Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CANADIAN HERITAGE ALLIANCE

- et -

MELISSA GUILLE

les intimées

DÉCISION SUR REQUÊTE

2009 TCDP 13
2009/04/21

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen Jensen

[1] Une des intimées en l'espèce, Melissa Guille, souhaite poursuivre sa contestation constitutionnelle des articles 13 et 54 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP). La Commission et le plaignant s'opposent à cette requête et soutiennent que Mme Guille a omis d'aviser correctement les parties, avant le début de l'audience, de son intention de contester la Loi. Subsidiairement, ils soutiennent que la contestation constitutionnelle devrait être ajournée indéfiniment en attendant qu'une décision soit rendue dans l'affaire Warman c. Lemire. Dans cette affaire, la décision sur le fond de la plainte et une contestation constitutionnelle des articles 13 et 54, semblable à celle en l'espèce, sont présentement en délibéré.

[2] M. Warman a déposé sa plainte contre Mme Guille et la Canadian Heritage Alliance le 11 août 2004. La plainte a été renvoyée au Tribunal le 28 septembre 2005. Dans son exposé des précisions, Mme Guille a déclaré qu'elle souhaitait contester la constitutionnalité des articles 13 et 54 de la LCDP au regard des articles 2 et 7 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le Tribunal a ordonné à Mme Guille de fournir plus de précisions au sujet de sa contestation constitutionnelle avant le 11 juillet 2006, ce qui n'a pas été fait.

[3] Le 27 août 2007, pendant l'audition de la plainte, le membre Deschamps a ordonné que l'instruction de la question constitutionnelle soit reportée à une date ultérieure, après la décision sur le bien-fondé de la plainte. Au moment où l'ordonnance a été rendue, un autre membre du Tribunal était saisi de la plainte Warman c. Lemire, qui portait aussi sur le paragraphe 13(1) de la LCDP. L'intimé dans cette affaire, M. Lemire, avait aussi contesté la constitutionalité des articles 13 et 54.

[4] L'instruction de l'affaire Warman c. Lemire a duré 30 jours. La Commission canadienne des droits de la personne, ainsi que le procureur général du Canada, ont tous deux participé pleinement aux questions constitutionnelles. Cinq autres parties ont obtenu le statut de partie intéressée pour les questions constitutionnelles. La décision Warman c. Lemire est en délibéré.

[5] Dans la décision Warman c. Northern Alliance et Jason Ouwendyk, 2008 TCDP 14, rendue le 8 mai 2008, le Tribunal a reporté l'instruction de la validité constitutionnelle des articles 13 et 54 de la LCDP en attendant l'issue de l'affaire Warman c. Lemire. Le Tribunal s'est exprimé ainsi :

La question de la constitutionnalité des dispositions législatives contestées sera examinée après le prononcé de la décision dans Lemire. S'il juge la plainte fondée, le Tribunal ne rendra aucune ordonnance tant qu'il n'aura pas été statué en dernier ressort sur la question constitutionnelle.

[6] Le 12 septembre 2008, l'ancien membre du Tribunal Pierre Deschamps a rendu une décision sur le bien-fondé de la plainte en l'espèce. Il a conclu que l'intimée avait violé le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne et il a ordonné aux intimés d'arrêter de communiquer des messages du genre de ceux qui ont été déclarés contraires au paragraphe 13(1), ou tout autre message présentant un contenu sensiblement analogue, qui sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable en raison d'un motif de distinction illicite.

[7] Pour ce qui est de la question constitutionnelle, le membre Deschamps a déclaré dans sa décision du 12 septembre 2008 :

Compte tenu de l'avis de contestation constitutionnelle présenté par l'intimée, Melissa Guille, et les directives prononcées précédemment par le Tribunal, le 20 novembre 2007, au sujet du temps opportun pour présenter cette contestation, le Tribunal ordonne que l'exécution de la présente décision soit suspendue pour une période de 30 jours afin de permettre à l'intimée, Melissa Guille, si elle le désire, de présenter une requête qui établit le fondement de sa contestation constitutionnelle, à laquelle la Commission et le plaignant auront le droit de répondre ou de s'opposer.

[8] Par conséquent, contrairement à la décision sur requête rendue dans Warman c. Northern Alliance et Jason Ouwendyk, la décision en l'espèce a simplement eu pour effet de suspendre l'ordonnance d'interdiction pendant 30 jours en attendant la requête portant sur la contestation constitutionnelle. À l'échéance de la période de 30 jours (ce qui est le cas présentement), l'ordonnance d'interdiction est entrée en vigueur.

[9] Par conséquent, Mme Guille et la Canadian Heritage Alliance sont visés par une ordonnance du Tribunal leur interdisant de communiquer des messages qui ont été déclarés contraires à l'article 13 de la Loi ou tout autre message présentant un contenu analogue.

[10] Bien que Mme Guille n'ait pas fourni de précisions au sujet de la question constitutionnelle au moment approprié dans le processus, le Tribunal n'a néanmoins pas conclu qu'elle ne pouvait pas présenter sa contestation constitutionnelle. En effet, dans sa décision du 12 septembre 2008, le Tribunal a mentionné qu'il était encore tout à fait possible de présenter la contestation.

[11] Je ne souscris pas au point de vue de la Commission selon lequel Mme Guille ne subirait pas de préjudice si l'affaire était ajournée indéfiniment. Mme Guille est présentement visée par une ordonnance du Tribunal qui, selon elle, a été prise en fonction de dispositions légales qui ne sont pas constitutionnelles. À mon avis, une suspension indéfinie de son droit de contester ces dispositions, et par conséquent, de contester la validité de l'ordonnance, constituerait un préjudice important.

[12] La contestation constitutionnelle sera instruite. Un agent du greffe communiquera bientôt avec les parties afin d'organiser une conférence de gestion d'instance à ce sujet

Signée par

Karen Jensen

OTTAWA (Ontario)
Le 21 avril 2009

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