Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Canadian Human
Rights Tribunal

 

Référence : 2017 TCDP  36

Date : le 7 novembre 2017

Numéro du dossier : T1873/10312

 

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Kouroush Alizadeh-Ebadi

le plaignant

– et –

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

– et –

Manitoba Telecom Services Inc.

l’intimée

Décision

Membre : Edward P. Lustig

 

 


Table des matières

I. Contexte  1

II. Les faits  7

Premier incident : Remarques formulées par David Atwell  9

Deuxième incident : Refus de donner un deuxième ordinateur  17

Troisième incident : Rejet de demandes de formation  18

Quatrième incident : Emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash »  19

Cinquième incident : Commentaires à propos des voyages en Turquie et de l’éthique de travail de M. Alizadeh-Ebadi  20

Sixième incident : Relégation au centre de soutien technique  23

Septième incident : Milieu de travail et réunion de TEAM hostiles  24

Huitième incident : Refus de promotion au poste de spécialiste principal du soutien à la clientèle (employé‑pivot)  27

Neuvième incident : Absence de prise en considération d’une invalidité par le truchement d’un programme de retour au travail graduel, 2007‑2009  34

Dixième incident : Traitement lors du retour au travail en 2009  36

Onzième incident : Enquête interne et rapport de MTS  42

III. Cadre juridique – Responsabilité  46

IV. Questions en litige  52

V. Analyse – Responsabilité  53

A. Première question  53

B. Deuxième et troisième questions en litige  58

Premier incident : Remarques formulées par David Atwell  58

Deuxième incident : Refus d’accorder un deuxième ordinateur  59

Troisième incident : Rejet de demandes de formation  60

Quatrième incident : Emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash »  60

Cinquième incident : Commentaires à propos des voyages en Turquie et de l’éthique de travail de M. Alizadeh-Ebadi  61

Sixième incident : Relégation au centre de soutien technique  62

Septième incident : Milieu de travail et réunion de TEAM hostiles  62

Huitième incident : Refus de promotion au poste de spécialiste principal du soutien à la clientèle (employé-pivot)  63

Dixième incident : Traitement lors du retour au travail en 2009  64

Onzième incident : Enquête interne et rapport de MTS  65

VI. Décision  66

VII. Cadre juridique – Réparations  67

VIII. Analyse – Réparations  69

C. Quatrième question en litige  69

IX. Ordonnances  74

 


I.  Contexte

[1]  M. Kouroush Alizadeh-Ebadi a déposé auprès de la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) une plainte datée du 30 mai 2010 contre Manitoba Telecom Services Inc. (MTS), selon laquelle il aurait été victime de discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique et la religion, aux termes de l’article 3(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), lorsqu’il occupait un emploi chez MTS entre le milieu de 2001 et avril 2009; il affirme avoir été confronté à une différence de traitement préjudiciable et au harcèlement, en violation des articles 7b) et 14(1)c) de la LCDP.

[2]  Les articles 3(1), 7b), 14(1)c), 41(1)e), 49(1), 49(2), 50(1), 53, 65(1) 65(2) de la LCDP s’appliquent en l’espèce et sont libellés comme suit :

Motifs de distinction illicite

3 (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’identité ou l’expression de genre, l’état matrimonial, la situation de famille, les caractéristiques génétiques, l’état de personne graciée ou la déficience.

 Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects :

b) de le défavoriser en cours d’emploi.

(1) Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait de harceler un individu :

c) en matière d’emploi.

Irrecevabilité

 (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle‑ci irrecevable pour un des motifs suivants :

e) la plainte a été déposée après l’expiration d’un délai d’un an après le dernier des faits sur lesquels elle est fondée, ou de tout délai supérieur que la Commission estime indiqué dans les circonstances.

Instruction

49 (1) La Commission peut, à toute étape postérieure au dépôt de la plainte, demander au président du Tribunal de désigner un membre pour instruire la plainte, si elle est convaincue, compte tenu des circonstances relatives à celle‑ci, que l’instruction est justifiée.

Formation

(2) Sur réception de la demande, le président désigne un membre pour instruire la plainte. Il peut, s’il estime que la difficulté de l’affaire le justifie, désigner trois membres, auxquels dès lors les articles 50 à 58 s’appliquent.

Fonctions

 (1) Le membre instructeur, après avis conforme à la Commission, aux parties et, à son appréciation, à tout intéressé, instruit la plainte pour laquelle il a été désigné; il donne à ceux‑ci la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations.

Rejet de la plainte

53 (1) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur rejette la plainte qu’il juge non fondée.

Plainte jugée fondée

(2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

a) de mettre fin à l’acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment :

(i) d’adopter un programme, un plan ou un arrangement visés au paragraphe 16(1),

(ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en œuvre un programme prévus à l’article 17;

b) d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

c) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

d) d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte;

e) d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

Indemnité spéciale

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

Intérêts

(4) Sous réserve des règles visées à l’article 48.9, le membre instructeur peut accorder des intérêts sur l’indemnité au taux et pour la période qu’il estime justifiés.

Présomption

65 (1) Sous réserve du paragraphe (2), les actes ou omissions commis par un employé, un mandataire, un administrateur ou un dirigeant dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l’application de la présente loi, avoir été commis par la personne, l’organisme ou l’association qui l’emploie.

Réserve

(2) La personne, l’organisme ou l’association visé au paragraphe (1) peut se soustraire à son application s’il établit que l’acte ou l’omission a eu lieu sans son consentement, qu’il avait pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, il a tenté d’en atténuer ou d’en annuler les effets.

[3]  Dans sa lettre du 5 octobre 2012, la Commission a demandé au Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) d’instruire la plainte en application de l’article 49 de la LCDP.

[4]  À l’origine, l’instruction de l’affaire devait débuter à Winnipeg le matin du 18 juin 2014. La veille du début de l’audience, M. Alizadeh-Ebadi a déposé un exposé des précisions modifié avec l’ajout d’un nouveau passage au paragraphe 17 de son exposé antérieur déposé le 12 juin 2013. Ce nouveau passage portait expressément sur le motif illicite de la déficience, lequel motif n’avait pas encore été invoqué par M. Alizadeh-Ebadi dans sa plainte. Ledit passage formulait une nouvelle allégation qui ne figurait pas dans la plainte initiale et qui concernait le traitement défavorable fondé sur « la race et les antécédents de déficience », du fait de l’omission par MTS de prendre des mesures d’adaptation envers M. Alizadeh-Ebadi en lui proposant un programme de retour au travail graduel à la suite des blessures qu’il avait subies lors d’un accident d’automobile qui ne lui était pas imputable, survenu hors du lieu de travail en 2007 et qui l’avait forcé à s’absenter du travail jusqu’en 2009.

[5]  À titre préliminaire, MTS s’est opposée à cette modification dès le début de l’audience le 18 juin 2014. MTS a fait valoir que cette allégation et le motif de la déficience n’étaient pas mentionnés dans la plainte de M. Alizadeh-Ebadi et qu’à ce titre, ils n’avaient pas fait l’objet d’une enquête de la Commission et ne faisaient donc pas partie du dossier qui avait été renvoyé au Tribunal pour instruction. MTS a affirmé que le Tribunal n’en était pas adéquatement saisi dans le cadre de l’instruction de la plainte demandée par la Commission.

[6]  Une suspension de l’audience a été convenue pour permettre aux parties de discuter plus à fond de cette question entre elles. Après la reprise de l’audience plus tard ce matin‑là, M. Alizadeh-Ebadi, avec le consentement de MTS, a demandé un ajournement de l’instance pour lui permettre de se présenter à nouveau devant la Commission dans le but de demander à celle‑ci de se pencher sur une autre plainte fondée sur la nouvelle allégation figurant dans la modification proposée au paragraphe 17, y compris le motif illicite de la déficience. J’ai fait droit à la demande d’ajournement sine die de M. Alizadeh-Ebadi.

[7]  L’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a fait parvenir au Tribunal une lettre datée du 7 novembre 2014, qui portait sur l’état de l’instance. Dans sa lettre, l’avocat indiquait que M. Alizadeh-Ebadi [traduction] « a déposé une autre plainte à la Commission canadienne des droits de la personne (la CCDP) concernant notamment des allégations selon lesquelles MTS aurait agi de manière discriminatoire envers lui en raison d’une déficience ». La lettre renvoyait au fait que la Commission examinait l’affaire en lien avec l’application possible de l’article 41(1)e) de la LCDP et que la Commission ferait enquête sur l’autre plainte seulement si la question de l’article 41 était réglée.

[8]  Par la suite, la Commission a décidé de ne pas se pencher sur l’autre plainte de M. Alizadeh-Ebadi au motif qu’il y avait prescription en vertu de l’article 41(1)e) de la LCDP. Pour ce motif, l’autre plainte n’a pas fait l’objet d’une enquête et le Tribunal n’en a pas été saisi. La décision de la Commission de ne pas se pencher sur l’autre plainte n’a pas fait l’objet d’une révision judiciaire. À la suite de la décision de la Commission, M. Alizadeh-Ebadi a déposé un exposé des précisions modifié de nouveau dans lequel il avait retiré du paragraphe 17 modifié le passage qui portait sur la nouvelle allégation et les motifs illicites de la race et de la déficience qui y étaient liés. Les trois versions du paragraphe 17, dans l’exposé des précisions initial de M. Alizadeh‑Ebadi, dans son exposé des précisions modifié et dans son exposé des précisions modifié de nouveau, se présentent comme suit :

[traduction]

1. Exposé des précisions initial

Entre 2007 et le début de 2009, le plaignant a été en congé de maladie prolongé à la suite d’un grave accident d’automobile qui ne lui était pas imputable. Pendant son absence, Brenda Coutts, sa chef d’équipe à l’époque, a enlevé son ordinateur sans en sauvegarder le contenu sur un disque compact. Quand le plaignant a fait part de son insatisfaction à cet égard lors de son retour au travail, Mme Coutts lui a dit ce qui suit : « ce sont des choses qui arrivent, tant pis ». Quand il a critiqué cette réponse, Mme Coutts lui a répondu qu’il « frôlait l’insubordination ». Elle a présenté des excuses par la suite pour ses commentaires.

2. Exposé des précisions modifié

Entre 2007 et le début de 2009, le plaignant a été en congé de maladie prolongé à la suite d’un grave accident d’automobile qui ne lui était pas imputable. MTS a exigé que le plaignant rentre au travail seulement une fois qu’il serait entièrement rétabli de l’accident. MTS n’a pas permis un retour graduel au travail ni aucune autre mesure d’adaptation significative. Ce traitement de la part de ses superviseurs, y compris Wayne Horseman et Brenda Coutts, était défavorable par rapport à celui qui avait été offert à d’autres employés qui étaient retournés au travail après un congé autorisé, ce que le plaignant attribue à sa race et à ses antécédents de déficience. Pendant son absence, Brenda Coutts, sa chef d’équipe à l’époque, a enlevé son ordinateur sans en sauvegarder le contenu sur un disque compact. Quand le plaignant a fait part de son insatisfaction à cet égard lors de son retour au travail, Mme Coutts lui a dit ce qui suit : « ce sont des choses qui arrivent, tant pis ». Quand il a critiqué cette réponse, Mme Coutts lui a répondu qu’il « frôlait l’insubordination ». Elle a présenté des excuses par la suite pour ses commentaires.  

3. Exposé des précisions modifié de nouveau

Entre le 26 avril 2007 et le mois de février 2009, le plaignant a été en congé de maladie prolongé à la suite d’un grave accident d’automobile qui ne lui était pas imputable. De juin 2007 à février 2009, il a pris un congé sans solde de MTS. Le plaignant a reçu une indemnité de remplacement du revenu de la Société d’assurance publique du Manitoba (la SAPM) entre le 3 mai 2007 et le 11 avril 2008. Pendant toute la durée de l’absence du plaignant, le coordonnateur des retours au travail, Des Hathaway, et MTS ont communiqué entre eux au sujet du retour au travail du plaignant. Pendant son absence, Brenda Coutts, sa chef d’équipe à l’époque, a enlevé son ordinateur sans en sauvegarder le contenu sur un disque compact. Quand le plaignant a fait part de son insatisfaction à cet égard lors de son retour au travail, Mme Coutts lui a dit ce qui suit : « ce sont des choses qui arrivent, tant pis ». Quand il a critiqué cette réponse, Mme Coutts lui a répondu qu’il « frôlait l’insubordination ». Elle a présenté des excuses par la suite pour ses commentaires.

De plus, il convient de signaler que la partie B de l’exposé des précisions initial de M. Alizadeh-Ebadi n’a jamais été modifiée et a toujours été rédigée comme suit, sans aucune référence au motif illicite fondé sur la déficience :

[traduction]

B. Position du plaignant sur les questions juridiques

1. MTS a‑t‑elle omis de fournir un milieu de travail sans harcèlement?

Le plaignant fait valoir que MTS a omis de fournir un milieu de travail sans harcèlement.

2. Le plaignant a‑t‑il subi un traitement défavorable qui a eu des répercussions négatives sur sa carrière chez MTS?

Le plaignant fait valoir qu’il a subi un traitement défavorable en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique et de sa religion, et que cela a eu des répercussions négatives sur sa carrière.

[9]  L’audience a repris et s’est tenue à Winnipeg au cours des semaines du 2 août et du 7 novembre 2016, et pendant la semaine du 13 février 2017 ainsi que le 19 mai 2017. L’étape de la présentation de la preuve s’est terminée le 17 février 2017. Le 19 mai 2017, les parties ont présenté leurs observations orales après s’être entendues pour se transmettre leurs observations écrites et les déposer auprès du Tribunal le 15 mai.

II.  Les faits

[10]  M. Alizadeh-Ebadi se présente comme un Turc azerbaïdjanais (azéri). Il est né dans la ville d’Ourmia, dans la province de l’Azerbaïdjan occidental, en Iran. Il est de religion musulmane. Lorsqu’ils vivaient en Iran, lui et sa famille étaient persécutés par la majorité persane en raison de leur origine ethnique turque. Il a déménagé d’Iran en Turquie lorsqu’il avait 19 ans. En 1989, il s’est installé au Canada et il est devenu citoyen canadien en 1992.

[11]  M. Alizadeh-Ebadi a été engagé par MTS en mars 2000 à titre d’étudiant inscrit à un programme d’alternance travail-études à l’Université du Manitoba. À l’origine, il a été embauché pour pourvoir un poste à durée déterminée, puis est devenu un employé à temps plein de MTS, où il travaillait à la direction des systèmes d’information intégrés (SII), qui a par la suite été appelée la direction de la gestion des services de technologie de l’information (GSTI). De mars 2000 à décembre 2000, M. Alizadeh-Ebadi a travaillé à titre d’administrateur d’un réseau local d’entreprise (RLE). De décembre 2000 à avril 2001, il a été représentant du soutien technique. D’avril 2001 à juillet 2009, il a travaillé comme spécialiste des services d’information, poste qui a plus tard été renommé spécialiste du soutien à la clientèle (SSC), « échelon 2 ». Pendant toute la période pertinente, il était le seul musulman dans la direction de la GSTI, mais celle‑ci regroupait alors des employés de races, d’origines ethniques et de religions diverses. Pendant toute la période pertinente, M. Alizadeh-Ebadi était membre de l’Association des employés en télécommunications du Manitoba (TEAM).

[12]  Dans son rôle de SSC « échelon 2 », M. Alizadeh-Ebadi fournissait du soutien aux employés de MTS qui éprouvaient avec leur ordinateur des difficultés plus complexes que celles dont pouvaient s’occuper les SCC « échelon 1 » de première ligne qui travaillaient au centre de soutien technique.

[13]  M. Alizadeh-Ebadi a eu un accident d’automobile à l’extérieur du travail en novembre 2001, dont il a été déclaré non responsable à 100 %. Par suite des blessures qu’il a subies, il s’est absenté du travail jusqu’en janvier 2002, puis a suivi un programme de retour graduel au travail dans le cadre duquel il a travaillé surtout des demi‑journées jusqu’en mai 2003, lorsqu’il a recommencé à travailler des heures régulières.

[14]  En avril 2007, M. Alizadeh-Ebadi a été victime d’un autre accident d’automobile à l’extérieur du travail, dont il a également été déclaré non responsable à 100 %. En raison des blessures qu’il a subies lors de cet accident, il s’est absenté du travail jusqu’à son retour, le 23 février 2009. M. Alizadeh-Ebadi n’a pas participé à un programme de retour graduel au travail après cet accident. De juin 2007 à février 2009, M. Alizadeh-Ebadi a pris un congé sans solde de MTS, mais il a reçu des prestations de remplacement du revenu par l’entremise du Régime de protection contre les préjudices corporels du Manitoba.

[15]  Après être rentré au travail, il est tombé malade le 23 mars 2009 et, par conséquent, il a pris un congé de maladie autorisé jusqu’à ce qu’il quitte son emploi chez MTS le 25 juillet 2009.

[16]  MTS a été acquise par BCE Inc. en mars 2017, juste avant la dernière semaine de l’instruction, et est maintenant connue sous la dénomination Bell MTS. Elle est la principale entreprise de télécommunications au Manitoba et emploie plusieurs milliers d’employés au Manitoba.

[17]  Une série d’incidents (les incidents) sont survenus pendant la carrière de M. Alizadeh-Ebadi chez MTS à compter d’environ 2001 jusqu’à 2009; des éléments de preuve ont été présentés à propos de ceux‑ci au cours de l’instruction, lesquels démontrent, de l’avis de M. Alizadeh-Ebadi, que MTS s’est livrée à des actes discriminatoires à son égard, fondés des motifs illicites, comme l’indique sa plainte. À ses yeux, ces incidents ont fini par causer chez lui de l’anxiété, de la nervosité et de la dépression, situation qui a entraîné sa démission de MTS le 25 juillet 2009.

[18]  Quatorze témoins, qui étaient tous des employés ou d’anciens employés de MTS à un moment ou l’autre pendant la carrière de M. Alizadeh-Ebadi chez MTS, ont témoigné à propos de ces incidents à l’audience. Les témoins étaient les suivants : pour M. Alizadeh‑Ebadi, en plus de lui‑même, Neil Wyrchowny, Ernest Desmarais, Qwin DeBrant et Ryan Bird. Pour l’intimée, David Atwell, Stephen Grant, Glen Fryatt, Ryan Workman, Brenda Coutts, Brian Elliott, Réjean David, Caroline Taylor et Don Rooney ont témoigné.

[19]  Chacun des incidents est décrit par les titres ci‑dessous et sera précisé plus loin :

  1. Remarques formulées par David Atwell
  2. Refus de donner un deuxième ordinateur
  3. Rejet des demandes de formation
  4. Emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash »
  5. Commentaires à propos des voyages en Turquie et de l’éthique de travail de M. Alizadeh-Ebadi
  6. Relégation au centre de soutien technique
  7. Milieu de travail/réunion de TEAM hostiles
  8. Refus d’accorder une promotion au poste de spécialiste principal du soutien à la clientèle
  9. Absence de prise en considération d’une invalidité par le truchement d’un programme de retour au travail graduel, 2007‑2009
  10. Traitement lors du retour au travail en 2009
  11. Enquête interne et rapport de MTS

Premier incident : Remarques formulées par David Atwell

[20]  David Atwell était un superviseur à la direction GSTI, dans la division de la distribution du matériel et des logiciels, pendant une partie de la carrière de M. Alizadeh‑Ebadi chez MTS. Il n’a pas directement supervisé M. Alizadeh-Ebadi, étant donné qu’il était chargé de superviser directement les employés qui travaillaient dans la division de la distribution du matériel et des logiciels, laquelle fournissait du soutien matériel aux employés de MTS. M. Alizadeh-Ebadi travaillait dans la division du soutien aux postes de travail (ordinateurs de bureau) du RLE qui, comme nous l’avons indiqué, offrait du soutien logiciel aux utilisateurs d’ordinateur et qui relevait de la supervision directe de Neil Wyrchowny jusqu’en 2003, puis de Brenda Coutts (et de Brian Elliott en l’absence de Brenda Coutts), qui étaient ses superviseurs ou ses « chefs d’équipe ».

[21]  Quoique séparées, ces deux divisions relevaient d’un même directeur. Au début de la période visée par la plainte jusqu’aux alentours de 2003, Ken Barchuck était le directeur. Il a été suivi à ce titre par Rob Pettit jusqu’aux alentours de 2005, puis par Wayne Horseman. Les deux divisions interagissaient de diverses façons pour répondre aux besoins des employés de MTS en matière de technologie des systèmes d’information. David Atwell interagissait donc avec M. Alizadeh-Ebadi en milieu de travail et ils communiquaient de temps à autre pour des raisons liées au travail et dans un cadre plus décontracté, comme lors des pauses café et repas à la cafétéria. MTS avait plusieurs lieux de travail à Winnipeg et M. Alizadeh-Ebadi et David Atwell se déplaçaient entre certains de ces lieux de travail pendant la période visée par la présente plainte.

[22]  J’accepte le témoignage à l’audience de M. Alizadeh-Ebadi et d’autres témoins, selon lesquels David Atwell a fait des remarques désobligeantes et insultantes à M. Alizadeh-Ebadi ou au sujet de celui‑ci, y compris des commentaires à la suite des événements tragiques causés par les attaques terroristes du 11 septembre, par lesquels il insinuait que M. Alizadeh-Ebadi était un membre d’Al‑Qaïda et un terroriste.

[23]  Les mots exacts qui ont été prononcés, la fréquence à laquelle les remarques ont été formulées, la durée pendant laquelle ces propos se sont poursuivis et la possibilité que la direction de MTS en ait eu connaissance ont fait l’objet de diverses versions présentées par les différents témoins. Un certain nombre de témoins ont déclaré sous serment qu’il leur était difficile de se souvenir de certaines choses avec une clarté ou une certitude absolue, étant donné qu’il s’était écoulé beaucoup de temps depuis les incidents.

[24]  À partir des éléments de preuve examinés, je conclus qu’autour des attentats du 11 septembre et pendant la période qui a suivi, David Atwell a fait des remarques au travail à M. Alizadeh‑Ebadi ou au sujet de celui‑ci, notamment les suivantes : [traduction] « Kouroush, quand vas‑tu nous montrer ta carte de membre d’Al‑Qaïda? » (à plusieurs reprises); « nous devrions jeter un coup d’œil sur le lunch de Kouroush pour voir s’il ne contient pas une bombe »; « ne mettez pas Kouroush en colère, parce qu’il va faire écraser un avion sur l’édifice »; Kouroush était une « cellule dormante »; et que tout irait mieux « si nous bombardions le Moyen‑Orient pour qu’il retourne à l’âge de la pierre ». Outre le fait que David Atwell a fait ces remarques directement à M. Alizadeh‑Ebadi, certaines d’entre elles ont également été formulées devant d’autres employés et de nombreux employés étaient au courant du fait que David Atwell en était l’auteur.

[25]  À l’audience, David Atwell a prétendu qu’il ne se souvenait pas d’avoir fait à M. Alizadeh-Ebadi les remarques décrites au paragraphe 24 ci‑dessus, à cause de ses troubles de mémoire. Il a admis qu’il avait probablement tenu ces propos, étant donné que d’autres témoins qui avaient témoigné sous serment à l’audience, comme Neil Wyrchowny, avaient affirmé qu’il a fait certaines de ces remarques (les insinuations sur Al‑Qaïda en particulier). Il a également admis qu’il était possible qu’il ait tenu certains des autres propos mentionnés au paragraphe 24 ci‑dessus. Il a admis qu’il a eu tort de faire ces remarques, il a précisé qu’il comprenait qu’elles étaient blessantes pour M. Alizadeh-Ebadi et il s’est dit désolé de les avoir prononcées et d’avoir blessé M. Alizadeh-Ebadi. Il a présenté les excuses ci‑dessous à M. Alizadeh-Ebadi au cours de l’audience :

[traduction] « M. Ebadi, je sais que les choses que j’ai dites à l’époque étaient blessantes et déplacées. J’aimerais vous présenter mes excuses et vous demander sincèrement de me pardonner si vous le pouvez. Si vous ne le pouvez pas, je comprendrai tout à fait, mais j’aimerais vous présenter personnellement mes excuses pour cette période de ma vie et de la vôtre. »

Après avoir présenté les excuses ci‑dessus en interrogatoire principal à l’audience, il a plus tard déclaré ce qui suit en réponse à des questions en contre-interrogatoire :

[traduction] « J’ai admis hier que les commentaires que j’ai formulés étaient inappropriés, qu’ils étaient déplacés et qu’ils étaient blessants. Je maintiens ces excuses et j’espère que Kouroush pourra les accepter. J’espère qu’il aura la bonté de me pardonner à un moment donné dans sa vie, mais par contre, je comprendrai s’il n’y arrive pas. Je ne conteste pas le fait que j’ai mal agi. »

[26]  Dans ses observations, MTS a affirmé qu’elle [traduction] « ne conteste pas qu’au cours des jours qui ont suivi le 11 septembre et jusqu’en 2003 (la « période en cause »), M. Atwell a fait des commentaires inappropriés à M. Alizadeh-Ebadi, lesquels étaient fondés sur son origine ethnique. MTS ne conteste pas que des propos de cette nature constituent du harcèlement au sens de la Loi. » Elle a également ajouté ce qui suit : [traduction] « Nous avons conclu à l’existence de harcèlement en raison de cinq ou six commentaires à propos d’une carte d’Al‑Qaïda et, je crois, un autre prétendant que M. Alizadeh‑Ebadi aurait apporté une bombe au travail dans la foulée du 11 septembre, un moment très sensible. Ces cinq ou six commentaires à ce moment‑là constituaient du harcèlement, nous le reconnaissons. C’est au Tribunal qu’il incombe de déterminer l’ampleur que la situation a prise. Nous n’admettons rien de plus. »

[27]  J’accepte les témoignages entendus à l’audience, selon lesquels David Atwell a aussi, pendant une certaine période, régulièrement fait des commentaires dérogatoires et dénigrants, dont certains étaient racistes, à propos d’autres personnes au travail. Il a notamment fait une remarque à un employé issu d’une Première Nation selon laquelle il travaillait selon « la ponctualité à l’indienne », laissant entendre qu’il était paresseux. Il a également fait des remarques à un employé mennonite insinuant que les enseignements et les pratiques des Mennonites étaient hypocrites en ce qui concerne la consommation d’alcool.

[28]  Il est inutile de se pencher plus longuement sur les remarques désobligeantes que David Atwell a faites à propos d’autres personnes, étant donné que la présente instance concerne M. Alizadeh-Ebadi, mais ces faits sont relatés pour des raisons contextuelles. David Atwell lui‑même et de nombreux autres témoins à l’audience ont fait état de son comportement déplacé chez MTS et ont qualifié David Atwell de [traduction] « crétin de l’égalité des chances » et de « brute de cours d’école » qui tenait régulièrement au travail des propos à caractère ethnique et d’autres commentaires négatifs qu’il considérait comme des « blagues » dans l’ambiance de « vestiaire » qui régnait alors chez MTS.

[29]  Selon le témoignage de David Atwell lui‑même et d’autres témoins, il était alors bruyant, brutal et vulgaire, il choisissait une cible comme M. Alizadeh-Ebadi et il s’en prenait à elle dès qu’il en avait l’occasion et il faisait régulièrement des « blagues » à propos des origines ethniques et de la race entre quatre et 12 fois par jour. David Atwell a reconnu dans son témoignage qu’il était alors [traduction] « parfaitement inconscient de ses actes et de leurs conséquences pour ses collègues de travail ».

[30]  Dans son témoignage, David Atwell a expliqué qu’il venait d’un milieu militaire. Il avait été membre de la Réserve de l’armée canadienne pendant 31 ans. Il était lieutenant‑colonel lors de sa retraite en 2013. Il était commandant du régiment Fort Garry Horse à Winnipeg au moment des attentats terroristes du 11 septembre et il avait entraîné et supervisé bon nombre des soldats de Winnipeg qui avaient servi en Afghanistan. Il a indiqué que son comportement chez MTS au moment des événements du 11 septembre et pendant une certaine période par la suite, jusqu’à ce qu’il commence à changer grâce au mentorat de Wayne Horseman, s’expliquait en partie par ses antécédents de militaire strict et en partie par des problèmes personnels avec lesquels il était aux prises à l’extérieur du travail et à la maison.

[31]  À la lumière de la preuve, y compris du témoignage de M. Alizadeh-Ebadi, je conclus que les remarques faites par David Atwell et mentionnées au paragraphe 24 ci‑dessus ont été formulées en raison de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion de M. Alizadeh-Ebadi et qu’elles étaient graves, constantes et profondément blessantes pour M. Alizadeh-Ebadi, qui s’en est plaint à David Atwell et à d’autres.

[32]  Neil Wyrchowny, qui a été témoin des remarques concernant « la carte de membre d’Al‑Qaïda », a dit à M. Atwell à ce moment‑là que ses propos étaient complètement déplacés et qu’il devrait s’abstenir de formuler des commentaires de ce genre. M. Atwell a tourné en dérision la remontrance de Neil Wyrchowny à propos de ses remarques et il a continué de se comporter de façon négative pendant un certain temps, même s’il savait que M. Alizadeh-Ebadi s’opposait à ses propos.

[33]  À l’époque, Neil Wyrchowny n’a pas signalé les remarques sur Al‑Qaïda à son superviseur Ken Barchuck ni à un supérieur de celui‑ci au sein de la direction de MTS, parce qu’il pensait que cela n’aurait rien changé, étant donné qu’il était d’avis que la direction affichait alors une attitude indifférente à l’égard de ces questions.

[34]  Rien dans la preuve n’indique qu’une plainte écrite a été faite à la direction de MTS au sujet des commentaires et du comportement insultants de David Atwell envers M. Alizadeh-Ebadi avant la plainte interne de 2009 qui a donné lieu à l’enquête interne Taylor menée au sein de MTS, dont nous parlerons ultérieurement dans la présente décision, même si de nombreux collègues de M. Alizadeh-Ebadi étaient au courant des commentaires et savaient que M. Alizadeh-Ebadi ne les appréciait pas. La preuve a établi que la direction avait pris des mesures disciplinaires à l’endroit d’autres employés, y compris Neil Wyrchowny, lorsqu’elle a réellement reçu des plaintes écrites au sujet de comportements déplacés d’employés qui avaient contrevenu à la politique de MTS, en vigueur à l’époque, sur le respect en milieu de travail.

[35]  Cependant, il ressort des éléments de preuve que la direction de MTS était au courant ou aurait dû être au courant du comportement qu’avait David Atwell envers M. Alizadeh-Ebadi à l’époque où il lui faisait ces remarques. En fait, David Atwell a admis en contre‑interrogatoire que la direction [traduction] « aurait dû savoir ». Stephen Grant, un témoin crédible assigné par MTS, a affirmé sous serment qu’il [traduction] « est plus que probable que la direction était au courant » des gestes déplacés de David Atwell. De plus, la preuve démontre qu’après le remplacement de Rob Pettit par Wayne Horseman aux alentours de 2005, M. Horseman a agi comme mentor auprès de David Atwell pour l’aider à modifier son comportement, ce qui donne à penser qu’il savait que la conduite de David Atwell au travail devait changer. J’accepte la preuve des propres témoins de MTS, selon laquelle MTS était au courant ou aurait dû être au courant du fait que David Atwell se comportait à ce moment‑là, bien avant l’enquête interne menée par MTS en 2009, en harceleur à l’égard de M. Alizadeh-Ebadi et qu’il avait une attitude intolérante envers lui en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion.

[36]  À la lumière de la preuve, je conclus qu’il est probable que la fréquence et la constance des commentaires et des comportements blessants fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique ou la religion que David Atwell a eus envers M. Alizadeh-Ebadi ne se limitaient pas à un, deux ou trois incidents précis comme les remarques au sujet de la carte de membre d’Al‑Qaïda et du terrorisme. Ils ont été plus fréquents et constants que cela, en particulier vu le propre témoignage de David Atwell à propos de la fréquence de ses propos ethniques en général, au paragraphe 29 ci‑dessus, ainsi que la déposition sous serment de M. Alizadeh-Ebadi et d’autres témoins quant à la fréquence des commentaires qui visaient expressément M. Alizadeh-Ebadi.

[37]  Bien que les remarques racistes ou ethniques ouvertes, directes et explicites de David Atwell insinuant notamment que M. Alizadeh-Ebadi était membre d’Al‑Qaïda, comme nous l’avons vu au paragraphe 24 ci‑dessus, semblent avoir cessé à un moment donné en 2003, je crois que David Atwell a probablement persisté dans son mauvais comportement envers M. Alizadeh-Ebadi pendant un certain temps, parce qu’à cette époque, David Atwell était intolérant face à sa race, à son origine nationale ou ethnique ou à sa religion.

[38]  Je crois que David Atwell, de son propre aveu au sujet de son comportement en général à l’époque et du fait qu’il faisait fréquemment des « blagues » ethniques au travail et vu les excuses qu’il a présentées à l’audience, était un raciste à ce moment‑là et qu’il lui a fallu par la suite un certain temps avant de changer et de mettre fin à ses propos et à son comportement insultants envers M. Alizadeh-Ebadi et d’autres.

[39]  La preuve n’indique pas clairement à partir de quand exactement ce changement a commencé à s’opérer. M. Alizadeh-Ebadi a affirmé sous serment que le comportement négatif de David Atwell envers lui s’est poursuivi très longtemps après les attentats du 11 septembre, mais il a donné peu d’exemples concrets, à l’exception des propos racistes mentionnés au paragraphe 24 ci‑dessus, des incidents mettant en cause David Atwell et qui ont mené au refus de lui donner un deuxième ordinateur, de la formation dans le cadre du projet Win2K et de l’emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash » dont il est question plus loin dans la décision. Il n’est fait mention d’aucun commentaire raciste de la part de David Atwell dans les procès‑verbaux des assemblées du syndicat TEAM en 2005, que nous traiterons ultérieurement dans la présente décision, ni dans les observations de M. Alizadeh-Ebadi au sujet du milieu de travail dans les évaluations de son rendement qui ont été réalisées en 2004, 2005 et 2006.

[40]  Un changement organisationnel qui s’est produit autour de 2003 a limité les interactions verbales entre David Atwell et M. Alizadeh-Ebadi. Rob Pettit a pris sa retraite au cours de la première moitié de 2005 et il a été remplacé par Wayne Horseman, qui est devenu le mentor de David Atwell afin de l’aider à changer son comportement. Selon l’un des témoins de M. Alizadeh-Ebadi, le comportement harcelant de David Atwell envers M. Alizadeh-Ebadi s’est poursuivi jusqu’en 2010, mais cela ne paraît pas possible. De nombreux témoins des deux parties ont indiqué que le changement de comportement de David Atwell s’est produit autour de 2004. Je crois qu’à ce moment‑là ou peu de temps après, David Atwell a cessé de harceler M. Alizadeh-Ebadi.

[41]  De nombreux témoins qui ont relaté à quel point le comportement de David Atwell était déplorable au début de la période visée par la présente plainte ont également affirmé sous serment que David Atwell était une personne transformée, qui ne se comportait plus comme avant depuis un certain temps. C’est également ce que David Atwell a déclaré sous serment à propos de lui‑même. Il est à souhaiter que les excuses et les regrets qu’il a exprimés (voir le paragraphe 25 ci‑dessus) pour son comportement passé envers M. Alizadeh-Ebadi sont sincères, tout comme son affirmation selon laquelle il est une personne transformée, mais qui chemine pour continuer à essayer de devenir une meilleure personne.

[42]  La preuve ne démontre pas qu’une autre personne quelconque chez MTS a fait des remarques insultantes portant sur la race, l’origine ethnique ou la religion à M. Alizadeh-Ebadi ou à son sujet pendant son emploi. Malheureusement, M. Alizadeh‑Ebadi a été blessé par les propos intolérants de David Atwell, lesquels étaient fondés sur sa race, son origine nationale ou ethnique ou sa religion. J’accepte les témoignages de David Atwell et Stephen Grant, qui étaient tous deux les propres témoins de MTS, selon lesquels MTS était au courant du comportement de David Atwell visé au paragraphe 35 ci‑dessus. Ces témoignages portaient sur une période au cours de laquelle MTS n’avait pris aucune mesure pour mettre un terme au comportement de David Atwell envers M. Alizadeh-Ebadi, soit bien avant l’enquête interne de MTS au sujet des propos et du comportement de David Atwell en 2009.

Deuxième incident : Refus de donner un deuxième ordinateur

[43]  Peu de temps après que M. Alizadeh-Ebadi est devenu un employé permanent en juin 2001, il a demandé un deuxième ordinateur pour exécuter diverses tâches, notamment afin de faire l’essai de nouveaux systèmes logiciels et d’effectuer des recherches pour MTS ainsi qu’à des fins éducatives, afin de pouvoir conserver son important certificat d’ingénieur-système certifié par Microsoft (MCSE). Il était plus efficace pour lui d’effectuer les travaux de mise à l’essai et de recherche mentionnés ci‑dessus à l’aide d’un ordinateur distinct de celui dont il se servait pour s’acquitter de ses tâches essentielles, qui consistaient à répondre à des demandes de dépannage (« tickets ») pour tenter de régler les problèmes informatiques des employés de MTS. Beaucoup d’autres SSC disposaient d’un deuxième ordinateur pour faire ce travail.

[44]  La demande d’un deuxième ordinateur au nom de M. Alizadeh-Ebadi a été adressée par Neil Wyrchowny à David Atwell, de qui relevait la distribution du matériel, y compris des deuxièmes ordinateurs. La démarche était conforme au protocole établi en la matière, comme l’a déclaré sous serment David Atwell, c’est‑à‑dire au moyen d’une demande par le chef d’équipe. La demande visait un ordinateur d’occasion ou recyclé qui était disponible, pas un ordinateur neuf. MTS vendait ses ordinateurs recyclés ou s’en départait, mais elle en conservait toujours un certain nombre en stock avant de les vendre ou d’en disposer.

[45]  David Atwell a rejeté la demande de Neil Wyrchowny et les demandes subséquentes faites par M. Alizadeh-Ebadi dans le but d’obtenir un deuxième ordinateur. Diverses raisons ont été invoquées pour justifier le rejet de la demande de deuxième ordinateur, y compris l’ordre de la direction de ne pas fournir de deuxième ordinateur en l’absence d’une solide analyse de rentabilisation, et aussi pour donner l’exemple.

[46]  David Atwell a déclaré sous serment qu’aucune analyse de rentabilisation suffisamment détaillée n’avait été fournie, même si la preuve démontrait que Neil Wyrchowny avait fait la demande au nom de M. Alizadeh-Ebadi dans un courriel à David Atwell pour ce qui semble être des raisons professionnelles légitimes, à savoir pour conserver sa précieuse certification MCSE.

[47]  Au moment de la demande, il y avait en entreposage pas moins de 200 à 300 ordinateurs recyclés disponibles. Selon la preuve, contrairement à M. Alizadeh‑Ebadi, bon nombre de ses collègues de travail se contentaient simplement de prendre un deuxième ordinateur dans l’entrepôt et de l’utiliser sans en faire la demande à David Atwell et sans avoir de problème. Un témoin a affirmé sous serment que David Atwell lui avait dit ce qui suit : [traduction] « Tu n’as qu’à en prendre un. » Neil Wyrchowny n’a pu se souvenir d’une autre personne à qui on aurait refusé un deuxième ordinateur  demandé par un superviseur.

[48]  À mon avis, compte tenu de la preuve, les raisons pour lesquelles David Atwell a refusé de remettre le deuxième ordinateur à ce moment‑là ne sont pas convaincantes. Je crois que le refus de David Atwell, alors que beaucoup d’autres employés dans la même situation que M. Alizadeh-Ebadi avaient un deuxième ordinateur recyclé pour les mêmes raisons que celles qu’il avait invoquées, était au moins partiellement imputable à l’attitude intolérante qu’avait David Atwell à ce moment‑là envers M. Alizadeh-Ebadi à cause de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion, comme l’atteste la preuve du comportement de David Atwell à l’égard de M. Alizadeh-Ebadi à l’époque, lequel est décrit sous la rubrique du premier incident ci‑dessus.

Troisième incident : Rejet de demandes de formation

[49]  Cet incident a été considérablement circonscrit à l’audience afin de faire référence au rejet par David Atwell d’une demande transmise au nom de M. Alizadeh-Ebadi par le superviseur de celui‑ci, Neil Wyrchowny, afin que M. Alizadeh-Ebadi soit intégré au projet « Win2K » relatif au nouveau système d’exploitation de Microsoft à cette époque.

[50]  David Atwell a admis dans son témoignage qu’il aurait pu intégrer M. Alizadeh‑Ebadi à ce projet. Cela aurait pu justifier l’octroi d’un deuxième ordinateur à  M. Alizadeh-Ebadi. Compte tenu de la preuve, il ne semble pas y avoir eu de justification factuelle, à mon avis, pour expliquer le rejet de cette demande présentée au nom de M. Alizadeh-Ebadi par son superviseur à l’époque, Neil Wyrchowny.

[51]  À mon avis, le fait que David Atwell ait rejeté cette demande est étroitement lié à son rejet de la demande d’un deuxième ordinateur, qui est expliqué ci‑dessus. J’estime que ce refus de la part de David Atwell était au moins partiellement imputable à l’attitude et au comportement intolérants que celui‑ci avait adoptés à cette époque envers M. Alizadeh-Ebadi en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion. Ce refus concorde avec le comportement inapproprié que David Atwell a admis dans ses excuses à M. Alizadeh-Ebadi, mentionnées au paragraphe 25 ci‑dessus.

Quatrième incident : Emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash »

[52]  En juin 2001, avant le premier accident d’automobile de M. Alizadeh-Ebadi, un de ses collègues de travail a envoyé un courriel élogieux au sujet de son travail dans lequel il le nommait « Kurash ». Il a pu s’agir d’une erreur ou d’un jeu de mot sur son nom à caractère ethnique, mais M. Alizadeh-Ebadi a fait savoir à ses collègues de travail qu’il ne l’avait pas apprécié et le nom n’a plus été employé pendant un certain temps.

[53]  Après le premier accident d’automobile du plaignant, durant la période de son retour graduel au travail, diverses personnes, dont David Atwell, se mettaient à utiliser le nom « Krash » ou « Crash » ou « Kourash ».

[54]  M. Alizadeh-Ebadi n’appréciait pas l’emploi de ces « surnoms » et il a dit à ses collègues de travail qu’il n’aimait pas qu’ils se servent de ces noms, mais ils ont continué à les utiliser de manière intermittente pendant sa carrière chez MTS.

[55]  Le « surnom » a été employé la dernière fois dans l’objet d’un courriel que Glen Fryatt lui a fait parvenir par l’intermédiaire de Brenda Coutts à son retour au travail en 2009 et qui concernait la perte de son identifiant d’accès (situation expliquée plus tard).

[56]  M. Alizadeh-Ebadi a affirmé sous serment qu’il pensait que l’emploi de ces noms le tournait en ridicule et lui rappelait de mauvais souvenirs des blessures très graves et douloureuses qu’il avait subies dans des accidents d’automobile dont il avait été déclaré non responsable.

[57]  Plusieurs témoins à l’audience, y compris Brenda Coutts, Glen Fryatt et David Atwell, ont affirmé sous serment qu’ils avaient compris rétrospectivement que ces surnoms n’étaient pas élogieux, contrairement à d’autres « surnoms » employés au travail qui pouvaient être plaisants ou même flatteurs. Ils ont déclaré qu’ils pouvaient comprendre, avec le recul, pourquoi M. Alizadeh-Ebadi ne voulait pas être désigné par ces noms insensés et déplacés, compte tenu de ses accidents d’automobile et de ses blessures graves.

[58]  Glen Fryatt a déclaré sous serment qu’il avait présenté des excuses à M. Alizadeh‑Ebadi dans le corridor à l’extérieur de la salle d’audience pour avoir employé les « surnoms ». Dans son témoignage, Brenda Coutts a indiqué que le fait d’avoir transmis le courriel de Glen Fryatt à M. Alizadeh-Ebadi avec le mot « Kurash » en objet méritait des excuses. David Atwell a déclaré sous serment qu’il [traduction] « a essayé d’arrêter », mais il est impossible de savoir quand cela se serait produit.

[59]  À toutes les époques en cause au cours de la période visée par cette plainte, MTS était dotée d’une politique sur le respect en milieu de travail. Les « surnoms » contrevenaient peut‑être à cette politique, mais aucune plainte officielle au regard de cette politique n’a été formulée par M. Alizadeh-Ebadi ou par une autre personne à leur sujet, avant la plainte interne reçue par MTS en 2009 qui a déclenché l’enquête Taylor dont nous parlerons ultérieurement dans la présente décision.

[60]  J’accepte la déposiion des témoins à l’audience, selon laquelle l’emploi des « surnoms » découlait de la conduite automobile de M. Alizadeh-Ebadi et de ses accidents et n’était pas lié à sa race, à son origine ethnique ou à sa religion. J’accepte aussi le fait qu’ils étaient blessants et inacceptables pour M. Alizadeh-Ebadi, étant donné qu’ils concernaient des accidents d’automobile qui lui avaient causé des blessures graves.

Cinquième incident : Commentaires à propos des voyages en Turquie et de l’éthique de travail de M. Alizadeh-Ebadi

[61]  Dans sa plainte et dans son exposé des précisions modifié de nouveau, le plaignant affirme que Brian Elliott a fait de nombreux commentaires négatifs et insultants dans le milieu de travail, laissant sous‑entendre que M. Alizadeh-Ebadi [traduction] « feignait » la maladie et faisait des voyages en Turquie durant ses congés de maladie et que son éthique de travail était douteuse.

[62]  La période mentionnée dans la plainte au cours de laquelle ces commentaires auraient été faits par Brian Elliott se situait après le premier accident d’automobile et plus particulièrement à l’automne 2005. Selon la plainte de M. Alizadeh-Ebadi, un autre employé aurait à cette époque entendu par hasard Brian Elliott dire que le plaignant [traduction] « feignait la maladie et se payait probablement un voyage en Turquie » alors qu’il était en congé de maladie.

[63]  À l’audience, plusieurs témoins ont affirmé sous serment que Brenda Coutts a aussi tenu des propos désobligeants et négatifs dans le milieu de travail en laissant entendre que M. Alizadeh-Ebadi feignait des blessures et faisait des voyages en Turquie quand il était en congé de maladie; elle remettait également en question son éthique de travail et son engagement envers son travail. Lors de leur témoignage, Brian Elliott et Brenda Coutts ont tous deux nié avoir fait ces commentaires.

[64]  Brian Elliott a admis dans son témoignage qu’il n’était pas [traduction] « emballé par l’éthique de travail de Kouroush » durant les premières années, même s’il ne l’a pas supervisé et ne pouvait expliquer concrètement les raisons de cette opinion ni les impressions sur lesquelles elle était fondée.

[65]  Plusieurs des camarades de M. Alizadeh-Ebadi ont affirmé sous serment qu’il y avait beaucoup de potins et de commérages parmi ses collègues de travail à cause de l’impression selon laquelle M. Alizadeh-Ebadi feignait la maladie et faisait des voyages en Turquie pendant qu’il était en congé de maladie. La preuve a démontré qu’en raison de cette impression, certains de ses camarades n’appréciaient pas M. Alizadeh-Ebadi, étant donné que ses congés de maladie les obligeaient à travailler davantage et à subir une plus grande pression pour pallier ses absences.

[66]  Rien dans les éléments de preuve produits ne permet de conclure que les absences du travail de M. Alizadeh-Ebadi pour des raisons de maladie étaient injustifiées de quelque façon que ce soit d’un point de vue médical, que les blessures découlant d’accidents d’automobile n’étaient pas réelles ou que les voyages qu’il a faits en Turquie, y compris pour rendre visite à sa mère malade, étaient illégitimes de quelque manière que ce soit. De plus, rien dans le témoignage de ses superviseurs, Neil Wyrchowny et Brenda Coutts, ne donne à penser que M. Alizadeh-Ebadi avait un mauvais rendement ou une éthique de travail douteuse. Ses évaluations de rendement par Brenda Coutts étaient généralement positives.

[67]  La preuve était contradictoire en ce qui concerne cet incident. Tout compte fait, je ne doute pas de la crédibilité de Brian Elliott et Brenda Coutts lorsqu’ils nient avoir tenu ces propos; cette dénégation est plus cohérente et convaincante que les comptes rendus de cet incident relatés par d’autres personnes. Brian Elliott et Brenda Coutts n’ont pas paru hésiter dans leur témoignage à cet égard et, à mon avis, leurs démentis ont été crédibles.

[68]  En revanche, il y avait des imprécisions et des incohérences dans les témoignages d’autres personnes au sujet de l’auteur des commentaires ainsi que du moment et du lieu où ils ont été prononcés. À titre d’exemple, Ryan Workman qui, selon M. Alizadeh-Ebadi, aurait entendu les propos de Brian Elliott en 2005, n’a pas pu se souvenir dans son témoignage qu’ils avaient réellement été prononcés. Neil Wyrchowny a rendu un témoignage très vague dans lequel il a laissé entendre qu’il venait tout récemment de se souvenir que ces propos avaient été tenus par Brian Elliott, mais il ne se souvenait ni du lieu ni du moment. Des années auparavant, Neil Wyrchowny avait dit à un enquêteur de la Commission qu’il ne se souvenait pas de ces propos.

[69]  Quoi qu’il en soit, je ne trouve aucune preuve permettant de conclure que ces commentaires, à supposer qu’ils aient été prononcés, avaient un rapport avec la race, l’origine ethnique ou la religion de M. Alizadeh-Ebadi. Aucun élément de preuve n’a été produit pour démontrer que Brian Elliott ou Brenda Coutts ont tenu des propos racistes, à caractère ethnique ou antimusulmans à M. Alizadeh-Ebadi ou au sujet de celui‑ci. Je ne puis non plus déduire qu’ils auraient pu être influencés par les remarques racistes attribuables à David Atwell, qui sont mentionnées au paragraphe 24 ci‑dessus, et qu’ils ont agi de manière discriminatoire envers M. Alizadeh-Ebadi en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion.

Sixième incident : Relégation au centre de soutien technique

[70]  Comme nous l’avons vu ci‑dessus, il existait deux « échelons » pour le poste de SSC. Les SSC de l’échelon 1 travaillaient au « centre de soutien technique » et s’efforçaient de régler les problèmes auxquels faisaient face les utilisateurs d’ordinateur en « première ligne », pour ainsi dire. Si le centre de soutien technique ne réussissait pas à régler le problème, il le renvoyait aux SSC de l’échelon 2, qui recevaient un « ticket » (c.‑à‑d. une demande de dépannage) pour tenter de le régler. Ainsi, le travail le plus complexe était dans l’ensemble effectué par les SSC de l’échelon 2 et les gens avaient l’impression que le centre de soutien technique était une « rétrogradation » pour les SSC de l’échelon 2.

[71]  Le plaignant a soulevé cette question dans sa plainte en faisant mention d’une période en 2005 au cours de laquelle Brenda Coutts, Brian Elliott et Rob Pettit auraient essayé de le [traduction] « caser » à un poste au centre de soutien technique, mais sans succès en raison des efforts déployés par ses collègues pour les en empêcher. Cette question n’a pas été mentionnée dans l’exposé des précisions modifié de nouveau.

[72]  À l’audience, la preuve a démontré que M. Alizadeh-Ebadi faisait partie des quelques SSC de l’échelon 2 ayant travaillé à tour de rôle au centre de soutien technique pendant plusieurs mois.

[73]  À l’époque, l’entreprise avait indiqué que cette initiative avait pour but de fournir une formation polyvalente aux SSC pour accroître leur expérience et leurs connaissances afin de mieux servir les utilisateurs. Toutefois, certains témoins ont également déclaré sous serment que les gens choisis en premier par MTS pour une rotation au centre de soutien technique étaient ceux qui étaient réputés faire partie de la [traduction] « liste des cancres » de la direction et qui étaient punis pour leur mauvais rendement et les ennuis qu’ils causaient.

[74]  Brenda Coutts, qui a choisi les employés de son groupe appelés à travailler au centre de soutien technique, a affirmé sous serment que M. Alizadeh-Ebadi n’était pas en conflit avec elle à cette époque, mais qu’il avait été l’un des employés qui y a travaillé pendant plusieurs mois.

[75]  Même si cette affaire n’a pas fait l’objet d’un grief, il est évident que de nombreux employés touchés par l’initiative du centre de soutien technique ont exprimé leurs préoccupations et leur opposition. MTS a mis fin à cette initiative autour de 2005, notamment à cause de ces préoccupations et de cette opposition.

[76]  Il convient de signaler que M. Alizadeh-Ebadi et un autre témoin qui avait travaillé au centre de soutien technique ont indiqué que leur expérience au centre de soutien technique avait en fait été utile. De plus, des employés qui ne présentaient aucune caractéristique protégée ont fait partie du groupe qui y a travaillé.

[77]  Selon la preuve, un groupe d’employés, et non M. Alizadeh‑Ebadi seul, a été choisi pour cette initiative. La preuve ne me permet pas de conclure que M. Alizadeh-Ebadi a été envoyé au centre de soutien technique en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion.

Septième incident : Milieu de travail et réunion de TEAM hostiles

[78]  Même s’il ne s’agit pas d’un incident en tant que tel, cette question porte sur l’impression qu’avaient M. Alizadeh-Ebadi et d’autres témoins au sujet des conditions qui régnaient dans leur service à l’époque de Rob Pettit et que certains ont décrites comme [traduction]  « toxiques ». Cette question n’a pas été mentionnée dans la plainte ni dans l’exposé des précisions modifié de nouveau.

[79]  Le 14 septembre 2004, une réunion a été organisée par M. Alizadeh-Ebadi et par un certain nombre de ses collègues de travail qui étaient aussi membres de TEAM. Le procès‑verbal de cette réunion a été produit en preuve à l’audience. De nombreux employés qui ont assisté à cette réunion, dont M. Alizadeh-Ebadi, Neil Wyrchowny, Stephen Grant, Ryan Workman, Qwin DeBrant et Ernest Desmarais, ont témoigné à l’audience. Selon le procès‑verbal, les questions suivantes ont été abordées avec les délégués syndicaux de TEAM qui étaient aussi présents à la réunion :

1. Changement de titres de poste et combinaison d’échelles salariales;

2. Affectations intérimaires : choix et durée;

3. Choix et rémunération des SSC désignés comme employés-pivots dans un lieu de travail en particulier;

4. Intimidation : activement encouragée par Rob Pettit : système disciplinaire de la « quarantaine » pour les employés qui contestaient et qui devenaient des « cibles »; les employés « privilégiés » obtenaient les possibilités d’emploi et d’avancement;

5. Formation : absence de formation pertinente et formation offerte aux employés « privilégiés »;

6. Différences dans la rémunération;

7. Idées novatrices non acceptées;

8. Attentes irréalistes en matière de rendement au travail;

9. Règles différentes pour les TB et les TI;

10. Travail centré sur le processus et non sur la clientèle : Rob Pettit a une politique immuable de la porte fermée;

11. Manque de confiance envers l’équipe de direction de la SGSTI;

12. Problèmes de dotation : postes vacants non pourvus ou pourvus par des employés « intérimaires », ce qui entraîne des niveaux de stress insupportables.

[80]  Les points 1 et 6 ci‑dessus ont été les deux seules questions discutées sous la rubrique « priorités » dans le procès‑verbal de la réunion.

[81]  Les propos tenus par M. Alizadeh-Ebadi au cours de la réunion ont été relatés comme suit dans le procès‑verbal : [traduction] « Nouveaux postes (promotions/avancements) créés : habituellement des postes intérimaires. »

[82]  Aucune des affaires soulevées pendant la réunion n’a donné lieu à un grief fondé sur la convention collective avec MTS. Brenda Coutts a affirmé sous serment qu’elle avait été mise au courant de la réunion et du procès‑verbal après le fait et que la direction était probablement au courant des questions discutées, mais que MTS n’a fait aucun suivi pour régler l’un ou l’autre de ces problèmes, à part de mettre fin à l’initiative de rotation au centre de soutien technique.

[83]  Dans son témoignage, Ryan Workman a indiqué que Brian Elliott lui avait dit de ne pas déposer de grief au sujet de la question du centre de soutien technique et [traduction] « de ne pas faire de vagues ». Ryan Workman a affirmé sous serment que le climat de travail s’est amélioré après la retraite de Rob Pettit.

[84]  Dans son témoignage, Ryan Workman, qui était un témoin très crédible, a déclaré qu’au moment de la réunion, la conduite de certains membres du groupe des employés faisant partie du groupe [traduction] « des moutons noirs », dont il faisait partie avec M. Alizadeh-Ebadi et plusieurs autres, était loin d’être exemplaire, parce qu’ils faisaient des choses comme prolonger la pause déjeuner et prendre d’autres pauses qui n’étaient pas permises.

[85]  Le procès‑verbal et la preuve concernant la réunion indiquent clairement que M. Alizadeh-Ebadi et ses collègues de travail de l’époque étaient insatisfaits et frustrés de certaines des conditions qui existaient en raison d’actes ou de l’inaction de la direction de MTS, surtout à cause du style de gestion de Rob Pettit.

[86]  M. Alizadeh-Ebadi et certains de ses collègues qui ont témoigné à l’audience pensaient qu’ils étaient inscrits sur une [traduction] « liste de cancres » de la direction et qu’ils n’étaient pas traités adéquatement ou équitablement en conséquence, ce qui leur donnait l’impression que l’atmosphère y était alors « toxique ».

[87]  Mais aucune des questions décrites au paragraphe 79 ci‑dessus ne visait M. Alizadeh-Ebadi lui‑même, mais plutôt le groupe des employés concernés, dont la plupart n’avaient aucune caractéristique protégée. Ces affaires n’étaient pas non plus expressément liées aux motifs énoncés dans la plainte. Pour ces motifs, je ne crois pas que cet incident dénote que MTS se soit mal comportée envers M. Alizadeh-Ebadi en fonction de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion.

Huitième incident : Refus de promotion au poste de spécialiste principal du soutien à la clientèle (employé‑pivot)

[88]  Dans les différentes installations de MTS à Winnipeg où travaillaient des SSC, certains SSC étaient désignés comme « employés-pivots » qui, comme le terme le laisse sous‑entendre, occupaient un poste supérieur à celui des autres SSC. Une indemnité différentielle était accordée à ceux qui acceptaient cette responsabilité, considérée comme une promotion. Avant 2006, les postes ont tous été créés à titre intérimaire. À proprement parler, les employés-pivots par intérim avaient été nommés sur recommandation de Brian Elliott et Brenda Coutts, en leur qualité de chefs d’équipe qui supervisaient les employés-pivots par intérim, et non à la suite d’un processus de concours. À une occasion, M. Alizadeh-Ebadi a travaillé pendant deux mois à un poste d’employé‑pivot par intérim pour remplacer un employé absent temporairement, mais la plupart des titulaires ont occupé un poste intérimaire pendant des périodes beaucoup plus longues.

[89]  En 2006, MTS a décidé de pourvoir ces postes en permanence et a lancé un concours pour doter six de ces postes.

[90]  L’article 8 de la convention collective entre TEAM et MTS régit l’affichage et la dotation des postes vacants au sein de l’unité de négociation.

[91]  MTS a adopté un processus qui devait s’appliquer aux concours. Conformément à ce processus, MTS :

  1. affichait les postes vacants conformément à la convention collective;
  2. recevait et évaluait tous les candidats au poste vacant en fonction des critères décrits dans l’avis de poste à pourvoir;
  3. à l’étape de la présélection, écartait les candidats dont les candidatures démontraient qu’ils ne remplissaient pas les critères énoncés dans l’avis de poste vacant ou dont les niveaux d’assiduité ou de rendement au travail étaient inacceptables;
  4. recevait en entrevue les postulants dont les candidatures démontraient qu’ils remplissaient les critères énoncés dans l’avis de poste à pourvoir et dont les niveaux d’assiduité ou de rendement au travail étaient acceptables;
  5. attribuait le poste.

[92]  En 2006, M. Alizadeh-Ebadi a présenté sa candidature, parmi d’autres employés, à un concours visant à pourvoir environ six postes vacants d’employé-pivot. Pour doter ces postes vacants, MTS a suivi le processus décrit au paragraphe 91.

[93]  M. Alizadeh-Ebadi répondait aux critères énoncés dans l’avis de poste à pourvoir et ses niveaux d’assiduité et de rendement au travail étaient acceptables. Avec huit autres candidats, il a donc été reçu en entrevue par un comité de trois personnes composé de Brian Elliott, Brenda Coutts et Cathy Hanischuk-Morris, une spécialiste du recrutement des ressources humaines dont les tâches consistaient notamment à recruter des candidats de l’entreprise et de l’extérieur afin de doter les postes vacants. Le comité a interviewé les candidats qui n’avaient pas été écartés du processus à l’étape de la présélection.

[94]  Normalement, MTS faisait appel à un comité de trois personnes composé du superviseur du poste vacant, d’une personne « neutre » issue d’un autre service et qui n’avait aucun lien avec le poste, ainsi que d’un spécialiste des RH pour orienter la démarche. Comme les candidats à ces six postes en particulier allaient devoir travailler sous la supervision soit de Brenda Coutts, soit de Brian Elliott (trois chacun), soit les deux chefs d’équipe responsables de ces postes, MTS a décidé qu’il serait plus efficace d’inclure dans le comité ces deux chefs d’équipe et de ne pas ajouter au comité une personne neutre d’un autre service.

[95]  La plupart, sinon l’ensemble, des employés-pivots intérimaires déjà en place – qui avaient tous été recommandés aux postes intérimaires qu’ils occupaient par Brenda Coutts ou par Brian Elliott – ont présenté leur candidature aux postes permanents et ont été reçus en entrevue.

[96]  Voici comment s’est déroulé le processus :

  1. Brian Elliott et Brenda Coutts ont rédigé les qualités requises dans la description des emplois en s’inspirant d’un précédent concours au poste d’employé-pivot;
  2. Avant les entrevues, les questions d’entrevue ont été rédigées ainsi qu’une fiche de correction indiquant les bonnes réponses. Il y avait deux types de questions : les questions techniques et les questions sur les compétences essentielles. Brenda Coutts et Brian Elliott ont rédigé les questions techniques et les réponses à celles‑ci, et Cathy Hanischuk-Morris a rédigé les questions sur les compétences essentielles;
  3. Avant les entrevues, un système de notation sur 100 points a été établi, dont cinq points étaient alloués à la présentation lors de l’entrevue et les 95 points restants étaient accordés en fonction des réponses aux questions de l’entrevue. Approximativement 60 % de ces points restants étaient accordés pour les questions techniques, et 40 % pour les questions sur les compétences essentielles. Chaque question donnait droit à un nombre maximal de points qui variait d’une question à l’autre. Brian Elliott et Brenda Coutts ont établi le nombre de points accordés pour les questions techniques. Cathy Hanischuk-Morris a établi le nombre de points accordés pour les questions sur les compétences essentielles. Pour obtenir le poste, le candidat devait atteindre ou dépasser une note prédéterminée;
  4. Avant les entrevues, Cathy Hanischuk-Morris a donné au comité la consigne d’interroger les candidats de manière à ce que la même personne pose la même question à chaque candidat dans le même ordre sans faire de suggestion ni offrir d’aide;
  5. Cathy Hanischuk-Morris a expliqué le déroulement du processus des entrevues à chaque candidat dès le début de chaque entrevue;
  6. La note obtenue par chaque candidat à l’entrevue devait être calculée dès la fin de celle‑ci et avant l’entrevue du prochain candidat. Les trois membres du comité contribuaient de façon égale à la notation des réponses à chacune des questions et le comité devait en venir à un consensus sur celui‑ci. Au cours du processus, les membres du comité ont comparé leurs notes après avoir établi la mesure dans laquelle les réponses du candidat étaient compatibles avec la grille de réponses de l’entrevue. La notation finale de l’entrevue a été établie en additionnant chaque note individuelle;
  7. Une fois que tous les candidats ont été reçus en entrevue et évalués, les membres du comité se sont rencontrés à nouveau pour décider s’il fallait apporter des ajustements à la notation. Cette rencontre avait pour but d’assurer la cohérence du système de notation à la suite de toutes les entrevues, afin que les candidats ne soient pas pénalisés en fonction du moment où ils avaient été interviewés par rapport aux autres candidats;
  8. En fin de compte, le classement final des candidats a été établi à l’aide des notes reçues à l’entrevue. Étant donné que six postes d’employé-pivot étaient disponibles, les postes devaient être offerts aux six candidats les mieux classés, dans la mesure où ils avaient obtenu ou dépassé une note prédéterminée.

[97]  Aucun poste n’a été proposé à M. Alizadeh-Ebadi. Les postes ont été offerts aux six candidats qui occupaient un poste d’employé-pivot par intérim, et ceux‑ci les ont acceptés. Réjean David s’est classé au 7e rang au concours, M. Alizadeh-Ebadi a obtenu le 8e rang et Qwin DeBrant, le neuvième. Un certain nombre de mois après le concours, un poste d’employé-pivot s’est libéré et MTS a nommé Réjean David au poste vacant sans tenir de concours.

[98]  Les résultats du concours n’ont pas fait l’objet d’un grief et la documentation qui s’y rattachait, y compris les documents faisant état des notes obtenues à l’entrevue et de la méthode de calcul employée, n’était plus disponible pour les besoins de la présente instruction.

[99]  Des témoignages au sujet de cet incident ont été rendus à l’audience par M. Alizadeh-Ebadi, Brenda Coutts, Brian Elliott et Don Rooney, qui était directeur des relations de travail, de la sécurité et de l’environnement de MTS pendant la période pertinente et qui occupe toujours ce poste.

[100]  Selon le témoignage de M. Alizadeh-Ebadi, l’issue du concours avait été décidée à l’avance par Brenda Coutts et Brian Elliott pour aider et promouvoir leurs favoris, c’est‑à‑dire les titulaires qu’ils avaient nommés aux postes intérimaires et qui jouissaient ainsi d’une position avantageuse dans le concours. De plus, il croyait que la décision avait été influencée par des blagues et des propos négatifs prononcés antérieurement à son sujet par David Atwell et Brenda Coutts, y compris ceux qui faisaient mention de ses voyages en Turquie, de ses absences du travail pendant ses congés de maladie et de son éthique de travail.

[101]  M. Alizadeh-Ebadi a également remis en question la décision de ne pas nommer un troisième membre vraiment neutre au sein du comité, au lieu de Brenda Coutts ou de Brian Elliott qui ne l’aimaient pas selon lui. En dernier lieu, il a remis en question les résultats sous prétexte qu’il avait plus d’ancienneté que certains des candidats retenus et que ses connaissances techniques, sa scolarité et ses compétences étaient supérieures à celles de certains autres candidats retenus, à son avis.

[102]  Dans son témoignage, Brenda Coutts a affirmé que le processus décrit au paragraphe 96 ci‑dessus a été rigoureusement suivi dans ce cas et qu’il s’était déroulé exactement de la même façon que les concours précédents dont elle s’était occupée, malgré l’absence d’une personne « neutre ».

[103]  Selon le témoignage de Brenda Coutts, même si les titulaires jouissaient probablement d’un avantage en raison de l’expérience qu’ils avaient acquise en occupant les postes intérimaires d’employé-pivot pendant de longues périodes, les résultats du concours étaient entièrement attribuables à leurs notes à l’entrevue, ils n’avaient pas été décidés à l’avance et ils n’étaient pas fondés sur un quelconque favoritisme envers les titulaires ni sur la race, la religion ou l’origine ethnique de l’un ou l’autre des candidats. Elle a affirmé sous serment que la moitié des six candidats retenus étaient issus de minorités visibles (deux Philippins et un autochtone) et que les deux tiers des candidats qui n’avaient pas été retenus étaient des hommes de race blanche.

[104]  Plus particulièrement, Brenda Coutts a déclaré sous serment que si M. Alizadeh-Ebadi a obtenu une note égale ou supérieure au résultat minimum le qualifiant pour devenir titulaire du poste, il s’était classé au 8e rang sur les neuf candidats reçus en entrevue. Selon son témoignage, il avait obtenu de bonnes notes pour ses réponses aux questions techniques, mais en ce qui concerne les compétences essentielles ses résultats étaient moindres.

[105]  Le témoignage de Brian Elliott corroborait celui de Brenda Coutts. Il a également affirmé sous serment que ce sont les RH qui ont dicté la composition du comité. De plus, il a précisé que Cathy Hanischuk-Morris avait participé à l’attribution des notes seulement pour les questions sur les compétences essentielles, étant donné qu’elle ne connaissait pas bien les questions techniques. M. Alizadeh-Ebadi a obtenu pour les questions techniques de meilleurs résultats que pour celles sur les compétences essentielles. Il a ajouté que M. Alizadeh-Ebadi avait obtenu de meilleurs résultats que Réjean David sur le plan technique, mais que M. David avait recueilli une meilleure note que celle de M. Alizadeh-Ebadi à l’entrevue. Il a ajouté que l’ancienneté n’avait joué aucun rôle dans l’entrevue et qu’il n’avait pas fait preuve de parti pris contre M. Alizadeh‑Ebadi dans le déroulement de l’entrevue.

[106]  Don Rooney n’a pas participé au concours tenu en 2006 pour pourvoir les postes d’employé-pivot, mais il a témoigné au sujet du processus en termes généraux du point de vue des RH. Il a confirmé que la démarche empruntée dans le cadre du concours de 2006 était tout à fait conforme au processus qui avait été utilisé lors de tous les autres concours de MTS pendant la période allant de 1989 à 2015 dans les trois unités de négociation de MTS.

[107]  Dans son témoignage, Don Rooney a déclaré que ce n’était pas la première fois que plus d’un gestionnaire recruteur participait à un concours. Il arrivait que ce soit le cas dans les trois unités de négociation de MTS lorsqu’il y avait plusieurs postes vacants qui étaient chapeautés par deux gestionnaires. Il ne savait pas si le cas s’était produit dans une unité de négociation de TEAM avant 2006, mais cela était arrivé depuis. Quand le concours nécessitait l’intervention de deux gestionnaires recruteurs, le comité mis sur pied pour les entrevues se composait de chacun des gestionnaires recruteurs et du représentant des RH. Cette composition était dictée par le représentant des RH. MTS économisait des ressources en menant ses concours de cette façon, au lieu de tenir plus d’un concours pour pourvoir les mêmes postes.

[108]  J’ai trouvé très clairs et très cohérents les témoignages de Brenda Coutts, Brian Elliott et Don Rooney à propos de cet incident. J’estime que tous ces témoins ont été crédibles dans leur témoignage au sujet de l’incident. À mon avis, leur déposition n’a pas été contredite par ce que M. Alizadeh-Ebadi a présenté et elle ne m’a pas donné l’impression que le processus et les entrevues avaient été traités de façon injuste ou partiale de quelque façon que ce soit au détriment de M. Alizadeh-Ebadi.

[109]  J’estime que le témoignage de M. Alizadeh-Ebadi au sujet de cet incident était intéressé et constitué d’impressions. Il ne m’a pas convaincu que l’un ou l’autre des candidats qui avaient reçu une offre d’emploi par suite de leurs résultats en entrevue, y compris Réjean David, étaient aussi ou moins qualifiés que lui mais ne présentaient pas les caractéristiques distinctives formant le fondement de sa plainte.

[110]  M. Alizadeh-Ebadi a également affirmé sous serment à l’audience qu’il était d’avis qu’il avait été traité de manière injuste du fait que Brenda Coutts ne lui avait pas confié un poste intérimaire d’employé-pivot, sauf pour l’occasion susmentionnée. Il a ajouté qu’il croyait que ce fait prouvait que Brenda Coutts avait fait preuve de parti pris contre lui au moment des nominations dans le groupe de SSC dont il faisait partie et qui relevait d’elle. Il avait mentionné les « postes intérimaires » comme un problème pendant la réunion de TEAM décrite dans les paragraphes consacrés au septième incident ci‑dessus, même si le procès‑verbal n’était pas précis à ce sujet. Il a dit qu’il avait le sentiment que ces postes intérimaires – qui s’avéraient être des postes à durée indéterminée – avaient accru les chances de formation et de promotion des intérimaires dans l’organisation. Quoi qu’il en soit, il ne semble pas avoir abordé cette question avec Brenda Coutts dans aucune des évaluations de son rendement, ni avec Neil Wyrchowny, dont il était très proche et qui était à l’origine des postes intérimaires d’employé-pivot. Il n’a pas été en mesure de nommer une possibilité d’intérim qui avait été accordée à une personne aussi ou moins qualifiée que lui mais qui ne présentait pas les caractéristiques distinctives formant le fondement de sa plainte.

[111]  Brenda Coutts a affirmé sous serment qu’elle n’était pas au courant des  préoccupations du plaignant à cet égard, et elle a ajouté qu’après son affectation intérimaire, elle avait écrit une note très élogieuse à son sujet à Wayne Horseman et elle avait fait allusion à son bon travail dans son évaluation du rendement suivante. Elle a également indiqué dans son témoignage qu’il avait écrit un courriel pour faire état de sa déception après avoir appris qu’il n’avait pas été choisi aux postes permanents d’employé-pivot, et qu’elle lui avait parlé et lui avait conseillé d’améliorer les compétences qui lui faisaient défaut et d’essayer de nouveau. Wayne Horseman lui a également prodigué les mêmes conseils. Brenda Coutts a affirmé sous serment que ses choix d’employés-pivots par intérim étaient limités, mais qu’ils n’étaient pas fondés sur la race, l’origine ethnique ou la religion. Je crois qu’elle a été crédible dans son témoignage et j’accepte ce témoignage pour cet incident.

Neuvième incident : Absence de prise en considération d’une invalidité par le truchement d’un programme de retour au travail graduel, 2007‑2009

[112]  Comme nous l’avons vu aux paragraphes 4 à 8 inclusivement, cet incident et le motif illicite de la déficience n’étaient pas mentionnés dans la plainte ni dans l’exposé des précisions modifié de nouveau de M. Alizadeh-Ebadi. La Commission a décidé de ne pas recevoir la plainte additionnelle relativement à cet incident que M. Alizadeh-Ebadi a déposée après l’ajournement de cette audience le 18 juin 2014. Cette autre plainte n’a donc jamais fait l’objet d’une enquête ni d’une saisine du Tribunal par la Commission. La décision de la Commission n’a pas fait l’objet d’une révision judiciaire. Après la décision de la Commission, M. Alizadeh-Ebadi a supprimé, dans son exposé des précisions modifié de nouveau, un passage au sujet de cet incident portant sur les motifs illicites de la race et de la déficience et qui figurait dans son exposé des précisions modifié. En dépit de ce qui précède, cette question est abordée dans les présentes comme un incident, parce qu’à l’issue de l’étape de la preuve à l’audience, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi l’a incluse dans ses observations écrites qu’il a déposées et qu’il a transmises à MTS le 15 mai 2017 ainsi que dans sa plaidoirie du 19 mai 2017.

[113]  MTS a offert à M. Alizadeh-Ebadi un programme de retour graduel au travail après son premier accident d’automobile en 2001, comme nous l’avons vu au paragraphe 13 ci‑dessus. MTS n’a pas offert à M. Alizadeh-Ebadi un programme de retour graduel au travail après son deuxième accident d’automobile, comme le précise le paragraphe 14 ci‑dessus.

[114]  Le 11 mai 2007, MTS a désigné Des Hathaway, d’une société indépendante de l’extérieur, comme coordonnateur du retour au travail de M. Alizadeh-Ebadi. Celui‑ci n’a pas été appelé à témoigner à l’audience, mais diverses lettres ainsi qu’un résumé des notes qu’il a prises entre 2007 et 2009 étaient joints à l’exposé conjoint des faits des parties produit comme élément de preuve à l’audience. Ces notes n’ont pas été invoquées à l’audience.

[115]  À la lumière de la preuve présentée à l’audience, il semble que Wayne Horseman ait donné l’ordre de ne pas offrir à M. Alizadeh-Ebadi un programme de retour graduel au travail avant qu’il soit jugé apte à 100 % à rentrer au travail. Toutefois, la preuve présentée à l’audience était bien mince concernant ce qui s’était réellement produit à l’égard des possibilités de retour graduel au travail de M. Alizadeh-Ebadi à cette époque ainsi que sa capacité et sa volonté de rentrer au travail de façon graduelle. Les parties à l’audience n’ont appelé à témoigner ni Wayne Horseman, ni aucun médecin praticien, ni Des Hathaway, comme nous l’avons vu.

[116]  Dans son témoignage, Don Rooney, qui n’était pas concerné par cet incident, a notamment affirmé ce qui suit :

[traduction] « Non. Je pense que dans ce cas – je veux dire je ne sais pas – je ne me suis pas occupé de ce cas à ce moment‑là, je n’ai pas participé au processus décisionnel. D’après ce que je peux voir, M. Horseman, qui ne fait plus partie de l’entreprise, a été autorisé à dire : Je mets mon point sur la table, nous ne ferons aucun accommodement. Si cette décision avait été portée à l’attention de Bill Kominsky, par exemple, qui s’occupait du dossier des accommodements à cette époque, je pense, il me l’aurait signalé et nous aurions assurément dit : Wayne Horseman, tu as tort. Je sais que tu as des budgets à respecter, mais cette affaire est plus importante que le budget de ton service. Tu dois lui offrir un accommodement.” »

[117]  Don Rooney a également affirmé que MTS avait comme pratique entre 2007 et 2009 de prendre des mesures d’adaptation à l’égard des employés qui avaient besoin d’un programme de retour au travail graduel à la suite d’un congé d’invalidité.

Dixième incident : Traitement lors du retour au travail en 2009

[118]  Cet incident englobe de nombreux événements qui se sont produits après le retour au travail de M. Alizadeh-Ebadi le 23 février 2009 et qui, selon celui‑ci, prouvent que MTS a manqué de délicatesse et a été peu accueillante envers lui en tant qu’employé qui rentrait au travail au bout de presque deux ans d’une absence causée par les graves blessures qu’il avait subies lors d’un accident d’automobile dont il n’était pas responsable. Il estime que ce traitement est une preuve supplémentaire de discrimination.

  • a) Aucun accès fourni au niveau administratif

[119]  La première journée de son retour au travail, le 23 février 2009, M. Alizadeh-Ebadi a constaté qu’il n’avait pas l’accès intégral au niveau administratif à tous les systèmes de MTS. Il lui fallait cet accès pour faire son travail. M. Alizadeh-Ebadi a dû investir un peu de temps et d’efforts pour corriger la situation. Brenda Coutts a envoyé un courriel à M. Alizadeh-Ebadi au début de l’après‑midi pour lui confirmer que Glen Fryatt avait rétabli son accès. Dans l’objet de son courriel, elle avait indiqué [traduction] « ID Admin. de Krash ». M. Alizadeh-Ebadi a jugé que cette mention manquait de tact à son égard après les blessures graves qu’il avait subies, et qu’elle démontrait que MTS ne prenait pas au sérieux son retour au travail.

  • b) Premier refus de congé pour la fête turque du Nevruz

[120]  De plus, la première journée de son retour au travail, le 23 février 2009, M. Alizadeh-Ebadi a eu une rencontre avec sa superviseure, Brenda Coutts, qui s’était présentée au travail pour rencontrer M. Alizadeh-Ebadi même si elle ne se sentait pas bien. Brenda Coutts a rédigé une note de service au sujet de cette rencontre et elle l’a envoyée par courriel le même jour à M. Alizadeh-Ebadi. Le courriel contenait des références suggérant à M. Alizadeh-Ebadi de demander de l’aide, au besoin, s’il devait soulever des choses. Dans le courriel, il était précisé qu’on s’attendait à ce que M. Alizadeh-Ebadi ne demande pas de congé pendant sa formation d’appoint au cours des deux semaines suivantes, que des demandes de cette nature ne seraient pas approuvées et que Brenda Coutts allait être en congé jusqu’au 16 mars 2009. M. Alizadeh-Ebadi a également été avisé par Brenda Coutts qu’il devait prendre ses cinq journées de congé annuel accumulées avant la fin du mois d’avril de cette année‑là, sinon il allait les perdre.

[121]  Le ou vers le 10 mars 2009, M. Alizadeh-Ebadi a avisé Brian Elliott, son superviseur par intérim pendant le congé de Brenda Coutts, qu’il désirait s’absenter les 12 et 13 mars 2009 pour célébrer la fête culturelle traditionnelle turque du Nevruz, marquant le Nouvel An. Le Nevruz correspond à l’équinoxe du printemps qui a en fait lieu le ou vers le 21 mars, mais il est célébré pendant quatre mercredis avant la date réelle, dont aucun ne correspondait aux 12 et 13 mars en 2009. M. Alizadeh-Ebadi et Brenda Coutts se sont quelque peu contredit dans leur témoignage à propos de la question de savoir s’il avait au départ demandé les jours de congé pour célébrer le Nevruz ou pour des raisons personnelles.

[122]  D’entrée de jeu, Brian Elliott a rejeté la demande, parce qu’il avait compris erronément qu’elle allait à l’encontre de la directive de Brenda Coutts enjoignant à M. Alizadeh-Ebadi de ne pas demander de congé et aussi parce qu’il était trop tard pour intervenir adéquatement dans l’établissement des horaires des employés. Un échange très animé de courriels entre M. Alizadeh-Ebadi et Brian Elliott en a découlé. Après avoir soumis le rejet de la demande à ses supérieurs hiérarchiques, Wayne Horseman a fini par accorder le congé à M. Alizadeh-Ebadi. À son retour de congé, Brenda Coutts a réprimandé M. Alizadeh-Ebadi par courrier électronique au sujet du ton de ses courriels à Brian Elliott et Wayne Horseman.

[123]  M. Alizadeh-Ebadi estimait que le premier refus était déraisonnable et injuste et qu’il ne se serait pas produit n’eut été son origine ethnique. D’après lui, ce refus a fait en sorte qu’il s’est senti stressé et angoissé par la perspective de son retour au travail.

  • c) Formation d’appoint inadéquate

[124]  Comme nous l’avons mentionné au paragraphe 120 ci‑dessus, une période de formation d’appoint était prévue lorsque M. Alizadeh-Ebadi est rentré au travail le 23 février 2009 après s’être absenté pendant si longtemps.

[125]  Aucun programme officiel de formation d’appoint n’était en place, mais Brenda Coutts s’attendait à ce qu’au cours des deux premières semaines, M. Alizadeh‑Ebadi fasse de « l’auto-formation » en posant des questions à l’employé‑pivot, Réjean David, et en acceptant de s’occuper des demandes de dépannage « faciles à traiter ». Même si Brenda Coutts avait avisé un certain nombre de SSC de tenir compte du retour au travail de M. Alizadeh-Ebadi et de l’aider, elle n’a pas rencontré Réjean David pour lui donner des directives au sujet de ses attentes.

[126]  Du point de vue de M. Alizadeh-Ebadi, il n’a reçu aucune formation d’appoint valable et a eu besoin d’aide pour des questions techniques, étant donné que le monde de la technologie avait évolué si rapidement pendant qu’il était absent du travail. Il a affirmé sous serment que Réjean David n’était pas réellement prêt à le rencontrer quand il avait besoin d’aide; il a bien reçu une certaine aide de quelques‑uns de ses collègues, mais celle‑ci était insuffisante et prouvait que MTS ne s’intéressait pas vraiment à lui. Il est donc passé pour incompétent aux yeux de ses collègues et du milieu des utilisateurs et il s’est senti déprimé.

[127]  Réjean David, qui a été un témoin très crédible, a déclaré qu’il n’avait reçu aucune directive particulière de la part de Brenda Coutts à propos d’un programme de formation d’appoint pour M. Alizadeh-Ebadi. Il a affirmé sous serment qu’il était souvent trop occupé pour répondre aux questions, mais il a ajouté qu’il avait l’impression que M. Alizadeh-Ebadi paraissait très renfermé et malheureux quand il est rentré au travail. Il a ajouté que la formation d’appoint offerte à M. Alizadeh-Ebadi était essentiellement la même qu’il avait observée dans le cas d’autres personnes qui étaient rentrées au travail après une absence. Son poste de travail était situé juste à côté de celui de M. Alizadeh-Ebadi et il a affirmé que ce dernier lui répondait simplement [traduction] « OK » quand il lui demandait comment les choses se passaient pour lui.

[128]  Dans son témoignage au sujet de cet incident, Brenda Coutts a notamment déclaré ce qui suit :

  1. elle a pris des dispositions pour que M. Alizadeh-Ebadi soit traité d’une manière comparable au traitement qu’il avait reçu à son retour antérieur au travail après un congé d’invalidité et à celui dont avaient bénéficié d’autres personnes de retour après un congé de maladie ou à leur entrée ou leur réintégration dans le milieu de travail;
  2. elle ne savait pas que M. Alizadeh‑Ebadi avait besoin d’une aide ou d’une formation supplémentaire, étant donné que ce dernier ne l’avait jamais informée d’un besoin de cette nature, qu’il avait laissé un message à Des Hathaway, le 3 mars 2009, lui signalant [traduction] « que MTS faisait preuve d’indulgence et qu’il n’avait pas à se plaindre » et qu’il avait envoyé un courriel à Brian Elliott pour lui indiquer qu’il s’était rapidement mis à niveau;
  3. elle avait demandé à Réjean David d’aider et d’encadrer M. Alizadeh-Ebadi et elle avait fait des démarches auprès d’autres collègues de M. Alizadeh‑Ebadi pour qu’ils l’aident et l’appuient dans son retour au travail;
  4. quand elle est revenue de son congé, Réjean David et d’autres collègues lui ont dit que la transition de M. Alizadeh-Ebadi ne s’était pas faite en douceur, contrairement à ce qu’on lui avait fait croire; on lui a alors dit que M. Alizadeh-Ebadi n’était pas intéressé et semblait détaché.
  • d) Perte de données du disque dur de son ordinateur

[129]  Pendant l’absence de M. Alizadeh-Ebadi, son ordinateur a été confié à un autre employé. Habituellement, quand un employé s’absentait pendant une période prolongée, son ordinateur était attribué à un autre employé, mais le contenu du disque dur était censé être sauvegardé sur un disque compact pour que l’employé puisse avoir de nouveau accès aux données à son retour au travail. Normalement, les données étaient confiées au gestionnaire de l’employé qui les lui remettait à son retour. Certains employés n’utilisaient pas le disque dur et préféraient sauvegarder leurs données dans un serveur, mais ce n’était pas le cas de M. Alizadeh-Ebadi.

[130]  L’ordinateur de M. Alizadeh-Ebadi a été réattribué conformément aux modalités normales, mais le contenu de son disque dur n’a pas été sauvegardé sur un disque compact, contrairement à la politique de la compagnie. Cela a privé M. Alizadeh-Ebadi de renseignements importants, tant pour des raisons professionnelles que personnelles, et la situation l’a frustré et mécontenté.

[131]  Brenda Coutts avait confié à James Dondo, un autre SSC, la tâche de sauvegarder les données du disque dur de M. Alizadeh-Ebadi; mais à l’insu de Mme Coutts, M. Dondo a omis de s’en acquitter. Elle n’a pas fait de suivi auprès de lui pour récupérer les données sauvegardées de M. Alizadeh-Ebadi sur un disque avant que M. Alizadeh-Ebadi lui en fasse la demande à son retour au travail. Après avoir étudié la situation, Mme Coutts s’est aperçue que les données n’avaient pas été sauvegardées sur un disque par M. Dondo, comme elle le lui avait demandé.

[132]  Quand M. Alizadeh-Ebadi a fait part de ce problème à Brenda Coutts, le 16 mars 2009, jour où celle‑ci est rentrée au travail après son congé, un échange très animé de courriels a eu lieu. Au départ, quand M. Alizadeh-Ebadi lui a posé la question, Mme Coutts a répondu que M. Dondo n’avait pas archivé les données comme il était censé le faire. M. Alizadeh-Ebadi lui a répondu sur un ton sarcastique : [traduction] « Beau travail SGSTI ». Brenda Coutts lui a alors répondu : « Ce sont des choses qui arrivent, tant pis ». M. Alizadeh-Ebadi a rétorqué : « agis comme une dame si tu ne veux pas agir comme une gestionnaire », et Brenda Coutts lui a répondu en avertissant M. Alizadeh-Ebadi : « Fais attention, tu frôles l’insubordination. Il n’y a rien que je puisse faire. »

[133]  Plus tard le même jour, Brenda Coutts et M. Alizadeh-Ebadi ont eu une rencontre au cours de laquelle elle lui a présenté des excuses pour ses propos. M. Alizadeh-Ebadi prétend avoir lui aussi présenté des excuses, ce que Brenda Coutts nie. Après cette rencontre, Brenda Coutts lui a envoyé un courriel dans lequel elle a résumé la rencontre, elle a réitéré les excuses qu’elle lui avait faites, elle a admis que ses propos manquaient de professionnalisme et elle lui a dit qu’elle comprenait sa frustration. Elle n’a pas mentionné les excuses qu’il lui aurait présentées. De plus, le courriel se poursuivait par une réprimande à son endroit pour les courriels qu’il lui avait envoyés et pour ses demandes de congé pendant son absence. M. Alizadeh-Ebadi s’est alors senti à nouveau mal accepté et victime de discrimination.

[134]  Plus tard ce jour‑là, après avoir reçu le courriel de Brenda Coutts, M. Alizadeh‑Ebadi a quitté le travail en se plaignant de douleurs thoraciques et il s’est rendu à l’Hôpital général Saint‑Boniface. Il a reçu son congé de l’hôpital le même jour.

[135]  Du 23 février 2009 au 23 mars 2009, M. Alizadeh-Ebadi s’est présenté au travail 14 jours entre ses absences pour cause de maladie et ses congés. Brenda Coutts était au travail cinq de ces journées. Le 3 mars 2009, Des Hathaway a signalé que M. Alizadeh‑Ebadi lui avait indiqué que son retour au travail s’était déroulé correctement, après une première semaine dans des tâches adaptées. Le 5 mars 2009, M. Hathaway a signalé avoir parlé à M. Alizadeh-Ebadi ce jour‑là à propos d’une maladie qui l’avait forcé à s’absenter du travail les 3 et 4 mars; celui‑ci l’a alors informé que le problème semblait se résorber de lui‑même.

[136]  Le 23 mars, M. Alizadeh-Ebadi a quitté le travail pendant la journée en laissant une simple note à Brenda Coutts pour lui annoncer qu’il était malade et qu’il allait consulter son médecin. Ce jour‑là, le Dr Groohi, de la clinique médicale Red River à Winnipeg, a écrit une lettre dans laquelle il indiquait que M. Alizadeh-Ebadi devait s’absenter du travail entre le 24 mars et le 24 avril 2009 [traduction] « pour cause de maladie ». Le 23 mars a été la dernière journée de travail de M. Alizadeh-Ebadi. Des Hathaway a parlé à M. Alizadeh‑Ebadi le 25 mars et il a indiqué que sa maladie courante n’était pas reliée à ses maladies antérieures.

[137]  En date d’avril 2009, M. Alizadeh-Ebadi s’était installé à Vancouver et y était traité par le Dr Samborski. Au départ, grâce aux contacts que Des Hathaway avait établis avec M. Alizadeh-Ebadi et avec le Dr Samborski le 16 avril 2009, celui‑ci pensait que M. Alizadeh-Ebadi serait en mesure de rentrer au travail autour du 24 avril 2009; des efforts ont donc été déployés en vue de son retour au travail. Toutefois, le 26 avril 2009, le Dr Samborski a écrit une note précisant que M. Alizadeh-Ebadi devait s’absenter du travail « pour cause de maladie » jusqu’au 25 juillet.

[138]  Le 15 mai 2009, Des Hathaway a écrit au Dr Samborski afin de lui demander des renseignements susceptibles d’aider MTS à prendre des dispositions, sous forme de mesures d’adaptation au besoin, en vue du retour au travail de M. Alizadeh-Ebadi. Des Hathaway a constaté que l’absence de M. Alizadeh-Ebadi à ce moment‑là ne paraissait pas être imputable à des problèmes physiques, mais plutôt au stress causé par ses conditions de travail. Il a fait parvenir un formulaire du programme de retour au travail au Dr Samborski pour que celui‑ci le remplisse.

[139]  Le Dr Samborski a rempli et signé le formulaire le 22 mai 2009. Dans ses commentaires, il a indiqué que M. Alizadeh-Ebadi était traité pour une affection non physique et il a précisé que, même s’il espérait que M. Alizadeh-Ebadi puisse retourner au travail à un moment donné au cours des quatre à six semaines suivantes, celui‑ci ne serait pas capable de retourner à son ancien poste, et qu’il ne [traduction] « comptait pas retourner chez MTS ».

[140]  J’accepte le témoignage de M. Alizadeh-Ebadi, selon lequel les actes de Brenda Coutts et d’autres chez MTS lors des événements entourant cet incident l’ont frustré et mécontenté et lui ont donné l’impression de ne pas être accepté à son retour au travail. Des erreurs ont été commises et des courriels inappropriés et très animés ont été échangés. Toutefois, je ne peux pas déduire ni conclure, à la lumière de la preuve dont je dispose, que ces incidents étaient fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique ou la religion de M. Alizadeh-Ebadi. Après avoir étudié la preuve, je ne peux pas non plus croire que personne d’autre que David Atwell chez MTS a eu un comportement raciste envers M. Alizadeh-Ebadi pendant son emploi chez MTS.

Onzième incident : Enquête interne et rapport de MTS

[141]  Le 25 mars 2009, le syndicat TEAM a écrit une lettre au nom de M. Alizadeh-Ebadi à Sandy Adelman, spécialiste de l’équité en emploi chez MTS, pour l’informer notamment du fait que M. Alizadeh-Ebadi croyait qu’il avait été victime de harcèlement, d’intimidation et de discrimination d’ordre racial pendant de nombreuses années. La lettre faisait notamment mention des propos de David Atwell, du surnom « Crash », de la réception glaciale qu’il avait reçue à son retour en 2009, du rejet initial de sa demande de congé pour le Nevruz, du manque de possibilités d’avancement et du refus d’un deuxième ordinateur, et elle indiquait que tous ces événements l’avaient obligé à prendre un congé de maladie en raison de l’anxiété et de la dépression. La lettre ne faisait pas mention du neuvième incident décrit ci‑dessus.

[142]  La lettre a été traitée comme une plainte interne fondée sur la politique de MTS en matière de harcèlement et de respect en milieu de travail qui était en vigueur pendant toute la période visée par cette plainte. Elle a été remise à Caroline Taylor, à Toronto, qui était alors la spécialiste principale de la politique des RH et de la gouvernance de MTS, pour qu’elle fasse enquête.

[143]  Le 7 avril 2009, Mme Taylor a réalisé une entrevue téléphonique avec M. Alizadeh‑Ebadi pour tenter de dresser la liste des questions qui, selon lui, devaient faire l’objet de l’enquête. Elle a préparé des notes au sujet de l’entrevue et elle les lui a fait parvenir pour qu’il les examine et les commente. En se reportant à sa conversation téléphonique avec lui, elle a ensuite préparé un document qui énumérait les sujets de ses plaintes et qui en donnait une description. Elle lui a transmis le document et lui a demandé ses commentaires. Elle lui a parlé à nouveau au téléphone et elle a échangé des courriels avec lui entre le 7 et le 16 avril. Il lui a suggéré d’apporter quelques modifications au document et elle les a intégrées à la version définitive de celui‑ci.

[144]  La version définitive du document faisait état des sujets suivants, accompagnés de descriptions : [traduction] « rejet de la demande de deuxième ordinateur à des fins de recherche »; « commentaires irrespectueux en 2001‑2002 »; « manque de formation technique en 2002 »; « absence d’avancement en 2006 »; « absence de formation d’appoint au retour d’un congé prolongé après le deuxième accident d’automobile (février 2009) »; « demande de congé pour une fête culturelle turque rejetée en mars 2009 »; « commentaire irrespectueux concernant l’enlèvement du contenu de l’ordinateur pendant une absence prolongée (mars 2009) ». Le document ne faisait pas mention du neuvième incident (c.‑à‑d. l’absence de prise en considération de son invalidité) qui est décrit ci‑dessus.

[145]  Entre le 20 avril et le 19 mai 2009, Mme Taylor a réalisé des entrevues téléphoniques au sujet de la plainte interne avec Wayne Horseman, David Atwell, Brenda Coutts, Brian Elliott et Qwin DeBrant et elle a pris des notes au cours de ces entrevues. Elle n’a pas interviewé d’anciens employés comme Neil Wyrchowny ou Ernest Desmarais.

[146]  Le 20 mai 2009, Mme Taylor a remis un rapport contenant ses conclusions au sujet de la plainte interne. Voici son résumé et ses recommandations :

[traduction]

« Résumé des conclusions :

Bien que certains propos discriminatoires semblent avoir été prononcés il y a plus de cinq ans, l’examen de la plainte elle‑même et des courriels fournis par Kouroush ne permet pas de conclure qu’il y a actuellement de la discrimination fondée sur la race ou l’origine nationale ou ethnique. Dans bien des cas, les entrevues réalisées avec les personnes qui auraient agi de façon discriminatoire envers Kouroush ont permis d’obtenir des explications différentes au sujet des décisions qui ont été prises.

Les attentes de Kouroush en matière de ressources, de formation, de promotion et de congés à court délai de préavis ne semblent pas réalistes et elles n’ont pas été comblées pour des raisons qui n’ont rien à voir avec la race ou l’origine nationale.

Kouroush emploie un ton irrespectueux et hostile dans ses courriels à la direction, qu’il a lui‑même fournis, et il a provoqué au moins une réponse non professionnelle de la part de la direction, mais cet incident n’est pas considéré comme discriminatoire.

Les conclusions qui précèdent ont été passées en revue avec Mark Eklove, conseiller juridique, et Daniele Malcolm, directrice, Politique des RH et gouvernance, le 20 mai 2009. Voici les recommandations qui ont été élaborées :

Recommandations:

1. La direction doit se souvenir qu’elle est tenue de toujours communiquer de façon professionnelle avec Kouroush.

2. Kouroush doit être conseillé afin qu’il fasse preuve de respect et de courtoisie dans tous ses rapports avec la direction.

3. Kouroush doit être conseillé au sujet des stratégies qui lui permettraient d’atteindre ses objectifs de carrière dans le cadre de la démarche d’évaluation du rendement. »

[147]  Le rapport de Caroline Taylor contenait les observations suivantes à propos des commentaires désobligeants de David Atwell :

[traduction]

« Point 2 : Commentaires irrespectueux

A. Commentaire au sujet de la carte de membre d’AI‑Qaïda en 2001

Après le 11 septembre, Kouroush affirme que le chef d’équipe Dave Atwell lui aurait demandé à deux ou trois reprises s’il allait dévoiler sa carte de membre d’AI‑Qaïda. Dave nie l’avoir fait, mais Qwin DeBrant confirme avoir entendu Dave faire mention d’AI‑Qaïda à deux ou trois reprises à Kouroush entre 2001 et 2004. Qwin n’a pas entendu d’autres propos irrespectueux de la part de Dave à Kouroush ou à propos de celui‑ci. Qwin a affirmé que Dave avait aussi fait des remarques insultantes à propos d’autres personnes dans le passé, mais qu’il s’en abstenait depuis très longtemps.

Ces propos ont été tenus il y a plus de cinq ans. Aucune plainte n’avait été déposée auparavant et Kouroush a confirmé qu’il n’avait pas demandé à Dave de cesser de faire des commentaires de cette nature.

B. Surnom « Crash » en 2002

Kouroush affirme que Dave a commencé à l’appeler « Crash » devant les autres après son accident d’automobile en 2002. Dave l’a admis et a dit qu’il avait pris ce surnom de camarades de Kouroush. Le surnom « Crash » n’est pas lié à la race ni à l’origine nationale, mais plutôt au dossier de conducteur. »

[148]  Après avoir transmis son rapport, Mme Taylor en a envoyé une copie par courriel à M. Alizadeh-Ebadi et elle a eu une discussion avec lui à ce sujet le 27 mai 2009.

[149]  La réaction de M. Alizadeh-Ebadi à la suite du rapport est bien illustrée dans un courriel qu’il a fait parvenir à MTS le 9 juillet 2009, dans lequel il démissionne de son emploi en date du 25 juillet 2009.

[traduction

« Bonjour Don,

Compte tenu du fait que j’ai été victime de discrimination pendant si longtemps et en raison de l’enquête interne partiale qui me fait porter le blâme pour certaines fautes, je n’ai d’autre choix que de démissionner.

La colère et la frustration que j’éprouve à la suite du résultat d’une enquête “protectrice” me causent de l’anxiété et de la nervosité et je ne veux pas finir à l’hôpital encore une fois.

Le simple fait d’imaginer ou d’envisager un retour dans ce milieu me rend malade et je suis prêt à renoncer à mes années de dur labeur en échange de mon bien‑être mental et physique.

Par la présente, je vous informe et j’avise MTS que je ne retournerai pas au travail après mon congé de maladie (qui se termine le 25 juillet). Vous pouvez donc considérer la présente comme mon préavis.

Je vous remercie,

Kouroush »

[150]  Brenda Coutts a rédigé un rapport de cessation d’emploi au sujet de M. Alizadeh‑Ebadi, dans lequel elle a mentionné qu’elle était d’avis à ce moment‑là que M. Alizadeh‑Ebadi avait un taux d’absentéisme élevé, qu’il était difficile de lui fournir de la formation et qu’il n’offrait pas un rendement du même niveau que celui des autres membres de l’équipe. Même si M. Alizadeh-Ebadi présentait effectivement un taux d’absentéisme élevé, rien dans la preuve ne permet de conclure que l’une ou l’autre de ses absences n’était pas justifiée. De plus, même s’il paraît s’être renfermé vers la fin de son emploi, rien dans la preuve ne corrobore l’avis de Brenda Coutts à ce moment‑là, selon lequel il était difficile de lui fournir de la formation et n’offrait pas un rendement satisfaisant dans les circonstances.

[151]  MTS ne fait plus appel à des membres de son personnel pour effectuer les enquêtes au sujet des plaintes, qu’elle confie maintenant à des tiers indépendants.

III.  Cadre juridique – Responsabilité

[152]  Le plaignant a le fardeau initial d’établir à première vue l’existence de discrimination. La preuve à première vue est celle qui porte sur les allégations formulées et qui, si on leur prête foi, est complète et suffisante pour justifier un verdict en faveur du plaignant, en l’absence d’une réplique de l’intimé. L’apparence d’un grief justifié est établie à la lumière de la seule preuve du plaignant; la réponse de l’intimé n’est pas prise en compte dans l’appréciation.

Commission ontarienne des droits de la personne c. Simpson‑Sears, [1985] 2 R.C.S. 536 (« O’Malley »).

[153]  La norme de preuve qu’il convient d’appliquer est la norme de preuve en matière civile, à savoir la prépondérance des probabilités.

Québec (Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse) c. Bombardier Inc. (Bombardier Aéronautique Centre de formation), 2015 CSC 39, [2015] 2 R.C.S. 789.

[154]  Le plaignant n’est pas tenu de prouver que l’intimé avait l’intention d’agir de façon discriminatoire pour établir une preuve prima facie. En fait, on dit souvent que la discrimination n’est pas une pratique normalement affichée ouvertement, et le plaignant ne dispose pas toujours d’une preuve directe dans une affaire de discrimination. Par conséquent, il faut tenir compte de l’ensemble des circonstances pour déterminer si on peut discerner ce que le Tribunal a qualifié de « parfum subtile de discrimination ». Pour ce faire, on peut faire une déduction à partir d’une preuve circonstancielle. On peut tirer une conclusion de discrimination lorsque la preuve présentée rend cette conclusion plus probable que les autres conclusions ou hypothèses possibles.

Basi c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, (1988), 9 CHRR D/5029 (« Basi »).

[155]  Une preuve prima facie ne peut pas reposer sur de simples allégations sincères ou sur des allégations qui sont étayées par une preuve insuffisamment détaillée. Les allégations doivent être « complètes et suffisantes ». Une preuve qui est vague, qui relève de l’impression et qui est principalement constituée d’opinions personnelles ne suffit pas à établir une apparence de grief justifié.

Khiamal c. Greyhound Canada Transportation Corporation, 2007 TCDP 34; Hill c. Air Canada, 2003 TCDP 9 (« Hill »); Morin c. Canada (Procureur général), 2005 TCDP 41 (« Morin »).

[156]  Pour établir une preuve prima facie de discrimination sous le régime de l’article 7b) de la LCDP, le plaignant doit établir que l’intimé a fait à son égard une différence de traitement défavorable par rapport à d’autres et qu’il existait un lien entre la différence de traitement défavorable et un motif illicite de discrimination prévu à l’article 3 de la LCDP. La différence de traitement défavorable sous‑entend qu’une distinction a été faite entre le plaignant et un ou plusieurs autres employés et qu’elle cause un préjudice au plaignant.

Opheim c. Gagan Gill & Gillco Inc., 2016 TCDP 12; Chaudhary c. Smoother Movers, 2013 TCDP 15.

[157]  Dans les affaires mettant en cause un concours pour l’obtention d’un emploi, visées à l’article 7b) de la LCDP, le Tribunal a établi un critère à trois volets qui sert de guide dans les cas où une autre personne que le plaignant est engagée. Dans ces cas, le plaignant doit démontrer qu’il était qualifié pour l’emploi convoité, qu’il n’a pas obtenu l’emploi convoité et que l’emploi convoité a été donné à un candidat pas plus qualifié que lui, mais qui n’a pas le trait distinctif qui sert de fondement à sa plainte pour atteinte aux droits de la personne. Mais ce critère ne doit pas être appliqué de manière rigide ou arbitraire; il faut plutôt apprécier les circonstances de chaque cas. En fin de compte, il s’agit de savoir si le plaignant a satisfait au critère de l’arrêt O’Malley, c’est‑à‑dire : si elle est acceptée, est‑ce que la preuve déposée devant le tribunal est complète et suffisante pour justifier une décision en faveur du plaignant en l’absence d’une réponse de l’intimée?

Premakumar c. Air Canada, 2002 CanLII 23561 (TCDP)

[158]  Une fois que le plaignant s’est déchargé du fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination, il incombe à l’intimé de prouver, selon la prépondérance des probabilités, que le comportement en apparence discriminatoire peut s’expliquer de manière raisonnable. La réponse ou l’explication doit être crue et ne doit pas s’avérer un prétexte. Il n’est pas nécessaire que la discrimination soit l’unique raison de la décision ou de la conduite reprochée pour qu’une plainte soit accueillie. Il suffit que la discrimination ait été un facteur, même si d’autres facteurs étaient aussi en cause.

Basi, précitée.

[159]  Le pouvoir du Tribunal d’examiner une plainte découle de la décision de la Commission de demander au Tribunal d’instruire une plainte en vertu de l’article 49 de la LCDP. Si la Commission décide de ne pas recevoir une plainte en application de l’article 41(1)e) de la LCDP, la plainte ne donnera lieu à aucune enquête et la Commission ne demandera pas au Tribunal d’instruire la plainte en application de l’article 49. C’est la raison pour laquelle le Tribunal n’a pas le pouvoir d’instruire une plainte que la Commission a décidé de ne pas recevoir.

[160]  L’article 50(1) de la LCDP prévoit que le Tribunal donne aux parties la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter des éléments de preuve ainsi que leurs observations sur les questions soulevées dans la plainte. Le fait pour une partie à une audience d’avoir le droit de connaître les allégations formulées contre elle et d’avoir une possibilité équitable d’y répondre est une question d’équité procédurale, conformément aux principes de justice naturelle qui sont incarnés dans cette disposition de la LCDP.

[161]  Selon le devoir d’équité procédurale, les personnes visées par une décision doivent avoir la possibilité de présenter entièrement et équitablement leur position. Elles ont droit à ce que les décisions touchant leurs droits, intérêts ou privilèges soient prises à la suite d’un processus équitable, impartial et ouvert, adapté au contexte légal, institutionnel et social de la décision. Les cours de justice et le Tribunal ont reconnu ce devoir dans de nombreuses décisions.

Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration, [1999] 2 R.C.S. 817; Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 R.C.S. 569; Culic c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 1; Durrer c. Banque Canadienne Impériale de Commerce, 2007 TCDP 6; Fahmy c. L’Autorité aéroportuaire du Grand Toronto, 2008 TCDP 12; Whyte c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2009 TCDP 33.

[162]  Même s’il peut se prononcer sur une requête contestée déposée par une partie et visant la modification des plaintes et des actes de procédure, le Tribunal a conclu dans des cas semblables que des modifications de cette nature demandées par voie de requête doivent être décidées en tenant compte de facteurs liés à la compétence et à l’équité, à savoir 1) le fait qu’il existe ou non un lien logique entre la modification demandée et la plainte originale, de sorte que la modification proposée ne crée par une nouvelle plainte dont la Commission ne s’est pas saisie, qu’elle n’a pas étudiée et qu’elle n’a pas renvoyée en bonne et due forme au Tribunal pour qu’il tienne une instruction; 2) la possibilité que l’intimé dans la requête subisse un préjudice inacceptable si la modification est accordé, de sorte qu’il est privé d’une audience équitable. Toutefois, ces affaires se présentent toujours dans le contexte dans lequel le Tribunal est saisi d’une requête en modification déposée par un plaignant avant la fin de l’étape de la preuve de l’audience, lorsque l’intimé a encore une possibilité équitable d’y répondre.

Attaran c. Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, 2017 TCDP 21; Tran c. l’Agence du revenu du Canada, 2010 TCDP 31;Cook c. Première Nation d’Onion Lake, 2002 CanLII 61849 (TCDP);Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 1; Canada c. Pitawanakwat (1991) 43 F.T.R. 47.

[163]  L’article 14(1)c) de la LCDP prévoit que le fait de harceler une personne en se fondant sur un motif illicite de discrimination en matière d’emploi constitue un acte discriminatoire. Bien que la LCDP ne donne pas la définition du terme « harcèlement », le Tribunal et les cours de justice ont donné des directives sur son interprétation qui sont pertinentes en l’espèce, notamment :

  • i) la conduite doit être non sollicitée par la victime et liée à un motif de distinction illicite qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou des conséquences préjudiciables en matière d’emploi pour la victime;

Morin, précitée.

  • ii) le harcèlement réside essentiellement dans la création d’un climat de travail hostile, qui porte atteinte à la dignité personnelle du plaignant;

Dawson c. Société canadienne des postes, 2008 TCDP 41 (« Dawson »).

  • iii) un seul incident peut, dans certains cas, suffire à créer un milieu de travail hostile; dans d’autres cas, il faut un élément de répétition ou de persistance. Par conséquent, la nature de la conduite doit être appréciée selon la règle des données inversement proportionnelles : plus graves sont la conduite et ses conséquences, moins la répétition de cette conduite sera nécessaire; à l'inverse, moins grave sera la conduite, plus elle devra avoir persisté;

Dawson, précitée.

  • iv) le harcèlement n’englobe pas les expressions qui sont grossières et offensantes, mais qui ne sont pas liées à une caractéristique particulière. Une conduite peut être offensante et être liée à une situation personnelle, mais sans être suffisamment répétitive ou grave pour constituer du harcèlement au sens de la LCDP;

Morin, précitée.

  • v) pour déterminer si la conduite est non sollicitée, on doit appliquer une norme objective fondée sur ce qu’une personne raisonnable percevrait du point de vue de la victime;

Hill, précitée.

  • vi) lorsqu’on apprécie le caractère raisonnable de la conduite reprochée, les limites normales de l’interaction sociale dans les circonstances constituent l’élément fondamental dont il faut tenir compte. Les facteurs plus précis suivants sont pertinents dans le cadre de cette appréciation : la nature de la conduite en cause, le milieu de travail, le type d'interaction personnelle entre les parties dans le passé, le fait que le harceleur est ou non en situation d’autorité par rapport au plaignant et l’existence d’une objection ou d’une plainte;

Hill, précitée.

  • vii) en vertu de l’article 65 de la LCDP, les actes ou omissions commis par un employé, dans le cadre de son emploi sont réputés, pour l’application de la LCDP, avoir été commis par la personne, l’organisme ou l’association qui l’emploie. L’acte ou l’omission sera considéré comme ayant été commis par l’employeur, sauf si l’employeur n’a pas consenti à l’acte ou à l’omission faisant l’objet de la plainte et s’il a pris toutes les mesures nécessaires pour l’empêcher et que, par la suite, il a essayé d’en atténuer ou d’en annuler les effets;

 

  • viii) l’employeur a l’obligation d’assurer un milieu de travail exempt de discrimination et de harcèlement et ce devoir de diligence raisonnable existe une fois qu’il prend conscience d’un acte qui, en raison de sa nature intrinsèquement offensante, humiliante ou dégradante, dégénérerait probablement en harcèlement s’il était répété par la suite;

Dawson, précitée.

  • ix) l’existence d’une politique de prévention du harcèlement ne suffit pas en elle‑même pour dégager l’employeur de l’obligation d’agir avec une diligence raisonnable. L’employeur a le devoir positif de prendre des mesures promptes et efficaces lorsqu’il prend conscience, ou qu’il aurait dû prendre conscience, d’une conduite dans le milieu de travail qui constitue du harcèlement raciste; pour se soustraire à sa responsabilité, l’employeur doit prendre des mesures raisonnables afin d’atténuer, autant qu’il le peut, le malaise qui règne dans le milieu de travail et de donner aux personnes intéressées l’assurance qu’il a la ferme volonté de maintenir un milieu de travail exempt de harcèlement raciste.

Hinds c. Canada, 1988 CarswellNat 993.

IV.  Questions en litige

[164]  Les questions en litige dans la présente affaire sont les suivantes :

  1. i) Le Tribunal devrait‑il statuer sur les allégations de discrimination fondée sur les motifs illicites de la race ou de la déficience en ce qui concerne le neuvième incident décrit ci‑dessus?

ii) Le Tribunal devrait‑il statuer sur l’une ou l’autre des allégations de discrimination fondée sur le motif illicite de la déficience en ce qui concerne l’un ou l’autre des autres incidents décrits ci‑dessus?

  1. M. Alizadeh-Ebadi s’est‑il acquitté du fardeau de prouver à première vue l’existence de discrimination dans le cadre de l’un ou l’autre des autres incidents décrits ci‑dessus et sur lesquels le Tribunal est appelé à statuer?
  2. Si M. Alizadeh-Ebadi s’est acquitté du fardeau de prouver à première vue l’existence de discrimination dans le cadre de l’un ou l’autre des autres incidents décrits ci‑dessus et sur lesquels le Tribunal est appelé à statuer, MTS s’est‑elle acquittée de son fardeau en donnant une explication raisonnable qui n’est pas un prétexte?
  3. Le cas échéant, quelles mesures de redressement devraient être ordonnées en l’espèce?

V.  Analyse – Responsabilité

A.  Première question

[165]  En dépit des faits énoncés aux paragraphes 4 à 8 inclusivement et mentionnés à nouveau au paragraphe 112, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a présenté des observations écrites pour étayer les allégations de discrimination de la part de MTS envers M. Alizadeh‑Ebadi, dans le cadre du neuvième incident décrit ci‑dessus, en invoquant non seulement les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique et de la religion, mais aussi le motif illicite de la déficience. De plus, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a présenté des observations écrites pour étayer les allégations de discrimination de la part de MTS envers M. Alizadeh-Ebadi dans le cadre des autres incidents décrits ci‑dessus, en invoquant des motifs illicites qui comprenaient le motif illicite de la déficience. Avant de produire ces arguments, aucune requête n’a été déposée devant le Tribunal pour modifier la plainte de M. Alizadeh-Ebadi ou les actes de procédure qui ne font, ni l’une ni l’autre, pas mention du neuvième incident ni de la déficience comme motif illicite dans le contexte des autres incidents.

[166]  Comme nous l’avons vu au paragraphe 9 ci‑dessus, les parties se sont échangé leurs observations sur consentement de leurs avocats plusieurs jours avant que les plaidoiries soient entendues. Dans ses observations écrites, l’avocat de MTS n’a pas fait mention du neuvième incident ni du motif illicite de la déficience dans le contexte de l’un ou l’autre des incidents décrits ci‑dessus. Les observations écrites de MTS faisaient état des événements (sauf du neuvième événement qui n’y était pas mentionné) en les qualifiant d’« incidents » et elles en faisaient l’analyse en lien avec les motifs illicites énumérés dans la plainte, c’est‑à‑dire la race, l’origine nationale ou ethnique et la religion, mais pas la déficience qui n’était pas mentionnée dans la plainte ni dans les actes de procédure de M. Alizadeh-Ebadi.

[167]  Dans sa plaidoirie du 19 mai 2017, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a reconnu que l’avocat de MTS n’avait pas fait référence au neuvième incident décrit ci‑dessus ni au motif illicite de la déficience dans ses observations écrites relativement à l’un ou l’autre des incidents. L’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a également reconnu, dans sa plaidoirie, que MTS avait bénéficié d’un « laissez‑passer » en ce qui concerne le neuvième incident décrit ci‑dessus, étant donné que la Commission avait décidé de ne pas se saisir de la plainte additionnelle de M. Alizadeh-Ebadi.

[168]  Toutefois, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a fait valoir dans sa plaidoirie que le Tribunal devrait, pour trancher le litige, considérer [traduction] « les antécédents en matière de déficience » comme un motif de distinction illicite par MTS relativement à certains des autres incidents décrits dans la plainte, même si la déficience n’était pas mentionnée comme motif illicite dans la plainte ni dans les actes de procédure. Les « antécédents en matière de déficience » faisaient partie du passage que M. Alizadeh‑Ebadi a supprimé dans son exposé des précisions modifié (avec la race) dans le contexte du neuvième incident décrit ci‑dessus après que la Commission a refusé de s’en saisir dans le cadre d’une plainte additionnelle. Selon la plaidoirie de l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi, ce motif découle du fait que même si M. Alizadeh-Ebadi a bénéficié de mesures d’adaptation de la part de MTS sous la forme d’un programme de retour au travail graduel pendant environ un an et demi après son premier accident d’automobile en 2001, Brenda Coutts, Brian Elliott et d’autres gestionnaires de MTS n’auraient pas cru que M. Alizadeh-Ebadi était déficient à ce moment‑là et auraient tenu des propos au travail qui laissaient entendre qu’il « feignait », qu’il avait probablement fait des voyages en Turquie pendant sa période d’invalidité précédente et que son éthique de travail était donc douteuse.

[169]  Dans sa plaidoirie, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a fait valoir que cette conduite alléguée de la part de Brenda Coutts, de Brian Elliott et d’autres gestionnaires de MTS –  qui consistait à ne pas croire à la réalité de l’invalidité antérieure de M. Alizadeh-Ebadi et à faire des commentaires non corroborés au sujet de son éthique de travail et de ses voyages en Turquie – a contribué à de nombreuses allégations d’actes discriminatoires envers M. Alizadeh-Ebadi à l’encontre de MTS, y compris en ce qui concerne l’emploi du surnom « Krash » et le fait que M. Alizadeh-Ebadi n’a pas été promu en 2006. Autrement dit, même si la déficience n’était pas mentionnée comme motif illicite dans la plainte ou les actes de procédure, l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a fait valoir dans sa plaidoirie que la déficience de M. Alizadeh-Ebadi découlant de son premier accident d’automobile (à la suite duquel il avait bénéficié de mesures d’adaptation) avait contribué à un certain nombre des prétendus incidents discriminatoires imputés à MTS et qui seraient survenus à la suite de cet accident, parce que les gestionnaires de MTS ne croyaient pas à la réalité de l’invalidité antérieure de M. Alizadeh-Ebadi. D’après les observations orales de l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi, le Tribunal devrait maintenant en tenir compte pour décider du présent litige.

[170]  L’avocat de M. Alizadeh-Ebadi a cité la décision Egan c. Canada Revenue Agency, 2012 TCDP 31, une décision que j’ai rendue dans un litige dont je suis encore saisi. Dans cette affaire, j’ai permis que l’on apporte une modification à une plainte après avoir conclu qu’il existait un lien logique entre la modification et la plainte originale et que l’intimée ne subirait aucun préjudice, étant donné qu’elle avait amplement le temps d’y répondre. Contrairement au présent litige, j’ai pris ma décision dans cette affaire datant de 2012 à la suite d’une requête préliminaire déposée par le plaignant bien avant le début de l’audience. En fait, l’audience dans cette affaire vient à peine de commencer.

[171]  Comme je l’ai mentionné au paragraphe 166 ci‑dessus, l’avocat de MTS n’a pas mentionné le neuvième incident décrit ci‑dessus ni le motif illicite de la déficience dans le contexte de l’un ou l’autre des incidents dans ses observations écrites qu’il a transmises à l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi quelques jours avant la dernière journée d’audience au cours de laquelle les plaidoiries devaient être entendues. Dans sa plaidoirie, l’avocat de MTS n’était pas du même avis que l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi au sujet de la première question en litige pour les motifs suivants : 1) le Tribunal n’a pas été convenablement saisi du neuvième incident et du motif illicite de la déficience dans le contexte de l’un ou l’autre des incidents afin d’en décider, étant donné qu’ils n’étaient pas mentionnés dans la plainte traitée par la Commission et qu’ils n’ont donc pas fait l’objet d’une enquête ni d’un renvoi au Tribunal; 2) à cette étape tardive après la preuve à l’audience, il serait injuste pour le Tribunal de juger qu’il est valablement saisi du neuvième incident ou du motif illicite de la déficience dans le contexte de l’un ou l’autre des incidents avant de rendre sa décision.

[172]  Je souscris aux arguments de MTS en ce qui concerne la première question en litige pour les motifs énoncés ci‑dessous.

[173]  M. Alizadeh-Ebadi n’a pas invoqué l’absence de prise en considération d’une invalidité dans sa plainte ni dans ses actes de procédure et ces documents ne contiennent aucune mention du motif illicite de la déficience.

[174]  La Commission a refusé d’examiner la plainte additionnelle de M. Alizadeh‑Ebadi, dans laquelle il invoquait l’absence de prise en considération d’une invalidité par le truchement d’un programme de retour au travail graduel après l’accident de 2007. Cette plainte additionnelle a été formulée en invoquant les motifs illicites de la race et des antécédents de déficience après qu’une modification visant à ajouter cette allégation à son exposé des précisions a suscité des objections de la part de MTS.

[175]  On doit présumer qu’en demandant l’ajournement de la présente audience en juin 2014 et en déposant par la suite sa plainte additionnelle, M. Alizadeh-Ebadi a conclu que le neuvième incident décrit ci‑dessus et les motifs de la race et des antécédents de déficience relativement à celui‑ci n’étaient pas inclus dans sa plainte originale. La décision de la Commission n’a pas fait l’objet d’une révision judiciaire et aucune requête n’a été présentée au Tribunal pour modifier la plainte ou les actes de procédure. Après la décision de la Commission de ne pas examiner la plainte additionnelle et avant la reprise de l’audience en juin 2016, M. Alizadeh-Ebadi a supprimé les mots « race et antécédents de déficience » dans la modification proposée à l’exposé des précisions, ainsi que toute allégation relative à l’absence de prise en considération d’une invalidité à la suite de l’accident d’automobile de 2007.

[176]  Pour ces motifs, en ce qui concerne le premier volet de la première question en litige et compte tenu des faits en l’espèce et du paragraphe 159 ci‑dessus, je suis d’avis que le Tribunal n’est pas valablement saisi du neuvième incident décrit ci‑dessus et qu’il ne devrait pas statuer sur les allégations de discrimination fondée sur la race et la déficience concernant le neuvième incident.

[177]  L’avocat de M. Alizadeh-Ebadi fait valoir que le Tribunal devrait conclure que MTS a fait preuve de discrimination envers M. Alizadeh-Ebadi dans le cadre de l’un ou l’autre des incidents décrits ci‑dessus, laquelle discrimination était fondée en partie sur le motif illicite de la déficience, comme le démontre l’incrédulité de certains gestionnaires au sujet des antécédents de déficience de M. Alizadeh-Ebadi à la suite de son premier accident d’automobile, lorsque MTS a pris des mesures d’adaptation envers M Alizadeh-Ebadi en lui offrant un programme de retour au travail graduel. Le Tribunal est invité à rendre cette décision à l’étape des plaidoiries, alors que l’étape de la preuve est terminée depuis longtemps et sans qu’une requête lui ait été présentée pour modifier la plainte ou les actes de procédure. Comme je l’ai mentionné précédemment, on ne trouve aucune mention dans la plainte ni dans les actes de procédure du motif illicite de la déficience ni d’une allégation relative à l’absence de prise en considération d’une invalidité en particulier.

[178]  À mon avis, à la fin de l’étape de la preuve lors de l’audience, MTS avait toutes les raisons de croire que les allégations invoquant le motif illicite de la déficience n’étaient pas l’objet de la présente instruction, compte tenu des faits énoncés aux paragraphes 4 à 8 ci‑dessus et des mentions de ces faits au paragraphe 112. MTS a présenté sa preuve en tenant compte de cette réalité et il serait injuste et contraire aux principes de justice naturelle de changer maintenant la portée de l’instruction en l’espèce en raison de moyens invoqués par l’avocat de M. Alizadeh-Ebadi pour faire en sorte que le motif illicite de la déficience soit visé par la présente instruction.

[179]  Pour ces motifs, en ce qui concerne le deuxième volet de la première question en litige et compte tenu des faits en l’espèce et des paragraphes 160, 161 et 162 ci‑dessus, je suis d’avis qu’il serait injuste de statuer sur toute allégation de discrimination fondée sur le motif illicite de la déficience dans le contexte de l’un ou l’autre des incidents décrits ci‑dessus.

B.  Deuxième et troisième questions en litige

Premier incident : Remarques formulées par David Atwell

[180]  Compte tenu de la preuve, y compris des conclusions que j’ai énoncées aux paragraphes 22, 24, 27, 31, 35, 36, 37 et 40 ci‑dessus, je suis d’avis que M. Alizadeh‑Ebadi s’est acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique, conformément à l’article 14(1)c) de la LCDP, en ce qui concerne le premier incident décrit ci‑dessus.

[181]  Comme je l’ai mentionné aux paragraphes 25 et 26 ci‑dessus, David Atwell a présenté des excuses à M. Alizadeh-Ebadi pour son comportement et MTS a admis que certaines remarques désobligeantes formulées pendant un certain temps par M. Atwell sur le lieu de travail à l’égard de M. Alizadeh-Ebadi constituaient du harcèlement au sens de la LCDP.

[182]  Essentiellement, MTS a expliqué cette conduite comme suit : (i) le nombre limité de commentaires et la période limitée au cours de laquelle ils ont été prononcés permettent de conclure que le harcèlement n’était pas grave ni persistant; (ii) la trop grande sensibilité de M. Alizadeh-Ebadi aux commentaires et le fait qu’il les a exagérés dans son témoignage; (iii) le fait que l’incident n’a pas été signalé à la direction avant le rapport interne Taylor, ce qui disculpe MTS en vertu de l’article 65(2) de la LCDP.

[183]  À mon avis, la preuve et mes conclusions, y compris celles qui sont énoncées aux paragraphes 31, 35, 36 et 40 ci‑dessus, infirment les explications de MTS mentionnées ci‑dessus. Pour ce qui est de l’article 65(2) de la LCDP, compte tenu de mes conclusions au paragraphe 35 ci‑dessus, la direction de MTS était consciente ou aurait dû être consciente du comportement harcelant de M. Atwell envers M. Alizadeh‑Ebadi bien avant le rapport de Caroline Taylor, comme l’ont affirmé les propres témoins de MTS.

[184]  En conséquence, MTS aurait dû prendre des mesures positives pour mettre fin à ce harcèlement quand David Atwell a prononcé ces paroles désobligeantes. Elle a manqué à son devoir de prendre des mesures promptes et efficaces, conformément aux principes juridiques énoncés aux alinéas 163(viii) et (ix) ci‑dessus.

Deuxième incident : Refus d’accorder un deuxième ordinateur

[185]  Compte tenu de la preuve, y compris de mes conclusions au paragraphe 48 ci‑dessus, je suis d’avis que M. Alizadeh-Ebadi s’est acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, sous le régime de l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le deuxième incident décrit ci‑dessus.

[186]  À mon avis, au moment de cet incident, David Atwell était intolérant envers M. Alizadeh-Ebadi en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique ou de sa religion et il l’a défavorisé en rejetant sa demande légitime, présentée par l’entremise de son superviseur Neil Wyrchowny, de bénéficier du même privilège de disposer d’un deuxième ordinateur qui lui était nécessaire, comme en avaient la plupart de ses collègues. Les motifs de ce refus qu’a mentionnés David Atwell dans son témoignage ne sont pas crédibles ni raisonnables à mes yeux, étant donné qu’un deuxième ordinateur était un outil dont M. Alizadeh-Ebadi avait besoin pour faire son travail et que la demande présentée par son superviseur Neil Wyrchowny pour en obtenir un était légitime au plan de l’analyse de rentabilisation.

[187]  MTS a expliqué cette conduite comme suit : i) M. Alizadeh-Ebadi n’a pas été traité différemment des autres; ii) le refus n’était pas fondé sur un motif illicite indiqué dans la plainte. Compte tenu de la preuve, je ne peux admettre ces explications. La preuve révèle clairement que M. Alizadeh-Ebadi a été défavorisé par rapport à ses collègues par suite du refus de lui accorder un deuxième ordinateur, lequel n’avait été refusé à pratiquement aucun d’entre eux. De plus, David Atwell était à cette époque intolérant à l’égard de la race, de l’origine ethnique ou de la religion de M. Alizadeh-Ebadi, comme le précisent mes conclusions relativement au premier incident, et son attitude envers M. Alizadeh-Ebadi a été, à mon avis, un facteur omniprésent dans tous ses rapports avec lui.

[188]  À mon avis, les principes juridiques énoncés au paragraphe 154 ci‑dessus appuient mon raisonnement au sujet du deuxième incident, dans la mesure où j’ai déduit qu’on peut percevoir le « parfum subtile de la discrimination » dans cet incident en raison des actes de David Atwell.

Troisième incident : Rejet de demandes de formation

[189]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris de mes conclusions au paragraphe 51 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi s’est déchargé de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, comme le prévoit l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le troisième incident décrit ci‑dessus.

[190]  Le raisonnement énoncé aux paragraphes 186, 187 et 188 ci‑dessus en ce qui concerne le deuxième incident est applicable au troisième incident, en ce sens que j’estime que David Atwell était à cette époque intolérant à l’égard de la race, de l’origine ethnique ou de la religion de M. Alizadeh-Ebadi. Par conséquent, il l’a défavorisé pour ces motifs illicites en rejetant la demande de formation pour le projet Win2K présentée au nom de M. Alizadeh-Ebadi, alors qu’il n’a pas refusé cette formation à d’autres collègues de M. Alizadeh-Ebadi qui ne possédaient pas ses caractéristiques personnelles. Là encore, je suis en mesure de déduire, à la lumière de la preuve en ce qui concerne cet incident, que les actes de David Atwell dégagent un « parfum subtile de discrimination ».

Quatrième incident : Emploi des surnoms « Crash » ou « Kourash »

[191]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées au paragraphe 60 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, en vertu de l’article 14(1)c) ou de l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le quatrième incident décrit ci‑dessus.

[192]  Ces surnoms n’étaient pas agréables à entendre ou à lire pour M. Alizadeh‑Ebadi en raison des blessures qu’il avait subies lors de ses accidents d’automobile. L’emploi de ces jeux de mots inspirés de son nom témoigne d’un manque de sensibilité et de respect envers une personne qui avait subi des blessures douloureuses à la suite d’accidents dont il n’était pas responsable. M. Alizadeh-Ebadi a fait savoir à ses collègues qu’il n’appréciait pas l’emploi de ces noms, mais ils ont persisté jusqu’à la fin de sa carrière chez MTS. Toutefois, les arguments que M. Alizadeh-Ebadi fait valoir relativement à cet incident invoquent expressément le motif illicite de la déficience dont le Tribunal n’est pas saisi et au sujet duquel il n’a pas à se prononcer en l’espèce, pour les raisons données ci‑dessus dans la partie V, analyse de la première question en litige.

Cinquième incident : Commentaires à propos des voyages en Turquie et de l’éthique de travail de M. Alizadeh-Ebadi

[193]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées aux paragraphes 67, 68 et 69 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, au titre de l’article 14(1)c) ou de l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le cinquième incident décrit ci‑dessus.

[194]  À mon avis, Brenda Coutts, la superviseure de M. Alizadeh-Ebadi, et Brian Elliott, qui le supervisait en l’absence de Mme Coutts, n’étaient pas influencés par leur association avec David Atwell au point de tenir des propos discriminatoires envers M. Alizadeh-Ebadi. Peut‑être ont‑ils été de bons ou de médiocres gestionnaires, mais, comme je l’ai mentionné ci‑dessus, j’accepte leur témoignage et le fait qu’ils nient avoir tenu de tels propos. J’estime que leur témoignage était crédible et cohérent au sujet de cet incident. Je juge que le témoignage de M. Alizadeh-Ebadi et d’autres témoins qui ont laissé entendre qu’ils avaient tenu ces propos a été vague et incohérent et qu’il relevait d’impressions.

[195]  En dernier lieu, l’argumentation de M. Alizadeh-Ebadi relativement à cet incident faisait le lien entre ces propos et le motif illicite de la déficience dont le Tribunal n’est pas saisi et au sujet duquel il n’a pas à se prononcer en l’espèce, pour les raisons données ci‑dessus sous la partie V, analyse de la première question en litige.

Sixième incident : Relégation au centre de soutien technique

[196]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées au paragraphe 77 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, conformément à l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le sixième incident décrit ci‑dessus.

[197]  À mon avis, la preuve au sujet de cet incident démontre sans équivoque que les actes de MTS ne visaient pas M. Alizadeh-Ebadi lui‑même, mais plutôt un groupe d’employés qui comprenait M. Alizadeh-Ebadi et certains de ses collègues. La mise à  l’essai de ce programme était peut-être, de la part de MTS, une mauvaise décision qui visait, du moins en partie, un groupe d’employés dont certains n’étaient pas tenus en haute estime par la direction en raison de leur rendement. Toutefois, j’estime que cette décision ne visait pas M. Alizadeh-Ebadi lui‑même et qu’elle n’était pas fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion. De nombreux membres du groupe de collègues touchés par ce programme n’avaient aucune caractéristique distinctive protégée.

Septième incident : Milieu de travail et réunion de TEAM hostiles

[198]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées au paragraphe 87 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, conformément à l’article 14(1)c) ou à l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le septième incident décrit ci‑dessus.

[199]  Au cours de la réunion qui a donné lieu à cet incident, de nombreux travailleurs syndiqués et leurs représentants ont discuté d’un certain nombre d’enjeux qui présageaient sans doute un mauvais climat de travail à l’époque au sein de la division GSTI en raison de divers actes ou de l’inaction de la direction de MTS. Les actes de la direction dont les participants se sont plaints au cours de la réunion ne comprenaient pas la discrimination visée par la LCDP. Le groupe [traduction] « des moutons noirs » mentionné dans le procès‑verbal de la réunion s’appliquait autant à M. Alizadeh-Ebadi qu’à un certain nombre de ses collègues dont plusieurs n’avaient aucune caractéristique distinctive protégée.

[200]  À mon avis et dans le même ordre d’idées que mon raisonnement au paragraphe 197 ci‑dessus en ce qui concerne le sixième incident, cet incident ne constitue pas de la discrimination, étant donné qu’il ne visait pas seulement M. Alizadeh-Ebadi et qu’il n’était pas fondé sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion.

Huitième incident : Refus de promotion au poste de spécialiste principal du soutien à la clientèle (employé-pivot)

[201]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées aux paragraphes 108, 109 et 111 ci‑dessus, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté de son fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, conformément à l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le huitième incident décrit ci‑dessus.

[202]  Il ressort très clairement des éléments de preuve relatifs à cet incident qu’une décision a été prise par le comité de trois personnes à la suite d’une évaluation équitable du rendement de tous les candidats en réponse à une série de questions d’examen qui ont été posées et notées de façon juste et cohérente. Rien à propos de ce concours ne me donne l’impression qu’il existait un quelconque parti pris contre M. Alizadeh-Ebadi. Je ne perçois aucun « parfum subtile » de discrimination de la part de MTS envers M. Alizadeh-Ebadi dans cet incident.

[203]  D’autre part, comme je l’ai mentionné aux paragraphes 108, 109 et 111 ci‑dessus, je suis d’avis que les témoignages de Brenda Coutts, Brian Elliott et Don Rooney étaient très crédibles, tandis que celui de M. Alizadeh-Ebadi était vague et fondé sur des impressions de l’incident et qu’il n’établissait pas, de quelque façon que ce soit, que le critère à trois volets énoncé au paragraphe 157 a été rempli en ce qui concerne le concours pour les postes d’employé-pivot ou une autre possibilité d’intérim qui ne lui aurait pas été accordée.

Dixième incident : Traitement lors du retour au travail en 2009

[204]  Compte tenu des éléments de preuve présentés en l’espèce, y compris des conclusions que j’ai énoncées au paragraphe 140, j’estime que M. Alizadeh-Ebadi ne s’est pas acquitté du fardeau d’établir à première vue l’existence de discrimination contre lui à MTS, discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion, conformément à l’article 14(1)c) ou à l’article 7b) de la LCDP, en ce qui concerne le dixième incident décrit ci‑dessus.

[205]  Les éléments de preuve relatifs à cet incident me donnent à penser que les superviseurs de M. Alizadeh-Ebadi et certains de ses collègues n’étaient pas aussi sympathiques ou obligeants envers lui qu’ils auraient dû l’être dans les circonstances à ce moment‑là. Cette situation a sans doute contribué à son sentiment d’inutilité, de frustration et de dépression. À la lumière de la preuve, je crois également que M. Alizadeh-Ebadi n’était pas un employé particulièrement heureux ou motivé à cette époque et qu’il agissait en conséquence pour des raisons qui découlaient de ses blessures récentes, de ses absences du travail et de la réception froide qu’il avait reçue dans son milieu de travail. À mon avis, la combinaison de ces facteurs a été à l’origine de certains des actes et des comportements regrettables et déplacés qui se sont produits entre la direction et M. Alizadeh-Ebadi, dont la plupart témoignaient d’une mauvaise gestion de la part de MTS et de Brenda Coutts en particulier.

[206]  Même si aucun expert médical n’a été appelé à témoigner à l’audience, vu le rapport de l’Hôpital général Saint‑Boniface au sujet de son admission et de son congé le 16 mars 2009, il est probable que les incidents qui se sont produits ce jour‑là concernant la perte des données de son ordinateur et les échanges très animés à ce sujet avec Brenda Coutts l’aient incité à quitter son travail et à se rendre à l’hôpital en raison de douleurs thoraciques et du stress. Mais je ne peux pas détecter le « parfum subtile de discrimination » envers M. Alizadeh-Ebadi dans les événements relatés au sujet de cet incident. Comme je l’ai mentionné au paragraphe 140, je ne suis pas en mesure de déduire ou de conclure que l’un ou l’autre de ces événements était fondé d’une façon quelconque sur la race, l’origine nationale ou ethnique ou la religion de M. Alizadeh-Ebadi.

Onzième incident : Enquête interne et rapport de MTS

[207]  De toute évidence, pour les motifs énoncés aux paragraphes 180 à 188 ci‑dessus, je ne puis souscrire aux conclusions en ce qui concerne les points 1 et 2 du rapport interne à la suite de l’enquête (qui correspondent au premier et au deuxième incidents ci‑dessus) ni aux recommandations qui en découlent. Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, j’estime que MTS a manqué à son obligation de créer et maintenir un milieu de travail sans harcèlement en omettant de prendre des mesures promptes et efficaces envers David Atwell au moment du harcèlement et du comportement injuste de celui‑ci envers M. Alizadeh-Ebadi, alors qu’elle en était consciente ou qu’elle aurait dû en être consciente. À mon avis, les conclusions et les recommandations de Caroline Taylor en ce qui concerne ces points sont erronées et inopérantes, car elle a conclu que rien de plus ne pouvait être fait à leur égard, étant donné que le harcèlement de la part de David Atwell était chose du passé et qu’aucune plainte interne en bonne et due forme n’avait été déposée. Pour ces motifs, des ordonnances réparatoires concernant ces questions sont rendues ci‑dessous.

[208]  De plus, j’estime que l’enquête interne et le rapport ont été réalisés d’une façon quelque peu superficielle et sans l’objectivité qui s’imposait. À cet égard, je suis d’avis que l’enquête aurait dû faire appel à d’anciens employés clés, comme Neil Wyrchowny et Ernest Desmarais – qui n’auraient pas été influencés par une relation d’emploi existante avec MTS –, au lieu de se limiter à des employés en place chez MTS (dont certains, y compris David Atwell, semblent avoir donné à Caroline Taylor une version de la preuve légèrement différente de celle que j’ai entendue). De plus, il est difficile d’assurer le caractère objectif et équitable de ce type d’exercice quand on fait appel à un enquêteur qui travaille aussi pour la compagnie et quand on fait réviser son rapport par des avocats employés de la compagnie avant sa publication. Je présume que MTS est d’accord sur ce point, puisqu’elle a changé ses pratiques à cet égard, comme je l’ai mentionné au paragraphe 151 ci‑dessus.

[209]  Nonobstant les paragraphes 206 et 207 ci‑dessus, sur la foi de la preuve dont je dispose, je suis d’avis que l’enquête interne et le rapport, ainsi que les conclusions et recommandations de Caroline Taylor, ne constituent pas un traitement défavorable ou du harcèlement fondé sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion de la part de Mme Taylor ou de MTS envers M. Alizadeh-Ebadi, au sens de la LCDP. Comme je l’ai mentionné ci‑dessus, je ne puis souscrire à certains aspects de la démarche qui a été utilisée dans le cadre de l’enquête interne et du rapport ni à certaines des conclusions et des recommandations. D’après ce que je comprends, les résultats de l’enquête interne et du rapport ont bouleversé et déçu M. Alizadeh-Ebadi. Mais je ne puis conclure à la lumière de la preuve dont je dispose que Caroline Taylor ou MTS auraient agi d’une manière discriminatoire envers M. Alizadeh-Ebadi dans le cadre de la réalisation de l’enquête interne et du rapport ou de l’élaboration des conclusions et des recommandations.

VI.  Décision

[210]  Pour les motifs susmentionnés, je juge que la plainte est fondée en ce qui concerne :

a)  le premier incident décrit ci‑dessus, en application de l’article 14(1)c) de la LCDP, pour les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion;

b)  le deuxième incident décrit ci‑dessus, en application de l’article 7b) de la LCDP, pour les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion;

c)  le troisième incident décrit ci‑dessus, en application de l’article 7b) de la LCDP, pour les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion.

[211]  Pour les motifs susmentionnés, je conclus que la plainte n’est pas fondée en ce qui concerne les incidents 4 à 8 décrits ci‑dessus ainsi que les incidents 10 et 11 décrits ci‑dessus, et je la rejette en conséquence. Comme je l’ai expliqué plus haut, je ne suis pas valablement saisi du neuvième incident et la plainte en découlant est donc également rejetée.

VII.  Cadre juridique – Réparations

[212]  Comme je l’ai mentionné au paragraphe 2 ci‑dessus, l’article 53(2) de la LCDP prévoit qu’à l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée peut, sous réserve de l’article 54, rendre une ordonnance à l’endroit de la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire et y inclure les conditions que le membre instructeur considère indiquées et qui sont énoncées aux alinéas a) à e) inclusivement.

[213]  En présence d’une preuve de préjudice moral, il faut tenter d’indemniser la victime. L’octroi du montant maximal permis par l’article 53(2)e) de la LCDP doit être réservé aux cas d’actes discriminatoires les plus flagrants.

Grant c. Manitoba Telecom Services Inc., 2012 TCDP 10 (« Grant »).

[214]  L’article 53(3) de la LCDP est une disposition qui a pour objet de dissuader et de décourager ceux qui se livrent de façon délibérée à des actes discriminatoires. Il y a un acte discriminatoire délibéré lorsque l’acte discriminatoire et l’atteinte aux droits de la personne protégés par la Loi ont été intentionnels. On entend par « acte inconsidéré » un acte qui témoigne d’un mépris ou d’une indifférence quant aux conséquences et d’une manière d’agir téméraire ou insouciante. L’octroi du montant maximal que prévoit cette disposition est à réserver aux cas les plus graves.

Grant, précitée.

[215]  L’article 53(2)b) de la LCDP confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire d’ordonner la réintégration d’un employé qui a perdu son emploi à cause d’un acte discriminatoire de son employeur à son endroit. Pour que le Tribunal puisse exercer ce pouvoir discrétionnaire, il doit être convaincu qu’il existe au moins une possibilité sérieuse, sinon une probabilité, que le plaignant aurait occupé ce poste n’eut été l’acte discriminatoire et que la réintégration est indiquée dans les circonstances, et il doit analyser le lien entre la pratique discriminatoire et la perte présumée.

Grant, précitée.

[216]  Bien que, s’agissant d’une plainte fondée, le Tribunal jouisse d’un vaste pouvoir discrétionnaire lui permettant d’ordonner des mesures de redressement en vertu de l’article 53(2) de la LCDP afin de replacer le plaignant dans la situation dans laquelle il se serait trouvé si l’acte discriminatoire n’avait pas été commis, l’emploi des mots « entraînés par l’acte » signifie qu’il doit y avoir un lien de causalité entre la réparation accordée et la discrimination. Par conséquent, le Tribunal doit étudier soigneusement tous les faits pertinents, au cas par cas, afin d’établir l’existence d’un lien de causalité suffisant pour justifier la réparation.

Canada (Procureur général) c. Canada (Commission canadienne des droits de la personne), [2001] A.C.F. no 1922 (« Carter »).

[217]  Il incombe au plaignant de prouver qu’il a droit aux réparations sollicitées. Il doit prouver que si l’acte discriminatoire ne s’était pas produit, il aurait obtenu les paiements et les prestations qu’il demande en guise de réparation (ou, s’il demande un remboursement, qu’il n’aurait pas eu à engager les dépenses réclamées). Pour s’acquitter de ce fardeau, le plaignant doit prouver par prépondérance des probabilités qu’il existe une possibilité sérieuse que les dommages pour lesquels il demande une indemnisation ont été causés par la conduite en violation de la LCDP.

Culic c. Société canadienne des postes, 2007 TCDP 1.

[218]  Le Tribunal doit être guidé par le bon sens, qui exige que des limites encadrent la responsabilité des conséquences d’un acte, en l’absence de mauvaise foi. Le bon sens nous enseigne qu’il faut exclure les conséquences qui se manifestent le long de la chaîne de causalité, mais qui sont trop lointaines.

Carter, précitée.

VIII.  Analyse – Réparations

C.  Quatrième question en litige

[219]  À l’étape des plaidoiries, M. Alizadeh-Ebadi a fait valoir que tous les incidents décrits ci‑dessus avaient été prouvés, démontrant ainsi le bien-fondé de sa plainte. Au même moment, M. Alizadeh-Ebadi a également fait des observations sur les réparations, même si, de toute évidence, il ignorait alors ce qu’allait être ma décision sur la responsabilité. À son avis, compte tenu des faits en l’espèce, je devrais rendre une ordonnance défavorable à MTS en application des articles 53(2) et 53(3) de la LCDP et y inclure les modalités suivantes :

  1. Des dommages‑intérêts généraux équivalant au montant maximal de 20 000 $ pour le préjudice moral découlant des actes discriminatoires, conformément à l’article 53(2)e) de la LCDP;
  2. Une indemnisation spéciale équivalant au montant maximal de 20 000 $ pour avoir été victime d’actes discriminatoires délibérés ou inconsidérés, en vertu de l’article 53(3) de la LCDP;
  3. La réintégration de M. Alizadeh-Ebadi dans un poste semblable à celui qu’il occupait avant de démissionner, en vertu de l’article 53(2)b) de la LCDP;
  4. En vertu des articles 53(2)b), c) et d) de la LCDP :
    1. l’octroi des pertes de salaire entre le 23 février 2009 et le 30 juin 2015 (cette date ayant été convenue par les parties dans leur exposé conjoint des faits), représentant un montant de 161 180 $ qui équivaut à la différence entre les gains totaux (y compris le régime de rémunération variable, le régime d’actionnariat des employés, les frais dentaires et le montant des primes prévus dans la convention collective) que M. Alizadeh-Ebadi aurait encaissés chez MTS s’il avait été employé par MTS pendant cette période et les revenus qu’il a réellement gagnés au cours de la même période;
    2. l’octroi d’un montant à quantifier ultérieurement pour la perte de revenus de pension;
    3. l’octroi d’une indemnité de déménagement de 12 419,30 $ (qui comprend des frais de déménagement de 4 000 $ ainsi qu’une somme de 8 419,30 $ en pénalité de liquidation d’hypothèque pour sa maison de Winnipeg) pour les dépenses qu’il a engagées afin de se réinstaller avec sa famille en Colombie‑Britannique.

M. Alizadeh-Ebadi a fait valoir qu’il n’aurait pas eu à assumer toutes les pertes et les dépenses susmentionnées s’il était demeuré un employé de MTS, ce qui aurait été le cas sans les actes discriminatoires de MTS qui l’ont obligé à quitter son emploi.

  1. L’octroi des intérêts sur tous les chefs de dommages au taux de la Banque du Canada à compter de la date de la perte jusqu’au 30 juin 2015 ou selon ce que le Tribunal décidera, en vertu de l’article 53(4) de la LCDP.
  2. En vertu de l’article 53(2)a) de la LCDP,une ordonnance enjoignant à MTS d’offrir à ses gestionnaires de première ligne une formation sur la sensibilité et une formation portant sur la discrimination et ses obligations sous le régime de la LCDP. De plus, une ordonnance enjoignant à MTS de collaborer avec la Commission pour faire en sorte de mettre en œuvre les politiques appropriées, en particulier en matière de harcèlement, de discrimination et de respect en milieu de travail.

M. Alizadeh-Ebadi fait valoir que ces ordonnances sont nécessaires, parce qu’il n’est pas évident que MTS a tiré des leçons de cette expérience et parce qu’elle doit changer ses façons de réagir à l’avenir face à la discrimination en milieu de travail.

[220]  M. Alizadeh-Ebadi affirme que la présente affaire représente l’accumulation de tous les incidents de discrimination décrits ci‑dessus, qui ont culminé lors des dixième et onzième incidents qui l’ont finalement incité à démissionner de son poste chez MTS pour se protéger et pour protéger son bien‑être. Il affirme qu’il a dû quitter le travail et se rendre à l’hôpital à cause de douleurs thoraciques et du stress que lui a occasionné l’accueil peu enthousiaste de ses collègues à son retour au travail en février 2009, après une absence de deux ans à la suite des blessures qu’il avait subies lors d’un accident dont il n’était pas responsable. Il a dit qu’il avait alors eu des flashbacks de tous les incidents précédents décrits ci‑dessus, qu’il estimait tous discriminatoires. Quand il a finalement fait une plainte interne à propos de ces incidents en vertu de la politique sur le respect en milieu de travail de MTS, il a essuyé une rebuffade de la part de MTS dans un rapport interne qui, d’après lui, [traduction] « noyait le poisson ». Il affirme qu’il s’est alors aperçu qu’il ne pouvait pas retourner travailler chez MTS, à cause de cette accumulation de comportements discriminatoires de la part de MTS au fil des ans; ceux‑ci n’étaient pas réglés et le rendaient déprimé, angoissé et souffrant quand il était au travail chez MTS. Après avoir quitté MTS et s’être installé en Colombie‑Britannique, il a donc démissionné, en dépit du fait que Des Hathaway tentait à l’époque de prendre des mesures d’adaptation pour qu’il réintègre les effectifs. Il fait valoir qu’il n’aurait pas remis sa démission chez MTS si les incidents décrits ci‑dessus, qu’il croit tous discriminatoires, ne s’étaient pas produits. Par conséquent, M. Alizadeh-Ebadi a affirmé que les mesures de réparation décrites au paragraphe 219 ci‑dessus devraient être ordonnées à l’encontre de MTS, parce que les incidents discriminatoires chez MTS ont été nuisibles, préjudiciables et délibérés et qu’ils l’ont forcé à quitter son emploi chez MTS.

[221]  MTS rétorque qu’un comportement discriminatoire a été établi seulement à l’égard du premier incident et uniquement pendant une période relativement courte il y a longtemps. MTS fait valoir qu’elle n’était pas responsable du premier incident, parce qu’elle n’y avait pas consenti, comme le prévoit l’article 65(2) de la LCDP, étant donné qu’elle n’avait pas reçu de plainte à ce sujet. Elle ajoute que dans tous les autres incidents, la discrimination fondée sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion n’a pas été prouvée ou, si elle l’a été, que MTS a fourni une explication raisonnable qui n’est pas un prétexte au sujet du comportement. Par conséquent, elle fait valoir qu’aucune mesure de réparation ne devrait être ordonnée.

[222]  Je conclus que la plainte était fondée en ce qui concerne les premier, deuxième et troisième incidents décrits ci‑dessus, comme je l’ai indiqué au paragraphe 210, mais que le reste de la plainte, qui vise les incidents 4 à 11 inclusivement, est rejeté, comme je l’ai mentionné au paragraphe 211 ci‑dessus.

[223]  Essentiellement, je juge que la discrimination exercée par MTS envers M. Alizadeh-Ebadi était particulièrement attribuable au comportement de David Atwell au début de l’emploi de M. Alizadeh-Ebadi, parce qu’il était alors intolérant envers la race, l’origine ethnique ou nationale ou la religion de M. Alizadeh-Ebadi et qu’il s’est livré aux actes discriminatoires mentionnés relativement aux incidents 1, 2 et 3 décrits ci‑dessus. Je conclus d’autre part que M. Alizadeh-Ebadi était très bouleversé et malheureux à cause de ces incidents et qu’il a fait connaître ses sentiments à d’autres, que MTS était au courant ou aurait dû être au courant de ces actes discriminatoires de David Atwell, qu’elle aurait dû agir en conséquence pour faire en sorte d’y mettre fin et qu’elle a manqué à son obligation de le faire.

[224]  Par conséquent, je conclus qu’une ordonnance doit être rendue contre MTS pour les actes discriminatoires que j’ai mentionnés en ce qui concerne les incidents 1, 2 et 3 décrits ci‑dessus, parce qu’ils étaient délibérément discriminatoires et qu’ils ont causé un préjudice moral grave à M. Alizadeh-Ebadi. Je crois que la conduite de David Atwell lors de ces incidents était délibérée et qu’elle a été très blessante et préjudiciable pour M. Alizadeh-Ebadi. MTS aurait dû y mettre fin il y a de nombreuses années, étant donné qu’elle était au courant ou aurait dû être au courant de ce qu’il se passait. Je viens donc à la conclusion qu’un montant de 20 000 $ pour chacun des deux chefs de réclamation prévus aux articles 53(2)e) et 53(3) de la LCDP est justifié et approprié en l’espèce et que MTS doit être condamnée à le payer à M. Alizadeh-Ebadi pour ces incidents de discrimination, avec les intérêts prévus à l’article 53(4) de la LCDP sur chacun des deux montants de 20 000 $, calculés et payables à compter du 1er janvier 2002 jusqu’au 30 juin 2015.

[225]  Essentiellement, j’estime que les incidents 4 à 8 ainsi que les incidents 10 et 11 ont été blessants et pénibles pour M. Alizadeh-Ebadi pour diverses raisons qui sont très faciles à comprendre. Certains étaient imputables à une gestion médiocre de la part de MTS et d’autres, au comportement déplacé d’employés de MTS envers M. Alizadeh‑Ebadi. Toutefois, à mon avis, ils n’ont pas donné lieu à un comportement discriminatoire fondé sur les motifs illicites de la race, de l’origine nationale ou ethnique ou de la religion envers M. Alizadeh-Ebadi par quiconque chez MTS. C’est la raison pour laquelle je ne peux pas conclure qu’il existe un lien de causalité fondé sur la discrimination entre ces incidents et la démission de M. Alizadeh-Ebadi, qui aurait pu m’autoriser à ordonner les réparations prévues par la LCDP que M. Alizadeh-Ebadi demande aux paragraphes 219c), d) et e) ci‑dessus à l’égard de ces incidents. À mon avis, il n’existe pas non plus de lien de causalité raisonnable ou logique qui aurait justifié ces réparations entre les incidents 1, 2 et 3 décrits ci‑dessus et la démission de M. Alizadeh-Ebadi, compte tenu du temps qui s’est écoulé entre ces incidents et la démission. Autrement dit, même si j’estime que M. Alizadeh-Ebadi a eu raison de ne pas vouloir continuer à travailler chez MTS pour protéger sa santé et son bien‑être, à cause des sentiments qu’il éprouvait face au climat dans lequel il évoluait chez MTS en 2009, je ne pense pas que le climat qui y régnait à l’époque était imputable à un comportement discriminatoire de MTS envers lui. Pour ces motifs, je ne rendrai pas les ordonnances que M. Alizadeh-Ebadi demande aux paragraphes 219c), d) et e) ci‑dessus.

[226]  Cependant, je me préoccupe du fait que David Atwell pourrait encore avoir besoin d’aide pour apprendre à agir avec respect envers les autres en milieu de travail, même si j’ai entendu des témoignages laissant entendre qu’il a modifié son comportement dans l’intervalle. Je me préoccupe également du fait que MTS ne comprend pas encore tout à fait qu’elle doit agir de manière plus proactive pour réagir dans des circonstances comme celles auxquelles M. Alizadeh-Ebadi a dû faire face dans le contexte des incidents 1, 2 et 3 ci‑dessus et qu’elle pourrait devoir modifier ses politiques pour obtenir de meilleurs résultats à ce chapitre. Pour ces motifs, j’ordonne à MTS de consulter la Commission pour remédier à ces deux lacunes.

IX.  Ordonnances

[227]  Pour les motifs qui précèdent, j’ordonne par les présentes à MTS :

  1. de payer à M. Alizadeh-Ebadi la somme de 20 000 $ pour préjudice moral, en vertu de l’article 53(2)e) de la LCDP, avec les intérêts calculés du 1er janvier 2002 au 30 juin 2015, conformément à l’article 53(4) de la LCDP;
  2. de payer à M. Alizadeh-Ebadi la somme de 20 000 $ en guise d’indemnisation spéciale, en vertu de l’article 53(3) de la LCDP, avec les intérêts calculés du 1er janvier 2002 au 30 juin 2015, conformément à l’article 53(4) de la LCDP;
  3. de consulter la Commission afin d’inscrire David Atwell à un ou des cours de formation traitant du respect en milieu de travail et de la discrimination, de consulter également la Commission pour que celle‑ci passe en revue ses diverses politiques portant sur le harcèlement, le respect en milieu de travail et la discrimination et de les modifier en conséquence au besoin.

Signé par :

Edward P. Lustig

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 7 novembre 2017

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossiers du tribunal : T1873/10312

Intitulé de la cause : Kouroush Alizadeh-Ebadi c. Manitoba Telecom Services Inc.

Date de la décision du Tribunal : Le 7 novembre 2017

Dates et lieu de l’audience : Le 18 juin 2014;

Du 2 au 5 août 2016;

Du 7 au 10 novembre 2016;

Du 13 au 17 février 2017;

Le 19 mai 2017

Winnipeg (Manitoba)

Comparutions :

Kris M. Saxberg et Tomas Masi, pour le plaignant

Personne n’a comparu pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paul A. McDonald, pour l’intimée

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