Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal's coat of arms

Tribunal canadien
des droits de la personne

 

Référence : 2015 TCDP 24

Date : Le 31 décembre 2015

Numéro du dossier : T1956/3613

Entre :

Ken Kelsh

le plaignant

- et -

La Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Chemin de fer Canadien Pacifique

l'intimée

Décision sur requête

Membre instructeur : Olga Luftig

 



I.  Contexte – la plainte

[1]  Le 12 août 2013, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a demandé que le président intérimaire du Tribunal canadien des droits de la personne (le Tribunal) instruise la plainte déposée par M. Ken Kelsh (le plaignant) contre la société Chemin de fer Canadien Pacifique (l’intimée).

[2]  Dans sa plainte modifiée, le plaignant allègue qu’il a été victime :

·  de discrimination en cours d’emploi fondée sur la déficience, de différence de traitement défavorable et de manquement à l’obligation d’adaptation, en contravention de l’article 7 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP);

·  de représailles, en contravention de l’article 14.1 de la LCDP;

·  de discrimination systémique dans les pratiques et procédures de l’intimée en matière d’administration de tests et de postulation, en contravention de l’article 10 de la LCDP.

[3]  Le plaignant est membre d’une section du syndicat des Teamsters (le syndicat). Son emploi est régi par une convention collective (la convention collective) conclue entre le syndicat et l’intimée.

[4]  La Commission ne participe pas à l’audience. Elle n’a pas pris position au sujet de la requête. 

II.  Requête du plaignant

[5]  La requête modifiée du plaignant vise à ce qu’une décision sur l’indemnisation des témoins et la divulgation de documents et de renseignements soit rendue. 

III.  Objet de la présente décision

[6]  L’audition de la plainte devrait débuter le 11 janvier 2016 et prendre fin le 22 janvier 2016. Dans la présente décision, je traiterai des demandes de divulgation figurant aux paragraphes 2 à 6 de la requête. Je rendrai une autre décision au chapitre de l’indemnisation des témoins. Je crois que le processus de divulgation nécessite plus de temps de la part des parties, et il est dans leur intérêt de connaître leurs obligations en matière de divulgation relativement à cette requête. La décision traite de chaque demande de divulgation individuellement.

Généralités

[7]  Bien que la présente décision cite tout d’abord les demandes de divulgation spécifiques figurant dans l’avis de requête, j’ai également énoncé les modifications qui ont été apportées aux paramètres de la divulgation demandée depuis le dépôt de l’avis de requête. Ces modifications découlent de la plaidoirie prononcée lors des conférences téléphoniques de gestion de l’instance (CTGI) du 8 décembre 2015 et du 18 décembre 2015, ainsi que de la correspondance que les parties ont transmise aux autres parties et au Tribunal.

IV.  Droit législatif, Règles du Tribunal et jurisprudence

[8]  Le paragraphe 50(1) de la LCDP prévoit notamment que le membre instructeur ou le Tribunal doit instruire la plainte pour laquelle il a été désigné et qu’il donne à toutes les parties « la possibilité pleine et entière de comparaître et de présenter, en personne ou par l’intermédiaire d’un avocat, des éléments de preuve ainsi que leurs observations ». Une divulgation appropriée des documents permettra aux parties d’avoir la pleine possibilité de présenter des éléments de preuve.

[9]  La règle 6 des Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04) (les Règles du Tribunal) traite des exposés des précisions, de la divulgation et de la production de documents et de renseignements.   

[10]  L’alinéa 6(1)d) des Règles s’applique particulièrement à la présente requête. Il prévoit ce qui suit :

Chaque partie doit signifier et déposer dans le délai fixé par le membre instructeur un exposé des précisions indiquant :

d) les divers documents qu’elle a en sa possession – pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n’est invoqué – et qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle;

[11]  Le paragraphe 6(5) des Règles rend l’obligation de divulgation continue dans les circonstances décrites.

[12]  Il est bien établi par la jurisprudence que la norme applicable à la divulgation de documents, conformément à l’alinéa 6(1)d) et au paragraphe (5) des Règles, est que les documents doivent être « potentiellement pertinents ». Il est également de jurisprudence constante que l’expression « potentiellement pertinent » signifie que, pour qu’un document soit potentiellement pertinent, il doit y avoir un lien rationnel entre le document dont on demande la divulgation et le fait, la question ou la forme de redressement demandée ou ceux qui sont mentionnés par d’autres parties (Seeley c. Compagnie des chemins de fer nationaux du Canada, 2013 TCDP 18 (Seeley), au paragraphe 6). Une demande de divulgation « ne doit pas être spéculative ou équivaloir à une “partie de pêche” » (Johanne Guay c. Gendarmerie royale du Canada, 2004 TCDP 34 (Guay), au paragraphe 43). 

V.  Paragraphe 2 de la requête

[13]  Ce paragraphe vise l’obtention de [traduction] « tous les documents importants sur les politiques de gestion portant sur les POV (permis d’occuper la voie), les exigences des sous‑contremaîtres et les capacités des opérateurs de machines du groupe 1 ».

[14]  La réponse de l’intimée à la requête (la réponse) faisait état des documents qui avaient été divulgués au chapitre des permis d’occuper la voie, de la protection du sous‑contremaître et des opérateurs de machines du groupe 1.

[15]  L’intimée a demandé que le plaignant mentionne tout document spécifique qui, selon lui, n’aurait pas été divulgué par l’intimée; cette dernière s’emploierait ensuite à trouver ledit document et à le divulguer. L’intimée a ajouté que, entre la date de la réponse et l’audience, elle divulguerait tout autre document qu’elle aurait pu omettre de divulguer, conformément au paragraphe 6(5) des Règles.

[16]  La réplique du 7 décembre 2015 du plaignant (la réplique) à la réponse précise que la demande de divulgation visait [traduction] « tout courriel ou note de service pertinent » de la direction de l’intimée [traduction] « qui traite » des politiques susmentionnées, [traduction] « particulièrement dans la période s’échelonnant du 1er janvier 2005 au 24 août 2011 (date du dépôt de la plainte) », et que [traduction] « pour la période subséquente, la demande vise tout document ne portant pas spécifiquement » sur la plainte [traduction] « et qui ne ferait donc pas l’objet d’un privilège de non‑divulgation ».    

[17]  Je conclus que le plaignant a suffisamment précisé sa demande de divulgation dans sa réplique en précisant à la fois le type de document demandé et les périodes visées par la demande. Le plaignant a également indiqué que, pour la période s’échelonnant du moment du dépôt de la plainte jusqu’à aujourd’hui, la demande exclut les documents pour lesquels un privilège de non‑divulgation est invoqué.

[18]  Je conclus que ces documents sont potentiellement pertinents, à savoir qu’il existe un lien rationnel entre eux et les permis d’occuper la voie, la protection du sous‑contremaître et les opérateurs de machines du groupe 1, qui sont tous pertinents à une question ou à un fait soulevé dans l’exposé des précisions des parties.

[19]  Par conséquent, l’intimée doit divulguer, si elle ne l’a pas déjà fait, tout document sur les politiques de gestion potentiellement pertinent qui porte sur les permis d’occuper la voie, les exigences des sous‑contremaîtres et les capacités des opérateurs de machines du groupe 1, y compris tout courriel ou toute note de service potentiellement pertinent de la direction de l’intimée qui traite des politiques susmentionnées, particulièrement au cours de la période s’échelonnant du 1er janvier 2005 au 24 août 2011, et, pour la période subséquente, tout document ne faisant pas l’objet d’un privilège de non‑divulgation au chapitre de la plainte en l’espèce. 

VI.  Paragraphe 3 de la requête

[20]  Ce paragraphe vise l’obtention de toutes les feuilles de postulation pour la division du Sud de l’Ontario pour la période s’échelonnant de 2004 à la fin de 2010 qui présentent les exigences s’appliquant à divers postes d’opérateur de machine du groupe 1, en ordre chronologique.

[21]  L’intimée souhaitait obtenir des éclaircissements quant aux régions pour lesquelles les feuilles de postulation étaient requises.

[22]  Dans sa réplique à la réponse, le plaignant a clarifié sa demande et l’a remplacée par celle‑ci :

  • a) avant 2014, la région qui est actuellement appelée le district 1 de la région de l’Est (Eastern Region District 1) s’appelait la division du Sud de l’Ontario (Southern Ontario Division);

  • b) la demande de divulgation a été modifiée comme suit : les bulletins de postes initiaux et les avis d’attribution émis en janvier et en février respectivement pour chaque année au cours de la période 2004‑2015.

[23]  Le plaignant soutient que ces documents sont pertinents aux questions de discrimination et d’adaptation, car ils font état des [traduction] « postes du groupe 1 disponibles, des exigences des postes (carte D ou carte E) […] », et des personnes auxquelles ces postes ont été attribués [traduction] « parmi le plaignant et ses pairs » au cours de cette période.

[24]  Pendant la conférence téléphonique de gestion de l’instance (CTGI) du 8 décembre 2015, l’avocate de l’intimée a indiqué qu’il ne fallait pas confondre les « feuilles de postulation » avec les « bulletins ». 

[25]  L’intimée publie des bulletins de postes présentant tous les postes pour lesquels les employés peuvent présenter leur candidature. Ensuite, chaque employé soumet sa candidature. Tout comme il existe un historique des bulletins, il existe un historique des candidatures présentées par chaque employé. Chaque employé postule pour un grand nombre de postes dans le bulletin applicable, les classant en ordre de préférence.

[26]  Lors de la CTGI du 8 décembre 2015, l’avocat du plaignant a précisé que le plaignant ne souhaitait obtenir que les principaux bulletins et avis d’attribution et non l’ensemble des feuilles de postulation de tous les employés. Il soutenait que cette demande n’exigeait pas que l’intimée mette sur pied un produit de travail, mais qu’elle fournisse simplement le dossier contenant ces documents qu’elle produit chaque année.

[27]  Au cours de la CTGI du 8 décembre 2015, l’avocat du plaignant a modifié la demande de divulgation dans cette catégorie et l’a remplacée par celle‑ci : 

[traduction] Les bulletins de postes de l’intimée pour les mois de janvier et de novembre et les avis d’attribution connexes pour le district 1 de la région de l’Est (appelé la division du Sud de l’Ontario avant 2014) et la division de Toronto, pour chacune des cinq années de la période 2011‑2015. 

[28]  Au paragraphe 34 de l’avis de requête du 17 décembre 2015 de l’intimée visant l’obtention d’un ajournement (la requête en ajournement), l’avocate de l’intimée a cité des extraits d’un courriel envoyé le 14 décembre 2015 par l’avocat du plaignant dans lequel ce dernier indiquait que la demande de divulgation et la réplique du plaignant exigeaient les [traduction] « bulletins et les avis d’attribution depuis 2004 » et réitérait la demande.

[29]  Lors de la CTGI du 18 décembre 2015, l’avocat du plaignant a déclaré que, nonobstant son courriel du 14 décembre 2015, il confirmait que la divulgation de bulletins et d’avis d’attribution souhaitée par le plaignant visait les bulletins du mois de janvier et les avis connexes de même que les bulletins du mois de novembre et les avis connexes, et ce, pour chaque année de la période de 2011 à 2015. 

[30]  Le 21 décembre 2015, l’avocat du plaignant a confirmé par courriel, avec copie conforme aux parties et au Tribunal, que l’avocate de l’intimée, Mme Ainslie, avait transmis tous les bulletins pour les mois de janvier et de novembre et les avis d’attribution connexes pour le district 1 de la région de l’Est et la division de Toronto, et ce, pour la période de 2011 à 2015.

[31]  Il n’est donc pas nécessaire d’ordonner leur divulgation dans la présente décision.

VII.  Paragraphe 4 de la requête

[32]  Ce paragraphe vise l’obtention de tous les renseignements figurant sur les feuilles de temps quotidiennes, y compris le salaire, en ordre chronologique pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2015 pour :

(i)  l’équipe d’entretien de la voie ferrée du Sud de l’Ontario no 1 (Ontario South Rail Crew No. 1) (en date du 1er janvier 2015, cette équipe s’appelle l’équipe d’entretien de la voie ferrée no 3 [Rail Crew No. 3]);

(ii)  la division de Toronto où le plaignant travaille de quatre à cinq mois chaque hiver.

[33]  Dans sa réponse, l’intimée a présenté sa position, que voici :

  • elle fournirait au plaignant ses feuilles de temps et les renseignements sur son salaire pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2003 au 31 décembre 2015;

  • le plaignant devait préciser la portée de sa demande, car s’il exige ces renseignements pour tous les autres employés membres des équipes d’entretien de la voie ferrée désignés de 2003 à 2015, le dossier comptera des milliers de pages;

  • cette information n’est pas probante ni pertinente, car les taux de rémunération pour les postes d’employés à l’entretien de la voie ferrée figurent dans l’entente salariale, qui a déjà été divulguée;

  • l’intimée contreviendrait à l’article 4.3 de l’annexe 1 de la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques (LPRPDE) si elle divulguait cette information.

[34]  Au paragraphe 8 de la réplique, le plaignant :

  • a reconnu que l’intimée avait divulgué les renseignements figurant sur ses propres feuilles de temps, mais que ces dernières ne faisaient état que des heures et non du salaire;

  • a révisé et a limité sa demande de divulgation afin qu’elle ne vise que les feuilles de temps quotidiennes des équipes d’entretien de la voie ferrée (FQEVF) pour les périodes suivantes :

(i)  du 1er janvier 2011 au 1er décembre 2015 pour toutes les équipes d’entretien de la voie ferrée du Sud de l’Ontario;

(ii)  la période hivernale s’échelonnant du 1er novembre au 30 avril, pour chaque année de la période de 2008 à 2015 pour la division de Toronto;

  • comme les FQEVF n’indiquent que le nom et le poste du membre de l’équipe et le nombre d’heures normales et d’heures supplémentaires travaillées pendant la journée en question, la confidentialité n’était pas une préoccupation importante;

  • conjuguées aux bulletins et aux avis d’attribution, les FQEVF permettraient au plaignant de calculer les possibilités d’heures supplémentaires dont il n’a pas pu profiter pendant les périodes où l’intimée ne l’a pas autorisé à conduire le camion à plate‑forme ou les camions chasse‑neige.

[35]  Lors de la CTGI du 8 décembre 2015, l’avocate de l’intimée a dit avoir divulgué ce qui suit au sujet du plaignant lui-même :

1.  son historique de postulation et d’attribution de poste de 2005 à 2011 – faisant état de chaque poste pour lequel il a présenté sa candidature et qui lui a été attribué pendant cette période;

2.  son historique de postes de janvier 2003 à novembre 2015;

3.  son historique de temps de travail faisant état des honoraires demandés et des heures enregistrées, qui indique également s’il a fait des heures supplémentaires ou d’autres tâches supplémentaires spéciales, entre janvier 2003 et novembre 2015.

[36]  Les documents demandés n’ont pas un titre officiel. Par souci de commodité, le plaignant a nommé chaque feuille quotidienne « feuille de temps quotidienne des équipes d’entretien de la voie ferrée ». Chaque feuille est inscrite dans un diagramme, et le tout est bien organisé. Chaque diagramme présente les 20, 30 ou 40 membres d’une équipe, le poste de chaque membre et le nombre d’heures normales et d’heures supplémentaires travaillées par chacun.   

[37]  Pendant la CTGI du 8 décembre 2015, l’avocat du plaignant a soutenu que la demande de divulgation des FQEVF cadrait avec l’historique des postes que l’intimée avait fourni. Toutefois, cet historique n’indique que si le plaignant travaillait à titre d’opérateur de machine du groupe 1 et rien de plus. Le plaignant a également besoin de savoir le moment où il travaillait à un poste donné.

[38]  L’avocat du plaignant fait également valoir qu’il n’existe essentiellement aucune autre manière de démontrer les pertes qu’a subies le plaignant en matière de salaire et d’heures supplémentaires pendant les cinq années où l’on ne l’autorisait pas à conduire le camion à plate‑forme comme il le faisait auparavant. La seule façon de prouver cette perte, ne serait-ce que d’une manière estimative, consistait à examiner le dossier des personnes qui étaient chargées de conduire le camion à plate‑forme pendant la période de 2011 à 2015 et à établir le nombre d’heures supplémentaires qu’elles ont travaillées.

[39]  Le plaignant n’avait besoin que des FQEVF des équipes d’entretien de la voie ferrée.

[40]  Le plaignant a fait savoir que le contremaître remplit les FQEVF et que l’intimée est censée les conserver dans la remorque pendant un certain temps. Les feuilles sont transmises aux chronométreurs. Le plaignant a ajouté que, [traduction] « cette année », les feuilles étaient informatisées et qu’il y en avait une par équipe par jour.

[41]  Le plaignant a également mentionné que, cette année, le district 1 de la région de l’Est est devenu « Algoma » et que les noms changent incessamment. Il a également fourni le nom des superviseurs concernés pour la période allant de 2011 à aujourd’hui et a précisé que, à la division de Toronto, ces feuilles de temps quotidiennes étaient conservées. 

[42]  Au cours de la CTGI du 8 décembre 2015, le plaignant a modifié sa demande de FQEVF et l’a remplacée par celle‑ci :

[traduction]

Toutes les FQEVF pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 (donc 365 par année) pour le district 1 de la région de l’Est (peu importe le nom passé ou actuel de cette région) et la division de Toronto, pour chaque équipe d’entretien de la voie ferrée et pour chacune de ces années, si possible; les feuilles doivent faire état des heures normales et des heures supplémentaires travaillées par chaque personne et du poste de chaque personne.

[43]  L’avocate de l’intimée a fait savoir :

i)  qu’elle demanderait à l’intimée si elle dispose des FQEVF pour les équipes d’entretien de la voie ferrée pour les périodes et les régions désignées qui feraient état du nom de chaque membre des équipes, des heures normales et des heures supplémentaires travaillées et du poste de chaque personne, ou si l’intimée dispose d’une partie de ces renseignements;   

ii)  que, si l’intimée dispose en tout ou en partie de ces feuilles, elle les transmettrait au plaignant; 

iii)  que, si l’intimée ne dispose que d’une partie de ces feuilles, elle en aviserait les autres parties par écrit. 

[44]  Mme Ainslie a demandé que ces documents soient rendus anonymes. Cependant, cela ferait en sorte qu’il serait impossible d’établir l’ancienneté des employés dans les FQEVF.

[45]  Par conséquent, le Tribunal a décidé de rendre une ordonnance de confidentialité s’appliquant à l’ensemble des FQEVF divulguées par l’intimée. Ainsi, aucun avocat, partie ou témoin ne doit, de quelque façon que ce soit, mentionner ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, tout renseignement (y compris, sans s’y limiter, le nom des personnes ou tout renseignement personnel, le salaire, les heures supplémentaires et la date de naissance) sur quiconque est visé par toute FQEVF, ou en discuter, sauf aux fins de l’audition de la présente plainte.    

[46]  Par surcroît, dans toute décision ou décision sur requête découlant de l’audience, l’anonymat de ces personnes sera préservé. 

[47]  La question des FQEVF a été soulevée de nouveau lors de la CTGI du 18 décembre 2015. Le plaignant a réitéré qu’il exigeait la divulgation des feuilles de 2011 à 2015 inclusivement, mais que, si elles n’étaient pas disponibles pour toutes ces années, il requérait les FQEVF pour l’année 2015 puisque, selon lui, l’intimée devrait disposer des feuilles pour cette année.

[48]  Mme Ainslie a envoyé un courriel à l’avocat du plaignant daté du 21 décembre 2015 à 10 h 55, avec copie conforme au Tribunal, dans lequel, entre autres, elle affirmait qu’elle avait compris que la demande du plaignant en ce qui a trait aux FQEVF avait été retirée. J’estime que cette conclusion repose sur un malentendu concernant les développements qui sont survenus à l’égard de cette question au cours de la CTGI du 18 décembre 2015. Cela dit, je comprends comment Mme Ainslie a pu parvenir à cette conclusion erronée, puisqu’elle n’a pas participé à la CTGI en question et que le principal objet de cette conférence était une requête visant l’ajournement de l’audience.   

[49]  Le 21 décembre 2015, à 12 h 34, l’avocat du plaignant a répondu au courriel de Mme Ainslie, avec copie conforme au Tribunal, pour réitérer que la demande de divulgation du plaignant visait, au minimum, les FQEVF pour l’année 2015.   

[50]  Ensuite, le 22 décembre 2015, à 3 h 07, l’avocat du plaignant a envoyé un courriel, avec copie conforme au Tribunal, dans lequel il avançait que les possibilités d’heures supplémentaires du plaignant au cours de 3,5 des 5 dernières années pourraient être calculées si l’intimée fournissait le même type d’historique de temps (Time History) faisant état des heures supplémentaires travaillées par plusieurs employés spécifiques qu’elle avait fourni fort rapidement pour le plaignant le 4 décembre 2015. Le plaignant a nommé, à titre d’exemple, un certain contremaître avec lequel il aurait travaillé s’il avait conduit le camion à plate‑forme. Le plaignant soutenait que l’intimée pouvait accéder à cet historique et le faire imprimer tout simplement en entrant le nom de l’employé dans le système informatique de l’entreprise. Le plaignant a également affirmé que le nom du ou des employés serait caviardé afin qu’ils ne puissent être identifiés que par leur poste et le fait qu’ils ont conduit le camion à plate‑forme et il a fait valoir que cela ne causerait pas de difficultés ni de préjudices à l’intimée et n’entraînerait pas un manquement au respect de la vie privée du ou des employés en question.

[51]  Le plaignant ne savait pas que l’intimée pouvait produire ce type d’historique avant de recevoir son propre historique de la part de l’intimée.

[52]  L’intimée n’a pas répondu directement à cette proposition du plaignant et s’en est remise à la décision du Tribunal.

Analyse

[53]  Comme l’intimée n’a pas répondu directement à la suggestion présentée par le plaignant dans son courriel du 22 décembre 2015 à 3 h 07 au sujet d’une autre possibilité en matière de divulgation, j’estime ne pas détenir suffisamment de renseignements pour établir si la suggestion du plaignant serait réalisable. En conséquence, à l’heure actuelle, je ne peux pas l’ordonner.

[54]  À l’annexe C de son exposé des précisions, le plaignant dit demander, entre autres, une indemnisation pour les heures supplémentaires dont il n’a pas pu profiter, selon ses allégations. Dans son exposé des précisions pour 2011, il allègue que le montant en question est [traduction] « apparemment très élevé ». Il allègue également que [le fait que le montant était élevé] [traduction] « […] serait attesté par les dossiers des personnes qui ont conduit le camion à plate‑forme ou d’autres opérateurs du groupe 1 ».

[55]  Selon les renseignements qui m’ont été fournis, les FQEVF contiennent les renseignements suivants sur chaque membre de l’équipe d’entretien de la voie ferrée : le nom (qui demeurera confidentiel), l’ancienneté, le poste travaillé, le nombre d’heures normales travaillées et le nombre d’heures supplémentaires travaillées. Ainsi, les FQEVF sont potentiellement pertinentes à une forme de redressement recherchée par le plaignant et, si elles sont disponibles, en tout ou en partie, l’intimée est tenue de les divulguer.   

[56]  Partant, l’intimée doit divulguer toutes les feuilles de temps quotidiennes des équipes d’entretien de la voie ferrée (FQEVF) pour les cinq années de la période de 2011 à 2015, pour le district 1 de la région de l’Est (peu importe le nom passé ou actuel de cette région) et la division de Toronto. Si l’intimée ne dispose pas de toutes ces FQEVF, elle devra divulguer celles qui sont en sa possession. 

[57]  Aux termes de l’alinéa 52(1)c) de la LCDP, je suis convaincue que, vu la nature personnelle des renseignements figurant dans les FQEVF et le fait que l’instruction est publique, il y a un risque sérieux de divulgation de questions personnelles ou autres de sorte que la nécessité d’empêcher leur divulgation dans l’intérêt des personnes concernées ou dans l’intérêt public l’emporte sur l’intérêt qu’a la société à ce que l’instruction soit publique; ainsi, les renseignements que renferment les FQEVF, y compris le nom des employés y figurant, demeureront confidentiels, comme il sera précisé davantage ci‑après.   

VIII.  Paragraphe 5 de la requête

[58]  Le plaignant a demandé des photographies de toutes les machines du groupe 1 et du groupe spécial (environ de 15 à 20 machines) portant le nom approprié, pour faciliter la tâche du Tribunal à l’audience.

[59]  L’intimée a déclaré ne pas disposer de telles photographies. À son avis, lui exiger de fournir les photographies s’apparenterait à lui demander de fournir un produit de travail. Qui plus est, le plaignant est en mesure de déterminer les machines qui sont pertinentes aux fins de sa plainte et devrait donc fournir lui‑même les photographies.

[60]  À la CTGI du 8 décembre 2015, l’intimée a également fait savoir que son site intranet, RailCity, ne contenait pas les images recherchées. Bien que l’intimée ait reconnu que les photographies demandées seraient utiles tant pour les deux parties que pour le Tribunal, elle était d’avis que le plaignant serait mieux placé pour photographier les machines puisqu’il sait lesquelles sont pertinentes pour sa plainte.   

[61]  Le plaignant a ensuite offert de prendre les photos sur le chantier de Toronto de l’intimée pourvu que son superviseur ait d’abord autorisé sa venue sur la propriété de l’intimée. Cette précision visait à éviter toute faute potentielle pour intrusion.

[62]  Les parties ont convenu que le plaignant devrait prendre autant de photos que possible des machines pertinentes aux endroits appropriés et les produire subséquemment. 

[63]  Les parties ont convenu que c’est le plaignant qui serait chargé de prendre les photos. En outre, ni l’une ni l’autre des parties n’a soulevé de question au sujet des photographies lors de la CTGI du 18 décembre 2015 ni dans les communications transmises au Tribunal après cette date. Par conséquent, la présente décision sur requête ne comprendra aucune ordonnance relative aux photographies.

IX.  Paragraphe 6 de la requête

[64]  Le plaignant cherchait à obtenir l’adresse domiciliaire de Vasile (Romeo) Cazecu et une aide au chapitre de la signification de l’assignation du Tribunal à ses témoins au cours des heures de travail ainsi que les coordonnées des témoins, dans une mesure raisonnable, y compris leurs adresses domiciliaires.

[65]  Dans sa réponse, l’intimée a soutenu que la divulgation de l’adresse domiciliaire de ses employés contreviendrait à l’article 4.3 de l’annexe 1 de la LPRPDE, mais qu’elle pourrait fournir l’adresse professionnelle de ses employés.

[66]  À la CTGI du 8 décembre 2015, les parties ont fait part des renseignements suivants :

  • la Commission avait signifié une assignation à témoigner à M. Cazecu et à tous les autres témoins du plaignant, sauf un certain M. Ian Wilson;

  • l’avocat du plaignant a indiqué que M. Cazecu avait un billet ouvert prévoyant son départ du Canada le 27 décembre 2015 et qu’il n’était censé revenir qu’en janvier 2016, après l’audience, et que M. Wilson ne savait pas s’il serait disposé à revenir plus tôt que prévu;

  • M. Cazecu est un témoin très important et essentiel pour le plaignant et une personne qui sera mentionnée dans les témoignages d’autres témoins;

  • l’avocate de l’intimée a fait savoir que l’intimée s’adapterait afin que M. Cazecu témoigne lorsqu’il le pourra au cours de l’audience.

[67]  J’ai alors mentionné que, sous réserve de la disponibilité des avocats, je pourrais être présente à Peterborough les 21, 22 et 23 décembre 2015 pour l’interrogatoire et le contre‑interrogatoire de M. Cazecu. Les parties ont indiqué que cela n’était pas possible en raison d’un conflit d’horaires.

[68]  J’ai également suggéré que l’avocat du plaignant rédige un affidavit que M. Cazecu signerait avant son départ, ce qui permettrait à l’intimée, si elle le souhaite, de poser des questions à ses propres témoins à la lumière du contenu de l’affidavit. Cela pourrait éliminer la nécessité d’appeler M. Cazecu à témoigner, sous réserve du droit de l’intimée de le contre‑interroger au sujet de son affidavit.

[69]  J’ai accepté la demande présentée par l’avocate de l’intimée, Mme Ainslie, en vue de disposer d’un délai pour consulter un avocat externe sur cette question et examiner le résumé du témoignage anticipé de M. Cazecu avant de fournir une réponse avant la fin des heures de travail le 9 décembre 2015.

[70]  Dans son courriel du 9 décembre 2015 aux parties et au Tribunal, l’avocate de l’intimée a fait savoir ce qui suit :

  • l’intimée préfère le recours à un témoignage de vive voix pour tous les témoins;

  • si M. Cazecu revient à temps pour témoigner pendant la première ou la deuxième semaine de l’audience, l’intimée acceptera de scinder l’affaire sous réserve de l’entente selon laquelle le Tribunal permettra à l’intimée de rappeler des témoins dans le but précis de répondre aux éléments de preuve présentés par M. Cazecu;

  • si M. Cazecu ne peut pas témoigner pendant l’audience, l’intimée accepte que le Tribunal scinde et prolonge l’audience, pourvu que le Tribunal permette à l’intimée de rappeler des témoins dans le but précis de répondre aux éléments de preuve présentés par M. Cazecu;

  • si l’audience doit être prolongée, les conclusions finales des parties ne doivent être présentées qu’après l’audition de tous les témoignages oraux.

[71]  Le 10 décembre 2015, l’avocat du plaignant a avisé le Tribunal que le plaignant acceptait la proposition présentée par l’intimée le 9 décembre 2015. M. Wilson s’est engagé à tenir le Tribunal et l’intimée au courant de la date de retour de M. Cazecu et de sa capacité à témoigner. L’avocat du plaignant a également déclaré que chaque témoin du plaignant et bon nombre de témoins de l’intimée traiteront des qualifications de M. Cazecu et des postes que l’intimée lui a permis d’occuper. Outre ces témoignages et la preuve documentaire connexe, les parties pourraient établir une entente écrite concernant certains faits. Ainsi, de l’avis de l’avocat du plaignant, on pourrait peut-être éliminer la nécessité d’appeler M. Cazecu à témoigner ou de prolonger l’audience. L’avocat du plaignant a également dit qu’il consulterait M. Cazecu pour savoir s’il pourrait être présent au cours de la deuxième semaine de l’audience.

Analyse

[72]  La forme d’aide demandée dans cette catégorie est maintenant sans objet.

[73]  Le Tribunal prend connaissance des observations des parties énoncées ci‑dessus au chapitre de leur entente portant que M. Cazecu peut témoigner en tout temps au cours de l’audience en janvier ainsi que des conditions de cette entente. S’il ne témoigne pas à ce moment‑là, les parties pourront présenter les observations susmentionnées ou toute autre observation qu’elles souhaitent présenter au Tribunal, et ce dernier les prendra en considération pour rendre sa décision sur la manière de procéder.   

X.  Décision

[74]  Si elle ne l’a pas encore fait, l’intimée doit divulguer tout document sur les politiques de gestion potentiellement pertinent qui porte sur les permis d’occuper la voie, les exigences ou les postes des sous‑contremaîtres et les capacités des opérateurs de machines du groupe 1, y compris tout courriel ou toute note de service potentiellement pertinent de la direction de l’intimée qui traite des politiques susmentionnées, particulièrement au cours de la période s’échelonnant du 1er janvier 2005 au 24 août 2011, et, pour la période s’échelonnant du 25 août 2011 jusqu’à maintenant, tout document ne faisant pas l’objet d’un privilège de non‑divulgation au chapitre de la plainte en l’espèce.

[75]  Si elle les a en sa possession, l’intimée doit divulguer tous les documents désignés dans la présente décision comme les feuilles de temps quotidiennes des équipes d’entretien de la voie ferrée (FQEVF) pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015 pour le district 1 de la région de l’Est (il se peut que cette région s’appelle actuellement « Algoma » et qu’elle ait eu d’autres noms antérieurement) et la division de Toronto, pour chaque équipe d’entretien de la voie ferrée; les feuilles doivent faire état du nom de chaque membre des équipes d’entretien de la voie ferrée, des heures normales et des heures supplémentaires travaillées par chaque personne et du poste de chaque personne.

[76]  Si l’intimée ne dispose pas de toutes les FQEVF pour la période s’échelonnant du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2015, pour les régions susmentionnées, l’intimée doit divulguer les FQEVF qui sont en sa possession pour cette période et ces régions et transmettre aux autres parties une confirmation écrite du fait qu’elle n’a pas les autres FQEVF demandées. 

[77]  Les FQEVF divulguées seront confidentielles. Aucun avocat, partie ou témoin ne doit mentionner ou transmettre, sous quelque forme que ce soit, tout renseignement sur toute personne nommée dans une FQEVF, y compris, sans s’y limiter, tout renseignement personnel de quelque nature que ce soit, comme le nom, le salaire, les heures supplémentaires, la date de naissance, l’adresse domiciliaire, le numéro de téléphone et l’adresse de courriel, ou en discuter, sauf aux fins de l’audition de la présente plainte.

Signée par

Olga Luftig

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 31 décembre 2015

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