Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Tribunal's coat of arms - Description : Tribunal's coat of arms

Canadian Human
Rights Tribunal

 

Référence : 2017 TCDP 10

Date : 13 avril 2017

Nos des dossiers : T1726/8111 et T1769/12411

Entre :

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Chris Hughes

Plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Agence des services frontaliers du Canada

Intimé

Décision

Membre instructeur : George E. Ulyatt

 



I.  Contexte

[1]  Il s’agit d’une requête présentée par le plaignant, Chris Hughes, sollicitant l’autorisation de présenter une contre-preuve en réponse à de nouveaux éléments de preuve produits après son témoignage, et relativement à des éléments de preuve présentés par l’intimé et auxquels il ne s’attendait pas au moment de son témoignage.

[2]  À l’appui de sa position, le plaignant a déposé un affidavit souscrit le 17 janvier 2017. Ce document énonce les questions relatives aux éléments de preuve produits par pièces par les témoins de l’intimé ainsi que le témoignage de ces derniers à l’audience.

[3]  Le plaignant mentionne dans son affidavit que l’audience devant le Tribunal a commencé le 15 juin 2015, et s’est poursuivie de façon intermittente en mai, juin, octobre et novembre 2016. Le témoignage du plaignant a pris fin le 20 mai 2016, mis à part une question de moindre importance pour laquelle M. Hughes a été rappelé le 20 juin 2016, après deux témoins pour le plaignant, Levan Turner et Eric Christou.

[4]  Les problèmes soulevés par le plaignant ont trait à la présentation de notes manuscrites, datées du 12 octobre 2005 et du 15 février 2006, concernant l’instance devant la Commission de la fonction publique et produites le 13 juin 2016 avec 11 questions (mémoire du plaignant, alinéa 5(i)). Deuxièmement, le plaignant s’oppose à la production de notes additionnelles, datées du 6 février 2006 et du 29 août 2006, prises durant l’instance devant la Commission de la fonction publique et qui ont été produites le 18 octobre 2016 (mémoire du plaignant, sous‑alinéas 5(i) et (ii)).

[5]  Le deuxième sujet de plainte a trait à la déposition des témoins de l’intimé au cours de l’audience.

[6]  Les témoins à l’égard desquels le plaignant souhaite présenter une contre‑preuve sont les suivants :

  1. Barb Lennax : deux problèmes avec son témoignage sont relevés à la page 2 de l’avis de requête et aux pages 125 et 126 du mémoire du plaignant (sous‑alinéas 6(b) (i), (ii) et (iii)).
  2. Robert Farrell et Catherine Black: un problème avec leurs témoignages est relevé à la page 2 de l’avis de requête, sous-alinéas 6(c) (i), (ii) et (iii), et aux pages 126 et 127 du mémoire du plaignant.
  3. Mark Northcote : Un problème avec son témoignage est relevé à la page 3 de l’avis de requête, alinéa 6(d), et à la page 27 du mémoire du plaignant.
  4. Robert Farrell : Trois problèmes avec son témoignage sont relevés à la page 3, sous-alinéas 6(e)(i), (ii) et (iii), de l’avis de requête, et la page 128 du mémoire du plaignant.
  5. Catherine Black : Un problème avec son témoignage est relevé à la page 5 de l’avis de requête, alinéa 6(f), et à la page 129 du mémoire du plaignant.
  6. Holly Stoner : Un problème avec son témoignage est relevé à la page 5 de l’avis de requête, alinéas 6(f), et à la page 129 du mémoire du plaignant.

[7]  Les avocats du plaignant et de l’intimé ont convenu que la jurisprudence citée par le plaignant dans son mémoire énonce les principes qui régissent la contre-preuve.

R v. Campbell (1977), 17 OR (2d) 673 (ONCA), pages 17-18, DRP, onglet 11

R c. Chaulk, [1990] 3 RCS 1303, paragraphe 118, DRP, onglet 9

R v. GP (1996), 31 OR (3d) 504 (ONCA), page 8, DRP, onglet 12

[8]  De plus, la Loi canadienne sur les droits de la personne mentionne ce qui suit au paragraphe 50(1) et à l’alinéa 50(3c) :

Fonctions

50 (1) Le membre instructeur, après avis conforme à la Commission, aux parties et, à son appréciation, à tout intéressé, instruit la plainte pour laquelle il a été désigné; il donne à ceux-ci la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations.

  (3) Pour la tenue de ses audiences, le membre instructeur a le pouvoir :

a) d’assigner et de contraindre les témoins à comparaître, à déposer verbalement ou par écrit sous la foi du serment et à produire les pièces qu’il juge indispensables à l’examen complet de la plainte, au même titre qu’une cour supérieure d’archives;

b) de faire prêter serment;

c) de recevoir, sous réserve des paragraphes (4) et (5), des éléments de preuve ou des renseignements par déclaration verbale ou écrite sous serment ou par tout autre moyen qu’il estime indiqué, indépendamment de leur admissibilité devant un tribunal judiciaire;

d) de modifier les délais prévus par les règles de pratique;

e) de trancher toute question de procédure ou de preuve.

[soulignement ajouté]

[9]  Le plaignant a déposé ses documents, l’avis de requête, l’affidavit et les pièces justificatives. L’intimé a déposé une réponse et celle-ci a été suivie par le plaignant. Les avocats ont présenté des observations de vive voix à Victoria le 7 mars 2017.

[10]  En l’espèce, les parties, bien que d’accord sur le principe de la requête, ne partagent pas le même point de vue sur les faits présentés et sur la façon dont ils doivent être appliqués. Par conséquent, il n’est pas étonnant que la jurisprudence citée étaye les deux positions et qu’elle ait été débattue de cette manière.

[11]  Le plaignant soutient que les questions soulevées l’ont été après qu’il eut conclu sa preuve ou qu’il y avait des éléments de preuve auxquels il ne s’attendait pas, ou que les éléments de preuve ont pris une plus grande importance à la suite de la déposition du témoin de l’intimé.

[12]  L’intimé ne souscrit pas à la qualification du plaignant et prétend que la preuve n’était pas complexe et qu’on aurait dû s’attendre à ce qu’elle soit présentée et que la requête du plaignant pour faire valoir un droit de réponse à la preuve ne vise qu’à renforcer son témoignage, et que la preuve soumise par les témoins de l’intimé n’a pas pris plus d’importance.

[13]  L’avocat du plaignant soutient que le Tribunal doit être très à l’affût du « parfum subtil » de la discrimination et il a déclaré ceci à la page 4 de son mémoire en réponse : [traduction] « À chaque étape de l’analyse, y compris l’explication de l’intimé, le Tribunal doit examiner attentivement l’ensemble des circonstances de la plainte afin de pouvoir déceler le ‘parfum subtil’ de la discrimination

[14]  De plus, l’intimé déclare que la présentation d’une contre-preuve n’est pas un droit mais une opportunité discrétionnaire limitée.

[15]  La présente affaire dont est saisi le Tribunal tire son origine d’une plainte déposée par le plaignant le 9 juillet 2008 et le 19 décembre 2011. Les affaires portées devant le Tribunal le 27 juin 2012 suite à la saisine du Tribunal de la présente affaire sont des requêtes concernant la divulgation, le caviardage de documents, de nombreuses téléconférences de gestion de cas et des ajournements de l’audience en raison d’une divulgation tardive. En fin de compte, il y a eu environ six semaines de témoignage.

[16]  À l’heure actuelle, il semble que l’intimé n’a qu’une seule personne qui doive témoigner, et, dès que cette personne aura terminé son témoignage, la preuve sera close sauf s’il y a présentation d’une contre-preuve ou d’observations.

[17]  Ce qui est préoccupant, c’est que les parties n’ont pas traité pleinement de la question de la divulgation relativement à ce qui relevait de leur pouvoir ou ce qui aurait dû être en possession de l’autre partie. Suite à la demande présentée par le plaignant, l’intimé a produit des notes de la CFP datées du 12 octobre 2005, du 15 février 2006, du 6 février  2006 et du 29 août 2007. Cette consignation a été faite après le témoignage du plaignant, mais avant la clôture de son plaidoyer.

[18]  Il est bien établi que le Tribunal canadien des droits de la personne n’est pas lié par les règles strictes de la preuve, mais par le principe d’équité. La décision Chopra c. Canada (Ministère de la Santé nationale et du Bien‑être social), 2001 CHRD 20) (onglet 8 du dossier de requête du plaignant) applique la décision Barnasky c. Développement des ressources humaines Canada:

[traduction]

Il ressort clairement de la Loi canadienne sur les droits de la personne que le Tribunal n’est pas lié par les règles strictes de la preuve. Le Tribunal est toutefois lié par le principe d’équité. C’est ce principe d’équité envers toutes les parties qui délimite la portée et l’admissibilité de la contre‑preuve.

L’intimé ne devrait pas être lésé par la présentation tardive d’éléments de preuve qui ne font que confirmer ou étayer les arguments de la plaignante et de la Commission. L’obligation d’équité envers l’intimé exige que la plaignante présente sa preuve ou présente la preuve sur laquelle elle entend se fonder pour faire valoir ses arguments lors de la présentation initiale afin que l’intimé puisse y répondre pleinement.

La plaignante a le droit de présenter une contre-preuve pour répondre aux nouvelles questions ou aux nouveaux moyens de défense soulevés par la partie adverse et auxquels la plaignante ne pouvait pas raisonnablement s’attendre.

[19]  Les questions dont le Tribunal est saisi sont complexes et sont aggravées par le fait que l’affaire a commencé en juin 2015 et que toutes les transcriptions de l’instance ne sont pas disponibles. Toutefois, tout retard additionnel serait inacceptable.

[20]  Eu égard aux règles régissant la contre-preuve telle que soumise, au fait que le pouvoir conféré par la Loi canadienne sur les droits de la personne n’est pas lié par les règles strictes de présentation de la preuve, et compte tenu de la doctrine d’équité envers les parties, il est ordonné ce qui suit :

A.  Questions concernant les notes manuscrites

[21]  Les notes manuscrites concernant l’instance devant la Commission de la fonction publique :

  1. Le 13 juin 2016, l’intimé a présenté des notes datées du 12 octobre 2005 et du 15 février 2006, qui ont été prises par ses représentants durant l’instance devant la Commission de la fonction publique;
  2. Le 18 octobre 2016, l’intimé a présenté d’autres notes prises par ses représentants durant l’instance devant la Commission de la fonction publique. Ces notes étaient datées du 6 février 2006 et du 29 août 2006.

[22]  Le plaignant sera autorisé à présenter une contre-preuve relativement aux questions soulevées dans son avis de requête. Cette autorisation est accordée dans la mesure où les notes ont été présentées à un stade avancé de l’instance et étaient des documents qui auraient dû être communiqués au plaignant avant sa déposition.

[23]  Lorsqu’il s’agira d’interroger le plaignant, son avocat aura pour consigne de lui poser des questions directes et non pas des questions ouvertes. Le plaignant et son avocat sont avisés, et on leur rappellera à l’audience qu’ils ne pourront pas se servir de la contre-preuve pour développer des théories de l’affaire ou soumettre de longues versions de la preuve qui n’ont rien à voir avec des points précis.

B.  Les témoignages des témoins

a.  Barb Lennax

[24]  Les questions mentionnées aux sous-alinéas 6(b)(i) et (ii) de l’avis de requête et qui figurent à la page 125 du mémoire du plaignant ne feront pas l’objet d’une contre-preuve, car les critères relatifs à la contre-preuve n’ont pas été satisfaits et il faut souligner que le plaignant a soumis au Tribunal une preuve abondante sur ces questions.

[25]  En ce qui concerne la question des sous-alinéas 6(b)(i) et (ii), le document, c’est‑à‑dire la décision de la Commission de la fonction publique, sera présenté sur consentement comme pièce.

b.  Robert Farrell et Catherine Black

6(c) Les témoignages de Robert Farrell et de Catherine Black mentionnés à l’alinéa 6(c) de la requête du plaignant ainsi qu’à la page 126 du mémoire du plaignant n’ont pas répondu à la norme exigée pour justifier la présentation d’une contre‑preuve en l’espèce. De longues déclarations, en interrogatoire principal et en contre-interrogatoire, ont été faites sur ces questions.

c.  Mark Northcote

Le témoignage de M. Northcote mentionné à l’alinéa 6(d) de l’avis de requête fera l’objet d’une contre-preuve, car le Tribunal a déjà rendu une décision quant à celui‑ci.

d.  Robert Farrell

Le témoignage de M. Farrell, mentionné aux sous-alinéas 6(e)(i) et (ii), n’a pas répondu au critère utilisé pour déterminer s’il y a lieu de présenter une contre-preuve et cette question a en fait été traitée en contre-interrogatoire. Par conséquent, la présentation d’une contre‑preuve n’est pas autorisée.

e.  Catherine Black

Le témoignage de Mme Black qui est mentionné au sous-alinéa 6(f)(i) de l’avis de requête n’a pas répondu au critère utilisé pour déterminer s’il y a lieu de présenter une contre-preuve et, par conséquent, la présentation d’une contre-preuve n’est pas autorisée.

f.  Holly Stoner

Le témoignage de Mme Stoner, qui est mentionné au sous-alinéa 6(c)(i) de l’avis de requête, n’a pas répondu au critère utilisé pour déterminer s’il y a lieu de présenter une contre-preuve quant à cette question et, par conséquent, la présentation d’une contre‑preuve n’est pas autorisée.

[26]  Les dates de l’audience, qui reprendra durant la semaine du 24 avril 2017, sont confirmées, et toute autre requête sera entendue au début de l’audience.

 

Signée par

George E. UlyattGeorge E. Ulyatt  

Membre instructeur

Ottawa (Ontario)

Le 13 avril 2017

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties inscrites au dossier

Dossiers du Tribunal : T1726/8111 et T1769/12411

Intitulé : Chris Hughes c. Agence des services frontaliers du Canada

Date de la décision du Tribunal : 13 avril 2017

Date et lieu de l’audience : 7 mars 2017

Victoria (Colombie-Britannique)

Comparutions :

David Yazbeck , pour le plaignant

Nul n’a comparu pour la Commission canadienne des droits de la personne

Graham Stark , pour l’intimé

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