Tribunal canadien des droits de la personne

Informations sur la décision

Contenu de la décision

Entre :

Richard Warman

le plaignant

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Marc Lemire

l'intimé

- et –

Procureur général du Canada
Canadian Association for Free Expression
Canadian Free Speech League
Congrès juif canadien
Friends of Simon Wiesenthal Center for Holocaust Studies
Ligue des droits de la personne de B’nai Brith

les parties intéressées

Décision

Membre : Athanasios D. Hadjis
Date : Le 16 mai 2008
Référence : 2008 TCDP 16

[1] Un certain nombre de parties ont déposé des lettres auprès du Tribunal au cours des deux dernières semaines concernant les portions censurées de certains documents divulgués par la Commission. Afin de mieux comprendre les questions en litige, le 12 mai 2008, le Tribunal a demandé à l’intimé de me fournir la version électronique des documents en question, dans leur forme censurée. Mme Kulaszka a bien voulu fournir les documents le 13 mai 2008.

[2] J’ai maintenant eu l’occasion d’examiner lesdits documents. Ils étaient apparemment empaquetés en huit groupes dont voici la liste :

  1. - Deux mémoires rédigés par le service de police de London (Ontario) pour le bureau du procureur de la Couronne, datés respectivement du 28 septembre 2001 et du 1er février 2002. Ils portent sur une enquête au sujet de James Scott Richardson, qui était intimé dans l’affaire Warman c. Kulbashian et al., 2006 TCDP 11, tranchée par le Tribunal le 10 mars 2006. La plupart des renseignements censurés semblent être le nom et les coordonnées des enquêteurs de la police, des témoins et d’autres individus.
  2. - Des courriers électroniques envoyés à partir d’un compte MSN Hotmail. Ils semblent tous porter sur le groupe Canadian Ethnic Cleansing Team (CECT), également intimé dans l’affaire précitée, Warman c. Kulbashian et al. Les éléments censurés semblent être des noms et des coordonnées.

    - Un courrier électronique de Dean Steacy au sujet de la même affaire, dont le destinataire est un [Traduction] Dét. [détective, selon ce que j’en déduis], dont le nom a été censuré.

  3. - Une copie d’un mandat de perquisition qui porte encore sur le CECT. Le nom du demandeur et l’adresse où la perquisition doit être effectuée sont censurés.

    - Une note au dossier rédigée par Dean Steacy portant sur sa conversation avec un agent au sujet d’Alexan Kulbashian et du CECT. Le nom et l’adresse de courrier électronique de l’agent ont été censurés.

    - Une photographie signalétique de M. Richardson prise par le service de police de London. L’image de son visage ainsi que sa date de naissance, sa taille et son poids ont été censurés.

  4. - Un extrait de ce qui semble être le rapport d’enquête de la Commission concernant l’affaire Warman c. Kulbashian et al., précitée. Les noms d’un ou de plusieurs policiers ayant participé à l’affaire ont été censurés.
  5. - Un courrier électronique envoyé à M. Steacy par quelqu’un du service de police de London, dont le nom a été censuré, au sujet de la plainte mentionnée ci‑dessus contre M. Kulbashian et al.

    - Deux mémoires rédigés par le service de police de London pour le procureur de la Couronne au sujet de M. Richardson, datés respectivement du 1er février 2002 et du 14 février 2002. Les noms et les pseudonymes utilisés par les enquêteurs de la police ont été censurés. Les noms et coordonnées des personnes interrogées dans le cadre de l’enquête semblent également avoir été censurés.

    - Une version non censurée et une version censurée d’un seul et même acte d’accusation concernant les accusations au criminel déposées contre M. Richardson.

  6. - Un courrier électronique entre Harvey Goldberg et quelqu’un du B’Nai Brith, dont le nom et les coordonnées ont été censurés.

    - De la correspondance échangée entre le bureau de l’ancien président de la CCDP Maxwell Yalden et le Toronto Mayor’s Committee on Community and Race Relations. Le nom de la personne avec laquelle le président correspond a été censuré, de même que le nom d’une personne du Simon Wiesenthal Center qui est mentionnée dans la correspondance.

    - Des lettres écrites par M. Steacy à un caporal de l’escouade des crimes haineux de la Colombie‑Britannique, dont le nom et les coordonnées ont été censurés.

    - Des notes aux dossiers rédigées par M. Steacy au sujet de conversations qu’il a eues avec un agent et un caporal de l’escouade des crimes haineux de la Colombie‑Britannique, dont les noms et coordonnées ont été censurées. Les notes portent sur le groupe BCWhitePride, qui est intimé dans la plainte relative aux droits de la personne renvoyée devant le Tribunal (C.R.A.R.R. c. www.bcwhitepride.com, dossier du Tribunal no T1120/0206).

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet de communications qu’il a eues avec le [Traduction] bureau de la sécurité nationale d’une organisation dont le nom a été censuré. Le nom et les coordonnées des individus contactés ont également été censurés.

    - Un courrier électronique de M. Steacy à un policier de London (Ontario) dont le nom et les coordonnées ont été censurés, de même que des notes au dossier s’y rapportant. Le sujet du courrier électronique est [Traduction] Plainte au sujet du CECT.

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet de conversations qu’il a eues avec quelqu’un de la division des crimes haineux de la police d’Edmonton, dont le nom et les coordonnées ont été censurés. La note concerne Peter Kouba, qui est l’intimé dans une plainte relative aux droits de la personne renvoyée devant le Tribunal (Warman c. Kouba, dossier du Tribunal no T1070/5205). Les coordonnées de M. Kouba ont également été censurées.

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet de conversations qu’il a eues avec un caporal de l’escouade antigang de la police de Montréal et un enquêteur du bureau de la sécurité nationale de la GRC. Le nom et les coordonnées des policiers ont été censurés. Les conversations portaient sur une plainte relative aux droits de la personne. Le nom de l’intimé n’a pas été censuré.

    - Un courrier électronique entre M. Steacy et une personne dont l’adresse de courrier électronique se termine par police.london.ca. Le nom du correspondant a été censuré, de même que les coordonnées de M. Steacy.  

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet d’une conversation qu’il a eue avec un témoin dont le nom a été censuré, à propos d’une plainte relative aux droits de la personne. Les noms du plaignant et de l’intimé n’ont pas été censurés.

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet d’une conversation qu’il a eu avec un agent, dont le nom a été censuré, à propos de la plainte contre le CECT mentionnée précédemment.

    - Une note au dossier rédigée par quelqu’un de la Commission, dont le nom a été censuré, à propos d’une conversation avec un caporal de l’escouade des crimes contre la personne du détachement de Vancouver de la GRC, dont le nom a également été censuré. La conversation portait sur une plainte déposée contre www.bcwhitepride.com.

    - Une note au dossier rédigée par M. Steacy au sujet d’un détective dont le nom et les coordonnées ont été censurés. La note porte sur une plainte déposée par un plaignant, dont le nom et les coordonnées ont été censurés, contre un intimé, dont le nom n’a pas été censuré. L’adresse d’une personne mentionnée dans la note a également été censurée.

  7. - Une série de courriers électroniques échangés entre M. Goldberg et quelqu’un qui semble travailler pour le service de police de Winnipeg. Le nom et les coordonnées de la personne ont été censurés, de même que ce qui semble être de nombreuses lignes de texte. Il m’est difficile d’émettre une hypothèse sur ce qui a été censuré à partir du texte qui reste.

    - Un courrier électronique qu’ont reçu M. Steacy, M. Goldberg et d’autres personnes (dont les noms ont été censurés) de quelqu’un dont le nom a également été censuré. De nombreuses lignes (présentant probablement des coordonnées) à la fin du courrier électronique ont également été censurées.

  8. Après examen des documents du groupe 8, je n’y ai pas vu d’éléments censurés.

[3] Par conséquent, il me semble que la plupart des extraits censurés portent sur le nom des individus et leur coordonnées. J’ordonne donc à la Commission de me fournir d’ici le 20 mai 2008 une copie non censurée des documents pour que je puisse vérifier cette conclusion. 

[4] L’alinéa 6(1)d) des Règles de procédure du Tribunal oblige les parties à divulguer les documents qui sont pertinents à un fait, une question ou une forme de redressement demandée en l’occurrence, y compris les faits, les questions et les formes de redressement mentionnés par d’autres parties en vertu de cette règle, soit tout ce qui pourrait être pertinent. La question qui saute aux yeux, en conséquence, est la suivante : dans quelle mesure le nom, l’adresse de courrier électronique, le numéro de téléphone, le poids, la taille, etc., des individus mentionnés dans ces documents sont‑ils pertinents selon le critère de la proportionnalité énoncé dans l’arrêt R. c. Oakes, [1986] 1 R.C.S. 103, sur lequel s’est d’ailleurs fondé le Tribunal pour ordonner la divulgation (voir Warman c. Lemire, 2006 TCDP 32, aux paragraphes 32 et suivants)?

[5] Quand j’aurai examiné la version non censurée des documents, je ferai savoir aux parties si la nature des renseignements censurés diffère de la description que je viens de faire et de quelle façon ils en diffèrent. Les parties qui ont demandé la divulgation des parties censurées seront alors invitées à me soumettre leurs observations quant à la pertinence de ces renseignements. Si je suis convaincu qu’un renseignement censuré est pertinent, la Commission sera tenue de soumettre ses observations quant au privilège de non‑divulgation qu’elle pourrait invoquer pour empêcher la communication des renseignements (alinéa 6(1)e) des Règles).

[6] À un autre sujet, la CAFE a déposé des lettres datées du 6 mai et du 8 mai 2008, dans lesquelles elle demande ceci :

  • Une des demandes porte sur la divulgation censurée des documents en question ci‑dessus. J’avais l’intention de me pencher sur cette question en commençant par examiner les documents censurés en cause, ce que j’ai maintenant fait dans le cadre de la présente décision sur requête.
  • Une autre demande portait sur le calendrier de l’audience, question sur laquelle je me suis penché dans le cadre de ma décision sur requête du 12 mai 2008, mais qui fait maintenant l’objet d’une nouvelle requête présentée par l’intimé, pour laquelle les autres parties n’ont pas encore soumis leurs observations.
  • La CAFE souhaite également obtenir une ordonnance enjoignant à la Commission de procéder à une divulgation complète des documents qu’elle a fournis la première fois en janvier 2007, avec certaines parties censurées, en invoquant le privilège que lui conférerait l’article 37 de la Loi sur la preuve au Canada. Comme je l’ai déjà affirmé dans ma décision sur requête rendue précédemment dans la présente affaire, Warman c. Lemire, 2007 TCDP 21, au paragraphe 7, dans le cadre d’audiences devant le Tribunal canadien des droits de la personne, seule la Cour fédérale peut se prononcer sur une opposition à la divulgation invoquée en vertu de l’article 37. La CAFE prétend que la Commission a [Traduction] retiré son opposition. Cependant, je note qu’il n’est fait mention nulle part d’un retrait dans la décision rendue par la Cour fédérale le 15 janvier 2008, dossier no T‑860‑07, à l’exception de l’opposition de la Commission à ce que soient délivrées les assignations de Bell Canada. De toute façon, la question soumise à la Cour fédérale ne portait pas sur la divulgation de documents qui avait eu lieu un an plus tôt, en janvier 2007. Par conséquent, je n’ordonne pas la divulgation [Traduction] complète des documents pour lesquels la Commission a invoqué l’article 37.
  • Finalement, la CAFE a également demandé que la Commission divulgue tous les documents relatifs à un certain nombre de comptes utilisateurs de courrier électroniques énumérés, en affirmant qu’ils sont [Traduction] grandement pertinents dans le cadre des questions soulevées par M. Lemire dans sa requête de nature constitutionnelle. Aucune autre explication n’a été fournie pour justifier quelle pourrait être cette pertinence. Dans ces circonstances, je n’ordonne pas leur divulgation.

Signée par

Athania
Membre du tribunal

Ottawa (Ontario)
Le 16 mai 2008

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T1073/5405

Intitulé de la cause : Richard Warman c. Marc Lemire

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 16 mai 2008

Comparutions :

Richard Warman, pour lui même

Margot Blight, pour la Commission canadienne des droits de la personne

Barbara Kulaszka, pour l’intimé

Simon Fothergill, pour le Procureur général du Canada

Paul Fromm, pour Canadian Association for Free Expression

Douglas Christie, pour Canadian Free Speech League

Joel Richler, pour le Congrès juif canadien

Steven Skurka, pour Friends of Simon Wiesenthal Center for Holocaust Studies

Marvin Kurz Pour la Ligue des droits de la personne de B’Nai Brith

 Vous allez être redirigé vers la version la plus récente de la loi, qui peut ne pas être la version considérée au moment où le jugement a été rendu.