Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human
Rights Tribunal

Tribunal's coat of arms

Tribunal canadien
des droits de la personne

 

Référence : 2015 TCDP 23

Date : Le 29 décembre 2015

Numéros des dossiers : T1625/17110, T1626/17210 et T1627/17310

Entre :

Leslie Palm

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

International Longshore and Warehouse Union, Local 500,  Richard Wilkinson et Cliff Wellicome

les intimés

Décision

Membre instructeur : George E. Ulyatt

 



I.  Introduction

[1]   La plaignante a présenté une requête en vue de modifier sa plainte pour y inclure la plainte de représailles déposée contre l’intimée, soit la section locale 500 du International Longshore and Warehouse Union (ci-après appelée International). La plaignante soutient qu’elle est continuellement victime d’intimidation et de harcèlement de la part d’International et donne des précisions à ce sujet.

[2]  Le Tribunal, plus précisément le membre Wallace, a rendu une ordonnance de confidentialité stricte le 9 septembre 2011 en ce qui a trait au règlement de Mme Palm avec son employeur et la British Columbia Maritime Employers Association (la BCMEA). Voici un extrait de cette décision :

[20] J’ordonne la divulgation du règlement aux autres intimés, divulgation qui doit être faite de la façon suivante :

a) Dans les quatorze jours après le prononcé de la présente ordonnance, Harris & Company, le cabinet d’avocats des employeurs intimés, fournira une copie du règlement à Caroline & Gislason, le cabinet d’avocats des autres intimés;

b) Ni Caroline & Gislason ni les autres intimés n’utiliseront la copie du règlement pour un tout autre objectif que la préparation à l’audience ou le règlement des plaintes de Mme Palm contre les autres intimés;

c) Caroline & Gislason pourra communiquer les dispositions du règlement de façon orale aux autres intimés. Caroline & Gislason ne fera pas de copies du règlement, et ni Caroline & Gislason, ni les autres intimés ne communiqueront les dispositions du règlement à quiconque, sauf dans le cas d’une audience ou du règlement des plaintes de Mme Palm contre les autres intimés;

d) Caroline & Gislason retournera la copie du règlement à Harris & Company dans les sept jours suivant les règlements des plaintes de Mme Palm contre les autres intimés.

[3]  Dans sa requête, Mme Palm soutient que les renseignements relatifs à ses plaintes, dont est actuellement saisi le Tribunal, ont été fournis à une tierce partie, et qu’en raison de la divulgation de ces renseignements, les fiduciaires du régime de santé et d’avantages sociaux de la Waterfront Employee Association (le fiduciaire) ont intenté une poursuite civile contre elle pour des prestations qu’elle a reçues en 2008, soit avant le dépôt des plaintes en matière de droits de la personne en 2009 et le règlement avec la BCMEA en 2011. L’argument de Mme Palm se fonde essentiellement sur le fait que les renseignements divulgués faisaient référence à son règlement et à sa santé; l’avocat du fiduciaire a écrit, le 15 octobre 2015, une lettre comprenant le passage suivant :

[traduction]

Le régime a appris récemment que vous avez reçu, en plus des prestations du régime, un règlement de votre employeur et de son représentant, ainsi qu’une indemnité complète de leur part. (Requête de Mme Palm)

[4]  International, par l’entremise de son avocat, a fait valoir que [traduction] « la requête de Mme Palm ne peut être considérée comme soutenable » et a demandé le rejet de la requête. Pour résumer sa position, International s’appuie sur la décision Virk c. Bell Canada, 2004 TCDP 10, au paragraphe 7, qui est formulée en ces termes :

[7] Il est désormais incontestable que ce Tribunal est habilité à modifier une plainte afin d’y ajouter une allégation de représailles. De façon générale, on devrait autoriser une modification, à moins qu’il soit manifeste et évident que les allégations faisant l’objet de la demande de modification ne sauraient être jugées fondées. En tout état de cause, le Tribunal ne devrait pas s’engager dans un examen approfondi du bien-fondé d’une modification. Un tel examen devrait être fait uniquement au regard de l’ensemble de la preuve, au terme d’une audience en bonne et due forme. Par conséquent, le critère à appliquer consiste à déterminer si les allégations de représailles sont, de par leur nature, liées, du moins par le plaignant, aux allégations qui ont donné lieu à la plainte initiale et peuvent être considérées comme soutenables. [Non souligné dans l’original.]

[5]  L’intimée fait valoir que les allégations formulées dans la plainte de Mme Palm doivent répondre à la définition énoncée à l’article 14.1 de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H‑6 (la LCDP), qui est formulé en ces termes :

[14.1] Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

[6]  Par conséquent, l’intimée fait valoir qu’il y a deux critères à respecter :

a) l’acte doit être punitif et causer des dommages à la plaignante;

b) l’acte doit être commis par un intimé ou une personne agissant au nom d’un intimé.

[7]  L’intimée fait valoir que la requête de Mme Palm ne satisfait pas à ces critères, et soutient que le syndicat n’exerce aucun contrôle sur la poursuite intentée par le fiduciaire.

[8]  La Commission a présenté un mémoire à l’appui de la position de la plaignante.

[9]  La Commission soutient que le Tribunal a un pouvoir discrétionnaire étendu en ce qui a trait aux procédures relatives à la conduite, qu’il a le pouvoir discrétionnaire et la compétence nécessaires pour modifier la plainte afin de tenir compte des allégations supplémentaires et que la Cour fédérale a confirmé ce principe. La Commission s’est appuyée sur l’arrêt Canderel Ltée c. Canada (C.A.), [1994] 1 R.C.F 3. Elle a également cité la décision rendue par le Tribunal dans l’affaire Cook c. Première nation d’Onion Lake, 2002 CanLII 61849 (TCDP), au paragraphe 19.

II.  Analyse

[10]  Les parties semblent toutes s’entendre d’après leurs observations, dans lesquelles elles reconnaissent que le Tribunal a la compétence nécessaire pour modifier la plainte afin d’y inclure les allégations de représailles (Virk, précitée, et Tabor c. La Première nation Millbrook, 2013 TCDP 9 (CanLII)).

[11]  L’intimée estime que la plaignante ne s’est pas acquittée du fardeau de prouver que sa cause est soutenable.

[12]  La capacité de modifier une plainte aux termes de la LCDP est claire. De plus, il ressort des questions et des affaires que la norme régissant la modification d’une plainte n’est pas élevée. La plaignante a établi une cause soutenable en ce qui a trait aux représailles. Elle peut modifier sa plainte. Il reste à prouver si la plainte modifiée sera accueillie.

[13]  L’intimée a la possibilité de présenter une requête en jugement sommaire, ou, à la fin de l’affaire de la plaignante, de demander un non‑lieu ou de présenter une preuve en vue de contester la plainte.

[14]  Le Tribunal applique la décision que la Cour d’appel fédérale a rendue dans l’arrêt Canderel, qui comprend le passage suivant :

[…] la règle générale est qu’une modification devrait être autorisée à tout stade de l’action aux fins de déterminer les véritables questions litigieuses entre les parties, pourvu, notamment, que cette autorisation ne cause pas d’injustice à l’autre partie que des dépens ne pourraient réparer, et qu’elle serve les intérêts de la justice [...] [Non souligné dans l’original.]

Canderel Ltée c. Canada (C.A.), [1994] 1 R.C.F. 3 (CanLII), au paragraphe 2.

[15]  À l’heure actuelle, la plaignante doit déposer ses plaintes, qui seront traitées comme il l’a déjà été précisé.

[16]  Le Tribunal sait qu’il y a trois plaintes remontant à 2009 et qu’actuellement, le membre du Tribunal est au moins le troisième à entendre cette affaire.

[17]  Le moment est venu d’aller au fond des choses et de clore cette affaire pour le bien de toutes les parties.

 


III.  Décision

[18]  Ordonnance

  • a) Mme Palm pourra déposer un exposé des précisions modifié au plus tard le 14 janvier 2016;

  • b) Mme Palm divulguera tous les documents se rapportant à sa plainte modifiée;

  • c) les questions pratiques feront l’objet de discussions à la conférence de gestion d’instance, qui se tiendra le 8 janvier 2016.

Signée par

George E. Ulyatt  

Membre du Tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 29 décembre 2015

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