Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

CRAIG HARRISON

l'intimé

DÉCISION

MEMBRE INSTRUCTEUR : Michel Doucet

2006 TCDP 30

2006/08/15

[TRADUCTION]

I. INTRODUCTION

II. LE DÉFAUT DE CRAIG HARRISON DE SE PRÉSENTER ET D'ASSISTER À L'AUDIENCE DANS SON INTÉGRALITÉ

III. LES QUESTIONS EN LITIGE

IV. LA PLAINTE DÉPOSÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 13

A. L'approche générale

B. M. Harrison a-t-il diffusé, ou fait diffuser, de façon répétée, les messages figurant dans les divers sites Web en litige?

C. Ces messages ont-ils été diffusés, en tout ou en partie, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement?

D. Les questions abordées dans les messages sont-elles susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

(i) Quelles sont les questions abordées dans les messages diffusés par M. Harrison?

(ii) Les messages sont-ils susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

E. Conclusion quant à la plainte déposée en vertu de l'article 13

V. LES MESURES DE REDRESSEMENT

A. Ordonnance de cesser et de s'abstenir

B. Sanction pécuniaire

VI. ORDONNANCE

I. INTRODUCTION

[1] Le 23 novembre 2003, Richard Warman a déposé une plainte auprès de la Commission canadienne des droits de la personne contre Craig Harrison. Dans sa plainte, M. Warman prétend que M. Harrison [traduction] commet un acte discriminatoire contre des personnes ou des groupes de personnes en raison de leur religion, leur race, leur couleur et leur origine nationale ou ethnique en diffusant de façon répétée sur un site Web des messages qui sont susceptibles d'exposer les Italiens, les Mexicains, les Porto Ricains, les Haïtiens, les francophones, les Noirs, les autochtones, les personnes d'Asie de l'Est, les personnes qui ne sont pas de race blanche et les Juifs à la haine et au mépris, et ce, en contravention du paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne.

[2] La Commission canadienne des droits de la personne (la Commission) a participé à l'audience de la plainte dans son intégralité et elle était représentée par un avocat.

II. LE DÉFAUT DE CRAIG HARRISON DE SE PRÉSENTER ET D'ASSISTER À L'AUDIENCE DANS SON INTÉGRALITÉ

[3] M. Harrison a assisté au début de l'audience du 12 juin 2006. Il a demandé à être représenté par sa conjointe de fait, Susen Holmes. Moins de 90 minutes après le début de l'audience, alors que M. Warman était en train de témoigner, M. Harrison s'est mis à crier après le témoin, obligeant ainsi le Tribunal à ordonner un ajournement. M. Harrison est ensuite sorti en coup de vent de la salle d'audience tout en proférant des obscénités contre M. Warman.

[4] À la reprise de l'audience, ni M. Harrison, ni Mme Holmes n'étaient présents. J'ai donc ajourné l'audience jusqu'au 13 juin 2006 et j'ai ordonné qu'une lettre soit signifiée à M. Harrison pour l'informer que l'audience reprendrait à cette date et que s'il ne se présentait pas, le Tribunal procéderait en son absence.

[5] Un affidavit signé par Paul Mitchell, un huissier de la ville de Brampton, a été déposé en preuve. Dans son affidavit, M. Mitchell informait le Tribunal qu'il s'était présenté à la résidence de M. Harrison à Georgetown (Ontario), à 16 h 10, le 12 juin 2006, afin de lui signifier la lettre du Tribunal. Il n'a obtenu aucune réponse. Il s'est présenté de nouveau à la même adresse à 19 h 30, et, une fois de plus, il n'a obtenu aucune réponse. Il a affirmé avoir entendu des voix provenant de l'intérieur de la maison. Il a continué de frapper à la porte, mais personne n'est venu répondre. Il a inséré dans la fente de la porte une enveloppe contenant une copie de la lettre du Tribunal. Cinq minutes plus tard, il a téléphoné à la résidence et une femme affirmant s'appeler Susen Holmes a répondu et lui a dit qu'elle avait trouvé la lettre et verrait à ce que Craig Harrison la reçoive.

[6] Le 13 juin 2006, Mme Holmes a informé le Tribunal que M. Harrison ne participerait pas à l'audience.

[7] Le Tribunal est convaincu que M. Harrison et sa représentante, Mme Holmes, ont été avisés que l'audience reprendrait le 13 juin 2006, à 9 h 30, et qu'ils ont choisi de ne pas y participer.

III. LES QUESTIONS EN LITIGE

[8] En ce qui concerne la plainte déposée en vertu de l'article 13 par M. Warman, trois questions doivent être examinées pour savoir si la plainte est bien fondée :

  1. M. Harrison a-t-il diffusé, ou fait diffuser, de façon répétée, les messages figurant dans les divers sites Web en litige?
  2. Ces messages ont-ils été diffusés, en tout ou en partie, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement?
  3. Les questions abordées dans les messages sont-elles susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

[9] Si la plainte est bien fondée, la question des mesures de redressement qu'il convient d'accorder devra également être abordée.

IV. LA PLAINTE DÉPOSÉE EN VERTU DE L'ARTICLE 13

A. L'approche générale

[10] Le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, L.R.C. 1985, ch. H-6, (la Loi) est ainsi libellé :

13. (1) It is a discriminatory practice for a person or a group of persons acting in concert to communicate telephonically or to cause to be so communicated, repeatedly, in whole or in part by means of the facilities of a telecommunication undertaking within the legislative authority of Parliament, any matter that is likely to expose a person or persons to hatred or contempt by reason of the fact that that person or those persons are identifiable on the basis of a prohibited ground of discrimination.

13. (1) Constitue un acte discriminatoire le fait, pour une personne ou un groupe de personnes agissant d'un commun accord, d'utiliser ou de faire utiliser un téléphone de façon répétée en recourant ou en faisant recourir aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement pour aborder ou faire aborder des questions susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base des critères énoncés à l'article 3.

[11] Le paragraphe 13(2) de la Loi étend l'application de la disposition susmentionnée aux communications par Internet:

(2) For greater certainty, subsection (1) applies in respect of a matter that is communicated by means of a computer or a group of interconnected or related computers, including the Internet, or any similar means of communication, but does not apply in respect of a matter that is communicated in whole or in part by means of the facilities of a broadcasting undertaking.

(2) Il demeure entendu que le paragraphe (1) s'applique à l'utilisation d'un ordinateur, d'un ensemble d'ordinateurs connectés ou reliés les uns aux autres, notamment d'Internet, ou de tout autre moyen de communication semblable mais qu'il ne s'applique pas dans les cas où les services d'une entreprise de radiodiffusion sont utilisés.

[12] La Loi a été expressément conçue afin de combattre les préjugés et de favoriser la tolérance et l'égalité. L'objet de la loi est mentionné à l'article 2, lequel est ainsi libel

2. The purpose of this Act is to extend the laws in Canada to give effect, within the purview of matters coming within the legislative authority of Parliament, to the principle that all individuals should have an opportunity equal with other individuals to make for themselves the lives that they are able and wish to have and to have their needs accommodated, consistent with their duties and obligations as members of society, without being hindered in or prevented from doing so by discriminatory practices based on race, national or ethnic origin, colour, religion, age, sex, sexual orientation, marital status, family status, disability or conviction for an offence for which a pardon has been granted.

2. La présente loi a pour objet de compléter la législation canadienne en donnant effet, dans le champ de compétence du Parlement du Canada, au principe suivant : le droit de tous les individus, dans la mesure compatible avec leurs devoirs et obligations au sein de la société, à l'égalité des chances d'épanouissement et à la prise de mesures visant à la satisfaction de leurs besoins, indépendamment des considérations fondées sur la race, l'origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l'âge, le sexe, l'orientation sexuelle, l'état matrimonial, la situation de famille, la déficience ou l'état de personne graciée.

lé :

[13] L'objet de la Loi, soit la promotion de l'égalité des chances indépendamment de considérations fondées sur des motifs de distinction illicites, servira à dégager l'objet du paragraphe 13(1). En qualifiant d'acte discriminatoire l'activité décrite au paragraphe 13(1), le législateur fédéral a indiqué qu'il tient pour contraire à la promotion de l'égalité les communications téléphoniques répétées susceptibles d'exposer des particuliers ou des groupes à la haine ou au mépris du fait qu'ils sont identifiables sur la base de certaines caractéristiques (voir Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892).

[14] Il est également important de se rappeler que l'intention d'établir une distinction n'est pas une condition préalable pour pouvoir conclure à la discrimination (Ontario (Commission ontarienne des droits de la personne) c. Simpson-Sears Ltd, [1985] 2 R.C.S. 536, pages 549 et 550; Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, précité, pages 931 à 934).

[15] Dans la décision Warman c. Kulbashian et autres, 2006 TCDP 11 (T.C.D.P.), le Tribunal affirme ce qui suit au paragraphe 59 :

[L]e langage utilisé à l'article 13 est clair; ce sont les effets de la propagande qui ont retenu l'attention du législateur. La question à poser n'est pas celle de savoir si celui qui transmet le message a l'intention de communiquer de la haine ou du mépris, mais celle de savoir si le message lui-même est susceptible d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable. Si effectivement le contenu du bulletin d'information était destiné à exprimer une prétendue opinion politique, le message aurait pu être communiqué sans recourir au langage extrémiste et dénigrant qui était répandu dans les diverses publications du bulletin d'information [...]

[16] Dans la décision Nealy c. Johnston (1989), 10 C.H.R.R. D/6450, paragraphe 45697, le Tribunal a déclaré que l'utilisation du mot susceptible au paragraphe 13(1) signifie qu'il n'est pas nécessaire de produire une preuve qu'un individu ou un groupe particulier a pris les messages au sérieux et a en fait dirigé sa haine ou son mépris contre des personnes, encore moins que quelqu'un est en fait devenu victime de tels actes. À l'opposé des autres dispositions de la Loi portant sur la discrimination, le paragraphe 13(1) prévoit la responsabilité lorsqu'il existe un effet discriminatoire non démontré ou non démontrable. Voici ce que le Tribunal a affirmé aux paragraphes 46 et 49 de la décision Warman c. Winnicki, 2006 TCDP 20 :

[46] [...] Le Tribunal a mentionné qu'il n'existe aucun moyen facile d'accès pour évaluer le nombre de personnes exposées aux messages ainsi que les répercussions que ces derniers peuvent avoir eues sur ces personnes. Selon le Tribunal, ces considérations justifient l'extension de la responsabilité prévue au paragraphe 13(1) aux cas où il n'y a aucun effet discriminatoire réel non prouvé ou non prouvable.

[49] [...] Selon le paragraphe 13(1), constitue un acte discriminatoire le fait de diffuser des messages qui sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable. La disposition ne mentionne pas que constitue un acte discriminatoire le fait de diffuser des messages qui ont pour effet de susciter chez les autres de la haine et du mépris à l'égard du groupe cible.

[17] Les messages constituant de la propagande haineuse peuvent causer des préjudices de deux manières importantes. Premièrement, ils portent atteinte à la dignité et à l'estime de soi des membres du groupe cible et, deuxièmement, ils minent la tolérance et l'ouverture d'esprit qui doivent fleurir dans une société multiculturelle vouée à la réalisation de l'égalité (Winnicki, précitée, par. 50.). Par conséquent, il n'est pas nécessaire de prouver l'existence d'un préjudice.

[18] La Cour fédérale a déclaré ce qui suit au paragraphe 30 de la décision Commission canadienne des droits de la personne c. Winnicki, 2005 CF 1493 :

Le préjudice causé aux groupes ciblés par les messages haineux est très souvent difficile à réparer. Il renforce de manière insidieuse les préjugés qu'ont certains envers les minorités identifiées par la race, la couleur et la religion, incitant et justifiant par le fait même le recours aux pratiques discriminatoires, voire à la violence, contre ces groupes. En même temps, ces messages sont très susceptibles d'influencer la perception et l'estime de soi de tous les membres des groupes visés, les empêchant ainsi de participer pleinement à la société canadienne et de réaliser leur plein potentiel comme êtres humains.

[19] Comment évalue-t-on si un acte est susceptible de causer un préjudice? Dans la décision Citron c. Zündel, (no 4) (2002), 41 C.H.R.R. D/274, le Tribunal a déclaré que l'élément de preuve le plus convaincant est le langage utilisé dans les messages proprement dits. Point n'est besoin d'un témoignage d'expert sur cette question, bien que, dans certain cas, il pourrait être utile.

[20] Comme il a déjà été mentionné, trois éléments doivent être prouvés selon la prépondérance des probabilités afin d'établir qu'il y a eu violation de l'article 13 :

  1. L'intimé a-t-il diffusé, ou fait diffuser, de façon répétée, les messages qui font l'objet de la plainte?
  2. Ces messages ont-ils été diffusés, en tout ou en partie, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement?
  3. Les questions abordées dans les messages sont-elles susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

B. M. Harrison a-t-il diffusé, ou fait diffuser, de façon répétée, les messages figurant dans les divers sites Web en litige?

[21] L'intérêt manifesté par M. Warman pour le monde des groupes haineux et de la propagande haineuse a pris naissance il y a environ 15 ans alors qu'il commençait à surveiller les activités de diverses personnes bien connues dans les groupes prônant la suprématie des Blancs et dans les groupes néo-nazis. Il y a cinq ou six ans, avec l'arrivée d'Internet, il a commencé à s'intéresser à l'utilisation qu'en faisaient ces groupes ainsi que les personnes qui faisaient la promotion d'idées semblables dans le but de diffuser de la propagande haineuse.

[22] La plainte déposée par M. Warman a trait à des messages affichés sur différents sites Web. L'un de ces sites Web s'appelle Freedomsite. Ce site est décrit par M. Warman comme étant [traduction] un rassemblement de groupes prônant la suprématie des Blancs et de groupes néo-nazis. Selon le plaignant, la première page du babillard électronique de ce site Web comprend une liste de Conférences dans laquelle figurent des titres comme Immigration, Religion, Ennemis de la liberté et Blagues et Questions anecdotiques. Sous ces titres, figurent des fils de discussion. Ces fils de discussion sont des sous-catégories des titres généraux figurant sous la rubrique Conférences.

[23] M. Warman déclare avoir visité à diverses reprises le site Freedomsite ainsi que son babillard électronique et que lors de ces visites il a découvert que 71 messages avaient été affichés entre le 13 mai 2002 et le 21 janvier 2003 par une personne utilisant les noms d'utilisateur realcanadianson et rump. Pour être plus précis, les messages figurant sous le nom d'utilisateur realcanadianson ont été affichés durant cinq jours entre le 13 et le 21 mai 2002; les messages utilisant le nom d'utilisateur rump sont apparues le 13 novembre 2002 ainsi que le 19 et le 21 janvier 2003. Enfin, comme nous le verrons plus loin, d'autres messages figurant sous le nom d'utilisateur realnorthamerican ont été affichés entre le 24 et le 27 janvier 2004, puis de nouveau entre le 2 et le 5 février 2004, sur un autre site Web.

[24] Au cours de sa recherche, M. Warman a tenté de découvrir l'identité de cette personne. Il a remarqué que dans tous les messages affichés sous le nom d'utilisateur realcanadianson figurait l'adresse électronique susen@sympatico.ca. Selon les renseignements figurant sur le compte Bell Sympatico, cette adresse électronique est celle de Susen Holmes dont l'adresse de résidence est la même que celle de Craig Harrison, l'intimé, à Georgetown (Ontario).

[25] De plus, quant à la question de l'identité, une copie papier d'une page du site Freedomsite, comportait le message suivant affiché par realcanadianson susen@sympatico.ca en mai 2002 : [traduction] j'ai passé deux années en prison pour avoir frappé un chintok de nègre en 96. Dans un autre message affiché le 14 mai 2002, toujours par realcanadianson susen@sympatico.ca, on peut lire ce qui suit : [traduction] tu es mon héros. j'ai pris deux ans de tôle en 96 parce que j'ai battu un agresseur d'enfants métis à Georgetown (Ontario). éh, je suis un héros moi aussi Toujours le même jour, un autre message affiché par realcanadianson susen@sympatico.ca mentionne ce qui suit : [traduction] j'ai passé deux années en prison parce que j'ai frappé un sale nègre à Georgetown. je suis un authentique héros canadien comme mes grands-pères qui sont allés à la guerre. devinez quoi? les français n'ont pas combattu durant les guerres parce qu'ils sont lâches et ils devraient être jetés à la mer. Le 16 mai 2002, la même personne, utilisant le même nom d'utilisateur et la même adresse électronique, a affiché le message suivant : [traduction] tu te souviens de moi skin head? je suis le type de Georgetown qui a pris deux ans pour avoir frappé ce nègre sur la rue principale. reviens bientôt. on a besoin de toi ici pour la cause. que dieu te bénisse et sois prudent.

[26] La preuve révèle que, en 1996, M. Harrison a été déclaré coupable de voies de fait ayant causé des lésions corporelles et qu'il a été condamné à une peine d'emprisonnement de deux ans moins un jour. L'agression s'est produite à Georgetown (Ontario).

[27] Un article de journal, daté du 29 mai 1996, tiré du Georgetown Independent et intitulé Un propriétaire de magasin est victime d'une brutale agression, décrit une agression qui a été commise sur un propriétaire d'entreprise d'origine sino-africaine devant son magasin situé sur la rue principale à Georgetown. L'article ajoute que la personne qui a été accusée de l'agression était un certain Craig Harrison. L'article précise que la victime se trouvait devant son magasin lorsqu'elle a été accostée par un jeune homme de race blanche qui proférait des insultes racistes, puis qui l'a projetée sur le sol et a commencé à lui donner des coups de poing et des coups de pied.

[28] Lors de sa brève comparution devant le Tribunal, M. Harrison n'a pas nié sa responsabilité quant aux événements décrits dans l'article. Au contraire, alors que M. Warman était en train de témoigner concernant cet incident, M. Harrison s'est offusqué du fait que celui-ci ait qualifié l'attaque d'attaque motivée par le racisme. Il a commencé à crier ce qui suit : [traduction] Ce n'était pas raciste [...] Il n'y avait rien de raciste dans ça. Vous avez compris? C'est bien. Allons (s'adressant à Susen Holmes) fumer une cigarette. Ce type est un con. M. Harrison a également utilisé d'autres expressions méprisantes, lesquelles n'ont pas été enregistrées. Cette attitude ainsi que la réaction agressive de M. Harrison me confirment qu'il est bien la personne dont parlait l'article de journal.

[29] Les documents de la Cour qui font mention de cet incident ont été déposés en preuve. Ces documents ont été délivrés par la cour criminelle de la région du Centre-Ouest. Ils font état des accusations portées contre M. Harrison relativement à l'agression commise à Georgetown. L'adresse de M. Harrison qui figure dans ces documents est exactement la même que celle qui figure dans les dossiers du Tribunal et la même que celle où l'huissier a délivré la lettre du Tribunal le 12 juin 2006.

[30] M. Warman a de plus affirmé dans son témoignage que, après avoir vu l'adresse électronique susen@sympatico.ca dans les divers messages affichés sous le pseudonyme realcanadianson, il lui a été facile de faire une recherche quant à cette adresse électronique. Au cours de cette recherche, M. Warman a découvert un message, daté du 4 décembre 2002, affiché dans le livre des visiteurs d'un autre site Web hébergé par Canadian Heritage Alliance, dans lequel Craig Harrison s'est identifié par son nom. Il avait alors mentionné que son adresse électronique était susen@sympatico.ca et qu'il vivait à Georgetown (Ontario), Dominion du Canada.

[31] Les recherches de M. Warman lui ont également permis de découvrir un certain nombre de messages affichés sous le nom d'utilisateur rump. Ces messages sont écrits dans un style très semblable à celui des messages affichés par realcanadianson. Ils étaient tous écrits en lettres minuscules, possédaient le même genre de ponctuation et, fondamentalement, traitaient des mêmes sujets quant aux cibles des attaques. Un message en particulier, daté du 13 novembre 2002, était signé c s h a real canadian (c s h un véritable canadien). Selon M. Warman, l'importance de cette signature aux fins de l'identité est que le nom complet de M. Harrison, tel qu'il figure dans les documents judiciaires, est Craig Steven Harrison (initiales C.S.H.).

[32] De plus, dans un certain nombre de messages affichés sous le nom d'utilisateur rump, l'auteur mentionne le nom de Georgetown comme étant celui de sa ville natale.

[33] Un affidavit signé par Hannya Rizk, une enquêtrice de la Commission canadienne des droits de la personne, daté du 8 juin 2006, a été déposé en preuve par la Commission. L'intimé, qui à ce moment-là était toujours présent à l'audience, n'a présenté aucune objection quant au dépôt de cet affidavit et il n'a pas non plus demandé à contre-interroger son auteur.

[34] Dans le rapport de l'enquêtrice annexé à son affidavit, Mme Rizk a mentionné que le 25 février 2004, M. Harrison a appelé la Commission et à fait part de sa défense à l'encontre de la plainte. Mme Rizk lui a demandé s'il avait déjà visité le site Web Freedomsite. Il a répondu qu'il avait tenté de le visiter, la journée même, mais qu'il n'avait pas pu y avoir accès parce qu'il avait été fermé. Mme Rizk lui a ensuite demandé s'il avait visité le site avant le 25 février 2004 et il a répondu que c'était possible. Mme Rizk lui a également demandé s'il avait déjà affiché des messages sur ce site Web et il a répondu que c'était possible.

[35] Mme Rizk a demandé à M. Harrison s'il avait déjà utilisé les pseudonymes realcanadianson et rump. Il a répondu par la négative et a ajouté qu'il ne possédait pas d'adresse électronique mais qu'il se servait à l'occasion de l'adresse électronique de son amie Susen Holmes. Il a mentionné que cette adresse était susen@sympatico.ca.

[36] Durant l'audience, la Commission a également déposé en preuve un affidavit signé par Marc Lemire, le webmestre du site Web Freedomsite.org, dans lequel, jusqu'en janvier 2004, figurait le babillard électronique où se trouvaient les messages affichés sous les noms d'utilisateur realcanadianson et rump. M. Lemire a expliqué dans son affidavit que pour s'inscrire sur le babillard électronique, une personne devait fournir son nom et son prénom, son nom d'utilisateur ainsi que son adresse électronique. Il a ajouté qu'on ne faisait aucune vérification quant au nom, prénom ou nom d'utilisateur. On ne faisait que vérifier la validité de l'adresse électronique fournie. Lorsqu'une personne ouvrait un nouveau compte, un mot de passe était envoyé par courriel à l'adresse électronique que la personne avait fournie.

[37] M. Lemire a joint à son affidavit les profils d'utilisateur pour les noms d'utilisateur realcanadianson et rump. Le nom de la personne qui a été fourni pour le nom d'utilisateur realcanadianson était Craig Harrison. Le lieu de résidence qui a été fourni était Georgetown (Ontario) et l'adresse électronique qui a été fourni était susen@sympatico.ca. Le nom de la personne qui a été fourni pour le nom d'utilisateur rump était Lomp Pomp et le lieu de résidence qui a été fourni était Yukom, Ontario polop2. Il est évident qu'il s'agit de noms fictifs. L'adresse électronique qui a été fournie est la même que celle qui a été fournie pour realcanadianson, c'est-à-dire susen@sympatico.ca.

[38] M. Warman prétend de plus que M. Harrison a affiché d'autres messages sur un autre site Web figurant à l'adresse www.ypenterprise.net. Ce site comprend un forum de discussion appelé Yoderanium. Cette fois, le nom d'utilisateur utilisé est realnorthamerican. Il existe de nombreuses similarités entre le style utilisé et les sujets abordés par realnorthamerican et le style utilisé et les sujets abordés par realcanadianson et rump. La qualification des Canadiens français comme étant des lâches et des conscrits réfractaires est un thème constamment repris dans tous les messages qui ont été affichés. De plus, les attaques dirigées contre les personnes d'origine néerlandaise, contre la vague d'immigration qui a suivi la Seconde Guerre mondiale et les allusions faites à l'ancien premier ministre Trudeau sont des caractéristiques très particulières des messages. Bien que la preuve concernant le nom d'utilisateur realnorthamerican soit circonstancielle, elle suffit à établir une preuve prima facie que realnorthamerican est un autre nom d'utilisateur dont se sert M. Harrison.

[39] Le plaignant et la Commission ont le fardeau ultime d'établir le bien-fondé de leur cause selon la prépondérance des probabilités. Dès qu'une preuve prima facie a été établie, il incombe à l'intimé de fournir une explication raisonnable démontrant qu'il n'est pas l'auteur des messages offensants, que le présumé acte discriminatoire ne s'est jamais produit ou que, d'une manière ou d'une autre, sa conduite n'était pas discriminatoire.

[40] Dans sa réponse à la plainte, M. Harrison et sa représentante, Susen Holmes, ont affirmé qu'il avait été accusé à tort et que, en fait, à la période pertinente, ils ne possédaient pas d'ordinateur ou qu'une autre personne s'était servie de leur ordinateur et avait affiché les messages. Ils ont affirmé qu'ils avaient hâte de présenter leurs versions des faits. Ils ont fait un autre choix et ils ont décidé qu'ils ne participeraient pas à l'audience et qu'ils ne présenteraient aucune preuve à l'appui de leurs explications. Le Tribunal ne peut pas prendre acte de simples insinuations lancées dans la réponse à la plainte, si, en bout de ligne, aucune preuve n'est présentée afin d'étayer ces insinuations.

[41] Le Tribunal infère de la décision de M. Harrison de ne pas témoigner ou de ne pas se soumettre à un contre-interrogatoire que son témoignage aurait pu lui causer préjudice. Dans la décision Nealy c. Johnston, précitée, le Tribunal a souligné ce qui suit au paragraphe 45628 :

Comme Sopinka et Lederman (supra) le déclarent :

On peut conclure à l'encontre d'un défendeur si celui-ci refuse de témoigner [...] une fois qu'on a établi un juste motif d'action contre lui. (p. 537)

Les auteurs ajoutent également ce qui suit : Une décision défavorable est également justifiée lorsqu'une partie au litige ne témoigne pas ni n'appelle de témoin qui aurait pu connaître les faits et rendre un témoignage favorable important si son argument avait été valable. (p. 145)

[42] En l'espèce, M. Harrison n'a pas témoigné et n'a appelé personne à témoigner. Comme je l'ai déjà mentionné, une preuve prima facie a été établie par le plaignant que M. Harrison a affiché ces messages et, dans les circonstances de l'espèce, il convient que le Tribunal tire une conclusion défavorable du fait que l'intimé a décidé de n'offrir aucune réponse.

[43] En me fondant sur la preuve qui m'est soumise, je conclus que Craig Harrison est l'auteur des messages affichés sur le site Freedomsite et de ceux affichés dans le groupe de discussion Yoderanium sous les noms d'utilisateur realcanadianson, rump et realamericanson.

[44] En ce qui concerne l'élément de répétition, le Tribunal a jugé dans la décision Schnell, précitée, au paragraphe 129, que l'utilisation des mots de façon répétée au paragraphe 13(1) donne à penser que ce paragraphe vise, non pas les communications privées avec des amis, mais plutôt une série de messages qui représentent un plan public de grande échelle pour la diffusion de certaines idées ou opinions, conçues pour convertir des membres du public (voir Warman c. Winnicki, 2006 TCDP 20, par. 36). Selon moi, les messages Internet échangés sur un site Web accessible à tout le monde ne sont pas des communications privées. Je souligne que, en l'espèce, M. Warman n'a eu aucune difficulté à se rendre en surfant sur les sites Web où ces messages ont été affichés. Comme ces messages pouvaient être consultés en tout temps par toute personne qui utilisait Internet, on peut affirmer qu'ils étaient transmis de façon répétée.

[45] Le fait qu'un site Web soit un médium relativement passif qui exige que le lecteur pose des gestes concrets pour avoir accès au matériel qui y est publié ne change rien au fait qu'en téléchargeant les messages vers les sites Web, M. Harrison a diffusé le matériel en litige (voir Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc, 43 C.H.R.R. d/453, par. 127; Warman c. Kyburz, 2003 TCDP 18, par. 9).

[46] De plus, en utilisant Internet, l'effet lent et pernicieux de commentaires intolérants relativement isolés pour reprendre les mots utilisés dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Canadian Liberty Net, [1998] 1 R.C.S. 626, paragraphe 48, où il était question d'utilisation du téléphone, s'est maintenant transformé en une forme de communication ayant une large diffusion. Les messages affichés dans Internet sont plus facilement accessibles et sont plus envahissants que les moyens de télécommunication antérieurs. Le contenu d'un site Web peut également être facilement reproduit à l'infini sans que le créateur ne puisse faire quoi que ce soit (Barrick Gold Corp. c. Lopehandia, [2004] O.J. no 2329).

[47] Par conséquent, je conclus que le plaignant et la Commission ont établi une cause prima facie que Craig Harrison a diffusé, ou fait diffuser, de façon répétée, les messages qui figurent dans les sites Web en litige.

C. Ces messages ont-ils été diffusés, en tout ou en partie, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement?

[48] La preuve de fonds contre M. Harrison est principalement composée de copies de messages affichés dans Internet.

[49] La Loi canadienne sur les droits de la personne, telle qu'elle a été adoptée à l'origine, ne traitait pas explicitement des communications Internet. Dans le cadre des modifications apportées au droit canadien par la proclamation, le 24 décembre 2001, de la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, article 88, la Loi canadienne sur les droits de la personne a été modifiée par l'ajout du paragraphe 13(2), précité, lequel traite expressément des communications Internet.

[50] Comme l'ensemble des messages qui constituent le fondement de la présente plainte ont été affichés après l'adoption du paragraphe 13(2), il ne fait aucun doute qu'ils ont été diffusés, en tout ou en partie, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement. Même si cela n'avait pas été le cas, nous devons nous souvenir que dans Citron et al c. Zündel, précitée, et dans Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc. et al, précitée, on a conclu que l'article 13 englobe les communications Internet.

D. Les questions abordées dans les messages sont-elles susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

(i) Quelles sont les questions abordées dans les messages diffusés par M. Harrison?

[51] Dans sa plainte, M. Warman prétend que M. Harrison a affiché des messages qui sont susceptibles d'exposer les Italiens, les Mexicains, les Porto Ricains, les Haïtiens, les francophones, les Noirs, les autochtones, les personnes d'Asie de l'Est, les personnes qui ne sont pas de race blanche et les Juifs à la haine et au mépris du fait de leur religion, de leur origine nationale ou ethnique, de leur race ou de leur couleur.

[52] Bien que les mots utilisés soient très offensants et très dégradants, et c'est le moins qu'on puisse dire, j'estime qu'il est pertinent au regard des questions à trancher de citer des extraits de certains de ces messages. Voici des extraits des messages affichés par M. Harrison sous ses divers noms d'utilisateur :

Sous le nom d'utilisateur realcanadianson :

Le 14 mai 2002, à 12 h 06

[traduction] pourquoi aqua velva est-il offert en plusieurs couleurs? parce que les indiens aiment aussi les cocktails.

À 12 h 08

[traduction] que dit une femme indienne lorsqu'elle perd sa virginité? enlève-toi de sur moi papa, tu écrases mes cigarettes.

À 12 h 47

[traduction] non, on ne devrait pas être obligé envers eux. il s'agissait d'une bonne idée à l'époque [en parlant des pensionnats] et la majorité des indiens étaient en faveur. j'aurais aimé que mes ancêtres les aient tous tués de telle sorte qu'ils ne seraient pas là entrain de pleurnicher aujourd'hui.

À 15 h 43

[traduction] les libéraux ont tué le canada. saviez-vous que trudeau était un sale conscrit réfractaire de français? il ne voulait pas se battre pour le canada et sa famille devrait être assassinée.

À 16 h 36

[traduction] tuez tous ceux qui ne sont pas blancs car c'est la volonté de dieu.

À 16 h 44

[traduction] je demande à tous mes frères blancs de se lever et de tuer ceux qui ne sont pas de race blanche parce que dieu a donné le canada à l'homme blanc.

À 16 h 51.

[traduction] les juifs font de bons abats-jours.

À 16 h 58

[traduction] nous devons tuer les étrangers français qui viennent du québec.

À 22 h 51

[traduction] nous devons tous nous lever et tuer ceux qui ne sont pas de race blanche parce que c'est la volonté de dieu. amen.

À 22 h 55

[traduction] je t'aime wolfgan1. tu es le meilleur. Je pensais à toi lorsque j'étais dans le trou à maplehusrts, oups, c'est-à-dire à nègrehurst. j'ai écopé de deux ans pour avoir battu un agresseur d'enfant métis. j'imagine que nous sommes tous les deux des héros.

Le 15 mai 2002, à 9 h 37

[traduction] pas question de racheter quoi que ce soit. sortez et tuez tous ceux qui ne sont pas de race blanche et assurez-vous ainsi d'une place à côté de dieu.

À 9 h 38

[traduction] je vous l'ai dit, le seul bon français est un français qui est mort.

Le 21 mai 2002, à 12 h 37

[traduction] j'affirme que les barbares d'indien devraient tous être assassinés. un message de l'élu de dieu.

À 12 h 42

[traduction] si vous n'êtes pas de race blanche, alors vous n'êtes pas le bienvenu à halton hills. dieu m'a dit de vous tuer si vous venez ici.

À 12 h 52

[traduction] le gouvernement devrait d'abord s'occuper de donner des terres aux vétérans ainsi qu'à leurs familles avant de s'occuper des démons d'indien.

À 12 h 53

[traduction] tu devrais être assassiné pour avoir dit cela, sale supporteur d'indien.

Sous le nom d'utilisateur rump:

Le 19 janvier 2003, à 9 h 56

[traduction] d'abord le canada a besoin d'un premier ministre canadien et non pas de français qui ont été conscrits réfractaires durant les guerres. les merdeux d'immigrants du tiers monde les maintiennent au pouvoir. si vous êtes préoccupés par les soins de santé, alors vos priorités sont inversées. ce n'est pas ce que votre pays peut faire pour vous, mais ce que vous pouvez faire pour votre pays.

[traduction] les réfugiés ne rentrent pas par les aéroports. les véritables réfugiés sont dans des camps, sales cons de libéraux. RETOURNEZ EN FRANCE, VOUS QUI N'ÊTES QU'UN GASPILLAGE DE CHAIR ET D'ESPACE.

À 21 h 42

[traduction] dieu ordonne de se lever et de tuer tous les blancs qui fréquentent des noirs.

À 21 h 45

[traduction] georgetown vient de se déclarer ville blanche et ceux qui ne sont pas de race blanche doivent s'en aller. c'est ma ville, alors allez-vous-en, sales p.d.2, vendus de français et de hollandais.

À 22 h 03

[traduction] DIEU ordonne de prendre vos fusils et de vous rendre à jane et finch (ville nègre) et d'ouvrir le feu sur les barbares. vingt vierges vous attendrons lorsque vous arriverez au paradis.

Le 21 janvier 2003, à 10 h 03

[traduction] si jamais je vois des nègres ou des chintoks dans ma ville [je représente la ville G-town] je vais les tuer ainsi que ceux qui oseront témoigner.

À 10 h 16

[traduction] il n'y a rien de mal à ne pas aimer une personne parce qu'elle est différente. peu importe ce que disent les sales français à Ottawa. RETOURNEZ EN FRANCE, D'AILLEURS PERSONNE NE VOUS CONSIDÈRE COMME CANADIENS.

Sous le nom d'utilisateur realnorthamerican:

Le 28 janvier 2004

[traduction] ne vous laissez pas tromper par ce que ce sale français [en parlant du général Roméo Dallaire] a à dire! Il ne mérite pas d'être considéré comme un canadien! les français du canada sont reconnus pour avoir refusé de servir et de combattre pour le canada durant les guerres! ils se sont conduits comme des lâches pleurnichards, POINT À LA LIGNE. RIEN NE SERT DE RÉFUTER! aucun français ne mérite de diriger le canada! regardez ce que trudeau a fait au canada! maintenant, on ne sait plus à quoi ressemble un canadien!.

[traduction] j'ai regardé un extrait de film sur l'holofraude où l'on voyait un enfant séparé de sa mère dans les camps! imaginez dans quel état serait notre monde si hitler n'avait pas fait frire tous ces juifs! j'aurais aimé être en charge des chambres à gaz!.

[traduction] le canada a été envahi par les immigrants illégaux depuis que le gouvernement libéral a adopté la rectitude politique à l'insu de la population qui ne se doutait de rien! trudeau, qui a été premier ministre pendant 15 ans, était un conscrit réfractaire français, un pro-nazi et un communiste! il était même copain avec fidel castro! les immigrants au canada votent en bloc de manière non autonome! en d'autres mots, ils votent pour le parti et non pas pour la personne! on met des personnes qui s'expriment librement comme zundel en isolement cellulaire et on laisse sortir les terroristes nègres et pakistanais après qu'ils ont versé un cautionnement de 1 000 $! ces ordures font couler leurs documents de voyage dans les toilettes des avions! rappelez-vous mes amis que les véritables réfugiés ne sont pas capables de se payer des billets d'avion, ils sont choisis dans les camps!.

Le 29 janvier 2004

[traduction] j'imagine que l'on pourrait se servir des français comme esclaves! les anglais ne passent pas en premier au canada parce que c'est nous qui avons fait le plus pour le canada! PERSONNE N'AIME LES FRANÇAIS OU LES HOLLANDAIS! MON PÈRE APPELAIT LES HOLLANDAIS LES JUIFS DU NORD! COMME IL AVAIT RAISON!.

Le 30 janvier 2004

[traduction] je parie que vos ancêtres ne sont pas arrivés au canada depuis longtemps ou que vous ne connaissez pas très bien l'histoire du canada! lorsque les français sont arrivés en amérique du nord, ils n'ont amené aucune femme avec eux! alors, devinez quoi! LES SQUAWS devaient être jolies parce que le canada comprend 7 millions de français qui ne sont pas français du tout mais métis! vous ne me croyez pas, alors vous ne savez rien sur l'histoire du canada! les françaises sont des femmes plus faciles et des femmes plus salopes au lit parce que leurs ancêtres indiens avaient des murs faciles! souvenez-vous en, ce que vous venez d'apprendre ci-dessus est une partie de l'histoire du canada que les français semblent vouloir cacher.

[traduction] les canadiens appuient les palestiniens et non pas les juifs envahisseurs! j'espère que les palestiniens vont faire sauter beaucoup d'autobus bondés.

[traduction] je connais un grecque qui est allé à l'université york à north york, au nord de Toronto, et il appelait cette université l'UNIVERSITÉ DES JUIFS! j'imagine qu'il y a beaucoup de juifs à cet endroit, alors si jamais un terroriste lit ceci, il sait par où commencer pour les tuer! bonne journée!.

Le 2 février 2004

[traduction] les gens qui sont arrivés au canada après la guerre, ainsi que leurs enfants qui sont nés ici, n'ont rien de canadien! c'est un mythe cette histoire que les italiens ont bâti toronto! toronto ainsi qu'un bon nombre de ses édifices existaient déjà avant que ces graisseux n'arrivent! les Ritales étaient des nazis, rappelez-vous!.

Le 5 février 2004

[traduction] comme l'indique mon nom, mon vieux, je suis un véritable canadien, mes grands-pères ont combattu pour ce pays lors des guerres et ces gens sont plus canadiens que quiconque, point à la ligne! les indiens ou les métis n'ont aucune culture, point à la ligne, aucune langue écrite, aucune religion, pas de roues, aucune monnaie commune. je ne vois aucune culture dans ça, mais plutôt une absence de culture! alors, les amis, pendant que vous vous plaignez de vos maîtres juifs, moi je fais quelque chose.

[53] Il ne revient pas au Tribunal de réglementer le libre échange des idées. Certains des messages susmentionnés comportent peut-être des éléments qui peuvent faire l'objet d'un débat politique légitime, bien que je n'en voie pas, et personne ne peut nier le fait que l'intimé a droit à ses opinions politiques. Mais, il est également clair que la majorité de ces messages dépassent les paramètres juridiques du débat public et contreviennent aux dispositions de la Loi. L'appel à la violence contre les autochtones, les francophones, les Noirs et les autres personnes qui ne sont pas de race blanche, ainsi que les attaques dirigées contre d'autres groupes et d'autres personnes en raison de leur religion, leur couleur, leur origine nationale ou ethnique, en utilisant des propos racistes et des stéréotypes dégradants, ne constituent pas un débat politique légitime. Ils incitent à la haine et au mépris.

[54] Les sujets abordés dans les messages traitent essentiellement de l'élimination des personnes qui ne sont pas de race blanche ainsi que des autres collectivités visées comme les Canadiens français, les Noirs et les Juifs. Les messages exhortent les Blancs à tuer parce que, selon leur auteur, [traduction] dieu leur a ordonné de le faire ou parce que [traduction] dieu a donné le Canada à l'homme blanc. Les messages attaquent d'une manière humiliante les membres de diverses collectivités culturelles et religieuses. On perçoit dans ces messages une haine obsessionnelle des autochtones, des francophones et, du reste, de toutes les collectivités qui ne sont pas de race blanche, de religion chrétienne ou de descendance anglaise.

(ii) Les messages sont-ils susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite?

[55] Dans le but de traiter cette question, les mots exposer, haine et mépris doivent être examinés. Le Tribunal canadien des droits de la personne, ainsi que la Cour fédérale et la Cour suprême du Canada ont eu l'occasion de se pencher sur les significations de ces mots dans des décisions antérieures.

[56] Les mots haine et mépris ont été examinés par les cours de justice dans des causes antérieures portant sur l'article 13. Dans l'arrêt Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, précité, la Cour suprême du Canada a cité avec approbation les définitions de ces mots figurant dans la décision Nealy c. Johnston (1989), 10 C.H.R.R. D/6450, paragraphe 6469 (T.C.D.P.). Dans l'arrêt Nealy, le Tribunal a affirmé ce qui suit :

Comme la [Loi canadienne sur les droits de la personne] ne contient aucune définition des termes hatred ou contempt, il faut s'appuyer sur leur sens ordinaire. De toute évidence, ils peuvent être chargés émotivement, et la façon dont ils sont utilisés par rapport à des situations de fait particulières par différents individus ne sera pas toujours la même. Néanmoins, il existe un tronc commun important aux deux que les définitions du dictionnaire reflètent. Le terme hatred connote un ensemble d'émotions et de sentiments comportant une malice extrême envers une autre personne ou un autre groupe de personnes. Quand on dit qu'on hait quelqu'un, c'est que l'on ne trouve aucune qualité qui rachète ses défauts. Toutefois, il s'agit d'un terme qui ne fait pas appel nécessairement au processus mental de regarder quelqu'un de haut. Il est fort possible de haïr quelqu'un que l'on estime supérieur à soi en intelligence, en richesse ou en pouvoir. Aucun des synonymes utilisés dans le dictionnaire pour le terme hatred ne donne d'indice sur les motifs de la malice. Par contraste, contempt est un terme qui suggère le processus mental consistant à regarder quelqu'un de haut ou à le traiter comme inférieur.

[57] Dans la décision Nealy, le Tribunal s'est également penché sur la signification du mot exposer tel qu'il est employé à l'article 13 :

On ne trouve pas habituellement le verbe exposer dans les lois destinées à empêcher la propagande haineuse. Par contre, il est dans la majorité des cas question, par exemple dans le Règlement découlant de la Loi sur la radiodiffusion, dans les dispositions de la Loi sur les postes et dans divers articles connexes du Code criminel, de propos insultants ou injurieux, ou de déclarations qui incitent à la haine ou la fomentent.

Le verbe inciter veut dire attiser; fomenter signifie soutenir activement. Le verbe exposer est un terme plus passif, qui semble indiquer que la personne qui transmet le message n'a pas l'intention de susciter une réaction violente chez la personne qui le reçoit. Exposer à la haine implique également un genre de communication plus subtile et indirecte que l'insulte vulgaire ou le langage injurieux non déguisé. Le verbe exposer signifie : laisser une personne ou une chose sans protection; laisser sans abri ou défense; soumettre au danger, au ridicule, à la censure, etc. En d'autres termes, si un individu crée les conditions propices à la haine, laisse le groupe identifiable exposé à la rancune ou à l'hostilité, s'il le place dans une situation où il risque d'être haï, ou là où la haine ou le mépris sont inévitables, alors cet individu tombe sous le coup du paragraphe 13(1) de la Loi sur les droits de la personne.

(voir également la décision rendue par le Tribunal dans Schnell, précitée, aux par. 85 à 89)

[58] Selon moi, il ne fait aucun doute que ces messages sont susceptibles d'exposer des personnes qui ne sont pas chrétiennes, de race blanche et de descendance anglaise, à la haine ou au mépris. Ces personnes sont exposées au ridicule, au ressentiment, à l'hostilité et à la violence, ce qui crée un climat favorable au développement de la haine ou du mépris à leur égard.

[59] Le prétendu humour que l'on retrouve dans les messages sous le titre Blagues expose incontestablement les groupes visés à la haine ou au mépris. Ces blagues traitent manifestement les Juifs et les autochtones avec mépris et avec condescendance. Elles portent atteinte à la dignité et sont méprisantes. D'une manière générale, les messages servent à déshumaniser les personnes qui appartiennent aux groupes visés. L'utilisation d'insultes racistes et de stéréotypes dégradants est malveillante, insultante, offensante et, en soi, elle fait preuve de haine et de mépris à l'égard des groupes visés. L'appel à la violence contre les membres des groupes visés révèle des sentiments d'extrême malice.

[60] L'extrême malice et l'extrême malveillance de l'auteur à l'égard des groupes visés sont présentes dans tous les messages. Des déclarations exhortant à la violence et au meurtre donnent à penser que les victimes n'ont aucune qualité qui rachète leurs défauts, et, de ce fait, les déshumanisent. Ces propos exposent incontestablement les membres des groupes visés à la haine, au mépris et à un véritable danger physique en donnant à penser qu'ils sont des cibles légitimes de violence aveugle. Les messages servent à engendrer et à encourager l'envie, la méfiance ou le ressentiment à l'égard des personnes et des groupes visés, ce qui, à leur tour, engendrent la haine contre eux.

[61] Pour l'ensemble de ces motifs, je conclus que les messages sont susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite.

E. Conclusion quant à la plainte déposée en vertu de l'article 13

[62] L'article 19 de la Déclaration universelle des droits de l'homme prévoit que tout individu a le droit de ne pas être inquiété pour ses opinions et celui de chercher, de recevoir et de répandre [...] les informations et les idées par quelque moyen d'expression que ce soit. Ce droit à la liberté d'opinion et d'expression constitue la pierre angulaire d'une société libre et démocratique et c'est un droit auquel les Canadiens sont très attachés. Il est également reconnu dans la Charte canadienne des droits et libertés.

[63] Dans l'arrêt Taylor, précité, la Cour suprême du Canada a eu l'occasion d'examiner attentivement la portée de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne au regard de la garantie fondamentale de liberté d'opinion et d'expression protégée par le droit international et la Charte canadienne des droits et libertés. La Cour a conclu que bien que l'article 13 viole le droit à la liberté d'opinion et d'expression, cette violation était justifiée compte tenu de l'engagement international du Canada envers l'élimination de la propagande haineuse ainsi que de son engagement envers les valeurs de l'égalité et du multiculturalisme

[64] Comme le Tribunal l'a déjà déclaré, les valeurs qui sous-tendent la propagande haineuse sont fondamentalement hostiles, pour ne pas dire antithétiques, à la justification sous-jacente à la protection de la liberté d'expression et elles contredisent directement d'autres valeurs également consacrées par la Charte canadienne des droits de la personne (Commission canadienne des droits de la personne c. Winnicki, 2005 CF 1493, par. 29).

[65] Je crois qu'il est juste d'affirmer que les messages qui ont été affichés sur les sites Web susmentionnés et dont j'ai reproduit des extraits dans la présente décision, sont susceptibles d'exposer les Juifs, les autochtones, les francophones, les Noirs et d'autres personnes, à la haine et au mépris. Ces messages sont indubitablement aussi ignobles qu'on peut l'imaginer et sont non seulement discriminatoires mais également menaçants à l'égard des victimes qu'ils visent.

[66] Ayant conclu que Craig Harrison a diffusé, de façon répétée, en recourant aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement, des messages susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite, je conclus que la plainte déposée par M. Warman en vertu de l'article 13 est fondée.

V. LES MESURES DE REDRESSEMENT

[67] Ayant établi le bien-fondé de la plainte déposée par M. Warman en vertu de l'article 13, la dernière question qu'il reste à trancher est celle des mesures de redressement.

A. Ordonnance de cesser et de s'abstenir

[68] Lorsque le bien-fondé d'une plainte tombant sous le coup de l'article 13 a été établi, l'alinéa 54(1)a) de la Loi habilite le Tribunal à ordonner à l'intimé de mettre fin à l'acte discriminatoire et de prendre, en consultation avec la Commission des mesures de redressement ou des mesures destinées à prévenir des actes semblables. Le processus consistant à entendre une plainte portée en vertu du paragraphe 13(1) et, si la plainte est fondée, à rendre une ordonnance de cesser et de s'abstenir, rappelle aux Canadiens notre engagement fondamental envers l'égalité des chances et l'élimination de l'intolérance raciale et religieuse.

[69] Une ordonnance de cesser et de s'abstenir appelle l'attention de l'intimé sur le fait que ses messages sont susceptibles d'avoir un effet préjudiciable. L'incertitude ou l'erreur quant à l'effet probable des messages est donc dissipée et si l'intéressé continue à les diffuser c'est en sachant que certaines personnes ou certains groupes sont susceptibles d'être exposés à la haine ou au mépris en raison de la race ou de la religion.

[70] Les messages affichés par les personnes sur divers site Web posent un défi particulier au Tribunal lorsqu'il s'agit de concevoir une mesure de redressement efficace. Comme le Tribunal l'a affirmé au paragraphe 81 de la décision Warman c. Kyburz, précitée : La nature unique de la technologie Internet, y compris les difficultés liées à l'existence de multiples juridictions du fait que le cyberespace n'a pas de frontières, ainsi que la mobilité des cibles en raison du recours à des sites miroirs, soulèvent des préoccupations légitimes quant à l'efficacité des ordonnances de cesser et de s'abstenir de diffuser des messages haineux par Internet.

[71] Malgré ces défis, j'adopte les propos tenus par le Tribunal au paragraphe 300 de la décision Zündel, précitée :

Toute mesure de redressement prise par ce Tribunal ou tout autre tribunal servira immanquablement plusieurs buts; la prévention et l'élimination d'actes discriminatoires ne sont qu'un des résultats qui découleront d'une ordonnance rendue par suite de cette instance. La dénonciation publique des actes reprochés en l'espèce revêt par ailleurs une importante valeur symbolique. De plus, il y a un avantage possible sur le plan éducatif et, en fin de compte, du point de vue de l'effet préventif qui peut découler d'un débat ouvert sur les principes énoncés dans cette décision et toute autre décision du Tribunal.

[72] Par conséquent, une ordonnance de cesser et de s'abstenir peut avoir à la fois un effet pratique et à la fois un effet symbolique. Quant à l'effet pratique, elle empêchera l'intimé de continuer à diffuser des messages du genre décrit dans la présente décision. La dénonciation publique des actes reprochés en l'espèce revêt par ailleurs une importante valeur symbolique.

[73] Par conséquent, le Tribunal ordonne que Craig Harrison ou toute autre personne agissant d'un commun accord avec Craig Harrison, mette fin à l'acte discriminatoire qui consiste à utiliser ou de faire utiliser un téléphone en recourant ou en faisant recourir aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement, pour diffuser des messages du genre de ceux pour lesquels on a conclu en l'espèce qu'ils violaient le paragraphe 13(1), ou des messages fondamentalement semblables, susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite, et ce, en contravention de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne. Par souci de clarté, le Tribunal ordonne que Craig Harrison cesse et s'abstienne d'afficher dans Internet tout message de cette nature dès que la décision du Tribunal lui aura été transmise.

B. Sanction pécuniaire

[74] L'alinéa 54(1)c) de la Loi autorise le Tribunal à ordonner à la partie intimée, dans le cas d'une plainte tombant sous le coup de l'article 13, de verser en guise de sanction pécuniaire une somme pouvant atteindre 10 000 $. Comme l'a mentionné le Tribunal au paragraphe 92 de la décision Warman c. Kyburz, précitée : L'inclusion de cette disposition dans les modifications de 1998 à la Loi représente une rupture importante par rapport à l'approche traditionnelle voulant que les dédommagements dans les affaires de droits de la personne visent d'abord et avant tout à redresser plutôt qu'à punir..

[75] Avant de décider s'il y a lieu d'imposer en l'espèce une sanction pécuniaire à M. Harrison, le législateur a ordonné que le Tribunal tienne compte de plusieurs facteurs. Le paragraphe 54(1.1) est ainsi libellé :

(1.1) In deciding whether to order the person to pay the penalty, the member or panel shall take into account the following factors:

  1. the nature, circumstances, extent and gravity of the discriminatory practice; and
  2. the wilfulness or intent of the person who engaged in the discriminatory practice, any prior discriminatory practices that the person has engaged in and the person's ability to pay the penalty.

(1.1) Il tient compte, avant d'imposer la sanction pécuniaire visée à l'alinéa (1)c) :

  1. de la nature et de la gravité de l'acte discriminatoire ainsi que des circonstances l'entourant;
  2. de la nature délibérée de l'acte, des antécédents discriminatoires de son auteur et de sa capacité de payer.

[76] Chacun de ces facteurs sera examiné à tour de rôle. En ce qui concerne la nature et la gravité, le Tribunal conclut que M. Harrison a diffusé de façon répétée des messages concernant des personnes qui ne sont pas de religion chrétienne, ne sont pas de race blanche et ne sont pas de descendance anglaise et que ces messages étaient désagréables, cruels et excessifs. Les personnes susmentionnées ont été exposées au ridicule, au ressentiment, à l'hostilité et à la violence, ce qui crée un climat favorable au développement de la haine ou du mépris à leur égard. Les messages portent atteinte à la dignité et sont méprisants. Ils servent à déshumaniser les personnes qui appartiennent aux groupes visés. L'utilisation de propos racistes et de stéréotypes dégradants est malveillante et insultante. L'appel répété à la violence contre les membres des groupes visés révèle des sentiments de malice extrême. Les déclarations exhortant à la violence et au meurtre donnent à penser que les victimes n'ont aucune qualité qui rachète leurs défauts, ce qui a pour effet de les déshumaniser. Ces propos exposent incontestablement les membres des groupes visés à la haine, au mépris et à un danger physique réel en donnant à penser qu'ils constituent des cibles légitimes de violence aveugle. Les messages ne servent qu'à engendrer et à encourager l'envie, la méfiance ou le ressentiment envers les personnes et les groupes visés, et, par conséquent, ils engendrent la haine envers eux.

[77] Selon moi, les messages démontrent clairement que leur auteur est guidé par ses opinions mal fondées sur la société et par son incapacité à accepter les autres. La preuve établit clairement que l'intimé visait à exposer les membres des groupes visés à la haine et au mépris et qu'il visait à convaincre les gens à penser comme lui. Il a clairement diffusé ses messages avec une indifférence délibérée quant aux conséquences possibles de ses actes. Je tiens également compte du fait que l'intimé a déjà été déclaré coupable d'avoir commis des voies de fait sur une personne en raison de la race de cette dernière.

[78] Comme facteur atténuant, je conclus que les messages qui ont été déposés en preuve ont été affichés au cours d'une période de temps relativement courte et qu'il semble qu'aucun autre message n'ait été affiché depuis 2004. De plus, je souligne que l'intimé n'est pas en charge des sites Web susmentionnés; il ne fait que participer à ces divers sites Web. On n'a déposé aucune preuve démontrant qu'il existe une possibilité que l'intimé affiche à nouveau des messages comme ceux qui ont été mentionnés.

[79] Le paragraphe 54(1.1) exige que le Tribunal tienne compte, avant d'imposer une sanction pécuniaire, de la capacité de payer de l'intimé. Comme le Tribunal l'a mentionné dans la décision Warman c. Kyburz, précitée, le fardeau de la preuve relatif à la capacité de payer incombe à l'intimé. Compte tenu de la décision de l'intimé de ne pas participer à l'audience et de ne présenter aucune preuve, le Tribunal n'est saisi d'aucune preuve qui donne à penser que M. Harrison possède des moyens financiers limités.

[80] Compte tenu de l'ensemble ce ces facteurs, j'ordonne à l'intimé de payer une amende de 1 000 $. L'ordonnance portant que l'intimé paye cette amende est imposée essentiellement en raison de la nature violente des messages. La société ne peut pas prendre à la légère les appels au meurtre de personnes en raison de leur race, de leur religion ou de leur origine ethnique.

[81] Le montant de l'amende doit être payé par chèque certifié ou par mandat poste à l'ordre du Receveur général du Canada, et doit être reçu par le Tribunal dans les 35 jours de la date à laquelle M. Harrison aura été informé de la présente décision.

VI. ORDONNANCE

[82] Pour les motifs qui précèdent, le Tribunal déclare que les droits garantis à M. Warman par la Loi canadienne sur les droits de la personne ont été violés par Craig Harrison et il ordonne, en rapport avec la violation de l'article 13 de cette loi, que :

  1. Craig Harrison ou toute autre personne agissant d'un commun accord avec Craig Harrison, mette fin à l'acte discriminatoire qui consiste à utiliser ou de faire utiliser un téléphone en recourant ou en faisant recourir aux services d'une entreprise de télécommunication relevant de la compétence du Parlement, pour diffuser des messages du genre de ceux pour lesquels on a conclu en l'espèce qu'ils violaient le paragraphe 13(1), ou des messages fondamentalement semblables, susceptibles d'exposer à la haine ou au mépris des personnes appartenant à un groupe identifiable sur la base d'un motif de distinction illicite, et ce, en contravention de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne.
  2. M. Harrison paye une amende au montant de 1 000 $. Le montant de l'amende doit être payé par chèque certifié ou par mandat poste à l'ordre du Receveur général du Canada, et doit être reçu par le Tribunal canadien des droits de la personne dans les 35 jours de la date à laquelle M. Harrison aura été informé de la présente décision.

Michel Doucet

Ottawa (Ontario)

Le 15 août 2006

1[traduction] Le mot Wolfgan renvoie à Wolfgang Droege, l'ancien directeur du Heritage Front, l'un des groupes qui fait partie du site Web Freedom site.

2Les initiales p. d. signifient personnes déplacées, une expression qui a été utilisée pour désigner les réfugiés de la Seconde guerre mondiale.

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL :

T1072/5305

INTITULÉ DE LA CAUSE :

Richard Warman c. Craig Harrison

DATE ET LIEU
DE L'AUDIENCE :

Les 12 au 14 juin 2006
Toronto (Ontario)

DATE DE LA DÉCISION
DU TRIBUNAL :

Le 15 août 2006

ONT COMPARU :

Richard Warman

Pour lui-même

Giacomo Vigna

Pour la Commission canadienne des droits de la personne

Craig Harisson
Susen Holmes

Pour l'intimé

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