commission n’a pas compétence sur celles‑ci. La déclaration précise que la Loi ne s’applique pas à la plainte, notamment parce que :

a)  les élections coutumières de la NCSL ne sont pas autorisées par le législateur et, de ce fait, la plainte ne tombe pas sous le coup de l’article 2 de la Loi, lequel prévoit que celle‑ci ne s’applique qu’aux lois qui relèvent du « champ de compétence du Parlement du Canada »;

b)  la Loi ne s’applique pas, parce que les élections coutumières de la NCSL ne sont pas des « services » au sens de ce terme à l’article 5 de la Loi.

[11]  Le 4 novembre 2016, la NCSL a obtenu l’autorisation de présenter une requête en jugement sommaire, qui a été déposée le 30 novembre 2016, en vue d’obtenir une ordonnance de la Cour portant que les élections coutumières de la  NCSL pour les postes de chef et de conseillers ne sont pas des « services » au sens de ce terme à l’article 5 de la Loi.

[12]  La plaignante n’a pas déposé d’avis de comparution en réponse à la demande de révision judiciaire initiale. L’intimée déclare qu’étant donné qu’elle n’a pas pris part à cette instance, elle n’a pas été désignée à titre de partie à l’action ultérieure. La Commission n’a pas non plus été désignée à titre de partie à l’action.

[13]  Les observations de la Commission, au paragraphe 10 de la page 4 de son mémoire, indiquent où en était l’instance engagée devant la Cour fédérale au moment du dépôt des documents relatifs à la requête.

[traduction]

10.  En même temps que se déroulait l’instance devant le Tribunal, la NCSL a engagé diverses instances en vue d’obtenir diverses formes de redressement devant la Cour fédérale. Comme il est mentionné dans l’affidavit de Finlay Moses, les mesures prises à la Cour fédérale comprennent ce qui suit :

a.  la NCSL a déposé une demande de révision judiciaire concernant la décision de renvoi de la Commission (T‑504‑13, la « demande »).  Mme Wirth n’a pas déposé d’avis de comparution. La Commission a demandé et obtenu l’autorisation d’intervenir dans la demande. La NCSL a déposé un avis de question constitutionnelle. La Cour fédérale a ordonné en fin de compte que la demande soit suspendue, en attendant qu’on règle des questions que la NCSL doit plaider dans le cadre d’une nouvelle action;

b.  la NCSL a intenté une action, désignant le procureur général du Canada (le « PGC ») comme défendeur unique (T‑364‑14, l’« action »). Dans cette action, la NCSL sollicite diverses formes de jugement déclaratoire, dont des déclarations portant que la plainte de Mme Wirth n’est pas liée à la prestation de services au sens de l’article 5 de la LCDP, et que l’application de la LCDP aux élections coutumières de la NCSL empiéterait sur les droits relatifs à l’autonomie gouvernementale des Autochtones garantis par la Constitution. Ni Mme Wirth ni la Commission ne sont désignées à titre de partie;

c.  le PGC a déposé une défense dans laquelle il n’adopte aucune position sur certaines des questions soulevées dans l’action, dont celle de savoir si la plainte de Mme Wirth se rapporte à la prestation de services au sens de l’article 5 de la LCDP;

d.  la Cour fédérale a rejeté une demande de la Commission présentée en vue d’obtenir l’autorisation d’intervenir dans l’action, mais elle a laissé à la Commission la possibilité de déposer une nouvelle demande à une date ultérieure. La Cour d’appel fédérale a rejeté un appel interjeté à l’encontre de cette ordonnance;

e.  la Cour fédérale a accordé à la NCSL l’autorisation de déposer une requête en jugement sommaire sur la question des « services », et a fixé des délais pour que (i) la NCSL remette un avis de requête et un affidavit au PGC (30 novembre 2016), (ii) le PGC indique s’il se prononcera sur la requête (15 décembre 2016) et (iii) la NCSL dépose son dossier de requête en jugement sommaire (31 janvier 2017);

f.  la NCSL a déposé un avis de requête en jugement sommaire, sollicitant une déclaration portant que les élections coutumières de la NCSL pour les postes de chef et de conseillers ne sont pas des « services » au sens de l’article 5 de la LCDP.

La position de l’intimée

[14]  L’intimée soutient que les questions soumises au Tribunal seront mieux réglées par la Cour fédérale, pour que l’on puisse déterminer convenablement l’applicabilité de la Loi et la définition du terme « services ». De plus, les coutumes électorales et le droit inhérent à l’autonomie gouvernementale sont d’importantes questions à examiner.

[15]  L’intimée soutient que la plaignante ne subira aucun préjudice et que, s’il y a préjudice, celui‑ci pourrait être réparé par une ordonnance d’indemnisation. L’intimée ajoute qu’elle ne devrait pas avoir à supporter des dépens substantiels pour une audience complète sur les droits relatifs à l’autonomie gouvernementale des Autochtones et que l’affaire portée devant le Tribunal n’est pas prête pour une audience.

[16]  L’intimée se fonde sur la décision Renaud, Sutton et Morigeau c. Affaires autochtones et Développement du Nord Canada, 2013 TCDP 30 (« Renaud »), dans laquelle le Tribunal a ajourné l’affaire dont il était saisi.

La position de la Commission

[17]  La Commission soutient que le Tribunal devrait tenir une audience, car l’article 48.9(1) dispose que :

48.9(1) L’instruction des plaintes se fait sans formalisme et de façon expéditive dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique.

[18]  La Commission fait valoir que ce n’est que dans des circonstances exceptionnelles qu’il y a lieu d’ajourner une affaire, que les politiques et les procédures du Tribunal conviennent mieux à une personne, et qu’en l’espèce, l’intimée n’a démontré l’existence d’aucune circonstance exceptionnelle.

[19]  La Commission conteste également l’ajournement relatif à la question des services, en ce sens que ni la plaignante ni la Commission n’étaient parties devant la Cour fédérale et que le procureur général du Canada ne se prononçait pas sur cette question.

[20]  La Commission se fonde dans une large mesure sur l’arrêt Canada (Agence des services frontaliers) c. C.B. Powell Limited, 2010 CAF 61, au paragraphe 33 :

Partout au Canada, les cours de justice ont reconnu et appliqué rigoureusement le principe général de non‑ingérence dans les procédures administratives, comme lillustre la portée étroite de l’exception relative aux « circonstances exceptionnelles ». […] Qu’il suffise de dire qu’il ressort des précédents que très peu de circonstances peuvent être qualifiées d’« exceptionnelles » et que le critère minimal permettant de qualifier des circonstances d’exceptionnelles est élevé […]. Les préoccupations soulevées au sujet de l’équité procédurale ou de lexistence dun parti pris, de lexistence dune question juridique ou constitutionnelle importante ou du fait que les toutes les parties ont accepté un recours anticipé aux tribunaux ne constituent pas des circonstances exceptionnelles permettant aux parties de contourner le processus administratif dès lors que ce processus permet de soulever des questions et prévoit des réparations efficaces […]. Ainsi que je le démontrerai sous peu, l’existence de ce qu’il est convenu d’appeler des questions de compétence ne constitue pas une circonstance exceptionnelle justifiant un recours anticipé aux tribunaux.

De plus, à la page 19 de ses observations, la Commission se fonde sur les passages suivants de la décision Nipisihkopahk Education Authority de la nation Crie de Samson c. Canada (P.G.), 2004 CF 1314, rendue par la Cour fédérale, aux paragraphes 4 à 6 et 8 à 10 :

[4] […] il n’y a aucun élément de preuve dans les présents dossiers que les demanderesses ont subi ou subiront un quelconque préjudice résultant des instances introduites devant la Commission ou le Tribunal. Plus particulièrement, les demanderesses n’ont pas, jusqu’à maintenant, reçu l’ordre de faire quoi que ce soit, encore moins quelque chose qu’elles ne veulent pas faire et elles n’ont pas reçu l’ordre de ne pas faire ou n’ont pas été empêchées de faire quoi que ce soit qu’elles croient avoir le droit de faire.

[5] Elles prétendent qu’elles ne sont pas soumises à la Loi canadienne sur les droits de la personne, ni au Tribunal. La question n’a cependant pas été tranchée dans un sens ou dans l’autre. Les demanderesses se sont simplement vu donner l’occasion de se défendre et de faire valoir leur position constitutionnelle devant le Tribunal, lequel est l’organisme compétent pour trancher la question.

[6] Il ne s’agit là aucunement d’un préjudice. Si le Tribunal est d’accord avec les demanderesses, l’affaire se terminera là. Même si le Tribunal n’est pas d’accord et rend une décision qui leur est défavorable, elles n’auront encore subi aucun tort tant et aussi longtemps que le Tribunal, après un examen exhaustif, n’aura pas délivrer une ordonnance contre les demanderesses. Selon moi, il y aura assez de temps pour décider si la position constitutionnelle et l’argument des demanderesses justifient que l’on cherche à obtenir le sursis de l’ordonnance définitive du Tribunal.

[…]

[8] […] les demanderesses, jusqu’à présent, ont subi et ne subiront pas plus d’inconvénient que l’inconvénient relativement mineur d’avoir l’occasion de plaider leur cause devant un organisme compétent. […]

[9] D’autre part, les plaignantes ont déjà été obligées de voir leurs plaintes retardées pour cette même période de cinq ans et le temps s’écoule. Toute enquête de la part du Tribunal deviendra moins efficace car le temps entre les événements faisant l’objet des plaintes et la suspension de l’enquête s’allonge. Il s’agit d’une vérité absolue. Justice différée est justice refusée. Les plaignantes ont subi un grave inconvénient du fait que leur audience a été retardée presque indéfiniment.

[10] Il y a également, et cela est un aspect de ce que j’ai déjà affirmé, un intérêt public important à servir et à protéger en faisant en sorte que les plaintes devant le Tribunal soient traitées rapidement.

[21]  L’intimée répond à la Commission au sujet de sa position en affirmant que le procureur général du Canada est en fait le véritable défendeur dans l’instance soumise à la Cour fédérale, que le Tribunal n’est pas le forum approprié et que le Tribunal n’est pas en mesure de tenir son audience dans les circonstances actuelles. L’intimée soutient que la Cour fédérale est la mieux placée pour traiter cette affaire.

[22]  Depuis le dépôt des observations des parties, le juge Phelan, de la Cour fédérale, a rendu le 2 mars 2017 une ordonnance portant notamment ce qui suit :

[traduction]

VU la requête que la Commission canadienne des droits de la personne [la Commission] a présentée par écrit en vue d’obtenir le statut d’intervenante dans le cadre d’une requête en suspension et, au cas où il ne serait pas fait droit à la requête, de prendre part à la présente action sans frais;

VU que la partie défenderesse a avisé qu’elle n’adoptait aucune position à l’égard de cette requête;

VU que la demanderesse ne s’oppose pas en ce qui a trait au statut d’intervenante, mais s’oppose à une suspension et à la demande de la Commission de prendre part à l’action sans frais;

VU que les parties conviennent que la Commission n’a pas compétence sur la question en litige, mais pour des raisons différentes;

VU que les parties ont tenté de trouver un moyen efficace de régler la question de droit en litige, la plaignante ayant déposé une requête en jugement sommaire;

CONSIDÉRANT que, sans la participation de la Commission, il n’y aurait aucune opposition efficace;

CONSIDÉRANT que le rôle que joue la Commission dans la présente affaire s’apparente davantage à celui d’une intervenante dans un litige qu’à celui d’une intervenante pour des raisons d’ordre public;

JUGEANT qu’il est dans l’intérêt de la justice d’accorder le statut d’intervenante;

LA COUR ORDONNE :

1.  l’intitulé de la cause est modifié afin d’ajouter la Commission canadienne des droits de la personne en tant qu’intervenante;

2.  la Commission est autorisée à intervenir dans la présente instance afin de répondre à la requête en jugement sommaire de la plaignante comme si elle était une partie, ce qui comprend notamment le droit de signifier et de se voir signifier des documents, de déposer des mémoires, de produire des éléments de preuve, de contre‑interroger et d’être contre‑interrogée, de plaider et d’interjeter appel.

[…]

La requête en jugement sommaire de la NCSL a été instruite devant la Cour fédérale les 3 et 4 octobre 2017. La décision n’a pas encore été rendue.

Analyse

[23]  La position de la Commission visant à rejeter la requête de l’intimée serait normalement convaincante. Toutefois, dans les présentes circonstances, il y a un certain nombre de questions qui font contrepoids.

[24]  Premièrement, la position de l’intimée ne consiste pas simplement à contester la question de savoir si ses élections coutumières sont des [traduction] « services au sens de l’article 5 de la Loi ». Elle conteste également la constitutionnalité de l’applicabilité de la Loi, revendiquant un droit ancestral à l’autonomie gouvernementale garanti à l’article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982. C’est donc dire qu’une conclusion quant à l’existence de discrimination dans les circonstances actuelles, en supposant que la plainte est fondée, ne réglerait pas le présent litige. Le Tribunal doit garder à l’esprit que l’exigence légale quant à la tenue d’une audience « rapide » doit être tempérée dans l’intérêt supérieur des parties et, dans les circonstances actuelles, une audience du Tribunal sur l’applicabilité de l’article 5 de la Loi serait de nature à séparer et à compliquer l’instance.

[25]  Deuxièmement, on pourrait dire que l’ordonnance rendue par le juge Phelan le 2 mars 2017 a accordé à la Commission le droit de faire plus que simplement contester sur le fond la requête en jugement sommaire.

[traduction]
2.  la Commission est autorisée à intervenir dans la présente instance afin de répondre à la requête en jugement sommaire de la plaignante comme si elle était une partie, ce qui comprend notamment, le droit de signifier et de se voir signifier des documents, de déposer des mémoires, de produire des éléments de preuve, de contre‑interroger et d’être contre‑interrogée, de plaider et d’interjeter appel.

[26]  Ce qui précède donne à penser que la Commission pourrait aussi contester le bien‑fondé de présenter une telle requête dans les circonstances, car celle‑ci pourrait court‑circuiter l’application du régime administratif. L’ordonnance du 2 mars 2017, par laquelle le juge Phelan a ajouté la Commission à titre de partie afin de veiller à ce qu’il y ait une représentation et des arguments pour traiter la question relative aux services, n’avait pas été rendue au moment de la présentation des observations dans le cadre de la présente requête en ajournement.

[27]  Troisièmement, il est admis que, même si Mme Wirth ne participe pas à l’instance engagée devant la Cour fédérale – et il ressort du dossier qu’elle a été involontairement exclue de l’action – les observations présentées en réponse par l’intimée donnent à penser que la plaignante a décidé de ne pas participer en raison d’un manque de ressources, de l’absence d’un avocat pour assurer sa défense et d’un manque de compréhension des questions constitutionnelles soulevées dans l’action. Cela suscite bel et bien des problèmes d’accès à la justice, mais ces problèmes sont abordés à la cour par la Commission dans le cadre de l’examen de la question des « services » devant la Cour fédérale.

[28]  C’est donc dire que le préambule et les éléments fondamentaux de l’ordonnance de la Cour fédérale donnent à penser que la Commission a obtenu le statut d’intervenante précisément pour qu’il y ait une opposition efficace. Compte tenu de tous les facteurs, la requête présentée par l’intimée en vue d’obtenir un ajournement en attendant que la Cour fédérale se prononce sur sa requête en jugement sommaire ne semble pas déraisonnable. Par conséquent, l’affaire portée devant le Tribunal est ajournée en attendant l’issue de la requête en jugement sommaire qui a été présentée à la Cour fédérale au sujet de la question des « services » (article 5), après quoi l’affaire sera portée de nouveau devant le Tribunal.

Signée par

George E. Ulyatt

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le  21 décembre 2017

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1912/14212

Intitulé de la cause : Vivian M. Wirth c. Nation crie de Saddle Lake

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 21 décembre 2017

Requête traitée par écrit sans comparution des parties

Représentations écrites par :

Vivian M. Wirth , pour elle‑même

Brian Smith , pour la Commission canadienne des droits de la personne

Brooke Barret et Ken Staroszik, pour l'intimée

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