Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

marc lemire

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2008 TCDP 8
2008/03/20

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[1] Les 9 et 10 mai 2007, deux employés de la Commission, Hannya Rizk et Dean Steacy, ont témoigné en l'espèce. À ce moment, j'ai ordonné que les personnes autres que les parties et leurs représentants soient exclues de la salle d'audience pendant le témoignage de ces deux témoins, en vertu de l'article 52 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Des sténographes judiciaires ont transcrit leur témoignage. Les notes sténographiques ne sont pas visées par l'ordonnance d'exclusion et ont été communiquées aux parties.

[2] Les deux témoins doivent maintenant continuer leur témoignage le 25 mars 2008. M. Lemire et la Canadian Association for the Freedom of Expression ont demandé au Tribunal de réviser sa décision sur requête. Rogers Publishing Limited, une division de Rogers Media Inc., a présenté une demande semblable au nom de Maclean's Magazine, en demandant expressément que des représentants du magazine soient autorisés à assister à l'audience, à l'observer et à faire rapport du témoignage qui sera entendu à l'audience. Le procureur général du Canada affirme pour sa part que cette audience doit se dérouler conformément à la [traduction] procédure habituelle voulant que le Tribunal tienne des audiences publiques, à moins qu'il ne soit convaincu de la nécessité du huis-clos pour assurer la sécurité de tous les participants.

[3] La Commission propose dans ses observations que l'ordonnance soit maintenue, mais que d'autres mesures soient prises pour [traduction] mieux répondre aux besoins des membres du public qui souhaitent assister à l'audience, dont une liaison télévisuelle avec une autre salle, ce qui permettrait au public d'observer l'audience sans pouvoir observer les témoins.

[4] J'en suis venu à la conclusion que la décision sur requête que j'ai rendue précédemment doit être annulée.

[5] Pour bien comprendre cette question, il est important de comprendre le contexte dans lequel j'ai rendu ma première décision. À la demande de M. Lemire, le Tribunal avait délivré à Mme Rizk et à M. Steacy des assignations les enjoignant à comparaître et à témoigner à l'audience. Dans l'après-midi du 8 mai 2007, la Commission a envoyé par télécopieur une lettre au Tribunal dans laquelle, en vertu de l'article 37 de la Loi sur la preuve au Canada, elle s'opposait formellement à la divulgation de l'apparence de ses employés dans le cadre de la procédure devant le Tribunal et attestait que ces renseignements ne devaient pas être divulgués pour des raisons d'intérêt public, soit d'assurer la sécurité de ces individus durant et après leur témoignage. La Commission a ajouté que, à la suite de l'objection qu'elle a exprimée en vertu de l'article 37, elle a [traduction] ordonné à Mme Rizk et à M. Steacy de ne pas comparaître à l'audience du Tribunal, mais de demeurer disponibles jusqu'à ce que la question de cette objection soit tranchée.

[6] Quand l'avocat de la Commission a comparu à l'audience le 9 mai 2007, sa position était sans équivoque : [traduction] [...] nous avons invoqué l'article 37. Si aucune mesure n'est mise en place, nous l'invoquons. Si les mesures que je demande aujourd'hui sont mises en place, alors nous ne l'invoquerons pas et nous retirerons notre objection fondée sur l'article 37 relativement à leur comparution et à la divulgation de leur apparence.

[7] Ce matin-là, j'ai rendu verbalement ma décision concernant l'exclusion des non-parties de la salle d'audience. Cette décision était fondée en grande partie sur cette possibilité préoccupante que la Commission invoque l'article 37 si les [traduction] mesures qu'elle demandait n'étaient pas [traduction] mises en place. L'audience s'est poursuivie, mais la Commission a néanmoins invoqué l'article 37 en de nombreuses occasions pour s'opposer aux questions posées à Mme Rizk et à M. Steacy par l'avocat de M. Lemire. La Commission alléguait des raisons de sécurité publique pour justifier ses objections.

[8] M. Lemire a par la suite contesté ces objections devant la Cour fédérale, laquelle a compétence exclusive pour rendre une décision quand de telles questions sont soulevées devant le Tribunal. Toutefois, fait intéressant, il semble que, quelques semaines avant l'audience de la Cour fédérale, prévue pour le 15 janvier 2008, la Commission a divulgué à M. Lemire les renseignements visés par la requête concernant l'article 37. La Cour a donc jugé que, puisque les renseignements avaient été divulgués, elle ne pouvait plus examiner [traduction] en bonne et due forme la demande concernant l'article 37, car la divulgation avait en fait rendu la question théorique. En effet, la Commission a précisément divulgué les renseignements qui, selon ce qu'elle avait prétendu auparavant, ne pouvaient être divulgués en vertu de l'article 37. Je note que la Commission a également retiré, devant la Cour fédérale, son objection fondée sur l'article 37 à ce que soient délivrées les assignations à comparaître de Bell Canada (voir la décision de la Cour fédérale, 15 janvier 2008, dossier no T-860-07).

[9] La façon dont s'est résolue la question concernant l'article 37 me porte à mettre en question le bien-fondé de l'invocation par la Commission de motifs de sécurité publique relativement au témoignage des témoins en cause.

[10] Fait encore plus important, cependant, puisque j'ai maintenant eu la chance d'examiner la question dans des circonstances différentes de celles dans lesquelles je me trouvais le matin du 9 mai 2008, je ne suis pas convaincu que les témoins seraient exposés à un risque sérieux de divulgation qui ferait en sorte que l'intérêt des personnes concernées l'emporterait sur l'intérêt de la société, comme le prévoit l'alinéa 52(1)c) de la Loi, ni qu'il existe une sérieuse possibilité que la vie, la liberté ou la sécurité d'une personne puisse être mise en danger, comme le prévoit l'alinéa 52(1)d) de la Loi. Les passages d'un site Internet cités par la Commission dans ses observations ne satisfont pas à ces critères, à mon avis. Ils ne témoignent pas d'un risque plus grand que celui qui a émané par le passé de commentaires adressés à d'autres participants, notamment aux avocats, aux membres instructeurs et aux membres du personnel du Tribunal ainsi qu'aux parties elles-mêmes, en l'espèce ou dans d'autres affaires portant sur l'article 13.

[11] Par conséquent, j'annule l'ordonnance. L'audience sera publique, comme l'exige le paragraphe 52(1) de la Loi. Je noterais pour le dossier que la Commission fait erreur quand elle affirme dans ses observations que l'ordonnance faisait suite à la décision sur requête que j'avais rendue le 7 mai 2007, laquelle ne faisait qu'exclure les caméras des locaux du Tribunal. Cette décision a précédé l'ordonnance d'exclusion. Puisqu'il n'a pas été demandé que je révise ma décision du 7 mai, les caméras demeureront exclues des locaux du Tribunal.

Signée par

Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)

Le 20 mars 2008

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1073/5405

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Richard Warman c. Marc Lemire

DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE

DU TRIBUNAL :

Le 20 mars 2008

ONT COMPARU :

Richard Warman

Po

Pour lui-même

Margot Blight/Philippe Dufresne

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barbara Kulaszka

Pour l'intimé

Simon Fothergill/Alysia Davies

Pour le Procureur général du Canada

Paul Fromm

Pour Canadian Association for Free Expression

Douglas Christie

Pour Canadian Free Speech League

Joel Richler/Ryder Gilliland

Pour le Congrès juif canadien

Steven Skurka

Pour Friends of Simon Wiesenthal Center for Holocaust Studies

Marvin Kurz

Pour la Ligue des droits de la personne de B'nai Brith

Julian Porter

Pour les Éditions Rogers limitée, une division de Rogers Media Inc.

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