Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CENTRE DE RECHERCHE-ACTION SUR LES RELATIONS RACIALES

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

WWW.BCWHITEPRIDE.COM

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2007 TCDP 20
2007/05/18

MEMBRE INSTRUCTEUR : Pierre Deschamps

I. INTRODUCTION

II. LES ARGUMENTS DES PARTIES

III. LES QUESTIONS EN LITIGE

IV. LA PREUVE

A. La correspondance par courrier électronique

B. Les clavardages

C. Les photographies

D. Les renseignements supplémentaires

V. ANALYSE

A. M. John Beck

B. Bcwhitepride.org

C. Le BC White Pride Group

D. Le White Renegade Group

VI. DÉCISION

I. INTRODUCTION

[1] Le 23 mars 2004, le Centre de recherche-action sur les relations raciales (CRARR) a déposé une plainte en matière de droits de la personne contre www.bcwhitepride.com invoquant les paragraphes 13(1) et 13(2) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). La plainte a été renvoyée devant le Tribunal le 24 janvier 2006.

[2] Le 11 mai 2006, la Commission a déposé une requête visant à faire modifier l'intitulé de la cause et à ajouter une partie à la procédure. Plus précisément, dans sa requête, la Commission a déclaré qu'elle souhaitait atteindre trois objectifs :

  1. changer le nom actuel de l'intimé, soit www.bcwhitepride.com, pour le BC White Pride Group associé au site Web www.bcwhitepride.com afin de clarifier toute ambiguïté au cas où la plainte serait accueillie et qu'un jugement aurait à être exécuté;
  2. ajouter le White Renegade Group associé au site Web www.whiterenegade.com;
  3. ajouter le nom de John Beck en tant qu'intimé associé au dit site Web.

[3] Cette requête a d'abord été entendue par ma collègue, Mme Karen Jensen, qui, dans une décision rendue le 26 juin 2006, a ordonné que la requête soit tranchée par le même membre du Tribunal chargé d'entendre la plainte sur le fond.

[4] Il faut noter ici que Mme Jensen a par la suite autorisé que soit délivré un subpoena duces tecum, à la demande de la Commission, afin d'assurer la présence de M. Beck à l'audience. M. Beck a été présent tout au long de l'audition de la présente requête, ainsi que M. Paul Fromm.

[5] Au début de la présente audience, le Tribunal a demandé à M. Fromm s'il représentait l'intimé actuel, le site www.bcwhitepride.com, ou M. Beck. Après avoir consulté M. Beck, M. Fromm a informé le Tribunal qu'il représentait M. Beck et non www.bcwhitepride.com. Le Tribunal conclut donc que, dans la présente procédure, l'intimé www.bcwhitepride.com n'est pas représenté par un avocat.

[6] En outre, le Tribunal a demandé à la Commission de préciser quelles parties elle souhaitait ajouter en tant qu'intimées. Il semble maintenant que la Commission souhaite ajouter quatre nouveaux intimés en plus de l'intimé actuel, www.bcwhitepride.com., soit M. John Beck, le White Renegade Group, le BC White Pride Group et www.bcwhitepride.org.

[7] Dans ses premiers arguments devant le Tribunal, l'avocat de la Commission a soutenu que la preuve produite dans le cadre de la présente requête pourrait également servir dans le cadre de l'audience sur le fond.

[8] Le Tribunal est d'avis que cela constituerait un manquement grave à l'équité procédurale si la preuve produite dans le cadre d'une requête visant à faire ajouter des intimés faisait partie de la preuve pour l'audience sur le fond. Cela signifierait que le Tribunal ajouterait un autre intimé à l'intitulé et que celui-ci serait lié par la preuve déjà produite, contre laquelle il n'aurait pas eu l'opportunité de se défendre pleinement en tant qu'intimé.

II. LES ARGUMENTS DES PARTIES

[9] La Commission et le plaignant soutiennent que www.bcwhitepride.org, le BC White Pride Group, le White Renegade Group ainsi que M. John Beck devraient être ajoutés en tant que parties à la présente procédure et soutiennent que leur présence est nécessaire à la présente instruction.

[10] M. Fromm, en sa qualité de représentant de M. Beck et non de www.bcwhitepride.com, soutient que M. Beck ne devrait pas être ajouté en tant que partie et que, de toute façon, www.bcwhitepride.com n'est pas une personne morale, mais une adresse Internet sans capacité juridique.

III. LES QUESTIONS EN LITIGE

[11] Le Tribunal doit juger dans la présente requête, d'une part, si M. John Beck est ou non la personne qui se nomme John dans les courriers électroniques envoyés à Rachel et les séances de clavardage avec cette personne et qui utilise les pseudonymes David Drolet ou Renegade1488ca.

[12] D'autre part, le Tribunal doit décider si le BC White Pride Group, le White Renegade Group et www.bcwhitepride.org existent et sont liés à www.bcwhitepride.com, l'intimé actuel, ainsi qu'à M. Beck.

[13] À cet égard, le Tribunal doit juger s'il est nécessaire d'ajouter M. John Beck, le BC White Pride Group, le White Renegade Group et www.bcwhitepride.org à titre d'intimés dans la présente procédure pour que la plainte soit examinée en bonne et due forme.

[14] Au stade actuel de la procédure, le Tribunal n'a pas à trancher le litige sur le fond ni à se prononcer sur le contenu du site Web bcwhitepride.

IV. LA PREUVE

[15] La Commission a cité à comparaître un témoin, M. Shane Martinez. Bien que la Commission l'ait cité à comparaître, M. Beck n'a pas été appelé à témoigner. Le Tribunal a également entendu M. Bernard Klatt, appelé par M. Fromm en qualité de témoin expert.

[16] M. Martinez a témoigné que, au printemps 2004, pendant qu'il se trouvait en République dominicaine, il a mené une enquête sur deux sites Web, soit www.bcwhitepride.com et www.whiterenegade.com. M. Martinez a déclaré dans son témoignage que son intérêt pour ces sites avait été piqué par une recherche effectuée sur le site Web Stormfront, un site néo-nazi et faisant la promotion de la suprématie blanche selon M. Martinez. Sur ce dernier site, M. Martinez a vu des messages affichés par un utilisateur ayant adopté le surnom Renegade, messages portant sur des questions relatives à la Colombie-Britannique et au Canada en général.

[17] M. Martinez a affirmé dans son témoignage que, au moment où il a recueilli les renseignements, il n'avait pas l'intention de déposer une plainte concernant les droits de la personne. Il recueillait des renseignements dans le but d'identifier la personne derrière les deux sites Web afin que celle-ci, au moyen d'une certaine forme d'éducation sociale et de sensibilisation, soit connue du public pour le genre d'activités auxquelles elle participait.

[18] Étant donné qu'aucun renseignement personnel n'était inscrit sur les sites bcwhitepride et whiterenegade, M. Martinez n'a pu identifier la ou les personnes ayant créé ces sites. Cependant, afin de découvrir leur identité, M. Martinez a décidé d'entrer en contact avec la personne utilisant le surnom Renegade, dont l'adresse de courrier électronique apparaissait sur le site whiterenegade.com. M. Martinez espérait que, en établissant une telle relation, il pourrait en apprendre plus sur la ou les personnes exploitant le site Web.

[19] Afin d'inciter les créateurs des sites Web en question à lui fournir les renseignements qu'il désirait obtenir, M. Martinez a décidé d'employer un stratagème, une ruse, une stratégie qui, selon ses dires, est assez commune dans le type d'enquête qu'il menait.

[20] Par conséquent, M. Martinez n'a pas utilisé sa propre identité quand il a tenté d'obtenir l'identité des créateurs des sites Web, mais celle d'un personnage fictif s'intéressant aux sujets abordés sur le site Web whiterenegade et partageant des opinions semblables à celles exprimées sur le site, de façon a créer un lien de communication entre lui et la ou les personnes responsables du site Web whiterenegade.

[21] M. Martinez a utilisé le pseudonyme Rachel et le surnom Swedish Pride 1488 dans ses coordonnées. M. Martinez voulait que la personne avec qui il correspondait croit qu'il était une femme qui s'intéressait aux questions relatives au maintien du statut des blancs dans la société.

[22] M. Martinez a également utilisé les photographies d'une jeune femme pour donner plus de crédibilité à son personnage. Les photos qu'il a utilisées ont été prises sur un site Web et sont celles d'une femme qui, selon M. Martinez, est impliquée dans le type d'activités et de causes dont il est question sur les sites whiterenegade.com et bcwhitepride.com.

[23] M. Martinez a également témoigné que, lorsqu'il a créé le profil de Rachel dans Yahoo, il a attribué au personnage de Rachel d'autres caractéristiques, comme les goûts musicaux, qui correspondaient à certaines convictions des personnes s'intéressant aux questions politiques abordées par les sites Web faisant l'objet de son enquête. Il a aussi inscrit son état civil, célibataire, pour inciter les gens à communiquer avec elle, ses loisirs et son lieu de résidence, l'Ontario.

[24] M. Martinez, avec le surnom Rachel, a utilisé l'adresse swedish4life@cyber-rights.net pour entrer en contact avec Renegade par l'adresse de courrier électronique de ce dernier affichée sur le site Web whiterenegade.com, soit whiterenegade@whiterenegade.com. Selon M. Martinez, quand il a envoyé un courrier électronique à l'adresse whiterenegade@whiterenegade.com, celui-ci a été réacheminé automatiquement à une autre adresse, soit renegade1488ca@yahoo.com.

[25] Par l'adresse renegade1488ca@yahoo.com, M. Martinez, en employant le pseudonyme Rachel et l'adresse de courrier électronique swedish4life@cyber-rights.net, a été en mesure d'entrer en communication avec un individu qui s'est d'abord identifié comme étant John. M. Martinez a été en mesure de communiquer avec John non seulement par courriers électroniques, mais également par clavardage. M. Martinez a de plus réussi à obtenir des photographies de John. En outre, M. Martinez a effectué certaines recherches sur le Web afin d'obtenir plus de renseignements sur l'identité de John.

[26] Dans son témoignage, M. Martinez a expliqué quels renseignements il tentait d'obtenir au cours de son enquête. Il a déclaré qu'il tentait d'obtenir, en plus du contenu des discussions par courrier électronique et par clavardage, le nom de l'auteur, le nom du destinataire, la date à laquelle le courrier électronique a été envoyé, ainsi que le sujet du courrier électronique, l'adresse du fournisseur d'accès Internet des serveurs par lesquels passaient les courriers électroniques afin d'arriver à destination, de même que l'endroit d'où les courriers électroniques étaient envoyés.

[27] À l'audience, M. Martinez a expliqué comment il sauvegardait les courriers électroniques échangés avec Renegade ainsi que les messages échangés lors des clavardages. Entre autres, il copiait puis collait les courriers électroniques dans un logiciel de traitement de texte et il y transcrivait aussi les clavardages. M. Martinez a affirmé que, pendant qu'il était en République dominicaine, il sauvegardait les documents sur un disque dur externe lorsque c'était possible. Il a affirmé avoir procédé ainsi pour éviter la dégradation des dossiers étant donné la nature rudimentaire des systèmes qu'il utilisait et les pannes d'électricité fréquentes en mars 2004, pendant qu'il menait son enquête.

[28] Pendant sa correspondance avec la personne de l'adresse renegade1488ca@yahoo.com, M. Martinez n'a pu sauvegarder tous les documents relatifs aux échanges de courriers électroniques et aux clavardages. En raison des pannes d'électricité, certains clavardages ont été perdus. M. Martinez a de plus témoigné que, pendant qu'il effectuait son travail d'enquête, il prenait aussi des notes à la main, lesquelles il a utilisées plus tard pour brosser le tableau général de l'enquête qu'il menait.

A. La correspondance par courrier électronique

[29] Deux courriers électroniques entre John, alias David Drolet, à l'adresse renegade1488ca@yahoo.com, et Rachel, à l'adresse swedish4life@cyber-rights.net, ont été déposés en tant que pièces. Selon les documents produits en preuve, ces deux courriers électroniques ont été échangés le 8 mars 2004.

[30] Les renseignements pertinents que M. Martinez a pu tirer de ces deux courriers électroniques envoyés par John, alias Renegade, sont les suivants :

John affirme qu'il ne boit pas, qu'il s'entraîne en gymnase cinq jours par semaine, qu'il a 36 ans mais en paraît 26, qu'il est un philosophe, un athlète et un mentor, qu'il demeure dans le fuseau horaire du Pacifique, qu'il est né le 8 mars (1968), qu'il habite dans l'Okanagan, qu'il est originaire de Kelowna, que son surnom sur Stormfront est Renegade et que son avatar est le dessin d'un petit requin.

[31] En outre, dans ses courriers électroniques, John affirme au sujet du site whiterenegade.com qu'il s'agit de son manifeste personnel en ligne, qu'il ne s'agit pas d'un groupe, mais il prétend par contre être le cofondateur d'un groupe nommé BC White Pride et avoir contribué à la rédaction d'une bonne partie du contenu du site www.bcwhitepride.com.

B. Les clavardages

[32] Après l'échange de courriers électroniques du 8 mars 2004, Rachel et John sont demeurés en communication en clavardant sur Yahoo Messenger. Le clavardage s'est fait entre Swedishpride1488 - Rachel - et Renegade1488ca - John.

[33] M. Martinez a soumis en preuve des transcriptions des clavardages. Les conversations en ligne, selon les transcriptions, ont eu lieu entre le 10 et le 29 mars 2004.

[34] Les clavardages mentionnent des photographies envoyées par Renegade1488ca à Swedishpride1488. Elles révèlent que le deuxième prénom de Renegade1488ca est David. Les transcriptions montrent également que Renegade1488ca a, avec l'aide de son ami Craig, cofondé le BC White Pride Group et qu'il aime les chiens. Les transcriptions montrent en outre que Renegade1488ca, alias John, n'a jamais été marié et qu'il mesure 5 pieds, 7 pouces.

[35] M. Martinez a utilisé tous les renseignements qu'il a pu recueillir dans l'échange de courriers électroniques et les séances de clavardage pour dresser un portrait qui, selon lui, correspond à celui de M. Beck.

C. Les photographies

[36] La preuve révèle que, au cours de ses échanges de courriers électroniques avec John, alias Renegade, ce dernier a envoyé à M. Martinez des photographies de lui-même. Ces photographies ont été déposées en tant que pièce PH-4B (les photographies en noir et blanc) et pièce PH-4E (les photographies en couleur). Deux de ces photographies représentent un homme dans une position athlétique et deux sont celles d'un homme sortant de l'eau. La dernière représente un homme qui sourit.

[37] Quand on a demandé à M. Martinez, pendant son témoignage, s'il voyait dans la salle d'audience la personne représentée sur les photographies, il a pointé M. Beck. Quand on lui a demandé s'il voyait une différence avec les photographies, M. Martinez a indiqué que M. Beck s'était fait pousser la barbe.

D. Les renseignements supplémentaires

[38] En plus des courriers électroniques, des transcriptions des clavardages et des photographies envoyées à M. Martinez sous le pseudonyme Rachel, il existe d'autres renseignements qui sont utiles pour trancher les questions soulevées dans la présente requête.

[39] La Commission a déposé en preuve les déclarations de revenus de M. Beck pour les années 2004 et 2005. Ces déclarations montrent que M. Beck habite à Kelowna et contiennent l'adresse de son domicile.

[40] Dans son témoignage, M. Martinez a confirmé que ces renseignements, soit l'adresse de M. Beck, lui ont été donnés par John quand il menait son enquête en République dominicaine, mais qu'il n'avait malheureusement pas pu sauvegarder la transcription du clavardage contenant ce renseignement. M. Martinez a de plus affirmé que John avait donné à Rachel son adresse pour que celle-ci puisse lui envoyer une carte postale.

[41] M. Martinez a déclaré dans son témoignage que, lorsqu'il a obtenu l'adresse de John, il a effectué une vérification inversée sur le site 411.ca pour savoir si l'adresse existait vraiment. La vérification a confirmé l'existence de l'adresse. Les déclarations de revenus de M. Beck qu'a déposées la Commission montrent que ce dernier habite à l'adresse que M. Martinez prétend avoir obtenue de John au cours de son enquête.

[42] Finalement, il ressort des pages Web soumises en preuve par M. Martinez que le site www.bcwhitepride.org est maintenant situé aux États-Unis et que, tout comme www.whiterenegade.com, il appartient depuis le 24 novembre 2006, soit quelques jours avant le début de la présente audience, à Hal Turner Radio Network. La preuve documentaire révèle également que le groupe BC White Pride est associé au site Web www.bcwhitepride.org.

V. ANALYSE

[43] Dans la présente procédure, la Commission souhaite faire ajouter en tant qu'intimés M. John Beck, le B.C. White Pride Group, le White Renegade Group et www.bcwhitepride.org. La Commission n'a signifié la présente requête à aucune de ces quatre entités. M. Beck s'est toutefois vu signifier un subpoena duces tecum lui enjoignant de comparaître en tant que témoin dans le cadre de la présente requête. Comme je l'ai mentionné précédemment, M. Beck était présent pour la présente procédure et a soumis des observations par l'intermédiaire de son représentant, M. Fromm.

[44] M. Beck est un individu clairement identifié. Pour ce qui est du B.C. White Pride Group et du White Renegade Group, ils constituent des groupes non définis. Www.bcwhitepride.org est un site Web.

[45] Les Règles de procédure prévoient l'adjonction d'une partie à une instruction à la demande d'une autre partie. Le paragraphe 8(3) des Règles énonce :

La Commission, l'intimé ou le plaignant qui désire ajouter une partie à l'instruction peut présenter une requête visant à obtenir une ordonnance à cet effet, qui doit être signifiée à la partie éventuelle, laquelle a droit à présenter des arguments au sujet de la requête.

[46] Dans la décision Syndicat des employés d'exécution de Québec-Téléphone c. Telus Communications (Québec) Inc., 2003 TCDP 31, le Tribunal a affirmé que l'adjonction forcée d'un nouvel intimé une fois que le Tribunal a été chargé d'instruire une plainte est appropriée, en l'absence de règles formelles à cet effet, s'il est établi que la présence de cette nouvelle partie est nécessaire pour disposer de la plainte dont il est saisi et qu'il n'était pas raisonnablement prévisible une fois la plainte déposée auprès de la Commission que l'adjonction d'un nouvel intimé serait nécessaire pour disposer de la plainte, au paragraphe 30. Cette décision a été suivie par une autre décision rendue par le Tribunal dans Brown et la Commission canadienne des droits de la personne c. Commission de la capitale nationale, 2003 TCDP 43.

[47] La preuve produite relativement à la requête de la Commission est constituée tant de témoignages que de documents. Elle est composée du témoignage de M. Shane Martinez, du dossier qu'il a créé sur bcwhitepride et M. Beck ainsi que de pages Web. Elle comprend aussi le témoignage de M. Bernard Klatt, appelé à comparaître par M. Fromm, en qualité de témoin expert.

[48] Lors du contre-interrogatoire de M. Martinez, M. Fromm a attaqué la crédibilité de M. Martinez ainsi que la fiabilité des documents qu'il a préparés en 2004 pendant qu'il était en République dominicaine. M. Fromm a critiqué la manière dont M. Martinez a recueilli les renseignements sur bcwhitepride.com et whiterenegade.com, en usant de tromperie et en usurpant l'identité d'une autre personne. M. Fromm a soutenu que, étant donné l'idéologie et les antécédents de M. Martinez, celui-ci ne devrait pas être considéré comme un témoin fiable.

[49] La preuve révèle que M. Fromm et M. Martinez se connaissent depuis longtemps et que leur relation est marquée par de violentes confrontations. Des extraits d'un DVD qu'a visionné le Tribunal l'attestent. Leur relation n'a jamais été pacifique, et c'est un euphémisme.

[50] Le Tribunal doit dire que M. Martinez, parfois, s'est montré évasif dans son témoignage, qu'il était réticent à répondre et qu'il a eu des trous de mémoire quand il était question de ses opinions politiques et de messages qu'il aurait affichés sur certains sites Web, comme Stormfront. Le calme et la politesse qu'affichait M. Martinez devant le Tribunal contrastent fortement avec son comportement lors de manifestations, de rassemblements et d'autres événements s'étant produits à Toronto en 2004. Ses actions, de plus d'une manière, ne concordent pas avec ses affirmations.

[51] M. Fromm a cité M. Bernard Klatt à comparaître. Le Tribunal considère M. Klatt comme étant un expert en matière de services Internet. Pendant que la qualité d'expert de M. Klatt était établie, l'avocat de la Commission a mis en question la crédibilité et l'objectivité de M. Klatt, en laissant entendre que celui-ci était un ami proche de M. Beck et de M. Fromm et qu'il était l'ami d'Ernst Zündel.

[52] M. Klatt reconnaît qu'il connaît M. Fromm depuis 1996, qu'il connaît M. Beck depuis 1998 et qu'il a connu celui-ci alors qu'il faisait l'objet d'attention médiatique à la suite de ce qu'il a nommé la controverse Oliver. La controverse Oliver faisait suite à l'opposition d'un individu au fait que M. Klatt héberge des sites Web considérés comme étant haineux.

[53] En règle générale, M. Klatt s'est montré à tout le moins évasif dans ses réponses quant à ses liens et à son association avec le mouvement de suprématie blanche, avec M. Beck et avec M. Zündel. Pour ce qui est de ses liens avec M. Beck, M. Klatt a eu de la difficulté à se souvenir du type de conversations qu'il a eues avec lui au cours des huit dernières années. Ce trou de mémoire est plutôt étonnant puisqu'ils se connaissent depuis longtemps.

[54] Quant à sa preuve d'expert, M. Klatt était d'avis que les documents soumis par M. Martinez comportaient des lacunes importantes, que la valeur des documents était faible et qu'elle soulevait des doutes importants. Selon M. Klatt, M. Martinez aurait pu sauvegarder d'une meilleure façon les courriers électroniques et les transcriptions des clavardages produits en preuve et il aurait pu soumettre en preuve sous une forme plus fiable les courriers électroniques et les messages échangés.

[55] Le Tribunal estime que le témoignage de M. Klatt n'était pas assez convaincant pour qu'il conclue que le contenu des courriers électroniques et des conversations entre Rachel et John, tels que M. Martinez les a sauvegardés, a été modifié d'une manière ou d'une autre par M. Martinez.

[56] Cela dit, en l'espèce, la preuve documentaire vient étayer le témoignage de M. Martinez. D'une part, le Tribunal n'a aucune raison de conclure que M. Martinez a modifié d'une quelconque façon le contenu des courriers électroniques et des transcriptions de clavardage soumis en preuve. Dans son témoignage, M. Martinez a clairement expliqué la méthode qu'il a suivie pour recueillir des renseignements sur www.bcwhitepride.com, BC White Pride et John, alias David Drolet, alias Renegade1488ca, qui serait, selon M. Martinez, M. John Beck.

[57] Le Tribunal conclut donc que le contenu des courriers électroniques et des transcriptions de clavardage soumis en preuve est, selon la prépondérance de la preuve, authentique et fiable et peut servir à établir l'identité des personnes que la Commission souhaite faire ajouter en tant que parties à la présente instruction.

A. M. John Beck

[58] Bien qu'il ait été présent tout au long de l'audition de la présente requête, M. Beck n'a pas été appelé à témoigner. Par conséquent, il n'y a pas de preuve testimoniale directe établissant de manière conclusive que John Beck est bien le John, alias Renegade, alias David Drolet, avec qui Rachel communiquait par courrier électronique ou clavardage. Le lien entre John Beck et John, ainsi que ses divers alias, ne peut donc être établi que par preuve circonstancielle.

[59] La preuve révèle que Renegade1488ca, John ou David Drolet n'ont jamais affirmé être John Beck. Le dossier montre que John, David Drolet, etc. étaient les noms utilisés par quelqu'un qui correspondait avec Rachel en mars 2004.

[60] M. Martinez présume et soutient avec vigueur que le John, David Drolet, Renegade avec qui il a correspondu en utilisant l'alias Rachel est en fait John Beck. Pour ce dire, il s'appuie sur un certain nombre de caractéristiques physiques, comme la grandeur, la couleur des yeux, la couleur des cheveux, la largeur des épaules. Selon M. Martinez, le portrait qu'il a dressé au moyen des renseignements qu'il a recueillis de diverses sources correspond à la description générale de M. Beck.

[61] M. Martinez n'est pas un expert en identification judiciaire, ni le Tribunal d'ailleurs. Cependant, le Tribunal a pu établir, par comparaison avec d'autres individus, que M. Beck mesure environ 5 pieds, 7 pouces, qu'il a les yeux bleus et qu'il semble avoir dans la fin trentaine. Le Tribunal a également pu examiner les photographies soumises en preuve par M. Martinez, lesquelles lui avaient été envoyées par John, alias Renegade. Deux des photographies montrent un homme en maillot de bain blanc adoptant une pose athlétique. Les traits du visage, lorsque comparés à ceux de M. Beck, ressemblent fortement à ceux de M. Beck.

[62] D'autres preuves, comme le fait que M. Beck, selon la recherche effectuée par M. Martinez sur le site 411.ca, habite à Kelowna, en Colombie-Britannique, viennent appuyer la prétention selon laquelle M. John Beck est probablement la personne avec qui M. Martinez, sous le pseudonyme Rachel, correspondait en 2004. Ce renseignement, ainsi que l'adresse de M. Beck, est confirmé par les déclarations de revenus de 2004 et 2005 soumises en preuve par la Commission.

[63] Le Tribunal conclut que, en l'espèce, la preuve circonstancielle est assez solide pour établir selon la prépondérance de la preuve que M. John Beck est la personne avec qui M. Martinez a correspondu en 2004 et pour lier M. John Beck à BC White Pride, que ce soit le groupe ou le site Web. Le Tribunal conclut que M. Beck devrait être ajouté en tant que partie à la présente instruction, car sa présence est nécessaire pour examiner la plainte en bonne et due forme.

[64] Cela dit, il sera toujours possible pour M. Beck de montrer qu'il n'est pas le John avec qui Rachel a correspondu en 2004 et qu'il n'est d'aucune façon lié à BC White Pride, www.bcwhitepride.com ou www.bcwhitepride.org.

B. Bcwhitepride.org

[65] La preuve révèle que M. Martinez a pu consulter un site Web appelé www.bcwhitepride.org et a pu télécharger de nombreuses pages du site dont le contenu ressemble de plusieurs façons aux pages qui se trouvaient sur le site Web bcwhitepride.com.

[66] Une recherche sur BetterWhois.com ainsi que sur Whois.net montre que le nom de domaine bcwhitepride.org a été créé en juillet 2004. Selon M. Martinez, ce renseignement est fiable puisqu'il est le résultat d'une recherche automatique.

[67] Dans le présent contexte, il apparaît que le site bcwhitepride.org est en fait intimement lié à bcwhitepride.com. Au cours de son témoignage, M. Martinez a déclaré qu'il n'est pas rare pour une personne qui crée un site Web d'utiliser différents sous-domaines, comme .com, .net, .ca, etc.

[68] Que l'un de ces sites ou que ces deux sites constituent des personnes morales ou non est une question qui reste à trancher. À l'audience, M. Fromm a affirmé que cette question demeurait valide et pouvait être soulevée plus tard.

[69] Pour l'instant, sans trancher la question de savoir si un site Web constitue ou non une personne ayant une capacité juridique, le Tribunal conclut que www.bcwhitepride.org est un site Web qui existe et qui est probablement une branche de www.bcwhitepride.com. Le Tribunal estime que la présence de www.bcwhitepride.org dans la présente procédure est nécessaire pour trancher la plainte en bonne et due forme.

C. Le BC White Pride Group

[70] La Commission soutient qu'il existe en Colombie-Britannique un groupe appelé BC White Pride. De nombreuses pièces soumises en preuve mentionnent l'existence de ce groupe.

[71] Par exemple, on peut trouver de nombreuses références au groupe BC White Pride sur le site bcwhitepride.org. Une page Web sur le site bcwhitepride.org contient le texte suivant :

[traduction]

Bienvenue chez BC White Pride

La Colombie-Britannique est l'hôte d'un nouveau mouvement audacieux se consacrant principalement à l'éducation des blancs sur des questions d'actualité comme l'immigration.

[72] L'existence d'un groupe appelé BC White Pride est de plus confirmée par John, alias Renegade. Dans un courrier électronique daté du 8 mars 2004 envoyé à Rachel, John déclare que whiterenegade.com est son propre manifeste personnel en ligne et non un groupe. Cependant, il reconnaît avoir cofondé un groupe appelé BC White Pride. Dans une conversation en ligne avec Rachel, le 10 mars 2004, John mentionne encore une fois qu'il a cofondé le BC White Pride avec un ami et un camarade nommé Craig.

[73] Le Tribunal conclut que, selon la prépondérance de la preuve, il existe un groupe nommé BC White Pride et que sa présence est nécessaire pour trancher la plainte en bonne et due forme.

D. Le White Renegade Group

[74] La Commission soutient qu'il existe en Colombie-Britannique un groupe appelé White Renegade. La preuve ne révèle pas l'existence de ce groupe. Toutefois, elle montre que le site Web www.whiterenegade.com existe et qu'il s'agit du manifeste en ligne de John, avec qui Rachel a correspondu.

[75] Il faut noter que www.whiterenegade.com n'est pas une partie à la présente procédure.

[76] Étant donné l'absence de preuve montrant que White Renegade est un groupe, le Tribunal ne peut conclure à l'existence d'un groupe nommé White Renegade. Par conséquent, la demande de la Commission visant à faire ajouter ce groupe en tant que partie à la présente procédure est rejetée.

VI. DÉCISION

[77] Étant donné que M. Beck a été présent tout au long de la présente procédure et qu'il a soumis, par l'intermédiaire de M. Fromm, des observations expliquant pourquoi il ne devrait pas être ajouté en tant que partie et étant donné la preuve, le Tribunal ordonne que M. John Beck soit ajouté en tant que partie à la présente procédure.

[78] Puisque la preuve révèle que le BC White Pride Group et le site www.bcwhitepride.org sont des personnes qui existent, le Tribunal ordonne que la présente décision leur soit signifiée pour qu'elles puissent, en temps opportun, soumettre des observations dans le cadre de la requête de la Commission visant à les ajouter en tant que parties.

[79] Étant donné que rien ne prouve l'existence du White Renegade Group, la demande de la Commission visant à faire ajouter le White Renegade Group en tant que partie est rejetée.

Pierre Deschamps

OTTAWA (Ontario)
Le 18 mai 2007

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1120/0206

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Centre de recherche-action sur les relations raciales c. www.bcwhitepride.com

DATE ET LIEU DE L'AUDIENCE :

Les 28 au 30 novembre 2006
Les 10 au 13 avril 2007

Penticton (Colombie-Britanique)

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL :

Le 18 mai 2007

ONT COMPARU :

Fo Niemi

Pour le plaignant

Giacomo Vigna

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Paul Fromm

Pour l'intimé

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