Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal's coat of arms

Tribunal canadien
des droits de la personne

 

Référence : 2016 TCDP  3

Date : Le 4 février  2016

No de dossier : T2034/3514

Entre :

Youssef Almalki

- et –

le plaignant

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Air Canada

l’intimée

 

Décision sur requête

 

 

Membre instructeur : David L. Thomas

 


Table des matières

I. Introduction  1

II. Habituellement, une partie devrait demander directement à l’autre partie la divulgation de documents  1

III. Les demandes de divulgation du plaignant  3

IV. Les principes applicables à la divulgation  4

V. La décision du Tribunal  5

1. Les documents du centre de sécurité opérationnelle (CSO) relativement à la tentative du plaignant de s’enregistrer pour les vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris les communications entre les agents du CSO sur les lieux et en dehors des lieux, les rapports produits par le système automatisé qui identifiaient le plaignant sur la liste des « personnes précisées » et les registres de toute communication avec la Transportation Security Administration des États-Unis.  5

La réponse d’Air Canada  6

La décision du Tribunal  7

2. Tous les documents que détient l’intimée concernant le plaignant, y compris l’historique des déplacements, les registres de sécurité antérieurs, les registres de réservations, les registres de cartes d’embarquement, les registres de noms de passagers, les registres de systèmes d’évaluation de passagers, les profils et les préférences des clients d’Air Canada.  7

La réponse d’Air Canada  7

La décision du Tribunal  8

3. Les graphiques, les plans de vol, les autorisations de survol ou les autres renseignements concernant les itinéraires prévus et réels des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris tout document ou communication interne mentionnant les itinéraires précis survolant les États-Unis (plus particulièrement pour les vols AC7702 et AC1173).  8

La réponse d’Air Canada  8

La décision du Tribunal  8

4. Toute note de service ou tout document interne concernant les obligations et procédures d’Air Canada en matière de sécurité qui ont été utilisés pour prendre la décision de ne pas laisser le plaignant monter à bord des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011. 9

La réponse d’Air Canada  9

La décision du Tribunal  9

5. Tous les protocoles, toutes les procédures, politiques et tous les manuels de formation de l’intimée concernant les procédures de contrôle de la sécurité à l’enregistrement en vigueur le 18 juin 2011 ainsi que les confirmations selon lesquelles les employés de l’intimée ont réellement reçu une formation sur le traitement des passagers en ce qui concerne les procédures de sécurité, les droits de la personne ou les réalités culturelles. 10

La réponse d’Air Canada  10

La décision du Tribunal  10

6. Les dossiers de toutes les plaintes antérieures à l’encontre de l’intimée alléguant la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion, concernant l’application par l’intimée de listes de sécurité imposées par le gouvernement, ainsi que les renseignements concernant l’issue de ces plaintes. 11

La réponse d’Air Canada  11

La décision du Tribunal  12

7. Formuler et fournir des précisions supplémentaires concernant les lois, les règlements, les ententes ou les autres règles du Canada ou des États-Unis sur lesquels l’intimée s’est appuyée pour refuser de laisser monter le plaignant à bord de l’avion le 18 juin 2011.  12

La réponse d’Air Canada  12

La décision du Tribunal  13

8. Fournir un résumé plus détaillé du témoignage prévu de chaque témoin éventuel. 13

La réponse d’Air Canada  13

La décision du Tribunal  13


I.  Introduction

[1]  Le plaignant est un résident canadien et s’identifie comme un arabe et un musulman. Il a immigré au Canada depuis la Syrie avec sa famille en 1987 alors qu’il était âgé de huit ans. Il est maintenant un médecin spécialisé en radiologie. Il est le chef du service d’imagerie diagnostique à l’hôpital Bluewater Health à Sarnia (Ontario). Il allègue, en vertu de l’alinéa 5b) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. (1985), ch. H‑6 (la Loi), qu’il a fait l’objet d’un traitement différentiel défavorable à l’occasion de la fourniture d’un service offert par la ligne aérienne intimée.

[2]  En juin 2011, Air Canada a refusé de laisser M. Almalki monter à bord d’un vol de London (Ontario) à Toronto. Il s’agissait du premier segment d’un voyage de deux vols à destination de Vancouver avec sa famille. M. Almalki soutient que l’expérience lui a causé de la douleur et de la souffrance, une atteinte à sa dignité et à celle de sa famille, de même que de l’humiliation pour lui et sa famille. Il allègue de plus qu’il a subi d’importantes pertes de revenus en raison du fait qu’Air Canada a par la suite refusé de le laisser monter à bord de certains vols à destination du Nouveau-Brunswick où il allait périodiquement fournir des services comme suppléant.

[3]  Air Canada déclare qu’elle n’a pas agi de façon discriminatoire à l’encontre de M. Almalki. Elle soutient que le nom de M. Almalki figurait sur une liste de sécurité américaine et que la Transportation Security Administration (la « TSA ») des États‑Unis lui a ordonné de ne pas laisser M. Almalki monter à bord des vols en question. Selon Air Canada, elle n’avait pas le choix de refuser les services à M. Almalki.

[4]  Dans le cadre de la préparation pour l’audience de la présente affaire, M. Almalki a présenté une requête pour la divulgation de documents qui pourraient être pertinents. La présente décision vise cette requête.

II.  Habituellement, une partie devrait demander directement à l’autre partie la divulgation de documents

[5]  En guise de question préliminaire, le Tribunal aimerait attirer l’attention des parties sur la pratique habituelle concernant la divulgation. En vertu du paragraphe 6(5) des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les « Règles »), les parties sont tenues de divulguer et de produire les documents supplémentaires nécessaires si de nouveaux faits ou de nouvelles questions ou formes de redressement sont soulevés dans l’exposé des précisions (EDP) ou la réplique d’une autre partie ou si une partie constate une lacune dans la divulgation antérieure. 

[6]  On s’attend à ce qu’une partie demande tout d’abord directement à l’autre de divulguer et de produire les documents supplémentaires qui ne figurent pas dans la liste de documents dans son EDP. Le Tribunal préfère que les parties ne recourent au processus de requête que dans les cas où la divulgation soulève un litige après la présentation d’une telle demande présentée directement à la partie.

[7]  Dans la présente requête, l’intimée allègue que [traduction] « [u]n nombre important de documents parmi ceux demandés, sinon tous, étaient demandés pour la première fois dans le dossier de requête du plaignant. » Depuis le dépôt de la requête du plaignant, l’intimée soutient qu’elle a répondu à toutes les demandes de divulgation et a fourni d’autres documents supplémentaires.

[8]  Si c’est le cas, le Tribunal s’immisce inutilement dans le processus de divulgation entre les parties. De plus, le plaignant n’a pas choisi de fournir une réplique aux arguments qu’Air Canada a fournis en réponse de sorte que le Tribunal ignore quelles demandes de divulgation, s’il en est, sont encore en litige. Il est dans l’intérêt de toutes les parties de présenter les demandes de divulgation directement l’une à l’autre et de présenter des requêtes en divulgation devant le Tribunal uniquement lorsque les parties sont en désaccord.

III.  Les demandes de divulgation du plaignant

[9]  Dans sa requête, le plaignant demande à Air Canada la divulgation des huit éléments suivants :

[traduction]

  1. Les documents du centre de sécurité opérationnelle (CSO) relativement à la tentative du plaignant de s’enregistrer pour les vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris les communications entre les agents du CSO sur les lieux et en dehors des lieux, les rapports produits par le système automatisé qui identifiaient le plaignant sur la liste des « personnes précisées » et les registres de toute communication avec la Transportation Security Administration des États-Unis.

 

  1. Tous les documents que détient l’intimée concernant le plaignant, y compris l’historique des déplacements, les registres de sécurité antérieurs, les registres de réservations, les registres de cartes d’embarquement, les registres de noms de passagers, les registres de systèmes d’évaluation de passagers, les profils et les préférences des clients d’Air Canada.

 

  1. Les graphiques, les plans de vol, les autorisations de survol ou les autres renseignements concernant les itinéraires prévus et réels des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris tout document ou communication interne mentionnant les itinéraires précis survolant les États-Unis (plus particulièrement pour les vols AC7702 et AC1173).

 

  1. Toute note de service ou tout document interne concernant les obligations et procédures d’Air Canada en matière de sécurité qui ont été utilisés pour prendre la décision de ne pas laisser le plaignant monter à bord des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011.

 

  1. Tous les protocoles, toutes les procédures, politiques et tous les manuels de formation de l’intimée concernant les procédures de contrôle de la sécurité à l’enregistrement en vigueur le 18 juin 2011, ainsi que les confirmations selon lesquelles les employés de l’intimée ont réellement reçu une formation sur le traitement des passagers en ce qui concerne les procédures de sécurité, les droits de la personne ou les réalités culturelles.

 

  1. Les dossiers de toutes les plaintes antérieures à l’encontre de l’intimée alléguant la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion, concernant l’application par l’intimée de listes de sécurité imposées par le gouvernement, ainsi que les renseignements concernant l’issue de ces plaintes.

 

  1. Formuler et fournir des précisions supplémentaires concernant les lois, les règlements, les ententes ou les autres règles du Canada ou des États-Unis sur lesquels l’intimée s’est appuyée pour refuser de laisser monter le plaignant à bord de l’avion le 18 juin 2011.

 

  1. Fournir un résumé plus détaillé du témoignage prévu de chaque témoin éventuel.

[10]  Dans une lettre datée du 21 août 2015, Air Canada a répondu à chacune des huit demandes ci-dessus. J’examinerai chaque élément ci-après. Il y a toutefois lieu de souligner qu’Air Canada a indiqué que certains renseignements ou documents étaient des renseignements ou documents délicats relatifs à la sûreté et qu’elle les a retenus parce qu’elle n’était pas autorisée à les divulguer. À l’occasion de la dernière téléconférence sur la gestion de l’instance concernant ce sujet, tenue le 7 juillet 2015, l’avocat de l’intimée a informé les autres parties de ces restrictions et a indiqué que l’avocat du plaignant pouvait souhaiter obtenir de la TSA des observations concernant ces demandes de divulgation des renseignements ou documents délicats relatifs à la sûreté. L’avocat du plaignant s’est engagé à aviser la TSA au plus tard le 14 juillet 2015 et à demander une réponse pour le 24 août 2015. Malheureusement, l’avocat du plaignant n’a avisé la TSA que le 24 août 2015. La TSA a été invitée à envoyer une réponse au plus tard le 8 octobre 2015 si elle souhaitait présenter des observations. À la connaissance du Tribunal, la TSA n’a envoyé aucune réponse avant l’échéance du 8 octobre 2015 ni à la date de la présente décision sur requête.

IV.  Les principes applicables à la divulgation

[11]  Conformément au paragraphe 50(1) de la Loi, les parties qui comparaissent devant le Tribunal doivent avoir la possibilité pleine et entière de présenter leur preuve. Pour avoir cette possibilité, les parties doivent obtenir, entre autres choses, la divulgation de renseignements qui pourraient être pertinents et qui sont en la possession ou sous les soins de la partie adverse avant l’audition de l’affaire. Outre les faits et les questions en litige présentés par les parties, la divulgation de documents permet à chaque partie de connaître la preuve qu’elle doit réfuter et, par conséquent, de se préparer adéquatement pour l’audition. Pour cette raison, s’il existe un lien rationnel entre un document et les faits, les questions ou les formes de redressement soulevées par les parties dans l’affaire, le document doit être divulgué en vertu des alinéas 6(1)d) et 6(1)e) des Règles (voir Yaffa c. Air Canada, 2014 TCDP 22; Guay c. Canada (Gendarmerie royale du Canada), 2004 TCDP 34, au paragraphe 42 [Guay]; Rai c. Gendarmerie royale du Canada, 2013 TCDP 6, au paragraphe 28; Seeley c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2013 TCDP 18, au paragraphe 6).

[12]  Toutefois, la demande de divulgation ne doit pas être incertaine ou équivaloir à une « partie de pêche ». Les documents demandés devraient être décrits de manière suffisamment précise. De plus, la demande ne devrait pas obliger un étranger ou une partie au litige à se soumettre à une recherche onéreuse et fort étendue de documentation (voir Guay, au paragraphe 43).

[13]  Il y a également lieu de noter que la divulgation de documents qui pourraient être pertinents ne signifie pas que ces renseignements seront admis en preuve à l’audition de l’affaire ou qu’une importance significative leur sera accordée dans le processus décisionnel (voir Association des employé(e)s de télécommunication du Manitoba Inc. c. Manitoba Telecom Services, 2007 TCDP 28, au paragraphe 4).

V.  La décision du Tribunal

[14]  Les huit éléments demandés par M. Almalki sont énoncés ci-après. Sous chaque demande se trouve la réponse d’Air Canada, tirée de sa lettre datée du 21 août 2015. Sous la réponse d’Air Canada se trouve la décision du Tribunal à l’égard de chaque élément. Il convient de noter que le plaignant a eu la possibilité de présenter une réplique aux arguments d’Air Canada. Bien que l’échéance ait été communiquée aux parties, le plaignant n’a pas présenté de réplique au Tribunal, faisant en sorte qu’il était difficile pour le Tribunal d’évaluer les objections d’Air Canada à l’égard de la divulgation (une question qui sera discutée plus loin).

1. Les documents du centre de sécurité opérationnelle (CSO) relativement à la tentative du plaignant de s’enregistrer pour les vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris les communications entre les agents du CSO sur les lieux et en dehors des lieux, les rapports produits par le système automatisé qui identifiaient le plaignant sur la liste des « personnes précisées » et les registres de toute communication avec la Transportation Security Administration des États-Unis.

La réponse d’Air Canada

[traduction] Il est interdit à Air Canada de divulguer les documents demandés puisqu’ils sont directement visés par la définition de renseignements délicats relatifs à la sûreté en vertu des lois susmentionnées [voir ci-dessous]. Ainsi, la divulgation desdits renseignements constituerait une menace pour la sécurité nationale et des organismes gouvernementaux, y compris la TSA, sanctionneraient Air Canada. Nous croyons comprendre que l’avocat du plaignant s’est engagé à signifier les documents de sa requête à la TSA. Toutefois, malgré de nombreuses demandes, Air Canada n’a pas reçu une copie de la correspondance destinée à la TSA.

[15]  :

Il est interdit à toute personne autre que le ministre de communiquer des renseignements délicats relatifs à la sûreté qui sont créés ou utilisés sous le régime de la présente section, sauf si la communication est exigée par la loi ou est nécessaire pour satisfaire aux dispositions de la Loi relatives à la sûreté aérienne, aux exigences réglementaires ou aux exigences d’une directive d’urgence, ou pour en faciliter la conformité.

[16]  L’avocat de l’intimée soutient également que certains règlements des États-Unis restreignent aussi la divulgation des renseignements demandés. Plus précisément, Air Canada cite les dispositions §§1520.5 à 1520.7 du titre 49 du Code of Federal Regulations qui portent sur la protection de renseignements de sécurité délicats, la portée du règlement et les parties visées. À ce dernier égard, l’intimée fait valoir qu’un transporteur aérien étranger est une personne assujettie à la partie 1520.

La décision du Tribunal

[18]  Il est malheureux que l’avocat du plaignant n’ait pas répondu aux objections, puisqu’il n’est pas tout à fait clair si les objections sont valables. Premièrement, en ce qui concerne le règlement canadien cité, le RCSA semble autoriser expressément la divulgation dans les cas où elle est « exigée par la loi » ce qui inclurait, vraisemblablement, une ordonnance du Tribunal. En ce qui a trait aux dispositions américaines citées, le Tribunal ne voit pas clairement quelle disposition dans §1520.5 ou §1520.7 restreint véritablement la divulgation de renseignements de sécurité délicats. Le TCDP est-il lié par des dispositions législatives étrangères dans la mesure où il ne peut rendre une ordonnance visant la divulgation de tels renseignements? Le Tribunal aurait examiné des arguments sur ces points puisqu’ils sont susceptibles d’être soulevés de nouveau dans le cadre de la présente instruction.

[19]  En l’absence d’observations en réplique et de tout argument contraire, le Tribunal ne rend aucune ordonnance à l’égard d’Air Canada concernant la divulgation des éléments demandés.

2. Tous les documents que détient l’intimée concernant le plaignant, y compris l’historique des déplacements, les registres de sécurité antérieurs, les registres de réservations, les registres de cartes d’embarquement, les registres de noms de passagers, les registres de systèmes d’évaluation de passagers, les profils et les préférences des clients d’Air Canada.

La réponse d’Air Canada

[traduction] Le registre de noms de passagers du plaignant est joint en ONGLET 1 et était inclus dans l’exposé des précisions d’Air Canada. Air Canada vérifie si d’autres documents qui ne sont pas des documents délicats relatifs à la sûreté existent qui comprendraient des renseignements supplémentaires qui n’ont pas été divulgués jusqu’à maintenant et elle produira ces documents pertinents, si elle les trouve.

La décision du Tribunal

[20]  Le Tribunal ne rend aucune ordonnance à l’égard de cet élément puisque l’intimée a divulgué certains documents et s’engage à divulguer des documents pertinents supplémentaires si elle en trouve. De plus, le plaignant n’a pas déposé de réplique contestant le caractère satisfaisant de cette réponse.

3. Les graphiques, les plans de vol, les autorisations de survol ou les autres renseignements concernant les itinéraires prévus et réels des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011, y compris tout document ou communication interne mentionnant les itinéraires précis survolant les États-Unis (plus particulièrement pour les vols AC7702 et AC1173).

La réponse d’Air Canada

[traduction] Comme les vols en cause ont eu lieu il y a plus de quatre ans, Air Canada vérifie à l’heure actuelle l’existence de documents qui ne sont pas des documents délicats relatifs à la sûreté ou des documents qui pourraient être pertinents à l’égard des itinéraires des vols en cause et produira ces documents, si elle les trouve. Il est interdit à Air Canada de divulguer des documents délicats relatifs à la sûreté en raison des lois susmentionnées. La demande de divulgation de documents délicats relatifs à la sûreté devrait être présentée à l’autorité gouvernementale pertinente.

La décision du Tribunal

[21]  Air Canada a indiqué dans son EDP que les deux vols en question étaient [traduction] « considérés comme survolant les États-Unis et qu’ils sont (étaient) par conséquent assujettis aux règlements des États-Unis ».

[22]  Le Tribunal conclut que les renseignements demandés pourraient être pertinents. En conséquence, le Tribunal ordonne à Air Canada de divulguer les renseignements demandés qui indiquent si les itinéraires aériens de ces vols faisaient réellement en sorte que l’aéronef pénétrait dans l’espace aérien américain, ou subsidiairement, de divulguer tout document qui peut indiquer les raisons pour lesquelles les vols pouvaient être réputés être dans le ressort américain, à moins que cette divulgation ne soit interdite par les autorités législatives susmentionnées. Si cette divulgation est interdite, l’intimée indiquera de manière précise les dispositions du règlement susmentionné qui interdit la divulgation de documents.

4. Toute note de service ou tout document interne concernant les obligations et procédures d’Air Canada en matière de sécurité qui ont été utilisés pour prendre la décision de ne pas laisser le plaignant monter à bord des vols AC7702 et AC1173 le 18 juin 2011.

La réponse d’Air Canada

[traduction] Les documents demandés ne peuvent pas, en vertu des lois susmentionnées, être divulgués en raison de leur nature délicate relative à la sûreté. La divulgation desdits renseignements mettrait le public en danger et entraînerait pour Air Canada des sanctions de la part d’organismes gouvernementaux, y compris la TSA.

La décision du Tribunal

[23]  Selon la réponse ci-dessus, de tels documents semblent exister et je conclus qu’ils pourraient être pertinents. Il est malheureux que l’intimée n’ait pas précisé les dispositions législatives qui pourraient l’assujettir à des sanctions gouvernementales. De plus, il est noté que le législateur a, en vertu de l’article 52 de la Loi, conféré au Tribunal le pouvoir de prendre des mesures pour assurer la confidentialité d’une question touchant « la sécurité publique » ou si « la vie, la liberté ou la sécurité d’une personne » est mise en danger. Par conséquent, le Tribunal serait intéressé de connaître la raison pour laquelle cette demande ne pourrait pas obtenir de réponse compte tenu de l’article 52. Cependant, n’ayant reçu aucun argument en réplique de la part de l’avocat du plaignant, le Tribunal ne rend à ce moment-ci aucune ordonnance concernant cette demande.

5. Tous les protocoles, toutes les procédures, politiques et tous les manuels de formation de l’intimée concernant les procédures de contrôle de la sécurité à l’enregistrement en vigueur le 18 juin 2011 ainsi que les confirmations selon lesquelles les employés de l’intimée ont réellement reçu une formation sur le traitement des passagers en ce qui concerne les procédures de sécurité, les droits de la personne ou les réalités culturelles.

La réponse d’Air Canada

[traduction] La formation relative à l’interdiction de vol [Deemed High Profile (DHP)] est fournie dans le cadre d’un cours de formation de base. De plus, la formation relative à l’interdiction de vol doit être renouvelée tous les deux ans. La formation relative à l’interdiction de vol est incluse dans trois modules intitulés Security in Your Workplace [la sécurité dans votre milieu de travail], qui font partie d’un cours de base qui est obligatoire pour tous les nouveaux employés. La formation est également incluse dans deux autres cours, intitulés Security a Way of Life [la sécurité, un mode de vie] et Security and Operational Awareness [sécurité et sensibilisation opérationnelle]. Ces cours ne visent pas exclusivement la formation relative à l’interdiction de vol. Nous vous incluons toutefois les documents de formation desdits modules qui portent précisément sur le sujet à l’ONGLET 2. Veuillez prendre note que des sections ont été caviardées puisqu’elles contiennent des renseignements confidentiels et délicats relatifs à la sûreté.

Outre les modules ou cours susmentionnés, les employés d’Air Canada ont également accès à des documents qui concernent la liste d’interdiction de vol, y compris le document intitulé Security Clearances for Deemed High Profile (DHP) Edits [modifications des autorisations de sécurité pour la liste d’interdiction de vol], qui se trouve à l’ONGLET 2.

Air Canada offre également des cours de formation qui portent sur des sujets généraux comme le harcèlement. Ces cours portent sur les droits de la personne de même que sur des thèmes comme le respect qui sont inhérents aux réalités culturelles. À l’onglet 3, Air Canada inclut des extraits d’un cours sur le sujet des relations entre employés et le harcèlement, qui offrent un exemple de tels documents.

La décision du Tribunal

[24]  Compte tenu de l’importance de la divulgation faite en réponse à cette demande et n’ayant reçu aucune observation en réplique de la part du plaignant qui permettrait d’évaluer le caractère satisfaisant de la divulgation de l’intimée, le Tribunal ne rend aucune ordonnance à l’égard de cet élément.

6. Les dossiers de toutes les plaintes antérieures à l’encontre de l’intimée alléguant la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur ou la religion, concernant l’application par l’intimée de listes de sécurité imposées par le gouvernement, ainsi que les renseignements concernant l’issue de ces plaintes.

La réponse d’Air Canada

[traduction] Air Canada a reçu au cours des dernières années les plaintes suivantes concernant la discrimination fondée sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur et les listes de sécurité :

 En 2008, il y a eu un total de 12 plaintes qui semblent alléguer la discrimination fondée sur la nationalité seulement et une fondée sur l’origine ethnique.

 En 2009, il y a eu un total de quatre plaintes, dont deux semblent alléguer la discrimination fondée sur la nationalité et deux qui se rapportent à la race.

 En 2010, il y a eu une plainte qui semble alléguer la discrimination fondée sur la race et deux plaintes fondées sur l’origine ethnique.

 En 2011, il y a eu sept plaintes qui semblent alléguer la discrimination fondée sur l’origine ethnique.

 En 2012, il y a eu six plaintes qui semblent alléguer la discrimination fondée sur l’origine ethnique.

 En 2013, il y a eu deux plaintes qui semblent alléguer la discrimination fondée sur l’origine ethnique.

 En 2014, il y a eu une plainte qui semble alléguer la discrimination fondée sur l’origine ethnique.

En résumé, depuis 2008, Air Canada a relevé un total de 35 plaintes, dont 18 se rapportent à l’origine ethnique, 14 se rapportent à la nationalité et trois à la race. En ce qui concerne les 35 plaintes, 30 ont été résolues au moyen d’une lettre transmise à la personne plaignante expliquant les exigences en matière de sécurité et une a été résolue confidentiellement à la suite d’une plainte présentée à la Commission canadienne des droits de la personne. À ce jour, quatre plaintes ne sont pas réglées.

Les dossiers concernant les plaintes contiennent des renseignements privés et confidentiels qui visent des tiers non concernés et qui ne peuvent être retranchés des dossiers et, ainsi, ils ne peuvent être divulgués en vertu du paragraphe 9(1) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, L.C. 2000, ch. 5.

La décision du Tribunal

[25]  Compte tenu de l’importance de la divulgation faite en réponse à cette demande et n’ayant reçu aucune observation en réplique de la part du plaignant qui permettrait d’évaluer le caractère satisfaisant de la divulgation de l’intimée, le Tribunal ne rend aucune ordonnance à l’égard de cet élément. Le Tribunal note toutefois que l’alinéa 7(3)c) de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques, précitée, autorise la communication à l’insu de l’intéressé ou sans son consentement dans les cas où la communication est « […] exigée par assignation, mandat ou ordonnance d’un tribunal, d’une personne ou d’un organisme ayant le pouvoir de contraindre à la production de renseignements ou exigée par des règles de procédure se rapportant à la production de documents » (voir Thambiah c. Association des employeurs maritimes, 2009 TCDP 30, au paragraphe 4).

7. Formuler et fournir des précisions supplémentaires concernant les lois, les règlements, les ententes ou les autres règles du Canada ou des États-Unis sur lesquels l’intimée s’est appuyée pour refuser de laisser monter le plaignant à bord de l’avion le 18 juin 2011.

La réponse d’Air Canada

[traduction] L’exposé des précisions d’Air Canada a indiqué les lois et règlements pertinents. Les documents de la TSA sur lesquels Air Canada s’est appuyée sont expressément classés comme des documents délicats relatifs à la sûreté par l’alinéa 1520.7(b) du titre 49 du Code of Federal Regulations et, par conséquent, Air Canada ne peut les divulguer sans le consentement de la TSA. De plus, lesdits documents renferment des précisions relatives aux procédures confidentielles en matière de sécurité, dont la divulgation constituerait une menace pour la sûreté de l’aviation nationale.

La décision du Tribunal

[26]  Étant donné que le plaignant n’a présenté aucun argument en réplique qui permettrait d’évaluer le caractère satisfaisant de la divulgation de l’intimée, le Tribunal ne rend aucune ordonnance concernant cet élément.

8. Fournir un résumé plus détaillé du témoignage prévu de chaque témoin éventuel.  

La réponse d’Air Canada

[traduction] Air Canada n’a pas encore choisi le témoin ou les témoins qu’elle appellera. Toutefois, le témoignage prévu portera surtout sur la principale question de savoir si, dans son application des procédures de sécurité, Air Canada a ou non fait preuve de discrimination fondée sur un motif interdit à l’encontre du plaignant. La preuve d’Air Canada montrera que les procédures de sécurité dans la présente affaire ont été appliquées également et sans exception à chaque passager du vol en cause et qu’Air Canada n’a donc pas fait preuve de discrimination fondée sur un motif interdit.

La décision du Tribunal

[27]  Étant donné que le plaignant n’a présenté aucun argument en réplique qui permettrait d’évaluer le caractère satisfaisant de la divulgation de l’intimée, le Tribunal ne rend aucune ordonnance concernant cet élément. Il est cependant présumé et ordonné que lorsque les témoins individuels seront identifiés, une divulgation en temps opportun sera faite aux autres parties conformément à l’alinéa 6(1)f) et au paragraphe 6(5) des Règles.  

Signée par

David L. Thomas  

Président du Tribunal

 

Ottawa (Ontario)

Le 4 février 2016

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