Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CANADIAN HERITAGE ALLIANCE

- et -

MELISSA GUILLE

les intimés

DÉCISION SUR REQUÊTE

2006 TCDP 31
2006/08/15

MEMBRE INSTRUCTEUR : Karen A. Jensen

[TRADUCTION]

I. LES LISTES DE MEMBRES DU GROUPE CANADIAN HERITAGE ALLIANCE

II. LE RÔLE DE M. ALEXIAN KULBASHIAN DANS LA PRÉSENTE PLAINTE

III. L'ALLÉGATION DE NON-RESPECT PAR LES INTIMÉS DES DIRECTIVES DU TRIBUNAL À L'ÉGARD DE LA DIVULGATION

IV. L'ALLÉGATION DE NON-RESPECT PAR LE PLAIGNANT DES DIRECTIVES DU TRIBUNAL À L'ÉGARD DE LA DIVULGATION

[1] Il s'agit d'une décision portant sur un certain nombre de questions qui ont été soulevées dans une plainte déposée par Richard Warman contre Melissa Guille et le groupe Canadian Heritage Alliance. La plainte vise la propagande haineuse qui aurait fait l'objet de communications en contravention du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] Les questions se rapportent principalement à la divulgation de documents potentiellement pertinents. Je vais traiter à tour de rôle de chacune de ces questions.

I. LES LISTES DE MEMBRES DU GROUPE CANADIAN HERITAGE ALLIANCE

[3] Dans une lettre datée du 12 juillet 2006, le Tribunal a ordonné aux intimés de fournir la ou les listes des personnes qui au cours de la période pertinente étaient membres du groupe Canadian Heritage Alliance puisque ces documents étaient potentiellement pertinents quant aux questions soulevées dans la plainte. Mme Guille a demandé qu'on lui donne la possibilité de débattre de la question de la modification de l'ordonnance du Tribunal. Le Tribunal a accueilli la demande de Mme Guille.

[4] Dans ses observations, Mme Guille soutient que la seule importance d'une liste de membres, si une telle liste existe, est qu'elle pourrait établir si le groupe a ou non des membres et peut-être le nombre de membres. Dans sa déclaration à cet égard, Mme Guille a correctement identifié la pertinence potentielle de la liste de membres quant aux questions en litige dans la présente affaire. Comme cela est mentionné dans la décision du Tribunal datée du 13 mars 2006, la question de savoir si le groupe Canadian Heritage Alliance est un groupe de personnes agissant d'un commun accord au sens du paragraphe 13(1) de la Loi est une question qui sera tranchée sur le fondement d'un dossier de preuve complet (Warman c. Melissa Guille et Canadian Heritage Alliance, 2006 TCDP 12). La ou les listes de membres, si elles existent, sont pertinentes quant à cette question.

[5] Mme Guille a déclaré que des renseignements à l'égard des membres du groupe Canadian Heritage Alliance peuvent être obtenus par d'autres moyens ou au cours de son contre-interrogatoire si elle choisit de témoigner. Toutefois, le paragraphe 6(1) des Règles de procédure du Tribunal prévoit que les documents potentiellement pertinents pour lesquels aucun privilège de non-divulgation n'est invoqué, qu'ils soient favorables ou non aux causes des parties, doivent être divulgués. Il n'est pas important de savoir si les renseignements peuvent être obtenus par d'autres moyens. Si les documents existent et s'ils sont en la possession des parties, ils doivent être divulgués à moins qu'un privilège de non-divulgation soit invoqué. Mme Guille n'a pas invoqué un privilège de non-divulgation à l'égard du ou des documents en cause.

[6] Il semblerait que la réticence de Mme Guille à divulguer de telles listes est fondée sur une préoccupation selon laquelle le plaignant pourrait utiliser les noms apparaissant sur les listes à des fins qui n'ont pas de liens avec le présent litige. Cependant, dans des affaires comme la présente affaire où on a ordonné la divulgation de documents confidentiels, la règle de l'engagement implicite s'applique. La raison d'être de cette règle est qu'une partie à un litige devrait avoir le droit d'obtenir une divulgation complète et d'examiner les renseignements pertinents, y compris ceux qui sont confidentiels, autant qu'il est nécessaire de le faire pour qu'il y ait une décision équitable dans l'affaire. Néanmoins, les parties ne sont pas autorisées à utiliser à des fins accessoires au litige les documents divulgués (AFPC c. Société du Musée canadien des civilisations, 2004 TCDP 38, au paragraphe 12). En sa qualité d'avocat, le plaignant est soumis à des obligations et des règles de conduite professionnelles lui interdisant d'utiliser les renseignements contenus sur les listes à des fins qui ne sont pas liées au présent litige.

[7] Par conséquent, j'ordonne à Mme Guille de divulguer la ou les listes de membres du groupe Canadian Heritage Alliance qu'elle a en sa possession pour les périodes pertinentes.

II. LE RÔLE DE M. ALEXIAN KULBASHIAN DANS LA PRÉSENTE PLAINTE

[8] Au cours de la conférence préparatoire tenue à l'égard de l'instance le 22 juin 2006, Mme Guille a indiqué qu'il était possible que M. Alexian Kulbashian agisse en tant que son représentant et qu'il puisse également être un témoin pour les intimés. Elle a demandé qu'on lui fournisse des copies de toute la correspondance se rapportant à la présente affaire. Le Tribunal a accepté de communiquer avec M. Kulbashian lors de tous les appels portant sur la gestion de l'instance. Le Tribunal fournira également à M. Kulbashian des copies de toute future correspondance dans le dossier.

[9] La Commission canadienne des droits de la personne a avisé Mme Guille que si M. Kulbashian agissait en tant que son représentant au cours de l'audience, elle s'opposerait à ce qu'il présente un témoignage pour les intimés. La Commission a par la suite demandé que le Tribunal rende une ordonnance empêchant M. Kulbashian de témoigner lors de l'audience. La demande à cet égard est rejetée. Le rôle que jouera M. Kulbashian lors de l'audience, le cas échéant, n'est pas clair. Par conséquent, toute ordonnance à cet égard serait inappropriée pour le moment.

III. L'ALLÉGATION DE NON-RESPECT PAR LES INTIMÉS DES DIRECTIVES DU TRIBUNAL À L'ÉGARD DE LA DIVULGATION

[10] Dans une lettre datée du 21 juillet 2006, la Commission a mentionné que les intimés n'ont pas respecté un certain nombre des directives fournies par le Tribunal lors de la conférence préparatoire tenue à l'égard de l'instance le 22 juin 2006. La Commission a indiqué que les documents suivants n'ont pas encore été divulgués :

  1. Le curriculum vitæ complet du témoin expert des intimés incluant les antécédents et les compétences, de même que ses notes d'allocution pour les contrats précisés dans le rapport.
  2. Les documents que les intimés ont en leur possession et qui se rapportent à l'entente d'hébergement du site Web, qu'il s'agisse d'une entente, d'un contrat, de courriels, etc.
  3. Les documents que les intimés ont en leur possession et qui se rapportent au processus utilisé pour exclure des individus ou pour retirer des affichages du site Web.

[11] De plus, la Commission a mentionné que les intimés n'ont pas fourni une liste à jour de leurs témoins, accompagnée d'une déclaration plus détaillée quant au témoignage proposé de chacun des témoins, comme le Tribunal l'a ordonné. Finalement, les intimés n'ont pas fourni un exposé des précisions modifié énonçant la nature de leur défense précisément en ce qui porte sur le rapport d'expert.

[12] Mme Guille a mentionné qu'elle ne s'est pas conformée aux directives du Tribunal à l'égard de la divulgation additionnelle parce qu'elle avait le sentiment qu'en raison de son inexpérience dans le domaine juridique et de l'omission de la Commission d'avoir donné un avis écrit quant aux demandes de divulgation, elle ne pouvait pas comprendre ce qu'on lui demandait au cours de la conférence préparatoire tenue à l'égard de l'instance le 22 juin 2006 et répondre correctement à ces demandes.

[13] Compte tenu des circonstances, je suis disposée à donner à Mme Guille deux semaines à compter de la date de la présente décision pour fournir des observations quant aux raisons pour lesquelles les directives du Tribunal à l'égard de la divulgation des documents précédemment mentionnés devraient être modifiées.

IV. L'ALLÉGATION DE NON-RESPECT PAR LE PLAIGNANT DES DIRECTIVES DU TRIBUNAL À L'ÉGARD DE LA DIVULGATION

[14] Au cours d'une conférence préparatoire tenue à l'égard de l'instance le 6 avril 2006, le Tribunal a ordonné au plaignant de fournir les documents qu'il a en sa possession et qui se rapportent aux comptes qu'il a créés sur tous les sites Web ou forums liés à la plainte. Le Tribunal lui a de plus ordonné de fournir des copies des courriels ou messages qu'il a affichés sur ces sites Web ou forums. Le plaignant a répondu à cette directive en déclarant qu'il n'avait aucun dossier quant à quelques affichages qu'il a faits sur le forum ou le site Web du groupe Canadian Heritage Alliance.

[15] Les intimés prétendent que M. Warman ne dit pas la vérité quant à l'existence de tels documents ou qu'il a délibérément détruit les documents afin de se soustraire aux exigences de divulgation. Les intimés ont demandé que le Tribunal rende une ordonnance exigeant que le plaignant réponde à un interrogatoire sous la forme d'un affidavit pour obtenir une divulgation complète.

[16] Les Règles de procédure du Tribunal prévoient que les parties sont tenues de divulguer les documents potentiellement pertinents qu'elles ont en leur possession. Les parties ne sont pas tenues de créer des documents à des fins de divulgation (Gaucher c. Forces armées canadiennes, 2005 TCDP 42). Le fait de demander au plaignant de produire un affidavit équivaudrait à lui demander de créer un document à des fins de divulgation. Par conséquent, je rejette la requête présentée par les intimés en vue de forcer M. Warman à produire un affidavit.

[17] Toutefois, les intimés sont libres de poser les questions à cet égard dans leur interrogatoire du plaignant au cours du contre-interrogatoire. Dans l'intervalle, je rappelle aux parties qu'elles ont une obligation continue de divulguer les documents potentiellement pertinents, qu'ils soient favorables ou non à leurs causes.

Karen A. Jensen

Ottawa (Ontario)

Le 15 août 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1089/7005 et T1090/7105

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Richard Warman c. Canadian Heritage Alliance et Melissa Guille

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 15 août 2006

ONT COMPARU :

Richard Warman

Pour lui-même

Ceilidh Snider

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Melissa Guille

Pour elle-même et pour l'intimé, Canadian Heritage Alliance

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