Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal

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Tribunal canadien des droits de la personne

 

Référence : 2016 TCDP  4

Date : Le 4 février 2016

No de dossier : T1863/9312

Entre :

Mohamed Yaffa

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Air Canada

l’intimée

Décision sur requête

Membre : David L. Thomas

 



I.  La demande de divulgation

[1]  La présente demande de divulgation survient dans le contexte d’une plainte fondée sur la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP) et déposée contre Air Canada par M. Yaffa. M. Yaffa allègue que la ligne aérienne a fait preuve de discrimination contre lui en le soumettant à un contrôle de sécurité approfondi en raison de sa race, de son origine nationale ou ethnique, de sa couleur et de sa religion, à six occasions différentes entre mars et juin 2010. Par suite des actes allégués d’Air Canada, M. Yaffa soutient avoir souffert de dépression, d’anxiété, d’insomnie et d’une diminution de son estime de lui‑même à l’égard desquels il sollicite une indemnité.

[2]  Par voie de requête, Air Canada demande que M. Yaffa et la Commission canadienne des droits de la personne (la « Commission ») produisent tous les documents concernant une autre plainte relative aux droits de la personne déposée par M. Yaffa contre l’Agence des services frontaliers du Canada (l’« ASFC »). Cette plainte concerne des événements qui se sont produits en mars 2009, avant les événements en cause dans la présente plainte, et allègue que des agents de l’ASFC ont ciblé M. Yaffa et l’ont injustement soumis à un contrôle secondaire à l’Aéroport international Pearson en raison de sa race, de sa couleur et de sa religion. Dans la plainte contre l’ASFC, M. Yaffa a déclaré que l’expérience lui a causé des [traduction] « blessures morales et un stress significatif » et que par la suite, il avait voyagé à trois occasions après l’incident et qu’à chaque fois [traduction] « les scénarios lui revenaient à l’esprit et il devenait nerveux, entre autres choses ».

II.  Les motifs de la demande

[3]  Dans le cadre du processus de divulgation continue, qui a fait l’objet d’une décision antérieure (voir Yaffa c. Air Canada, 2014 TCDP 22), M. Yaffa a fourni à Air Canada un formulaire de plainte contre l’ASFC qu’il avait auparavant déposé auprès de la Commission. Après avoir examiné le formulaire de plainte, Air Canada a demandé la divulgation de documents supplémentaires. Air Canada soutient que les circonstances donnant lieu à la plainte contre l’ASFC et la plainte contre elle semblent semblables dans la mesure où elles portent toutes deux sur des incidents qui se sont produits à des aéroports canadiens, dans le contexte de contrôles secondaires et par suite desquels le plaignant allègue des préjudices psychologiques. De surcroît, dans les deux plaintes, le plaignant allègue que les incidents ont eu lieu en raison de sa race, de sa couleur et de sa religion.

[4]  Air Canada ajoute que l’incident visé par la plainte contre l’ASFC et les préjudices psychologiques allégués qui y sont associés précède, d’un point de vue chronologique, de seulement une année les incidents allégués contre Air Canada. De plus, M. Yaffa allègue des préjudices psychologiques semblables causés par Air Canada et sollicite une indemnité pour lesdits préjudices, nonobstant le fait que les préjudices allégués peuvent avoir été préexistants et à l’égard desquels il peut avoir déjà reçu une indemnité de l’ASFC en vertu d’un règlement. 

[5]  Du point de vue d’Air Canada, afin de connaître la preuve contre elle et d’être en mesure d’y répondre, elle doit obtenir la possibilité d’examiner la question de savoir si M. Yaffa cherche à obtenir une indemnité d’Air Canada pour des préjudices psychologiques qui existaient auparavant et qui sont attribuables à la conduite de l’ASFC. En outre, toute reconnaissance de responsabilité, modalité de règlement, y compris l’indemnité versée à M. Yaffa pour des préjudices psychologiques, sont importantes pour la présente instance, compte tenu de la ressemblance de la nature des allégations formulées contre Air Canada et l’indemnité que cherche à obtenir M. Yaffa.

[6]  En vertu du paragraphe 50(1) de la LCDP, les parties qui comparaissent devant le Tribunal doivent avoir la possibilité pleine et entière de présenter leur preuve. Pour avoir cette possibilité, les parties doivent obtenir, entre autres choses, la divulgation de documents qui pourraient être pertinents et qui sont en la possession ou sous les soins de la partie adverse avant l’audition de l’affaire. Outre les faits et les questions présentés par les parties, la divulgation de documents permet à chaque partie de connaître la preuve qu’elle doit réfuter et, par conséquent, de se préparer adéquatement pour l’audition. Pour ce motif, s’il existe un lien rationnel entre un document et les faits, questions ou formes de redressement soulevées par les parties dans l’affaire, le document doit être divulgué en vertu des alinéas 6(1)d) et 6(1)e) des Règles de procédure du Tribunal des droits de la personne (03-05-04) (voir Yaffa v. Air Canada, 2014 TCDP 22).

[7]  La plainte à l’encontre de l’ASFC a été réglée avant que la Commission ne décide si elle justifiait une instruction devant le Tribunal. M. Yaffa et la Commission ont confirmé que les seuls documents demandés en leur possession et qui se rapportent à la plainte contre l’ASFC sont le formulaire de plainte initiale qui a déjà été divulgué à Air Canada et les documents concernant la médiation de la plainte et les modalités de règlement. Ils nient l’existence de tout rapport d’enquête ou de tout autre document demandé par Air Canada. M. Yaffa et la Commission s’opposent tous deux à la divulgation des documents relatifs à la médiation et au règlement puisqu’à leur avis, ils ne pourraient pas être pertinents pour les questions en litige dans la présente affaire. Ils soutiennent de plus que les documents sont privilégiés et, à ce titre, leur production ne peut être forcée en l’absence de circonstances exceptionnelles.

[8]  L’ASFC a aussi été invitée à présenter des arguments à l’égard de la demande de divulgation d’Air Canada. Elle convient avec M. Yaffa et la Commission que les documents relatifs à la médiation et au règlement ne devraient pas être divulgués. L’ASFC fait valoir que les documents n’ont pas de valeur probante et qu’Air Canada n’a pas montré un lien suffisant entre les documents demandés et les questions en litige dans la présente affaire.

III.  La décision sur requête

[9]  Pour les motifs ci-après, le Tribunal rejette la requête de l’intimée selon les modalités énoncées dans la présente décision.

IV.  Le cadre juridique

[10]  La présente décision découle du paragraphe 50(4) de la LCDP qui interdit au Tribunal d’admettre en preuve des éléments qui, dans le droit de la preuve, sont confidentiels devant les tribunaux judiciaires. Dans la présente affaire, le privilège invoqué est le privilège relatif aux règlements.

[11]  Dans l’arrêt Sable Offshore Energy Inc. c. Ameron International Corp., 2013 CSC 37 (« Sable »), la Cour suprême du Canada a confirmé l’importance des règlements amiables pour le système judiciaire et l’importance du privilège relatif aux règlements pour l’administration de la justice :

[11] Le règlement amiable permet aux parties de résoudre leur différend de façon mutuellement satisfaisante sans faire augmenter le coût et la durée d’une poursuite judiciaire pour les personnes concernées et le public.  Le juge en chef adjoint Callaghan a résumé ainsi les avantages du règlement amiable dans Sparling c. Southam Inc. (1988), 1988 CanLII 4694 (ON SC), 66 O.R. (2d) 225 (H.C.J.) :

[traduction] ... en général, les tribunaux préfèrent sans exception les règlements amiables. En d’autres termes, il existe un intérêt public prépondérant à ce que les parties en viennent à un règlement. Il s’agit là d’un principe qui sert généralement les intérêts des parties en ce qu’il leur épargne les frais de l’instruction des questions en litige, tout en réduisant la pression exercée sur un système de tribunaux provinciaux déjà surchargé

[12] Le privilège relatif aux règlements favorise la conclusion de règlements. Comme le confirme l’abondance de la jurisprudence à ce sujet, il s’agit d’un privilège générique. Comme pour les autres privilèges génériques, il bénéficie d’une présomption prima facie d’inadmissibilité, mais cette présomption souffre d’exceptions [traduction] « quand les considérations de justice que pose l’espèce le requièrent » (Rush & Tompkins Ltd. c. Greater London Council, [1988] 3 All E.R. 737 (H.L.), p. 740).

[12]  Le privilège relatif aux règlements repose sur l’idée que les parties seront davantage susceptibles de parvenir à un règlement si elles sont confiantes dès le départ que le contenu de leurs négociations ne sera pas divulgué. Les négociations en vue d’un règlement sont protégées, qu’un règlement final intervienne ou non, et le privilège relatif au règlement s’étend au contenu de tout règlement intervenu (Sable, aux paragraphes 13, 17 et 18). 

[13]  La Cour suprême reconnaît dans l’arrêt Sable que le privilège relatif aux règlements souffre d’exceptions, lorsque « [traduction] un intérêt public opposé l’emporte sur l’intérêt public à favoriser le règlement amiable ». Parmi ces intérêts opposés, on a retenu la prévention de la surindemnisation du demandeur (Sable, au paragraphe 19).

V.  L’analyse

[14]  En vertu de l’article 50 de la LCDP, le Tribunal doit donner aux parties « la possibilité pleine et entière » de présenter des éléments de preuve ainsi que leurs observations, sous réserve de l’interdiction d’admettre les éléments protégés par le droit relatif aux privilèges.

[15]  En l’espèce, l’intimée soutient qu’il est impérieux d’obtenir la possibilité d’examiner la question de savoir si le plaignant cherche à obtenir une indemnité pour des préjudices psychologiques qui existaient auparavant et qui sont attribuables à la conduite de l’ASFC, une conduite antérieure aux incidents allégués dans la présente plainte. Plus particulièrement, l’intimée fait valoir que toute admission de responsabilité, modalité de règlement, y compris l’indemnité versée pour les préjudices psychologiques, seraient importantes pour la présente instance. L’intimée soutient que l’omission de produire les documents en cause portera atteinte à sa capacité de présenter une défense.

[16]  Comme je l’ai indiqué plus haut, puisque le privilège relatif aux règlements est un privilège générique, les documents demandés relatifs à la médiation et au règlement (« les documents relatifs au règlement ») font l’objet d’une présomption prima facie d’inadmissibilité. La partie qui conteste la présomption a le fardeau d’établir qu’une exception s’applique au privilège générique (Sable, au paragraphe  19; voir aussi Dos Santos v. Sun Life Assurance Co. of Canada, 2005 BCCA 4, au paragraphe 19 (« Dos Santos »); Brown v. Cape Breton (Regional Municipality), 2011 NSCA 32, aux paragraphes 59 à 61 (« Brown »)).  

[17]  En réponse à la revendication du privilège relatif aux règlements, l’intimée invoque l’exception autorisant l’admissibilité de documents nécessaires pour prévenir la surindemnisation d’une partie. À cet égard, elle s’appuie sur l’arrêt Dos Santos dans lequel la cour a ordonné la divulgation d’un accord de règlement dans une poursuite en matière d’assurance.

[18]  Dans l’arrêt Dos Santos, l’épouse du plaignant recevait des prestations d’invalidité à long terme en vertu d’une police d’assurance collective auprès de la compagnie d’assurance Sun Life du Canada, à laquelle l’épouse avait souscrit au travail. La clause de subrogation de la police prévoyait que si l’invalidité était causée par la négligence d’un tiers, 75 % du recouvrement net de l’employé pour perte de revenus dans toute action devaient être versés à l’assureur, dans la mesure des prestations payées ou payables (Dos Santos, au paragraphe 4). 

[19]  Le plaignant a intenté une action contre le conducteur de la voiture qui avait blessé son épouse et le conducteur a été reconnu responsable à 100 %. Il y a ensuite eu médiation des dommages‑intérêts avec l’assureur du conducteur, Insurance Corporation of British Columbia (« I.C.B.C. »). Sun Life soutenait qu’elle avait le droit de voir les documents qui sous-tendaient le règlement conclu par médiation afin de pouvoir déterminer la somme payée à l’égard de la perte de revenus (Dos Santos, aux paragraphes 6 et 7).

[20]  La Cour d’appel de la C.‑B. était d’accord et a statué que le plaignant avait clairement mis en cause les droits de subrogation de Sun Life en vertu de la police d’assurance invalidité. Les documents étaient donc pertinents et nécessaires. Selon les mots de la cour, [traduction] « [e]n l’espèce, il existe un lien clair entre les sommes que le plaignant demande à la défenderesse et les sommes que le plaignant peut avoir déjà reçues dans le cadre du règlement avec I.C.B.C. » (Dos Santos, aux paragraphes 25 et 33).

[21]  L’application de l’arrêt Dos Santos à la présente affaire devant le Tribunal soulève plusieurs difficultés. Premièrement, et de la plus grande importance, la pertinence et la nécessité de divulguer les documents relatifs au règlement dans l’arrêt Dos Santos étaient évidentes. La partie demanderesse, Sun Life, avait le droit contractuel d’être indemnisée à l’égard de toute somme d’argent que recevait le plaignant du tiers négligent ou pour le compte de ce dernier. Dans la présente affaire, l’intimée, Air Canada, ne possède aucun droit contractuel d’indemnisation à l’égard de sommes d’argent que le plaignant a reçues de l’ASFC.

[22]  Deuxièmement, dans l’arrêt Dos Santos, il est clair que la partie demanderesse sollicite la divulgation de modalités de règlement qui régissent les paiements à un tiers à l’égard du même incident. En l’espèce, bien qu’un chevauchement soit possible, il n’est pas clair si les incidents donnant lieu à la plainte contre l’ASFC sont les mêmes que ceux donnant lieu à la plainte contre Air Canada. Quoi qu’il en soit, la présente affaire comporte des incidents multiples. Il est tout à fait possible qu’il n’y ait aucun chevauchement et que les incidents mentionnés dans la plainte contre l’ASFC soient tout à fait antérieurs aux allégations formulées contre Air Canada.

[23]  L’arrêt Brown, précité, comporte une situation factuelle qui s’apparente plus à celle en l’espèce. Dans l’arrêt Brown, la plaignante avait subi deux blessures distinctes au genou causées par deux défendeurs différents. Elle a réglé la réclamation à l’égard de la deuxième blessure et le défendeur visé par la première demande a demandé la divulgation de l’accord de règlement et la correspondance connexe. Dans l’arrêt Brown, la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse a suivi l’arrêt Dos Santos dans la mesure où il reconnaissait que le privilège relatif aux règlements souffrait des exceptions et que l’exception évidente qui pouvait s’appliquer à cette affaire comportait le risque de la double indemnisation (Brown, au paragraphe 72). Toutefois, dans l’arrêt Brown, la Cour a refusé d’ordonner la divulgation à cette étape de l’instance étant donné que la pertinence des communications relatives au règlement n’avait pas encore été établie et qu’il s’agissait d’une question pour le juge du procès (Brown, aux paragraphes 73 et 74).

[24]  Dans l’arrêt Brown, l’insistance de la cour sur la preuve de l’indivisibilité des deux blessures suscite un intérêt particulier. S’appuyant sur l’arrêt Athey c. Leonati, 1996 CanLII 183 (CSC), la cour a statué qu’en règle générale, lorsqu’il existe plus d’une cause pour la blessure d’un plaignant, la cour doit tout d’abord déterminer la question de savoir si la blessure est divisible ou indivisible (Brown, au paragraphe 15). Elle a ensuite conclu comme suit :

[traduction]

[23] La pertinence est une question de droit (R. c. Mohan, 1994 CanLII 80 (CSC), [1994] 2 R.C.S. 9, au paragraphe 18). Les éléments de preuve médicale présentés au juge en chambre étaient extrêmement limités. Ils sont loin de fournir à la cour suffisamment de renseignements pour se prononcer sur la question de savoir si les blessures au genou de Mme Brown étaient indivisibles au sens de l’arrêt Athey. Sans élément de preuve qui pourrait appuyer une telle détermination, il n’est pas possible de dire si les renseignements relatifs au règlement concernant l’accident de 2004 étaient pertinents. En ordonnant la divulgation, le juge en chambre a commis une erreur de droit. […]

[25]  Dans la présente affaire, l’audience n’a pas encore commencé et aucun élément de preuve n’a été présenté concernant les préjudices psychologiques du plaignant. Aucun élément de preuve n’a pas non plus été présenté sur la question de savoir si un ou plusieurs des trois vols ultérieurs mentionnés dans la plainte contre l’ASFC ont coïncidé effectivement avec l’un des cinq vols mentionnés dans la plainte contre Air Canada. 

[26]  L’intimée reconnaît dans ses arguments en réplique que [traduction] « l’existence d’un chevauchement n’est pas claire » entre les incidents mentionnés dans les deux plaintes, de même qu’il n’est pas clair si le plaignant a continué de ressentir les effets psychologiques des incidents donnant lieu à la plainte contre l’ASFC lorsqu’il prenait un vol d’Air Canada. L’intimée fait ensuite valoir ce qui suit :

[traduction]

Aucune des parties opposées n’ont fourni d’arguments ou d’éléments de preuve pour éliminer cette préoccupation pas plus qu’elles n’ont confirmé que les trois incidents de voyage ultérieurs mentionnés n’étaient pas avec Air Canada, à des dates pertinentes pour la présente plainte.

[27]  Bien que l’observation de l’intimée soit intéressante, la difficulté qu’elle soulève est qu’elle laisse entendre que les autres parties ont le fardeau de montrer que les documents relatifs au règlement ne devraient pas être divulgués. Toutefois, comme je l’ai expliqué ci‑dessus, il incombe à la partie demanderesse d’établir l’exception au privilège qui, selon la présomption, s’applique à des documents relatifs aux règlements. En l’absence d’une preuve suffisante pour réfuter la présomption, le privilège relatif aux règlements s’applique (Brown, au paragraphe 23).    

[28]  Cette situation peut changer après le début de l’audience et l’interrogatoire et le contre-interrogatoire du plaignant. Si, le cas échéant, un fondement de preuve suffisant était établi, le Tribunal serait disposé à examiner une requête en divulgation semblable qui ferait ressortir la pertinence et la nécessité des documents compte tenu de la preuve présentée. À ce moment-là, la possibilité de double indemnisation ou de surindemnisation pourrait être déterminée.

[29]  Dans le passé, le Tribunal a fait preuve de vigilance pour empêcher la possibilité de double indemnisation, comme l’illustrent des décisions comme Palm c. International Longshore and Warehouse Union, Local 500, 2011 TCDP 12 (« Palm »). Dans cette décision, s’appuyant sur l’arrêt Dos Santos, le Tribunal a ordonné la divulgation de règlements avec deux employeurs intimés dans une affaire instituée contre trois syndicats intimés. Il y a cependant lieu de souligner que le Tribunal a conclu que les plaintes, bien qu’elles n’aient pas été identiques, comportaient « des ressemblances frappantes » (Palm, au paragraphe 8). Plus particulièrement, il ressortait clairement d’un examen des plaintes qu’elles étaient toutes fondées sur la même période de deux mois dans le même établissement de travail (Palm, au paragraphe 7). 

[30]  Par contraste en l’espèce, la possibilité de chevauchement factuel demeure spéculative. La comparaison des deux plaintes dans la présente affaire n’indique pas la même « interdépendance » que dans le cas des cinq plaintes en cause dans Palm. Cela ne veut pas dire que la plainte contre l’ASFC et la plainte contre Air Canada n’ont pas de lien. Cela signifie plutôt qu’à l’étape actuelle des procédures, il n’est simplement pas possible de déterminer l’étendue ou le degré de leur interdépendance avec le degré de certitude qui est nécessaire pour réfuter la présomption du privilège relatif aux règlements. L’arrêt Dos Santos fait lui-même une mise en garde contre un critère trop peu exigeant, puisque les considérations d’ordre public qui sous-tendent le privilège relatif aux règlements sont impérieuses.

[31]  La surindemnisation est une possibilité en l’espèce, mais sa réalité doit être établie avant que le privilège relatif aux règlements puisse être réfuté. Le Tribunal a invité les parties à envisager une disjonction de la présente instruction, afin de permettre l’examen approfondi de la possibilité de chevauchement entre les allégations formulées contre l’ASFC et les allégations formulées contre Air Canada à l’occasion d’une audience consacrée uniquement à la responsabilité. Dans le cas et au moment où la responsabilité aurait été établie, les questions relatives à la divulgation concernant la surindemnisation auraient pu alors être examinées et décidées selon un solide fondement de preuve. Elles auraient même pu être résolues de façon consensuelle (Sable, au paragraphe 25). Malgré les avantages apparents de cette approche, les parties ont refusé l’invitation du Tribunal. 

[32]  La requête en production des documents relatifs au règlement est par les présentes rejetée, sans préjudice aux droits de la partie requérante de la présenter de nouveau après la présentation d’une preuve probante concernant la nature des allégations formulées contre l’ASFC comparée à celle des allégations formulées contre Air Canada et, plus particulièrement, concernant le degré et l’étendue de tout chevauchement entre : a) les incidents visés par les deux plaintes; b) les préjudices psychologiques allégués qu’ils auraient causés.       

Signée par

David L. Thomas  

Président du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 4 février 2016

 

 

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