Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Titre : Les armoiries du Tribunal - Description : Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2016 TCDP 17

Date : le 28 octobre 2016

Numéros des dossiers : T2117/3315 & T2118/3415

[TRADUCTION FRANÇAISE]

Entre :

Roy Bentley

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Air Canada et

l’Association des pilotes d’Air Canada

les intimées

Décision sur requête

Membre : Alex G. Pannu

 



I.  La portée des plaintes

A.  Le contexte

[1]  Le plaignant soutient que la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) n’avait aucun pouvoir de restreindre l’évaluation de novo du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) concernant le bien-fondé des plaintes déposées. Étant donné que la Commission a conclu qu’il existait des motifs suffisants pour renvoyer les plaintes au Tribunal pour instruction, l’instruction ne devrait pas être limitée à une seule question.

[2]  Air Canada et l’Association des pilotes d’Air Canada (les intimées) soutiennent que la Commission a expressément renvoyé une seule allégation au Tribunal; à cet égard, les intimées se fondent sur la décision de la Commission, datée du 4 novembre 2015, dont il ressort que :

[traduction]

La Commission accepte la conclusion de l’enquêteur selon laquelle la preuve démontre qu’une distinction fondée sur l’âge est prévue à l’article L75.07 de la lettre d’entente no 75. La Commission décide de ne renvoyer que cette allégation au Tribunal.

B.  Le droit

[3]  Le Tribunal n’a pas la compétence d’instruire une plainte, à moins qu’elle ne lui soit renvoyée. De plus, le Tribunal n’a pas la compétence relativement à l’exercice du pouvoir discrétionnaire de la Commission, aux termes du paragraphe 44(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP ou la Loi), en ce qui concerne le rejet ou le renvoi d’une plainte. La Cour fédérale a confirmé qu’un contrôle judiciaire exercé par elle-même est la voie qu’il convient de suivre pour contester une décision de la Commission touchant une telle question. (Canada (Commission des droits de la personne) c. Warman, 2012 CF 1162, au paragraphe 56, décision confirmée par l’arrêt Lemire c. Canada (Commission des droits de la personne), 2014 CAF 18).

[4]  La portée du renvoi est déterminée par la lettre que la Commission envoie au président du Tribunal, car il s’agit du document qui met en branle tout le processus d’instruction du Tribunal. Cette lettre permet donc d’établir si la plainte a été renvoyée dans son intégralité ou non. Par conséquent, il faut examiner s’il existe un libellé précis limitant la portée de la plainte ou s’il y a renvoi de la plainte dans sa totalité. (Kanagasabapathy c. Air Canada, 2013 TCDP 7, aux paragraphes 29 à 32 (Kanagasabapathy)).

C.  Analyse et décision

[5]  Après avoir examiné les arguments présentés par les parties, le Tribunal a décidé d’examiner la preuve et d’entendre les arguments portant uniquement sur l’allégation selon laquelle l’article L75.07 de la lettre d’entente no 75 établi une distinction fondée sur l’âge. Le Tribunal fonde sa décision sur la lettre de la Commission adressée au président du Tribunal et datée du 12 novembre 2015 :

[traduction]

La Commission a décidé, en vertu du paragraphe 44(3) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, de vous demander d’instruire la plainte relative à l’allégation selon laquelle l’article L75.07 de la lettre d’entente no 75 établi une distinction fondée sur l’âge, car la Commission est convaincue, compte tenu de l’ensemble des circonstances, qu’une instruction est justifiée.

[6]  La lettre de la Commission contient une restriction qui limite la portée de l’instruction à l’allégation précise de discrimination fondée sur l’article L75.07 de la lettre d’entente no 75.

[7]  Les intimées se fondent sur la décision du Tribunal dans l’affaire Kowalski c. Ryder Integrated Logistics, 2009 TCDP 22, dans laquelle le Tribunal a conclu qu’une lettre de la Commission adressée aux parties et intitulée [traduction] « Décision de la Commission » limitait la portée de l’instruction. Toutefois, comme le Tribunal l’a expliqué dans la décision Kanagasabapathy, l’approche du Tribunal a été établie dans la décision Côté c. Canada (Procureur général), 2003 TCDP 32, qui consiste à se fonder sur le caractère déterminant de la lettre adressée par la Commission au président du Tribunal. Agir autrement signifierait que le Tribunal va au‑delà de la décision de la Commission et exerce un pouvoir de surveillance sur les faits et gestes de la Commission et ses décisions, ce qui est exclusivement du ressort de la Cour fédérale.

[8]  Le Tribunal a examiné la décision de la Commission datée du 4 novembre 2015, sur laquelle se fondaient les intimées. Toutefois, en raison des motifs énoncés ci‑dessus, le Tribunal n’est pas d’avis que la décision de la Commission datée du 4 novembre 2015 est déterminante de la portée du renvoi au Tribunal.

[9]  Les intimées soutiennent que les paragraphes 8, 9, 10, 11, 17B question no 1,18 et 20 se situent hors de la portée de la plainte dont le Tribunal est saisi. Compte tenu de cette évaluation, le Tribunal souscrit à l’avis des intimées.

II.  Témoin expert et rapport

A.  Le contexte

[10]  Le plaignant a fourni son exposé des précisions et la liste des témoins, laquelle n’inclut ni le nom du témoin expert ni un résumé du témoignage attendu. Le plaignant n’a pas non plus inclus le nom du pilote d’Air Canada ou de l’ancien pilote d’Air Canada qui témoignerait des incidences défavorables de la perte des prestations du Régime collectif d’assurance invalidité (le Régime).

[11]  Selon le plaignant, le paragraphe 6(3) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (les Règles) exige uniquement qu’un rapport pour chaque témoin expert soit signifié « dans le délai fixé par le membre instructeur », et cette exigence n’a pas encore été remplie.

[12]  Les intimées n’ont pas encore fourni leur exposé des précisions, car elles attendent des renseignements du plaignant. Les intimées soutiennent que le plaignant doit d’abord leur donner signification du nom du témoin expert et du résumé du témoignage de celui-ci avec l’exposé des précisions, parce que [traduction] « conformément au paragraphe 6(3) des Règles, le Tribunal a déjà exigé que le plaignant fournisse de tels renseignements précis dans sa directive du 18 janvier 2016 ».

B.  Le droit

[13]  Les Règles sont moins strictes que les règles d’un tribunal civil. Un membre instructeur peut exercer son pouvoir discrétionnaire à condition que ses décisions soient conformes à l’objet des Règles (paragraphe 1(1) des Règles) :

  i.    permettre que toutes les parties à une instruction aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre;

  ii.    permettre que l’argumentation et la preuve soient présentées en temps opportun et de façon efficace;

  iii.  permettre que toutes les affaires soient instruites de la façon la moins formaliste et la plus rapide possible.

[14]  Le paragraphe 6(3) des Règles donne au membre instructeur la possibilité de déterminer l’échéancier du dépôt des rapports d’experts. Une telle flexibilité doit être compatible avec les principes d’équité procédurale et de justice naturelle.

C.  Analyse et décision

[15]  Comme je l’ai indiqué ci-dessus, les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne sont moins strictes que les règles d’un tribunal civil. Certes, les intimées se fondent sur une directive du Tribunal pour solliciter la divulgation de certains renseignements avant la production de leur exposé des précisions, cependant, il est important de ne pas retarder davantage l’instruction en raison de la signification des rapports d’experts. Ainsi, le Tribunal exerce son pouvoir discrétionnaire conformément à l’objet des Règles et rend la décision suivante :

  1. En conformité avec l’alinéa 6(1)f) des Règles, le plaignant fournira le nom du pilote d’Air Canada, ainsi qu’un résumé du témoignage de celui-ci aux intimées dans un délai de deux (2) semaines à partir de la date de la présente décision sur requête.

  2. Les intimées déposeront leur exposé des précisions dans un délai de deux (2) semaines à partir de la réception de l’avis du plaignant selon lequel le pilote d’Air Canada sera ou ne sera pas cité comme témoin.

Les intimées se conformeront au paragraphe 6(1) des Règles et ne sont pas tenues de produire des renseignements relatifs aux témoins experts ou aux rapports de ceux-ci dans leur exposé des précisions.

[16]  Le paragraphe 6(3) des Règles confère au Tribunal le pouvoir discrétionnaire de déterminer l’échéancier du dépôt des rapports d’experts. Le Tribunal conclut que, au vu des questions qui se posent à ce jour relativement aux témoins experts, les parties devront d’abord terminer la communication des exposés des précisions. Ensuite, une conférence téléphonique de gestion d’instance sera prévue par le Tribunal afin de discuter des questions de divulgation, de procédure, et de toute autre question avant de déterminer une date d’audience. Lors de cette conférence téléphonique de gestion de l’instance, le plaignant avisera de son intention de citer un témoin expert. Si tel est le cas, nous discuterons de l’échéancier de la divulgation du nom du témoin expert, de ses titres de compétence, du résumé de son témoignage, du rapport, ainsi que de tout témoin expert que les intimées pourraient citer.

III.  Ordonnance

[17]  Le Tribunal rend l’ordonnance suivante :

·  Les paragraphes 8, 9, 10, 11,17B question no 1, 18 et 20 sont radiés de l’exposé des précisions du plaignant;

·  Le plaignant fournira le nom du pilote d’Air Canada qu’il a l’intention de citer et un résumé du témoignage de celui-ci aux intimées dans un délai de deux (2) semaines à partir de la date de la présente décision;

·  Les intimées déposeront leur exposé des précisions dans un délai de deux (2) semaines à partir de la réception de l’avis du plaignant selon lequel le pilote d’Air Canada sera ou ne sera pas cité comme témoin;

·  Une date pour la tenue de la conférence téléphonique de gestion de l’instance sera prévue par le Tribunal. Lors de celle-ci, le plaignant devra donner un avis selon lequel il a l’intention de citer ou non un témoin expert.

Signée par

Alex G. Pannu

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 28 octobre 2016

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