Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Tribunal canadien des droits de la personne

Entre :

Lincoln Dinning

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

Commission

- et -

Anciens Combattants Canada

l'intimé

Décision

Membre : Edward P. Lustig

Date : Le 25 novembre 2011

Référence : 2011 TCDP 20

 



I.                   La plainte

[1]               Il s’agit d’une décision portant sur la plainte déposée par Lincoln Dinning le 17 septembre 2007. Le fils de M. Dinning, le caporal Matthew Dinning, a été tragiquement tué en Afghanistan en avril 2007 à 23 ans, alors qu’il était au service de son pays comme soldat pour les Forces canadiennes (FC). Lors d’un décès lié au service d’un membre des FC, une prestation forfaitaire de décès de 250 000 $ (avec ajustement annuel pour l’inflation), peut être payable par le ministre des Anciens Combattants, en vertu du paragraphe 57(1) de la Loi sur les mesures de réinsertion et d’indemnisation des militaires et vétérans des Forces canadiennes (la Nouvelle Charte des anciens combattants) sur demande, à l’« époux » ou au « conjoint de fait », à titre de « survivant », ou à un « enfant à charge », au sens de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Aucune autre personne, même un membre de la famille, n’a droit au paiement de la prestation de décès s’il n’y a aucun époux, conjoint de fait ou enfant à charge au moment de la mort du membre des FC. Les dispositions suivantes de la Nouvelle Charte des anciens combattants sont pertinentes :

Interprétation

2. (1) Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.

« Forces canadiennes » Les forces armées visées à l’article 14 de la Loi sur la défense nationale, ainsi que les forces navales, les forces de l’armée ou les forces aériennes du Canada ou de Terre-Neuve qui les ont précédées.

« conjoint de fait » La personne qui vit avec le militaire ou vétéran en cause dans une relation conjugale depuis au moins un an.

« enfant à charge » L’enfant du militaire ou vétéran ou l’enfant de son époux ou conjoint de fait qui réside habituellement avec lui et qui, selon le cas :

a) est âgé de moins de dix-huit ans;

b) est âgé de moins de vingt-cinq ans et suit un cours approuvé par le ministre;

c) est âgé de plus de dix-huit ans et ne peut gagner sa vie par suite d’une incapacité physique ou mentale survenue soit avant qu’il n’atteigne l’âge de dix-huit ans, soit après, mais avant qu’il n’atteigne l’âge de vingt-cinq ans, s’il suivait alors un cours approuvé par le ministre.

« militaire » Officier ou militaire du rang des Forces canadiennes au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur la défense nationale.

« survivant » Selon le cas :

a) l’époux qui, au moment du décès du militaire ou vétéran, résidait avec celui-ci;

b) la personne qui, au moment du décès du militaire ou vétéran, était son conjoint de fait.

(2) L’époux est considéré comme résidant avec le militaire ou vétéran et le conjoint de fait conserve sa qualité de conjoint de fait s’il est démontré que l’époux ou conjoint de fait ne vit pas avec le militaire ou vétéran pour l’une ou l’autre des raisons suivantes :

a)   le placement de l’un d’eux dans un établissement de santé;

b)   une situation de nature temporaire;

c)   d’autres circonstances indépendantes de leur volonté.

(3)  La mention de l’époux vaut mention de l’époux qui réside avec le militaire ou vétéran.

(4)  La présente loi ne s’applique pas à l’époux survivant si le militaire ou vétéran décède dans l’année qui suit la date de son mariage, sauf si :

a)   de l’avis du ministre, le militaire ou vétéran jouissait, lors de son mariage, d’un état de santé le justifiant de croire qu’il pourrait vivre encore au moins un an;

b)   l’époux, au moment du décès du militaire ou vétéran, vivait avec celui-ci dans une relation conjugale depuis au moins un an.

Indemnité de décès

Admissibilité : blessure ou maladie liée au service

57. (1) Le ministre peut, sur demande, verser au survivant ou à toute autre personne qui au moment du décès du militaire est un enfant à charge, en conformité avec l’article 59, une indemnité de décès si, à la fois, le militaire est décédé en raison d’une blessure ou maladie liée au service et le décès est survenu au plus tard trente jours après le jour où il a subi la blessure ou contracté la maladie

58. (1) Le montant de l’indemnité de décès est celui prévu à la colonne 2 de l’annexe 2 en regard de l’article 3.

59. Les règles ci-après s’appliquent à la répartition de l’indemnité de décès accordée au survivant ou à toute autre personne qui au moment du décès est un enfant à charge :

a)   s’il y a un survivant mais aucun enfant à charge, l’indemnité est versée en entier au survivant;

b)   s’il y a un survivant et un ou plusieurs enfants à charge :

(i) le survivant reçoit cinquante pour cent du montant de l’indemnité,

(ii) chaque enfant à charge reçoit la somme résultant de la division de cinquante pour cent du montant de l’indemnité par le nombre d’enfants à charge;

c)   s’il y a un ou plusieurs enfants à charge mais pas de survivant, chaque enfant à charge reçoit la somme résultant de la division du montant de l’indemnité par le nombre d’enfants à charge.

[2]               Lorsque le plaignant a déposé sa plainte, il ne pouvait pas se prévaloir de la prestation de décès à titre de parent, et son autre fils, Brendon Dinning, à titre de frère du caporal Dinning, ne pouvait pas non plus s’en prévaloir parce qu’ils ne satisfaisaient pas à la définition susmentionnée des personnes admissibles à recevoir la prestation de décès au sens de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Comme il n’avait pas été conclu que le caporal Dinning avait un conjoint de fait ou un enfant à charge au moment de son décès, aucun membre de la famille du caporal Dinning ne pouvait recevoir la prestation de décès. Si le caporal Dinning était décédé en laissant un époux, un conjoint de fait ou un enfant à charge, ces personnes auraient pu recevoir la prestation de décès.

[3]               Le plaignant soutient qu’en ne lui permettant pas, à titre de parent d’un soldat célibataire décédé en service, d’obtenir en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants la prestation de décès, l’intimé traitait sa famille (dont aucun membre ne pouvait obtenir la prestation de décès) différemment, de façon défavorable, d’une famille d’un soldat marié décédé en service (dont certains membres pouvaient obtenir la prestation de décès), agissant ainsi de façon discriminatoire en fonction des motifs de distinction illicite de la situation de famille et de l’état matrimonial énoncés à l’article 3 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP), en contravention des articles 5 et 10 de la LCDP. Les dispositions suivantes de la LCDP sont pertinentes :

Motifs de distinction illicite

Dispositions générales

Motifs de distinction illicite

3. (1) Pour l’application de la présente loi, les motifs de distinction illicite sont ceux qui sont fondés sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial, la situation de famille, l’état de personne graciée ou la déficience.

Ordonnances relatives aux actes discriminatoires

4. Les actes discriminatoires prévus aux articles 5 à 14.1 peuvent faire l’objet d’une plainte en vertu de la partie III et toute personne reconnue coupable de ces actes peut faire l’objet des ordonnances prévues aux articles 53 et 54.

Actes discriminatoires

Refus de biens, de services, d’installations ou d’hébergement

5. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, pour le fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public :

a)   d’en priver un individu;

 

b)   de le défavoriser à l’occasion de leur fourniture

Lignes de conduite discriminatoires

10. Constitue un acte discriminatoire, s’il est fondé sur un motif de distinction illicite et s’il est susceptible d’annihiler les chances d’emploi ou d’avancement d’un individu ou d’une catégorie d’individus, le fait, pour l’employeur, l’association patronale ou l’organisation syndicale :

a)   de fixer ou d’appliquer des lignes de conduite;

b)   de conclure des ententes touchant le recrutement, les mises en rapport, l’engagement, les promotions, la formation, l’apprentissage, les mutations ou tout autre aspect d’un emploi présent ou éventuel.

Représailles

14.1 Constitue un acte discriminatoire le fait, pour la personne visée par une plainte déposée au titre de la partie III, ou pour celle qui agit en son nom, d’exercer ou de menacer d’exercer des représailles contre le plaignant ou la victime présumée.

Exceptions

15. (1) Ne constituent pas des actes discriminatoires :

g)   le fait qu’un fournisseur de biens, de services, d’installations ou de moyens d’hébergement destinés au public, ou de locaux commerciaux ou de logements en prive un individu ou le défavorise lors de leur fourniture pour un motif de distinction illicite, s’il a un motif justifiable de le faire.

Actes discriminatoires et dispositions générales

Plaintes

40. (1) Sous réserve des paragraphes (5) et (7), un individu ou un groupe d’individus ayant des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte devant la Commission en la forme acceptable pour cette dernière.

Consentement de la victime

(2) La Commission peut assujettir la recevabilité d’une plainte au consentement préalable de l’individu présenté comme la victime de l’acte discriminatoire.

Autosaisine de la Commission

(3) La Commission peut prendre l’initiative de la plainte dans les cas où elle a des motifs raisonnables de croire qu’une personne a commis un acte discriminatoire.

Irrecevabilité

41. (1) Sous réserve de l’article 40, la Commission statue sur toute plainte dont elle est saisie à moins qu’elle estime celle-ci irrecevable pour un des motifs suivants :

a)   la victime présumée de l’acte discriminatoire devrait épuiser d’abord les recours internes ou les procédures d’appel ou de règlement des griefs qui lui sont normalement ouverts.

Rejet de la plainte

53. (2) À l’issue de l’instruction, le membre instructeur qui juge la plainte fondée, peut, sous réserve de l’article 54, ordonner, selon les circonstances, à la personne trouvée coupable d’un acte discriminatoire :

a)   de mettre fin à l’acte et de prendre, en consultation avec la Commission relativement à leurs objectifs généraux, des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables, notamment

(i) d’adopter un programme, un plan ou un arrangement visés au paragraphe 16(1),

(ii) de présenter une demande d’approbation et de mettre en œuvre un programme prévus à l’article 17;

b)   d’accorder à la victime, dès que les circonstances le permettent, les droits, chances ou avantages dont l’acte l’a privée;

c)   d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des pertes de salaire et des dépenses entraînées par l’acte;

d)   d’indemniser la victime de la totalité, ou de la fraction des frais supplémentaires occasionnés par le recours à d’autres biens, services, installations ou moyens d’hébergement, et des dépenses entraînées par l’acte;

e)   d’indemniser jusqu’à concurrence de 20 000 $ la victime qui a souffert un préjudice moral.

Indemnité spéciale

(3) Outre les pouvoirs que lui confère le paragraphe (2), le membre instructeur peut ordonner à l’auteur d’un acte discriminatoire de payer à la victime une indemnité maximale de 20 000 $, s’il en vient à la conclusion que l’acte a été délibéré ou inconsidéré.

[Non souligné dans l’original.]

[4]               La plainte comprenait les déclarations suivantes du plaignant :

[traduction]

Je dépose la présente plainte en matière de droits de la personne à la Commission au sujet du gouvernement fédéral, en particulier du ministère des Anciens Combattants. Je suis d’avis qu’ils agissent de façon discriminatoire envers les familles de soldats CÉLIBATAIRES décédés en service.

En bref, lorsqu’un soldat marié est tué en Afghanistan, sa famille (son époux et ses enfants) reçoit une prestation forfaitaire de décès de 250 000 $. Pourtant, lorsqu’un soldat CÉLIBATAIRE est tué, le ministère des Anciens Combattants ne paie aucune prestation de décès à la famille du soldat (ses parents ou ses frères et sœurs).

En conclusion, je vous demande de bien vouloir enquêter au sujet de la plainte en l’espèce et de déterminer si le ministère des Anciens Combattants agit de façon discriminatoire en ayant recours à cette pratique en particulier et, le cas échéant, de l’enjoindre à rectifier la situation et à traiter tous les soldats décédés en service (qu’ils soient mariés ou célibataires) de façon égale.

J’ai des motifs raisonnables de croire que j’ai été victime de discrimination.

II.                Les faits

[5]               Aucun autre particulier, à part le plaignant, n’a été identifié dans la plainte à titre de victime de discrimination.

[6]               Pour la préparation de la plainte, la Commission n’a obtenu le consentement d’aucune autre personne censément victime de la discrimination décrite en l’espèce.

[7]               Ni la Commission ni le plaignant n’a obtenu l’autorisation, de la part d’une autre personne censément victime de la même discrimination, de présenter la plainte ou de prendre des mesures pour faire avancer la plainte.

[8]               La Commission n’a pas introduit la plainte en l’espèce.

[9]               La plainte, telle qu’elle est décrite au paragraphe 4 ci-dessus, n’a jamais été modifiée et a été renvoyée au Tribunal par la Commission le 8 mars 2010, en application de l’alinéa 44(3)a) de la LCDP, pour instruction.

[10]           Le plaignant a déposé son exposé des précisions le 13 juillet 2010, la Commission, le 30 juillet 2010, et l’intimé, le 20 septembre 2010. Dans les exposés des précisions du plaignant et de la Commission, les faits importants sur lesquels ils se sont fondés étaient limités à la situation personnelle du plaignant.

[11]           L’audience a eu lieu à London (Ontario) pendant neuf jours à la fin du mois de mars et au début du mois d’avril 2011. Pendant cette période, le Tribunal a reçu 14 cahiers de preuve comprenant 328 documents ainsi que plusieurs éléments de preuve qui n’étaient pas annexés à ces cartables. Dix témoins ont été appelés par l’intimé, y compris deux témoins experts. La majorité des pièces et des preuves a été obtenue pour production et a été produite par l’intimée.

[12]           Le plaignant a agi pour son propre compte à l’audience et a témoigné lui-même. Il a été son seul témoin et n’a pas appelé d’autre personne à témoigner ni n’a produit de déclaration de membres de la famille d’un autre membre des Forces canadiennes décédé. L’épouse de M. Dinning, Laurie, et leur fils Brendon, ont assisté à certaines parties de l’audience, mais n’ont pas témoigné.

[13]           La Commission a participé à l’audience, mais n’a pas appelé de témoin et n’a pas produit de déclaration de membres de la famille d’un autre membre des Forces canadiennes décédé.

[14]           Les seuls membres de la famille de membres des Forces canadiennes décédés qui ont comparu ou qui ont témoigné à l’audience, sauf pour le plaignant, étaient trois témoins appelés par l’intimé à témoigner pour lui.

[15]           Le témoignage du plaignant a été extrêmement émouvant pour toutes les personnes qui l’ont entendu parce qu’une grande partie du témoignage portait sur la trop courte vie et sur la mort tragique d’un fils adoré. M. Dinning a courageusement et avec grand chagrin comparé la joie incroyable de voir grandir son fils talentueux, et de participer à ses apprentissages, avec la douleur indescriptible que sa femme et lui ont connue après la mort de Matthew. Sans surprise, il a décrit la naissance de Matthew comme étant la plus belle journée de sa vie, et sa mort, comme étant la pire. Son témoignage a fait comprendre, en détails peu rassurants et explicites, à quel point la vie est éphémère, précaire et précieuse, à quel point la relation entre un parent et un enfant peut être spéciale, et à quel point la mort d’un enfant est dévastatrice. Personne, lors du témoignage de Lincoln Dinning au sujet de son fils Matthew et des répercussions de la mort de ce dernier, n’a été laissé indifférent ou a été peu impressionné par M. Dinning et la façon digne dont il a présenté son témoignage. J’ai été reconnaissant d’avoir rencontré M. Dinning et j’espère que lui, son épouse Laurie et son fils Brendon trouveront une façon de composer avec leur deuil. Je me sens exactement de la même façon au sujet du témoignage du fils et de deux époux de soldats décédés qui ont témoigné à l’audience pour l’intimé. Ils ont parlé du deuil terrible qu’ils ont subi et des grandes difficultés auxquelles ils ont dû faire face lorsqu’ils se sont réajustés à la vie civile en raison du décès de leur père ou de leur époux.

[16]           Dans son témoignage à l’audience, le plaignant a parlé des répercussions qu’a eues la mort de Matthew sur lui, son épouse Laurie et son fils Brendon. Ce témoignage a été donné dans le contexte de l’une des questions principales de l’affaire portant sur l’objet légal de la disposition au sujet de la prestation de décès de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Cet avantage particulier fait partie d’un nouvel « ensemble » d’avantages qui ont été introduits lors de l’entrée en vigueur de la Nouvelle Charte des anciens combattants le 6 avril 2006 afin d’améliorer la situation des membres des Forces canadiennes et de leur famille. Les parties se sont entendues à l’audience que, bien que l’expression ne soit pas définie, la prestation de décès est un paiement forfaitaire qui vise à reconnaître et à indemniser un survivant ou un enfant à charge d’un membre des Forces armées pour les répercussions non économiques du décès soudain en service du membre sur le fonctionnement du ménage. Le témoignage que le plaignant a donné à ce sujet était le suivant :

[traduction]

Le fondement même de la famille est détruit après la mort d’un enfant.

Une famille est normalement composée d’une mère, d’un père et des enfants et, lorsque votre enfant meurt, votre conception de la famille meurt.

Il y a toujours eu quatre personnes dans nos photos de famille, maintenant il n’en reste que trois.

La perte des espoirs et des rêves en l’avenir. Le fait d’être incapable de voir Matthew grandir, se marier, avoir des enfants, être un père, être un grand-père. Je sais qu’il y aurait excellé.

Noël, les anniversaires, les fêtes ne sont plus les mêmes depuis que Matthew n’est pas là pour les partager avec nous.

Les amis de Matthew se marient et ont des enfants et nous ne vivrons jamais ça.

Les pertes de mémoire, les nuits blanches, le sentiment de culpabilité.

Comme parents, c’est votre devoir de protéger vos enfants. Qu’ils aient trois ans ou 23 ans, vous voulez les protéger et, dans le cas de Matthew, nous ne l’avons pas fait.

Nous rions moins. Nous pleurons plus.

Nous avons perdu un fils, un petit-fils, un frère, un ami.

Brendon, son seul frère, ne pourra pas avoir Matthew comme garçon d’honneur à son mariage, s’il se marie.

Chaque cérémonie de rapatriement nous ramène un flot de souvenirs et nos cœurs se serrent pour les familles nouvellement endeuillées.

Entendre une chanson, voir un film, regarder une photo, regarder une partie d’hockey ou de rugby d’enfants ramène des souvenirs de notre vie avant le décès de Matthew.

Notre bataille avec le gouvernement n’a fait qu’ajouter du stress à nos vies quotidiennes. Cela nous a fait sentir comme des citoyens de seconde classe. Tout ce que le gouvernement dit au sujet de l’appui aux troupes et à leur famille ne semble plus tenir lorsqu’un soldat célibataire est tué.

Des études ont démontré que les parents dont un enfant décède ont des vies plus courtes.

Les relations avec la famille et les amis sont différentes et certaines n’existent plus. Des gens qui étaient nos amis ne savent pas quoi dire, alors ils restent loin. Il semble que cela soit habituel après la mort d’un enfant.

Nous recevons encore du counseling pour les endeuillés. Laurie y a toujours recours, cinq ans après la mort de Matthew, et conduit deux heures pour se rendre à chacun de ses rendez-vous.

Nous nous demandons toujours « comment serait la vie si ce n’était pas arrivé »?

Nous nous ennuyons de son rire, de son sourire, de sa voix. Il n’y a plus d’appels téléphoniques, plus de courriels, plus d’histoire de ses aventures, plus de taquineries avec son frère. Il n’y a plus de bière sur la galerie arrière et de discussions au sujet des plans qu’il faisait pour son avenir.

La mort d’un enfant est la pire chose qu’une personne peut vivre. Lorsqu’on se marie, on dit « jusqu’à ce que la mort nous sépare ». On sait et on s’attend à ce qu’un jour, l’époux meure. Mais on ne s’attend jamais à ce que notre enfant meure. Un parent ne devrait pas avoir à enterrer ses enfants.

Lorsqu’un de vos parents meurt, vous perdez votre passé.

Lorsque votre époux meurt, vous perdez votre présent.

Si votre enfant meurt, vous perdez votre avenir.

Votre honneur, je ne souhaite pas ça à mon pire ennemi.

Alors, lorsque le ministère des Anciens Combattants croit que les parents et les frères et sœurs n’ont pas à être reconnus pour la perte de conseils, de soins et de camaraderie, et que notre ménage fonctionnera correctement sans Matthew, je ne suis pas d’accord.

[17]           Le plaignant a témoigné que son épouse et lui ne dépendaient pas financièrement de Matthew au moment de son décès. Cependant, ils dépendaient de Matthew d’autres façons. Comme le plaignant l’a écrit dans ses observations du 27 décembre 2009 en réponse au rapport d’enquête de la Commission :

[traduction]

Je pouvais compter sur Matthew pour faire tout ce que je lui demandais. Je pouvais compter sur lui pour couper la pelouse ou passer la souffleuse dans l’entrée lorsqu’il était à la maison. Je pouvais compter sur lui pour me faire sourire lorsqu’il me racontait des histoires de sa carrière et de ses nombreux accomplissements. Je pouvais compter sur lui pour m’écouter à titre de collègue policier, lorsque j’avais eu une journée particulièrement difficile au travail et que j’avais besoin de parler à quelqu’un. Pour l’avenir, je comptais sur Matthew pour me donner des petits-enfants et pour prendre soin de moi dans mon vieil âge. Vous voyez, la dépendance existe sous de nombreuses facettes. Je n’ai qu’à penser à ma mère veuve de 82 ans qui habite à l’arrière de la maison de mon frère. Mon frère et elle s’offrent mutuellement des conseils, des soins et de la camaraderie.

[18]           Le plaignant et la Commission n’ont fourni aucune preuve à l’audience au sujet des répercussions de la mort d’un autre membre des Forces armées sur sa famille. Comme je l’ai noté, ni Laurie, ni Brendon Dinning n’a témoigné à l’audience et ni l’un ni l’autre n’a été mentionné à titre de victime de discrimination sur le formulaire de plainte qui a été déposé. Le plaignant a mentionné à l’audience qu’il souhaitait faire inclure Brendon dans sa plainte parce que, si sa plainte était reçue, mais qu’il était incapable d’obtenir la prestation de décès en raison de son propre décès, il souhaitait que son fils survivant, Brendon, la reçoive afin qu’une personne dans la famille Dinning ait reçu la prestation découlant de la mort de Matthew. La Commission n’a pas appuyé l’ajout du frère à la plainte.

[19]           Le plaignant n’a fourni aucune preuve ni observation au sujet de l’article 10 de la LCDP et la Commission n’a pas appuyé la plainte au sujet de l’article 10.

[20]           Pendant tout le déroulement de cette affaire (y compris après l’audience, comme je le décrirai plus tard), le plaignant a toujours maintenu la position selon laquelle sa préoccupation portait sur la différence de traitement qu’il percevait de son fils, le caporal Dinning, à titre de soldat célibataire décédé, dont la famille ne pouvait pas obtenir la prestation de décès, par rapport à un soldat marié décédé, dont certains membres de la famille pouvaient obtenir la prestation de décès en vertu de l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants. À ce sujet, il a mentionné dans son témoignage les exemples qui suivent :

[traduction]

Deux soldats conduisent en Jeep et ils sont tous les deux tués par une bombe qui explose près de la route. Le conducteur, qui est marié, a droit à la prestation de décès. Le passager, qui est célibataire, n’y a pas droit. En quoi cela est-il égal?

Lorsque nos soldats tombés au combat reviennent à la base des Forces canadiennes de Trenton, le cortège funéraire se dirige vers le nord sur la 401. Les soldats mariés ne tournent pas à droite et les soldats célibataires, à gauche.

Ils suivent tous l’Autoroute des Héros et sont accueillis à la maison de façon égale.

Le plaignant était d’avis que cette différence de traitement n’était pas équitable et constituait un manque de respect et cela lui donnait à penser que l’intimé traitait la vie de feu son fils comme valant moins que la vie d’un soldat marié décédé.

[21]           Le plaignant a témoigné que l’argent n’était pas l’objet de sa plainte, mais qu’elle était plutôt fondée sur les principes. Il a déclaré qu’il ne serait jamais capable de remplacer son fils, mais qu’il était d’avis qu’il était essentiel que le gouvernement traite de façon équitable tous les soldats qui meurent à la suite d’une blessure liée au service, qu’ils soient mariés ou célibataires, et que ce traitement devait être gouverné par la générosité et non par la logique, peu importe le caractère cohérent ou justifiable du traitement actuel. Le plaignant était tellement axé sur ce thème que la seule question qu’il a posée à presque chacun des 10 témoins de l’intimé était celle de savoir s’ils étaient d’avis que le gouvernement devait traiter les soldats célibataires décédés et les soldats mariés décédés de la même façon.

[22]           De plus, le plaignant a témoigné qu’il n’avait pas déposé sa plainte dans le but de priver un époux, un conjoint de fait ou un enfant à charge d’un soldat marié décédé de la prestation de décès actuellement disponible en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants ou de faire réduire le paiement de cette prestation à l’une de ces personnes. Il a aussi déclaré pendant l’audience, et depuis l’audience, qui s’il y avait eu de tels survivants ou enfants à charge dans le cas du caporal Dinning, il n’aurait pas déposé de plainte et ne se serait pas présenté à l’audience. Il n’était pas du même avis que la Commission, qui soutenait que la loi pertinente était discriminatoire en n’incluant pas les parents de soldats mariés décédés à titre de bénéficiaires possibles de la prestation de décès. À ce sujet, la discussion suivante a eu lieu entre le plaignant et moi lors du témoignage de ce dernier à l’audience :

[traduction]

Le Membre : M. Dinning, j’ai une seule question. Que ce soit un soldat marié ou un soldat célibataire qui est décédé, dans les deux cas, les parents et les frères et sœurs sont traités de la même façon. Actuellement, ils n’obtiennent pas d’avantages?

M. Dinning : C’est ça, oui.

Le Membre : D’accord. Et vous suggérez que le traitement est le même, les parents sont traités de la même façon, qu’ils soient parents d’une personne mariée ou célibataire, votre position, je suppose, serait que – dans les deux cas, ils devraient obtenir un avantage à titre de parents d’un soldat marié autant qu’à titre de parents –

M. Dinning : Non, je ne dis pas ça du tout. Non, ce que je dis, c’est gardez les choses comme elles sont. Si vous avez une épouse, elle obtient la prestation. Si vous avez un enfant à charge, il obtient la prestation. Mais s’il n’y a aucune conjointe de fait, aucune épouse, alors les parents obtiennent la prestation parce qu’ils sont les prochains – les proches parents, la famille immédiate.

Le Membre : Donc dans le cas d’un soldat marié –

M. Dinning : Mmhmm.

Le Membre : -- il n’y aurait pas de paiement a un parent, il n’y aurait pas de --

M. Dinning : Non non, l’épouse reçoit tout, c’est ça. Non, je ne dis pas d’enlever quoi que ce soit, non non non. Ils l’obtiennent, ils le gardent, l’épouse l’obtient, les conjointes de fait si le soldat et elles ont habité ensemble pendant un an et satisfont à tous les critères, elles l’obtiennent. S’il n’y a pas d’épouse, comme pour certains soldats célibataires, célibataires dans le sens qu’ils ne sont pas mariés, mais qu’ils ont des enfants, alors l’enfant l’obtient, d’accord. Mais s’il n’y a pas – si un soldat célibataire n’a pas d’épouse ni d’enfants, les parents pourraient ou devraient l’obtenir et je dirais même plus, s’il n’y a pas de parents, alors le frère ou la sœur l’obtient. Et s’il n’y a personne, absolument personne, alors la succession l’obtient, d’accord.

Parce que l’un des hommes qui a été tués en même temps que Matthew, William Turner, n’avait pas de mère. Il avait 40 ans, n’avait pas de mère ni de père, ils étaient déjà décédés. Il avait une sœur, d’accord. Encore une fois, il est célibataire, il n’a pas droit à la prestation de décès. Donc dans son cas, la sœur serait la bénéficiaire.

Le Membre : Pensez-vous que, si c’est ce qui était fait, les parents de soldats mariés décédés trouveraient qu’ils sont traités d’une façon différente des parents de soldats célibataires décédés?

M. Dinning : Je ne pense pas du tout parce que – si Matthew avait été marié et avait eu des enfants, l’épouse aurait obtenu la prestation et nous n’aurions rien dit. Je veux dire, c’est comme ça que ça devrait se passer. Non il n’y a pas – je ne crois pas – je ne crois pas que des parents contrediraient ça. Je veux dire, ils sont mariés.

Quand – quand vous vous mariez et que vous avez des enfants, alors vous avez une famille immédiate différente, d’accord? Le soldat aura toujours une mère et un père, évidemment, mais si la prestation de décès est attribuée à l’épouse ou à l’enfant, je ne pense pas que les parents s’en plaindraient. Je ne m’en plaindrais certainement pas.

[23]           Dans ses conclusions finales, le plaignant a soutenu que l’intimé avait agi de façon discriminatoire envers lui et envers son fils en ne leur donnant pas la même occasion de recevoir la prestation de décès en vertu de la Nouvelle Charte des anciens combattants à titre de parent et de frère d’un soldat célibataire décédé que s’ils avaient été un époux, un conjoint de fait ou un enfant à charge d’un soldat marié décédé.

[24]           Dans ses conclusions finales, la Commission a soutenu que l’intimé avait agi et agissait de façon discriminatoire en ne payant pas de prestations de décès aux parents de soldats qui sont décédés en service, peu importe l’état matrimonial ou la situation de famille du soldat décédé. Comme je l’ai noté plutôt, le plaignant ne souscrit pas à la position de la Commission au sujet du fait que la loi est trop limitative en ce qui a trait à un soldat marié décédé. Rien ne donne à penser que la position de la Commission en ce qui a trait à la portée limitée de la loi pour les parents de soldats mariés décédés a été ajoutée à la plainte, a fait l’objet d’une enquête de la part de la Commission ou a été renvoyée au Tribunal en l’espèce.

[25]           Les parties ont convenu à l’audience que l’interprétation de l’intention du législateur en ce qui a trait à la prestation de décès prévue dans la Nouvelle Charte des anciens combattants était essentielle au jugement de l’affaire sur le fond. Comme je l’ai mentionné au paragraphe 16, la prestation de décès n’est pas un terme défini dans la Nouvelle Charte des anciens combattants, mais elle vise à reconnaître et à indemniser un époux, un conjoint de fait ou un enfant à charge survivant d’un membre des Forces canadiennes pour les répercussions non économiques du décès soudain du membre lié au service, qui comprend la perte de vie du membre et la perte de conseils, de soins et de camaraderie qui en découle, ainsi que pour les répercussions du décès du membre sur le fonctionnement du ménage.

[26]           Dans ses observations à l’audience, l’intimé m’a demandé d’interpréter l’objectif de la prestation de décès comme partie intégrante d’un « ensemble » d’avantages prévus par la Nouvelle Charte des anciens combattants, qui ont tous étés examinés, conçus et visés attentivement par le gouvernement fédéral à titre de programme de rétablissement à la vie civile, afin d’aider les membres de la famille en particulier (les époux, les conjoints de fait et les enfants à charge) qui suivent normalement les membres des Forces armées dans leur carrière et deviennent une partie de la « famille militaire » et qui sont les plus touchés en ce qui a trait à leur besoin de rétablir leur vie après la mort soudaine d’un membre liée au service. Selon l’intimé, il s’agit d’un exercice parfaitement rationnel et légitime du gouvernement pour l’allocation appropriée de fonds visant à aider les membres de la famille qui en ont le plus besoin et il ne s’agit pas d’une pratique discriminatoire visant à exclure d’autres membres de la famille, tels que les parents, qui n’ont pas les mêmes besoins. Selon l’intimé, en concevant et en mettant en œuvre la loi portant sur la prestation de décès, rien n’a donné à penser, ni dans les groupes de consultations, ni dans les études effectuées récemment, que les parents ont besoin de cette aide.

[27]           À l’inverse, la Commission m’a demandé d’interpréter l’objectif de la prestation de décès à titre de paiement forfaitaire non économique précisément lié au deuil que subissent les divers membres de la famille survivants d’un soldat décédé qui se distingue clairement d’un avantage économique visant le rétablissement à la vie civile fourni par divers avantages et programmes prévus dans d’autres parties de la Nouvelle Charte des anciens combattants afin de répondre aux besoins de rétablissement d’un groupe limité de membres de la famille survivants (époux, conjoints de fait et enfants à charge) après la mort soudaine d’un membre des Forces armées liée au service. Selon la Commission, il s’agit d’une pratique discriminatoire que d’exclure du paiement de la prestation de décès les membres de la famille tels que les parents qui subissent aussi un deuil en raison du décès soudain, des suites d’une blessure liée au service, d’un fils ou d’une fille dans l’armée.

III.             La question du caractère théorique

[28]           Au cours de l’audience, les parties et m’ont avisé de l’existence d’une demande en attente présentée à l’intimé par Mme Tanya Lowerison pour la prestation de décès, fondée sur le fait qu’elle était la conjointe de fait du caporal Dinning lorsqu’il est décédé. J’ai été avisé que Mme Lowerison avait déjà présenté une demande pour l’obtention de la prestation de décès, qui avait été rejetée, mais que par la suite, en raison d’un changement aux règles portant sur la période requise de cohabitation pendant le déploiement, Mme Lowerison avait obtenu la permission de présenter une nouvelle demande, qui était alors en examen. J’ai avisé les parties que la demande en attente de Mme Lowerison n’aurait aucune répercussion sur ma délibération sauf si, avant que je rende une décision en l’espèce, j’étais avisé que la demande de Mme Lowerison avait été accueillie.

[29]           Le 10 juin 2011, l’intimé a conclu pour la première fois que (i) Mme Lowerison était une « conjointe de fait » et une « survivante » de feu caporal Dinning, (ii) sa fille était une « enfant à charge » de feu caporal Dinning et (iii) une prestation de décès serait donc payée à Mme Lowerison et à sa fille, selon une proportion qui respectait la loi applicable.

[30]           Le 17 juin 2011, le plaignant a écrit aux parties :

[traduction]

Même si ma demande en particulier peut être « jetée par la fenêtre », il reste 75 soldats célibataires décédés qui sont touchés par cette décision. Cela vous permettrait aussi d’éviter de recommencer le processus au complet si une autre famille reprenait là où j’ai laissé et éviterait à un autre tribunal plus tard de rendre une décision sur le même sujet, pour un autre plaignant. (Je connais au moins trois familles qui poursuivraient la question.)

À aucun moment une preuve n’a été présentée en l’espèce permettant d’établir l’existence d’un soldat décédé en particulier, sauf pour le caporal Dinning, ou de membres particuliers de la famille d’un tel soldat qui auraient mentionné à quiconque qu’ils seraient touchés par la décision en l’espèce ou qui étaient d’avis que l’intimé agissait ou avait agi de façon discriminatoire en ce qui a trait à la prestation de décès.

[31]           Une conférence de gestion d’instance a été tenue avec les parties par téléphone le 13 juillet 2011 afin d’examiner les observations portant sur l’admission en preuve de la décision de l’intimé en ce qui a trait à Mme Lowerison et à sa fille et afin de recevoir des observations au sujet de la question du caractère théorique, dans le cas où la décision de l’intimé serait admise en preuve.

[32]           Lors de la conférence de gestion d’instance, j’ai admis en preuve la décision de l’intimé. Par conséquent, à la date du décès du caporal Dinning, il existait un survivant au sens de la Nouvelle Charte des anciens combattants, soit sa conjointe de fait Mme Lowerison et un enfant à charge. Par conséquent, le plaignant et son fils Brendon n’étaient pas, à la date du décès du caporal Dinning, le père et le frère, respectivement, d’un soldat célibataire décédé, tel que le plaignant le soutenait en l’espèce. Cela ne veut pas dire que le plaignant, dans le cadre de l’enquête ou de l’instruction, a trompé qui que ce soit au sujet de son statut ou de celui de son fils puisque, avant le 10 juin 2011, aucune décision n’avait été rendue qui aurait pu permettre à M. Dinning de croire autre chose que ce qu’il avait soutenu à ce sujet.

[33]           Après la conférence de gestion d’instance du 13 juillet 2011, le Tribunal a écrit aux parties pour leur demander leurs observations sur les deux questions suivantes :

[traduction]

(1) La plainte du plaignant portant sur la responsabilité contre l’intimé est-elle maintenant théorique? (2) Si la réponse à la question (1) ci-dessus est affirmative, peut-il y avoir une conclusion de responsabilité contre l’intimé en l’espèce en faveur d’une autre personne?

[34]           Par conséquent, les parties ont présenté des observations écrites au Tribunal. Le plaignant a répondu le 17 juillet 2011, la Commission a répondu le 9 septembre 2011 et l’intimé a répondu le 13 septembre 2011. La Commission a aussi présenté des observations en réponse le 19 septembre 2011.

[35]           Les observations du plaignant sont résumées au paragraphe 30 ci-dessus.

[36]           Les observations de la Commission se résument comme suit :

a)                  La question de la responsabilité n’est pas théorique. En vertu de la LCDP, la question renvoyée au Tribunal pour instruction était celle de savoir si l’intimé avait agi ou agissait de façon discriminatoire. La LCDP n’exige pas que le plaignant soit une « victime » de la pratique discriminatoire. En l’espèce, le plaignant soutient que l’intimé agit de façon discriminatoire en ne payant pas de prestation de décès aux parents et aux frères et sœurs de soldats qui sont décédés en service et qui sont célibataires et n’ont aucun enfant. La Commission soutient que l’intimé agit de façon discriminatoire en ne payant pas de prestations de décès aux parents des soldats qui sont décédés en service, peu importe leur état matrimonial ou leur situation de famille. Les allégations ne sont pas affectées par la décision de l’intimé de payer une prestation de décès à Tanya Lowerison et à sa fille. Il s’agit de litiges actuels qui peuvent entraîner des réparations importantes qui seront d’intérêt public, s’il est conclu qu’il y a responsabilité.

b)         Subsidiairement, si le Tribunal conclue que les événements récents rendent la question de la responsabilité théorique, le Tribunal devrait néanmoins exercer son pouvoir discrétionnaire de traiter des aspects d’intérêt public de l’affaire. Cela serait approprié parce que, entre autres, l’affaire a été débattue au complet dans un débat contradictoire, elle porte sur des droits quasi constitutionnels d’importance publique et elle vise une loi précise et continue ainsi que les actions du gouvernement. De plus, le fait de trancher la question d’intérêt public de l’affaire appuierait l’économie judiciaire en éliminant ou en réduisant la possibilité de contestation juridique dans l’avenir. Cela respecterait aussi les principes selon lesquels les lois en matière de droits de la personne doivent recevoir une interprétation large, fondée sur l’objet et que les litiges en matière de droits de la personne doivent être résolus de façon rapide et efficace.

c)         Bien que l’allocation récente de la prestation de décès ne devrait pas affecter la question de la responsabilité ou le recours d’intérêt public, elle affecte la disponibilité des mesures de redressement financières personnelles. Compte tenu du changement de situation, la Commission retire maintenant sa requête en ordonnance pour le paiement de la prestation de décès et soutient maintenant que l’ordonnance appropriée pour le Tribunal au sujet de sa position serait une ordonnance qui (i) conclut que les dispositions en matière de prestation de décès font preuve de discrimination fondée sur la situation de famille en excluant les parents, (ii) ordonne à l’intimé de cesser d’appliquer les aspects discriminatoires des dispositions, (iii) retarde l’effet de l’inapplicabilité afin de permettre à l’intimé de prendre des mesures en consultation avec la Commission afin de régler le problème, (iv) permet au Tribunal de rester saisi de l’affaire afin de superviser l’application de la mesure de redressement et (v) ordonne qu’une fois que le législateur aura modifié la loi conformément à la décision du Tribunal, l’intimé paie aux Dinning tout avantage que la nouvelle loi prévoit pour les parents dans leur situation.

[37]           Les observations de l’intimé se résument comme suit :

a)                  Les allégations de discrimination du plaignant peuvent être théoriques en partie ou en entier, selon ce que le Tribunal décide au sujet de la portée de la plainte.

b)                  Si le Tribunal interprète la plainte de la même façon qu’une plainte qui a été présentée au nom des parents et des frères et sœurs de membres célibataires des Forces armées qui sont décédés subitement en service, l’allocation de la prestation de décès à la conjointe de fait du caporal Dinning ne rend qu’une partie de la plainte théorique. La question de savoir si M. Dinning est victime de discrimination à titre de père d’un membre célibataire des Forces armées n’est plus en litige. Les parties s’entendent que, pour l’allocation de la prestation de décès, le fils de M. Dinning avait une conjointe de fait. Cependant, toutes les questions de fait et de droit portant sur l’allégation selon laquelle les autres parents et frères et sœurs de membres célibataires des forces armées ont été victimes de discrimination sont toujours en litige.

c)                  Si le Tribunal conclue, cependant, que la plainte est limitée à l’allégation selon laquelle le plaignant (ou même son épouse et son fils Brendon) a été victime de discrimination, alors l’allocation de la prestation de décès rend théorique la plainte en entier.

d)                 L’intimé s’oppose à l’exercice du pouvoir discrétionnaire du Tribunal de trancher une question théorique. Aucun des trois critères justifiant l’exercice de ce pouvoir discrétionnaire ne s’applique :

i)                    Premièrement, il n’existe plus de relation contradictoire entre les parties. L’allocation de la prestation de décès à la conjointe de fait du caporal Dinning y a mis fin. Toutes les parties conviennent que le caporal Dinning n’est pas célibataire aux fins de l’allocation de la prestation de décès.

ii)                  Deuxièmement, le besoin d’économie judiciaire ne penche pas en faveur de l’instruction de la question théorique. Il n’existe aucune circonstance spéciale justifiant que le Tribunal continue d’attribuer ses ressources restreintes pour trancher la question. Une décision du Tribunal n’aura aucun effet pratique sur les droits des parties. Rien ne donne à penser que cette question est une question qui se répète et qui n’a pas encore été tranchées en contrôle. La prestation de décès a été attribuée depuis de nombreuses années et il s’agit de la première plainte au nom d’un parent d’un membre célibataire des Forces armées qui est décédé soudainement en service. Même si un autre cas semblable arrivait dans l’avenir, il serait préférable d’attendre à ce moment pour trancher la question.

iii)                Enfin, si le Tribunal se prononçait sur cette question théorique, cela serait vu comme si le Tribunal empiétait sur le rôle de l’organe législatif. Le Tribunal ne devrait pas intervenir à la légère dans la législation du Parlement s’il n’existe pas un litige actuel qui doit être tranché.

IV.             Analyse

[38]           La description et la définition classiques du principe du caractère théorique d’une question proviennent de la décision de la Cour suprême du Canada dans l’arrêt Borowski c. Canada [1989] 1 R.C.S. 342 :

15 La doctrine relative au caractère théorique est un des aspects du principe ou de la pratique générale voulant qu’un tribunal peut refuser de juger une affaire qui ne soulève qu’une question hypothétique ou abstraite. Le principe général s’applique quand la décision du tribunal n’aura pas pour effet de résoudre un litige qui a, ou peut avoir, des conséquences sur les droits des parties. Si la décision du tribunal ne doit avoir aucun effet pratique sur ces droits, le tribunal refuse de juger l’affaire. Cet élément essentiel doit être présent non seulement quand l’action ou les procédures sont engagées, mais aussi au moment où le tribunal doit rendre une décision. En conséquence, si, après l’introduction de l’action ou des procédures, surviennent des événements qui modifient les rapports des parties entre elles de sorte qu’il ne reste plus de litige actuel qui puisse modifier les droits des parties, la cause est considérée comme théorique. Le principe ou la pratique général s’applique aux litiges devenus théoriques à moins que le tribunal n’exerce son pouvoir discrétionnaire de ne pas l’appliquer. J’examinerai plus loin les facteurs dont le tribunal tient compte pour décider d’exercer ou non ce pouvoir discrétionnaire.

16 La démarche suivie dans des affaires récentes comporte une analyse en deux temps. En premier, il faut se demander si le différend concret et tangible a disparu et si la question est devenue purement théorique. En deuxième lieu, si la réponse à la première question est affirmative, le tribunal décide s’il doit exercer son pouvoir discrétionnaire et entendre l’affaire. La jurisprudence n’indique pas toujours très clairement si le mot « théorique » (moot) s’applique aux affaires qui ne comportent pas de litige concret ou s’il s’applique seulement à celles de ces affaires que le tribunal refuse d’entendre. Pour être précis, je considère qu’une affaire est « théorique » si elle ne répond pas au critère du « litige actuel ». Un tribunal peut de toute façon choisir de juger une question théorique s’il estime que les circonstances le justifient.

Dans l’arrêt Collins c. Abrams et al 2002, Cour suprême de la Colombie Britannique 1774, la Cour suprême de la Colombie Britannique a établi les trois justifications sous-jacentes de la politique et de la pratique d’application du principe du caractère théorique :

[traduction]

(1) La compétence d’une cour de résoudre des questions litigieuses est fondée dans le système adversatif et, en l’absence d’un débat contradictoire, tous les aspects de la cause ne seront peut-être pas débattus complètement (en reconnaissant qu’un débat contradictoire peut survenir lorsqu’il existe des conséquences indirectes découlant d’une cause d’action déjà terminée);

(2) Les ressources judiciaires doivent être conservées pour le moment où elles sont nécessaires (c’est-à-dire, lorsque la décision de la cour aura un effet pratique sur les droits des parties, lorsque la décision de la cour est nécessaire afin de garantir qu’une question importante qui n’a pas été tranchées le sera, ou lorsqu’il existe une question d’importance publique pour laquelle il est dans l’intérêt du public d’arriver à une décision, l’utilisation de ressources judiciaires peut être justifiée);

et

(3) Les cours doivent respecter leur fonction véritable dans l’élaboration du droit et le fait de prononcer un jugement en l’absence de litige affectant les droits des parties peut être perçu comme une intrusion dans la sphère de l’organe législatif.

La décision a été confirmée en appel à la Cour d’appel de la Colombie Britannique dans l’arrêt Collins c. Abrams et al 2004, BCCA 96. Voir aussi OHRC c. Burrows and Ontario, 2004 HRTO 6.

[39]           À mon avis, il est clair que la plainte du plaignant en son nom et au nom de son fils Brendon portait sur le fait que l’intimé avait agi de façon discriminatoire en ne lui permettant pas, ou en ne permettant pas à son fils, d’obtenir la prestation de décès prévue à l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants, à titre de parent ou de frère ou sœur, à la mort du caporal Dinning, alors qu’il permettait, hypothétiquement, à certains membres de la famille (les époux, les conjoints de fait et les enfants à charge) de soldats mariés décédés d’obtenir la prestation de décès. À l’époque où il a déposé sa plainte, ou même après la conclusion de l’audience, le plaignant ne savait évidemment pas que le caporal Dinning avait une conjointe de fait – Mme Lowerison – et un enfant à charge lorsqu’il est décédé. Ce fait a été établi par la décision de l’intimé le 10 juin 2011, en application de l’article 84 de la Nouvelle Charte des anciens combattants, décision qui a été acceptée en preuve après l’audience. L’effet de cette décision est que ni le plaignant, ni son fils Brendon, n’est le parent ou le frère ou sœur d’un soldat célibataire décédé au sens de la Nouvelle Charte des anciens combattants. Comme je l’ai mentionné plus tôt, le plaignant a témoigné qu’il n’aurait pas déposé la plainte ou participé à l’audience s’il avait su que le caporal Dinning avait une conjointe de fait ou un enfant à charge au moment où il est décédé. Il a témoigné que sa plainte fondée sur l’article 5 de la LCDP portait sur la situation d’un soldat célibataire décédé, et non d’un soldat marié décédé, pour l’application de l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants.

[40]           À mon avis, une décision du Tribunal sur le fond en l’espèce ne peut plus avoir l’effet de résoudre une controverse qui affecte ou qui pourrait affecter les droits du plaignant lui-même et de son fils Brendon. Des événements ont eu lieu qui affectent la relation des parties d’une telle façon qu’il n’existe plus de litige actuel qui toucherait les droits du plaignant lui-même et de son fils Brendon. Par conséquent, je conclus que la plainte du plaignant, en son nom et au nom de son fils, est maintenant théorique.

[41]           Compte tenu de ma conclusion au paragraphe 40, la question est maintenant celle de savoir s’il existe toujours un litige actuel permettant de procéder à une décision sur le fond en l’espèce en ce qui a trait à toute allégation du plaignant selon laquelle l’intimé a agi ou agit de façon discriminatoire en contravention de l’article 5 de la LCDP, envers toute autre personne ou victime, en les privant d’un service (la prestation de décès) dans l’application de l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants, ou si la question est-elle complètement théorique.

[42]           Il convient dans le présent paragraphe de faire référence à des extraits de l’article 3 de la LCDP. Bien que des mesures de redressement purement d’intérêt public soient possibles en vertu de l’alinéa 53(2)a) de la LCDP, en plus des mesures de redressement personnelles prévues au même article, la LCDP est axée sur les plaintes. Dans le cas d’une plainte portant sur l’article 5 de la LCDP, il doit d’abord y avoir une plainte déposée qui soutient qu’une personne a agi ou agit de façon discriminatoire au sens de cet article envers une personne ou une victime. C’est le cas, que le plaignant soit la personne ou la victime (comme il l’a d’abord été allégué en l’espèce) ou que le plaignant ait déposé la plainte au nom d’une autre personne ou victime (qui n’est pas toujours identifiée comme un individu en particulier). C’est le cas, qu’un consentement ait été obtenu ou non auprès d’une telle autre personne ou victime, au sens du paragraphe 40(2) de la LCDP. Ce n’est que lorsqu’une responsabilité est établie dans une telle plainte que des mesures de redressement d’intérêt public peuvent être imposées, dans les circonstances appropriées, que des mesures de redressement personnelles soient aussi demandées et imposées ou non. Une contestation de la validité ou de l’applicabilité de la loi et l’application de mesures de redressement d’intérêt public qui y sont liées, comme on le demande en l’espèce, n’est pas permise par la LCDP, sauf dans le contexte d’un processus axé sur la plainte.

[43]           En l’espèce, on me demande de rendre une décision au sujet de la validité ou de l’applicabilité d’une intervention législative importante en application de l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants parce qu’il est allégué que cet article est actuellement trop limitatif en ce qui a trait aux bénéficiaires et qu’il permet à l’intimé de refuser un service à des personnes en raison de leur situation de famille ou de leur état matrimonial, de façon discriminatoire en contravention de l’article 5 de la LCDP. Cependant, en l’espèce, il n’y a maintenant plus de conflit affectant les droits du plaignant lui-même. Par conséquent, une décision n’aurait aucun effet pratique sur les droits du plaignant. Dans de telles circonstances, compte tenu des décisions susmentionnées, il faut faire très attention à ne pas empiéter sur le rôle de l’organe législatif ou à gaspiller les ressources judiciaires limitées.

[44]           Je souscris à l’observation de l’intimé selon laquelle, en l’absence de litige actuel impliquant le plaignant lui-même, il faut examiner attentivement la plainte afin de déterminer si elle contient un litige actuel suffisant impliquant d’autres personnes ou victimes qui auraient censément subi de la discrimination de la part de l’intimé de la même façon. C’est d’autant plus important que la validité ou l’effet de la loi est maintenant la seule question à trancher en l’espèce.

[45]           À ce sujet, la plainte, telle qu’elle est citée au paragraphe 4, ne mentionne que les [traduction] « familles de soldats CÉLIBATAIRES décédés » à titre de victimes de discrimination. Cette référence est-elle suffisante pour me permette de rendre une décision sur le fond en l’espèce, y compris une contestation de la validité et de l’applicabilité de la loi, alors que la plainte du plaignant même est maintenant théorique, compte tenu des conclusions de fait suivantes?

i)                    Jusqu’à ce que l’intimé rende sa décision décrite au paragraphe 29, le plaignant axait sa plainte sur ses propres circonstances, qu’il croyait vraies – notamment, qu’il était le parent d’un soldat célibataire décédé. Il n’a pas déposé sa plainte sur le fondement qu’il était une personne non affectée par la loi qui déposait simplement une plainte au nom de parents ou de familles non identifiés de soldats célibataires décédés qui étaient affectés par la loi. En fait, il a déclaré qu’il n’aurait pas déposé de plainte ou qu’il ne se serait pas présenté à l’audience s’il avait su que son fils, le caporal Dinning, avec une conjointe de fait lorsqu’il est décédé. Compte tenu des circonstances, il est très probable que la Commission, lorsqu’elle a enquêté au sujet de la plainte, n’a pas obtenu le consentement d’autres personnes ou victimes au sens du paragraphe 40(2) de la LCDP, parce qu’elle aussi croyait que le plaignant était lui-même une victime.

ii)                  Le plaignant ne souscrivait pas à la position de la Commission en ce qui a trait au caractère trop limitatif de l’article 57 de la Nouvelle Charte des anciens combattants vis-à-vis les familles de soldats mariés décédés. La plainte n’a pas été modifiée afin de reconnaître cette allégation et, par conséquent, l’allégation ne faisait pas partie de ce qui a été renvoyé au Tribunal par la Commission et la Commission n’a pas elle-même déposé de plainte au nom des familles de soldats mariés décédés.

iii)                La plainte n’a pas été déposée avec l’appui, l’autorisation ou le consentement d’un membre d’une famille d’un soldat décédé, membre qui se serait décrit comme étant victime de discrimination par rapport à la disposition sur la prestation de décès de la Nouvelle Charte des anciens combattants, en contravention de l’article 5 de la LCDP. Les seuls témoins, autre que le plaignant, qui ont comparu à l’audience et qui étaient des membres de la famille de soldats décédés ont témoigné pour l’intimé au sujet des répercussions de la mort de leur père ou de leur époux, à titre de membres de la famille immédiate dans la famille militaire. Par conséquent, nous ne savons pas s’il y a des membres de la famille de soldats décédés qui sont d’avis qu’ils ont été ou sont victimes de discrimination ou qui sont d’avis que la Nouvelle Charte des anciens combattants est trop limitative dans sa définition de survivant et devrait être modifiée.

[46]           Compte tenu des faits qui précèdent et des décisions mentionnées au paragraphe 38, je ne suis pas convaincu que la preuve est suffisante pour conclure qu’il existe pour les parties en l’espèce un litige actuel, maintenant que la plainte du plaignant lui-même est théorique. Rendre une décision dans ces circonstances n’aurait pas l’effet de résoudre un litige qui affecte ou qui pourrait affecter les droits de l’une des parties, parce que des événements ont eu lieu qui affectent la relation des parties de façon telle qu’aucun litige actuel n’existe. Il est nécessaire d’économiser les ressources judiciaires limitées. Le principe du caractère théorique ne s’applique pas dans les situations où le fait de l’appliquer permettrait à certaines questions de ne pas être résolues – ce qui est peu probable en l’espèce parce que la loi est en vigueur depuis un certain temps et que rien n’empêche des litiges actuels à ce sujet d’être soulevés afin de permettre à d’autres personnes de contester les dispositions en question. Le fait de prononcer un jugement, en l’absence de litige affectant les droits de l’une des parties, comme ce serait le cas en l’espèce si je rendais une décision, empiéterait sur le rôle de l’organe législatif. Cela est particulièrement pertinent en l’espèce puisque des interventions législatives sont contestées et qu’il n’est pas clair qu’il existe un intérêt public.

V.                Ordonnance

[47]           Pour les motifs qui précèdent, je conclus que la plainte n’est pas justifiée parce que l’affaire est devenue entièrement théorique. La plainte est donc rejetée.

 

Signée par

Edward P. Lustig

Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)

Le 25 novembre 2011

 


Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1463/0910

Intitulé de la cause : Lincoln Dinning c. Anciens Combattants Canada

Date de la décision du tribunal : Le 25 novembre 2011

Date et lieu de l’audience : Du 21 au 25 mars 2011

Les 28 et 29 mars 2011

Les 4 et 5 avril 2011

London (Ontario)

Comparutions :

Lincoln Dinning, pour son propre compte

Brian Smith et Samar Musallam, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Marie Crowley et Korinda MacLaine, pour l'intimé

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.