Tribunal canadien des droits de la personne

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D.T. 12/90 Décision rendue le 1 octobre 1990

LOI CANADIENNE SUR LES DROITS DE LA PERSONNE (L.R.C. 1985, c. H-6 et ses modifications)

TRIBUNAL DES DROITS DE LA PERSONNE

ENTRE :

JACQUES BOUCHARD

Plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

Commission

- et -

FORCES ARMÉES CANADIENNES

Intimée DÉCISION DU TRIBUNAL TRIBUNAL : Pierrette Sinclair

ONT COMPARU : René Duval, avocat de la Commission canadienne des droits de la personne

Suzanne Gouin, avocate de l'intimée

DATES ET LIEUS DES AUDIENCES : 30, 31 janvier 1989 1er février 1989 à Québec, Province de Québec 6, 7 mars 1989 à Ottawa, Ontario

CONSTITUTION DU TRIBUNAL

Le 9 juin 1988, le président du comité du tribunal des droits de la personne, M. Sidney Lederman constituait le présent tribunal afin d'examiner la plainte déposée par M. Jacques Bouchard en date du 8 novembre 1984 contre le ministère de la Défense nationale. L'acte de constitution du tribunal fut déposé sous la cote T-1.

La plainte de M. Bouchard allègue que l'intimée a exercé de la discrimination fondée sur la déficience en matière d'emploi, le tout contrairement aux dispositions de la Loi canadienne sur les droits de la personne (S.C. 1976-77, ch. 33 et modifications) et notamment les articles 3 et 7 de la Loi. Le texte de la plainte telle qu'elle apparaît au formulaire de plainte déposé sous la cote CHRC-1 allègue ce qui suit:

"En septembre 1972, je suis engagé comme cuisinier (cook 861) dans les Forces armées canadiennes. Depuis 1973, j'ai des problèmes de calculs rénaux et urinaires qui occasionnent un gain de poids et une élévation de ma pression sanguine. Cela ne m'a cependant pas empêché de servir sur des navires et dans des unités de champs. En août 1983, alors que j'exerce mon métier de cuisinier au Détachement Débert à la Base de Halifax, Nouvelle-Écosse, je suis opéré pour des pierres aux reins. Ma santé s'améliore et grâce à une diète appropriée, ma pression et mon poids baisse. Cependant, dû à certaines politiques du ministère de la Défense nationale, parce qu'on estime que mon problème de pierres aux reins est chronique, ma catégorie médicale est baissée au niveau G4 03. Le 2 février 1984, le ministère de la Défense nationale décide de me libérer du service militaire, libération effective le 27 août 1984, en invoquant que ma catégorie médicale G4-03 est au-dessous des normes médicales minimales pour le corps de métier auquel j'appartiens et pour tous les autres corps de métier dans l'armée.

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Pourtant, je suis qualifié pour accomplir mon travail de cuisinier de façon satisfaisante et mon problème médical n'affecte en rien mon rendement au travail. Je crois donc que le ministère de la Défense nationale, en fixant et en appliquant des lignes de conduite basées sur des distinctions de déficience physique, agit de façon discriminatoire à mon endroit et à l'endroit de tous les autres individus qui sont dans les mêmes conditions que moi (maladies rénales), et, qu'en refusant de continuer de m'employer pour ce même motif de distinction, il contrevient aux articles 7 et 10 de la Loi canadienne des droits de la personne."

LES FAITS

Les faits ayant engendré le dépôt de la plainte de M. Jacques Bouchard sont les suivants:

M. Bouchard a fait partie des Forces armées de 1972 à sa libération le 27 août 1984. M. Bouchard est entré dans les Forces armées en 1972 comme simple soldat. Par la suite, il a subi un entraînement militaire normal à St-Jean d'Iberville en 1972 et 1973 et cette même année de 1973, il a suivi un cours de cuisinier à la base des Forces armées canadiennes à Borden. La preuve révèle qu'à partir de ce moment, M. Bouchard a exercé son métier de cuisinier à Gagetown au Nouveau Brunswick pour une période de trois ans. Gagetown est une base des forces militaires de terre opérationnelles et M. Bouchard appartenait au Field Ambulance I lorsque l'unité a été remplacée par le Combat Arm School, où il a également exercé ses fonctions de cuisinier.

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Après cette période, M. Bouchard a été transféré sur un navire militaire, le HMCS Saguenay pour une période de deux ans. Du navire Saguenay, il a été muté à la base militaire de Bagotville au 433 ETAC, une unité de CF-5, où il a également exercé son métier de cuisinier pendant deux ans à titre de superviseur. Il a effectivement participé de plus à deux exercices en Norvège, la première fois avec le 433 ETAC, comme chef cuisinier et la seconde fois avec le 434 de Coldlake comme cuisinier également. De Bagotville, M. Bouchard a été muté à la station des Forces armées canadiennes de Mont Apicat dans les Laurentides qui est une station semi- isolée des Forces armées canadiennes, une station de radar. A cet endroit, il devait superviser le personnel de la cuisine comme second en charge des cuisines. De là, M. Bouchard a été muté à la base militaire de Debert en Nouvelle-Écosse qui est une station de télécommunications. Il était également responsable en second de la cuisine et responsable du personnel civil. Il a servi à Debert d'avril 1983 jusqu'à sa libération des Forces armées, sauf pour les deux mois précédant sa libération où il a été muté à la base d'Halifax.

Pendant son séjour dans les Forces armées, M. Bouchard s'est élevé au rang de caporal-chef, fonction qu'il occupait à sa libération. Il a été informé de sa libération en février 1984, laquelle devait prendre effet le 27 août 1984. Lorsqu'il a été informé de sa libération, le caporal-chef Bouchard a formulé un grief contre les Forces armées et M. Bouchard a reçu réponse à ce grief sous la signature du général G.C.E. Thériault, le 30 janvier 1985, par une lettre l'informant que son grief était rejeté. Les raisons motivant la décision exprimée par le général Thériault sont en ces termes:

"Le 30 janvier 1985 M. J.J.H. Bouchard

DEMANDE DE REDRESSEMENT DE GRIEF

  1. J'ai examiné récemment avec beaucoup d'attention votre demande de redressement de grief. J'en suis arrivé à une décision dont je vous donnerai ci-dessous les motifs.
  2. Votre rendement et vos activités à un endroit fixe ne font pas problème. Cependant, la mobilité est un facteur clé dans les Forces armées et les membres doivent se classer dans des catégories médicales qui ne restreignent pas cette mobilité. La décision de vous renvoyé a été prise en fonction des nécessités du service et des limitations d'emploi liées à votre état de santé. L'on vous a attribué la cote géographique 4 (04) et professionnelle 3 (03) en raison de votre urolithiase chronique. Vos rapports médicaux font état de fréquents problèmes de calculs rénaux, ainsi que d'hypertension et d'obésité. Vous avez les limitations G4 - inapte au service en mer et en campagne, au service dans la Force d'urgence des Nations Unies et à des affectations dans des postes isolés sur le plan médical; 03 - inapte à accomplir un travail ardu sur de longues périodes; vous devez vous entraîner physiquement à votre propre rythme.
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  4. Le directeur, Service de santé (Soins) du quartier- général de la Défense nationale a examiné attentivement votre dossier médical. Compte tenu de votre principal problème de santé, à savoir vos calculs rénaux récurrents qui limitent considérablement votre aptitude au travail en ce sens que, dès que survient une attaque, vous avez besoins de soins médicaux immédiats, nous estimons que la cote médicale qui vous a été attribuée (G4 03) est correcte. La décision de renvoyer un militaire bien formé qui a servi loyalement dans les Forces armées ne se prend pas de gaieté de coeur et, dans votre cas, elle n'a été prise définitivement qu'après des examens médicaux et professionnels longs et approfondis.
  5. J'en suis arrivé à la conclusion que vous n'aviez pas été traité injustement ni privé du redressement que vous cherchiez. Je regrette de ne pas être en mesure de vous donner une réponse plus favorable et je vous souhaite tous les succès possibles dans vos entreprises futures.

G.C.E. Thériault, général

La lettre du général Thériault a été produite comme pièce CHRC-3.

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Il faut mentionner que pendant son séjour dans les Forces armées, le caporal-chef Bouchard a vécu plusieurs épisodes de problèmes rénaux dont la preuve fait amplement état.

Les faits que nous venons de mentionner ne font pas l'objet de contestation et nous donnons maintenant un résumé de la preuve.

LA PREUVE

Dans une preuve très élaborée et très longue, le procureur des Forces armées s'est employée à démontrer que le caporal-chef Bouchard avait un passé médical lourdement chargé. Il ne fait aucun doute que M. Bouchard pendant son séjour dans l'armée a souffert d'épisodes de problèmes qui ont été qualifiés de problèmes rénaux, qu'il a été hospitalisé à plusieurs reprises et incapable à certaines époques de remplir ses fonctions. Plusieurs témoins très crédibles sont venus démontrer sur la base des dossiers médicaux de M. Bouchard l'étendue de sa maladie et le tribunal s'est vu expliquer abondamment les détails de divers épisodes de la maladie de M. Bouchard. Qu'il me suffise de me référer au commandeur Taillon, médecin interniste de l'armée qui a apporté au tribunal les éléments nécessaires à la compréhension du dossier médical de M. Bouchard, d'après les annotations du dossier puisque le commandeur Taillon n'avait pas été en situation de faire un examen médical de M. Bouchard.

D'ailleurs, aucun des médecins traitant ni aucun des médecins ayant signé les rapports de M. Bouchard n'a été appelé à témoigner et n'ont pas d'avantage été appelés ceux qui ont émis un jugement conduisant à la libération de M. Bouchard.

Le tribunal s'est également vu expliquer de façon élaborée les

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structures des Forces armées canadiennes, leur raison d'être, les objectifs qu'elles visent et le but qu'elles desservent. La preuve a également été faite de la formation dont bénéficie un soldat, des risques qu'il encourt, du rôle de la fonction que détenait M. Bouchard et des diverses tâches qu'un soldat doit remplir.

M. Bouchard, dans son témoignage, a expliqué dans ses termes les épisodes de maladie qu'il a vécus et le tribunal retient également de son témoignage, la volonté qu'il a exprimée, de servir son pays en dépit de certaines périodes où son état de santé n'était pas des meilleurs. Le tribunal ne peut que constater la loyauté qui a transpirée dans le témoignage de M. Bouchard à l'égard de son ancien employeur, les Forces armées canadiennes et ce, en dépit des difficultés auxquelles il a fait face. Il ressort également de la preuve que M. Bouchard n'a jamais refusé de servir et qu'en dépit de sa santé défaillante à certains moments, il a toujours été disponible à son employeur. D'ailleurs son dossier en témoigne et nous ne pouvons manquer de souligner que dans un rapport daté du 7 novembre 1983 qui se retrouve à un document intitulé Avis de changement de catégorie médicale ou de restrictions médicale (sic) produit dans le document R-8 de l'intimée Commandeur Taillon, sous la cote R-8, on retrouve sous la signature du Major Muise, la note suivante dans la case VI: Recommandations de l'unité ou de la base, ce qui suit:

"MCpl Bouchard has proved to be an excellent Cook and supervisor, Medical problems have not been apparent in his performance. Recorded Warning issued 07 Nov 83 in accordance with CFAOs 19-34, 26-17.

Retention recommended."

Nous aurons l'occasion de revenir sur ce document.

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De la preuve présentée, le tribunal retient que de façon épisodique, M. Bouchard a été malade et hospitalisé. Il est évidemment impossible de porter un jugement sur les diagnostics qui ont été posés, ni sur les soins qu'il a reçus. Nous retenons qu'il a été libéré pour cause de déficience physique. Cette libération constitue-t-elle un acte discriminatoire? Dans l'affirmative, l'employeur était-il justifié de le poser? C'est ce que nous verrons à l'aide de l'analyse du droit.

LE DROIT

L'article 3 (e) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi) stipule que les motifs de distinction illicites sont, entre autres, ceux qui sont fondés sur la déficience. L'article 7 de la Loi prévoit que constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite, le fait, par des moyens directs ou indirects de refuser d'employer ou de continuer d'employer un individu...

M. Bouchard a, à notre avis, été exclu des Forces armées canadiennes pour un motif de distinction illicite et il ne fait pas de doute qu'un acte discriminatoire au sens des articles 3 et 7 de la Loi a été posé à son endroit.

Par ailleurs, l'article 15 (a) de la Loi est en ces termes:

"15. Ne constituent pas des actes discriminatoires: a) les refus, exclusions, expulsions, suspensions, restrictions, conditions ou préférences de l'employeur qui démontrent qu'ils découlent d'exigences professionnelles justifiées;"

La question qui se pose alors est celle de déterminer si la libération de M. Bouchard découle d'exigences professionnelles justifiées.

L'exigence professionnelle justifiée a été définie par la Cour Suprême, dans l'arrêt La Commission Ontarienne des droits de la personnes contre la Municipalité Etobicoke, 1982 (1) R.C.S. 202. Même si cette décision est basée sur the Ontario Human Rights Code, son application à la Loi canadienne a été reconnue par la Cour Suprême dans l'affaire Bhinder et Compagnie de chemins de fer nationaux, 1985 (2) R.C.S. 561. Dans l'arrêt Etobicoke, M. le juge McIntyre écrit à la page 208:

"Pour constituer une exigence professionnelle réelle, une restriction comme la retraite obligatoire à un âge déterminé doit être imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique et non pour des motifs inavoués ou étrangers qui visent des objectifs susceptibles d'aller à l'encontre de ceux du Code. Elle doit, en outre, se rapporter objectivement à l'exercice de l'emploi en

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question en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général."

La Cour Suprême reconnaît donc deux tests pour déterminer l'exigence professionnelle justifiée. Le premier qui est un test objectif consiste à s'assurer que la restriction a été imposée honnêtement, de bonne foi et avec la conviction sincère que cette restriction est imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique. Nous examinons l'application du premier test pour revenir sur le second test plus loin.

Après avoir entendu et révisé la preuve, le tribunal n'est pas convaincu que la restriction imposée à M. Bouchard l'ait été avec la conviction sincère qu'elle était imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique. Cette preuve, qui doit être une preuve prima facie, n'a pas été établie devant le tribunal.

Si nous retournons au document signé par le commandeur J.D. Smith, le 26 octobre 1983, intitulé Avis de changement de catégorie médicale ou de restrictions médicale, (sic), cité plus haut, nous constatons que M. Bouchard s'était vu attribuer une catégorie de facteur géographique 2 (ancienne catégorie) et que la catégorie actuelle, une catégorie 2, est rayée pour faire place à une catégorie 4, qui est le chiffre décisionnel pour la libération de M. Bouchard. Le docteur Chalmers, médecin civil, a signé cette première partie du rapport qui a été revu par le commandeur Smith. Or, la rature si importante dans ce cas n'est pas initialée. Le commandeur Smith, qui selon les témoignages n'a pas examiné M. Bouchard, fait les remarques du médecin-chef de commandement qui vont amener la libération de M. Bouchard. Curieusement, la partie II du rapport réservée au médecin qui fait le diagnostic et porte la mention réservé au médecin, qui indique en détail les restrictions relatives à l'emploi n'a pas été remplie par le docteur Chalmers qui a examiné M. Bouchard.

Il n'a pas été établi, à la satisfaction du tribunal, selon la balance des probabilités que la personne, dont la décision a entraîné la libération de M. Bouchard, a imposé la restriction de catégorie médicale avec la conviction sincère que cette restriction était imposée en vue d'assurer la bonne exécution du travail en question d'une manière raisonnablement diligente, sûre et économique.

Pour ce qui est du critère objectif dont fait état la Cour Suprême dans l'arrêt Etobicoke, ce critère impose que la restriction se rapporte objectivement à l'exercice de l'emploi en question en étant raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail sans mettre en danger l'employé, ses compagnons de travail et le public en général.

Une preuve très élaborée a été faite devant le tribunal pour tenter de démontrer qu'une condition physique adéquate était requise pour les membres

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des forces armées et tout spécialement pour le métier de cuisinier (voir la pièce R-2).

Sans reprendre tous les éléments de cette preuve, le témoignage du capitaine Anne-Rachel Loesch nous paraît particulièrement important. Le capitaine Loesch est responsable de la gestion de personnel dans les métiers de steward et cuisinier, ce qui inclut l'affectation de personnel conforme avec les politiques et priorités approuvées. Dans un long témoignage elle explique le processus de gestion et d'affectation des postes de cuisinier. Or, le caporal-chef Bouchard a été déclaré unfit for sea, field, U.N.E.F. and medically isolated duties, à cause de sa catégorie G4 03.

Lorsqu'elle révise la liste des affectations possibles et des endroits où le caporal-chef Bouchard peut être ou non affecté, elle dit qu'il ne pourrait être envoyé à Trenton ni à Ottawa, pour la raison suivante:

"Et c'est (sic) deux là ça serait plutôt à cause je pense du problème d'obésité, parce que c'est des positions où ils doivent servir des dignitaires et puis ils sont toujours, toujours dans le public..."

En contre-interrogatoire, le procureur de l'intimée s'est objectée aux questions du procureur de la Commission canadienne des droits de la personne. Les questions qui ont amené l'objection sont les suivantes:

"Q. Pourriez-vous prendre la dernière page, la dernière annexe, la liste des bases, et caetera, et me répéter à quel endroit l'obésité pose un problème. R. A quel endroit que...?

Q. Vous avez dit - - c'était à la troisième colonne, vous avez dit: il ne sera pas transféré là à cause du problème d'obésité.

R. Ah! Ici.

Q. Vous avez parlé de dignitaires.

R. Oui. Q. Comment est-ce que ça s'appelait

R. Les escadrons 437 et 412.

Q. 412 et 437 à Ottawa ce sont des escadrons qui font le service executive flight ça?

R. C'est ça, les Cosmos et les Challengers, oui. Q. C'est ceux qui transportent nos ministres, nos sous-ministres, c'est bien ça?

R. Oui.

Q. Alors pourquoi est-ce que l'obésité est un problème là?

R. C'est écrit dans les ordres administratifs qu'il faut

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être présentable.

Q. Il faut être beau, c'est ça? R. Présentable."

Le tribunal ne retient pas les objections du procureur de l'intimée, prises sous réserve, et permet la preuve.

Cette preuve s'inscrit dans le contexte plus général des politiques et de l'exigence professionnelle justifiée. Le tribunal ne peut conclure que la non obésité est une restriction raisonnablement nécessaire pour assurer l'exécution efficace et économique du travail d'un cuisinier. Il est vrai qu'il faut inscrire cette preuve dans le contexte où elle a été faite, c'est à dire de l'affectation des cuisiniers et de l'impact de la non mobilité sur les carrières des autres cuisiniers. Mais il n'en reste pas moins que dans les circonstances propres à cette plainte le tribunal n'est pas convaincu que la restriction imposée rencontre le test objectif de l'exercice de l'emploi.

LA DÉCISION

Après avoir entendu la preuve, écouté les arguments des deux parties, pris connaissance de la jurisprudence, le tribunal:

ACCUEILLE la plainte du plaignant, Jacques Bouchard;

ANNULE la libération du plaignant en date du 27 août 1984;

ORDONNE la réintégration du plaignant à sa fonction effective en date de sa libération, soit le 27 août 1984;

ORDONNE aux Forces armées canadiennes de payer au plaignant l'équivalent du salaire qu'il aurait gagné et des avantages dont il aurait bénéficiés depuis sa libération, moins tous les argents qu'il a gagnés ou perçus depuis cette date et ce, avec intérêts;

LE TRIBUNAL SE RÉSERVE juridiction de fixer l'indemnité étant due au plaignant à défaut par les parties de s'entendre à ce sujet: les parties devront alors revenir devant le tribunal pour qu'il soit adjugé sur cette question.

LA DÉCISION prend effet dans les trente jours des présentes.

ET J'AI SIGNÉ A:

Montréal, le 14 août 1990

Me Pierrette Sinclair,

Présidente du tribunal

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