Tribunal canadien des droits de la personne

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Canadian Human Rights Tribunal Tribunal canadien des droits de la personne

ENTRE :

GROUPE D'AIDE ET D'INFORMATION SUR LE

HARCÈLEMENT SEXUEL AU TRAVAIL DE LA

PROVINCE DE QUÉBEC INC.

- et -

MIREILLE DES ROSIERS

les plaignantes

- et -

JEAN BARBE

l'intimé

MOTIFS DE LA DÉCISION

2003 TCDP 24

2003/06/27

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

TABLE DES MATIÈRES

I. LES PARTIES À LA PLAINTE

II. LES FAITS

A. Décembre 1996

B. Janvier 1997

C. Février 1997

D. Mars 1997

E. Avril 1997

F. Mai 1997

G. Août 1997

H. Septembre 1997

I. Octobre 1997

J. Novembre 1997

K. Février 1998

L. Avril 1998

M. Les démarches entreprises par Mme Des Rosiers et leurs conséquences

III. LE DROIT

IV. L'ANALYSE

A. Crédibilité de la preuve

B. La conduite reprochée était-elle liée au sexe, à la race ou à l'origine nationale ou ethnique?

C. La conduite de M. Barbe était-elle importune?

D. La conduite reprochée comportait-elle un élément de gravités suffisant pour créer un milieu de travail hostile?

V. LES MESURES DE REDRESSEMENT

A. Pertes salariales

B. Dépenses

C. Dommages-intérêts non pécuniaires

D. Don au Groupe d'aide

E. Intérêts

F. Lettre d'excuses

G. Cour de sensibilisation aux droits de la personne

H. Maintien de la compétence

[1] Il est allégué dans la présente plainte que Mireille Des Rosiers a fait l'objet de la part de Jean Barbe, son superviseur à la Société Radio-Canada (la SRC ), d'un harcèlement fondé sur plusieurs motifs de distinction illicite, à savoir le sexe (féminin), la race (noire) et l'origine nationale ou ethnique (haïtienne), en contravention de l'art. 14 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi ) (1).

I. LES PARTIES À LA PLAINTE

[2] Le 1er avril 2003, soit environ cinq semaines avant la date prévue du début de l'audience, la Commission canadienne des droits de la personne (la Commission ) a avisé le Tribunal qu'elle se retirait officiellement en tant que partie. Par conséquent, la Commission n'a pas pris part à l'audience et aucune observation n'a été présentée en son nom.

[3] Le 15 avril 2003, au cours d'une conférence téléphonique que j'ai tenue, l'avocat de M. Barbe, Me Clément Groleau, a déclaré qu'il n'avait plus de mandat pour représenter son client. Me Groleau a indiqué que M. Barbe était en voie de se mettre en faillite. M. Barbe a lui-même confirmé la chose au cours d'une conférence téléphonique subséquente. Il a également précisé qu'il ne comparaîtrait pas à l'audience en l'espèce. En fait, ni M. Barbe ni aucun mandataire le représentant n'a comparu à l'audience qui a duré trois jours et qui s'est déroulée à l'édifice de la Cour fédérale du Canada à Montréal. Selon le dossier du Tribunal, plusieurs avis indiquant la date, le lieu et l'heure de l'audience ont été dûment signifiés à M. Barbe, qui réside à Montréal.

[4] Le premier jour de l'audience, une requête visant à ajouter Mme Des Rosiers comme partie et, fait plus important, comme coplaignante a été présentée. Le formulaire de plainte, qui a été déposé le 8 mars 1999, n'a pas été signé par Mme Des Rosiers mais plutôt par un représentant d'un organisme sans but lucratif d'aide aux victimes de harcèlement appelé Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec Inc. (le Groupe d'aide ). Mme Des Rosiers a demandé l'aide du Groupe d'aide après les présumés incidents de discrimination. Elle-même et une représentante du Groupe d'aide, Linda Smith, se sont rendues ensemble au bureau de la Commission pour déposer la plainte. Mme Smith a expliqué à l'audience que l'employé de la Commission qui a reçu la plainte a recommandé qu'un représentant du Groupe d'aide signe le document à la place de Mme Des Rosiers.

[5] La requête visant à ajouter Mme Des Rosiers comme partie a été officiellement présentée par le Groupe d'aide. Pour les motifs que j'ai consignés au dossier officiel, j'ai fait droit à la requête du Groupe d'aide. J'ai souligné qu'en vertu du paragraphe 40(1) de la Loi, un groupe d'individus ayant des motifs raisonnables de croire qu'une personne a commis un acte discriminatoire peut déposer une plainte, que la victime fasse partie ou non du groupe en question. Le paragraphe 53(2) précise que le Tribunal peut imposer des mesures en faveur de la victime et non nécessairement de la partie plaignante. Par conséquent, il n'est pas essentiel, semble-t-il, que la victime soit la partie plaignante pour obtenir réparation en vertu de la Loi.

[6] Cependant, j'ai également souligné que l'alinéa 48.9(2)b) de la Loi autorise le Tribunal à établir des règles de pratique régissant l'adjonction de parties ou d'intervenants à une affaire. Dans Desormeaux c. OC Transpo (2), on a soutenu que cette disposition permet d'envisager la possibilité que le Tribunal autorise l'adjonction d'une partie, même à titre de plaignant. Ce pouvoir doit être exercé avec une certaine prudence, particulièrement dans les cas où il pourrait en résulter une injustice envers l'une des autres parties. N'ayant pas comparu à l'audience en l'espèce, M. Barbe ne s'est pas opposé officiellement à l'adjonction de Mme Des Rosiers comme partie. Dans ma décision, j'ai précisé que même si elle a été signée par le Groupe d'aide, la plainte porte exclusivement sur des événements vécus par Mme Des Rosiers pendant la période qu'elle travaillait avec M. Barbe. L'adjonction de Mme Des Rosiers comme partie à cette affaire ne soulève pas de nouvelles questions ou de nouveaux faits dont M. Barbe n'était pas déjà au courant. Compte tenu de tous ces facteurs, j'ai conclu qu'aucun problème d'équité ne se poserait si le Tribunal autorisait l'adjonction de Mme Des Rosiers comme partie à titre de plaignante à ce stade-ci et j'ai, par conséquent, fait droit à la requête.

[7] Par suite du retrait de la Commission et de l'absence de M. Barbe, l'audience s'est déroulée en présence de seulement deux parties, soit Mme Des Rosiers et le Groupe d'aide, représenté par Mme Smith. Ni l'une ni l'autre de ces parties n'a été représentée par avocat à l'audience. Par conséquent, les faits relatés dans cette décision sont fondés exclusivement sur la preuve produite par les plaignantes.

II. LES FAITS

[8] Mme Des Rosiers est une Noire d'origine haïtienne qui a été élevée à Montréal. Elle a résidé pendant quelques années en Californie, où elle a obtenu un diplôme en marketing de la University of California à Los Angeles (UCLA) et travaillé dans l'industrie de la radio et de la télévision - pour le compte de la American Broadcasting Radio. À son retour à Montréal, elle a décidé de poursuivre sa carrière dans le même domaine et a trouvé un emploi dans une station radiophonique privée locale. En 1996, le directeur de cette station l'a informée d'un projet mis en place à la SRC qui visait à intégrer au sein de son effectif des membres de groupes minoritaires.

[9] Dans le cadre de ce projet, le ministère fédéral du Patrimoine canadien subventionnait l'embauche de stagiaires et leur salaire pendant les trois premiers mois. Si l'employeur décidait de garder le stagiaire à la fin de cette période, le programme continuait de payer une partie de son salaire pendant plusieurs mois. Mme Micheline Léonard était la chargée de projet au moment où Mme Des Rosiers a postulé un poste de stagiaire vers la fin de 1996. Mme Léonard a affirmé à l'audience que les coordonnateurs du projet voulaient éviter de donner aux autres employés de la SRC l'impression que ces stagiaires étaient embauchés uniquement en raison de leur appartenance à une minorité visible. Par conséquent, les candidats ont dû se soumettre à un processus complexe et intensif d'examens et d'entrevues.

[10] Lors de son témoignage, Mme Des Rosiers a confirmé qu'elle avait été soumise à ce processus. Elle se souvient qu'environ huit candidatures avaient été retenues sur les quelques 300 reçues. La sienne était du nombre. À son avis, la vaste connaissance du milieu artistique que son expérience en radiodiffusion lui avait permis d'acquérir a beaucoup joué dans la décision de l'embaucher pour l'émission de télévision à laquelle elle a travaillé. Cette émission, qui s'appelait La vie d'artiste, consistait principalement en des interviews et des reportages au sujet de personnalités du monde artistique, notamment des acteurs, des auteurs dramatiques et des poètes.

[11] Mme Des Rosiers a d'abord travaillé comme recherchiste. Au bout d'un certain temps, elle a été affectée à des fonctions de recherchiste-productrice et elle a même été devant la caméra. L'émission était produite par une équipe. M. Barbe, le chef de pupitre, était le superviseur de l'équipe.

[12] Dans son témoignage, Mme Des Rosiers a relaté les divers incidents de présumé harcèlement qui se sont produits durant la période où elle a travaillé sous la surveillance de M. Barbe. Une description chronologique de ces incidents est présentée ci-après.

A. Décembre 1996

[13] La première fois où il a rencontré Mme Des Rosiers, M. Barbe a mentionné à plusieurs reprises que l'autre recherchiste de l'équipe, Johanne Comte, était sa conjointe. Devant l'insistance de M. Barbe, Mme Des Rosiers s'est sentie obligée d'indiquer que Mme Comte devait néanmoins être bien compétente puisqu'elle avait obtenu le poste. Mme Des Rosiers a été étonnée par la réponse de M. Barbe : Je m'en fous de ses compétences, c'est son cul qui m'intéresse.

[14] Plus tard ce mois-là, Jocelyn Barnabé, qui était le superviseur de M. Barbe et l'un des réalisateurs de l'émission, a demandé à Mme Des Rosiers une petite faveur, demande à laquelle elle s'est pliée. M. Barbe est allé trouver Mme Des Rosiers par la suite pour lui dire qu'elle aurait dû se montrer plus agressive et refuser d'aider M. Barnabé. M. Barbe a ajouté que certaines de ses anciennes petites amies étaient de race noire. Il lui a alors conseillé de baiser si elle voulait connaître du succès.

B. Janvier 1997

[15] M. Barbe a mentionné lors d'une réunion à laquelle participait Mme Des Rosiers qu'il cherchait quelqu'un pour s'occuper de sa chienne lorsqu'il était à l'extérieur de la ville. Lorsque quelqu'un assis à la table a demandé si Mme Des Rosiers serait intéressée, M. Barbe a répondu : Elle devrait s'entendre avec Charlotte, elle est noire comme elle.

[16] Toujours en janvier 1997, l'équipe de production était en train de manger au restaurant Chez Miville, situé dans la Maison de Radio-Canada, l'édifice de la SRC à Montréal. Lors du repas, Mme Des Rosiers a mentionné qu'elle connaissait l'ex-directeur de la Division de la culture et des variétés à la SRC. Ayant entendu ce commentaire, M. Barbe a indiqué qu'elle devait avoir obtenu l'emploi en raison de cette relation, ajoutant Est-ce que c'était bon? . Mme Des Rosiers a interprété la remarque comme impliquant qu'elle avait eu des relations sexuelles avec l'ancien directeur.

C. Février 1997

[17] Malgré le fait qu'elle avait déjà collaboré à plusieurs reportages, Mme Des Rosiers a remarqué que son nom ne figurait jamais au générique. À peu près à la même époque, elle a informé M. Barbe de son désir de faire un reportage sur la Cinémathèque québécoise. Il s'est opposé à l'idée, indiquant qu'un reportage de cette nature devrait obligatoirement être fait par un Québécois : La Cinémathèque québécoise, c'est les Québécois qui devraient faire ça.

[18] Le même mois, Mme Des Rosiers a coproduit un reportage sur la carrière du dramaturge Michel Tremblay, dans lequel on soulignait que ses pièces avaient été traduites en 127 langues. Dans cette optique, Mme Des Rosiers avait inclus dans le reportage plusieurs interviews avec des commentateurs étrangers (italiens, roumains, japonais et haïtiens-créoles). Le commentateur haïtien, qui se trouvait à être le frère de Mme Des Rosiers, est un auteur primé qui a été vice-président de l'Union des écrivains et écrivaines québécois. Au cours du prévisionnement du reportage, M. Barbe a fait à voix haute la remarque suivante : Je suis contre l'Haïtien dans le reportage.

D. Mars 1997

[19] Mme Des Rosiers se souvient que M. Barbe et Mme Comte sont entrés dans son bureau à un moment donné. Mme Comte tenait dans ses mains une photographie d'un humoriste réputé de race noire qui est d'origine haïtienne, Anthony Kavanaugh. Mme Comte a épinglé la photo sur le tableau d'affichage de Mme Des Rosiers en lui disant : Voici ton nouveau chum. M. Barbe a ensuite ajouté : Tu devrais t'accoupler avec. M. Barbe et Mme Comte ont formulé ces remarques malgré le fait que Mme Des Rosiers était mariée.

[20] Mme Des Rosiers rappelle également d'être entrée un jour dans le bureau de M. Barnabé alors qu'il se trouvait en compagnie de M. Barbe et de Mme Comte. Il y avait sur la table en face d'eux plusieurs photographies. Lorsque Mme Des Rosiers est entrée dans le bureau, Mme Comte en a pris une et la lui a remise. M. Barbe était nu sur la photographie en question. Mme Des Rosiers ne sait pas pourquoi on lui a montré cette photographie, si ce n'est pour qu'elle se sente mal à l'aise.

E. Avril 1997

[21] M. Barbe a indiqué à l'une des secrétaires du bureau qu'il avait remarqué qu'elle avait changé la couleur de ses cheveux. Se retournant ensuite vers Mme Des Rosiers, il lui a dit qu'elle paraissait plus blanche que d'habitude.

F. Mai 1997

[22] Lors d'un party à la fin de la saison de diffusion, M. Barbe a dit à Mme Des Rosiers qu'elle devrait aller danser : C'est dans votre sang. Il a ensuite ajouté en se tenant les parties sexuelles : Si tu danses, tu auras un beau cadeau. Il a également fait des commentaires sur ses seins, demandant s'ils étaient véritables . Mme Des Rosiers a affirmé lors de son témoignage que M. Barbe avait fait des commentaires similaires au sujet de ses seins durant toute la période où elle avait travaillé pour lui.

G. Août 1997

[23] Lors d'une réunion de l'équipe de production, M. Barbe a fait la remarque suivante : J'ai engagé des laissés pour compte, des Arabes, des Noirs, des Juifs. Il me reste juste des handicapés. Il a précisé qu'il était payant d'embaucher des membres des minorités en raison des subventions obtenues. Mme Comte a mis son grain de sel, affirmant qu'elle était contre à ce genre de choses : Moi, je suis contre ces avantages qu'on donne aux minorités. Mme Des Rosiers a indiqué lors de son témoignage qu'elle avait été offusquée, d'autant plus qu'elle avait elle-même été embauchée dans le cadre d'un programme d'équité en emploi. Elle s'est néanmoins abstenue de faire quelque commentaire que ce soit à ce moment-là.

H. Septembre 1997

[24] Mme Des Rosiers a proposé de faire un reportage sur l'auteur français Marcel Proust. Même si l'idée avait été bien reçue par M. Barnabé, M. Barbe s'est moquée de sa suggestion, précisant qu'elle devrait faire des reportages sur la culture créole. À cette occasion, elle s'est retournée vers lui et lui a dit : Lâche-moi . Au cours de son témoignage, elle a affirmé que durant toute la période où elle a travaillé avec lui, M. Barbe n'a cessé de lui répéter : Fais donc quelque chose sur le créole.

I. Octobre 1997

[25] Au cours d'une réunion de production, un autre employé a proposé de faire un reportage sur la musique africaine. Les participants se sont ensuite demandés quel musicien on pourrait interviewer. M. Barbe a formulé à cette occasion la remarque suivante en se tournant vers Mme Des Rosiers : Elle devrait connaître cet Africain que tu cherches. Tous les Noirs se connaissent. Mme Des Rosiers a feint de ne pas avoir entendu la remarque. Toutefois, après plusieurs petites attaques réitérées pour l'inciter à répondre, elle a rétorqué que c'en était assez et qu'on devrait passer à autre chose.

J. Novembre 1997

[26] Le 24 novembre 1997, Mme Des Rosiers a rencontré une connaissance, Mme Michaëlle Jean, près de l'entrée principale de la Maison de Radio-Canada. À l'époque, Mme Jean, qui est elle aussi de race noire, était chef d'antenne du téléjournal du Réseau de l'information (RDI), la station de nouvelles de langue française de la SRC . Alors que Mme Des Rosiers lui expliquait certains incidents de présumé harcèlement survenus au travail, M. Barbe, M. Barnabé et un autre employé de sexe masculin de la SRC sont, par pure coïncidence, passés devant elles. Après que Mme Des Rosiers eut présenté Mme Jean aux trois hommes, M. Barbe a lancé : Mais c'est quoi? C'est une réunion de femmes noires? C'est quoi, là, les Noires se réunissent? .

[27] M. Barbe a ensuite indiqué qu'il avait vu Mme Jean dans le studio où la célèbre modèle de race noire, Iman, avait récemment été interviewée, ajoutant que si Mme Jean se trouvait là, c'était sans doute parce qu'elle était noire elle aussi. À l'audience Mme Jean a confirmé que ces commentaires avaient bel et bien été faits. Elle a précisé qu'elle avait trouvé pour le moins bizarre les commentaires persistants de M. Barbe sur la couleur de la peau. Mme Des Rosiers a affirmé dans son témoignage que M. Barbe avait poursuivi la conversation et comparé la couleur de la peau des deux femmes, se demandant laquelle avait le teint le plus pâle.

[28] Lorsque Mme Des Rosiers est retournée à son bureau, une quinzaine de minutes après cette rencontre fortuite, M. Barbe était assis dans son fauteuil, les pieds sur son pupitre. Lorsqu'elle est entrée dans la pièce, il lui a dit : Tu te tiens avec les Noirs maintenant, hein? .

K. Février 1998

[29] La deuxième semaine du mois avait été désignée Semaine de l'histoire des Noirs . L'événement avait été bien publicisé au sein de la SRC. Des affiches avaient été apposées un peu partout dans le lieu de travail pour l'occasion. Le lundi de cette semaine-là, alors qu'elle était assise dans son bureau, elle a remarqué que M. Barbe et plusieurs employés dansaient, chantaient et riaient devant sa porte. M. Barbe portait une perruque de style rastafari et était coiffé d'un chapeau semblable à ceux que portent les Jamaïcains. Ses épaules étaient recouvertes du drapeau de la Jamaïque. Il se pavanait dans l'aire de travail en bougeant ses mains à la hauteur de ses aisselles, comme pour imiter un singe. Plus tard, la perruque a été mise au bout d'une perche à laquelle était attaché un t-shirt en haillons, et M. Barbe et d'autres employés ont paradé en tenant dans leurs mains cet objet.

[30] Cette semaine-là, cette activité a été répétée chaque jour. Lors de son témoignage, Mme Des Rosiers a dit qu'elle s'était sentie tellement humiliée qu'elle avait pris des dispositions pour travailler à l'extérieur du bureau le vendredi, afin de ne pas avoir à côtoyer ses collègues. Presque tous les employés, même M. Barnabé, ont plus ou moins pris part au rituel en question. Mme Des Rosiers a fait remarquer qu'elle était la seule membre d'un groupe minoritaire visible au sein de l'équipe de production de La vie d'artiste.

[31] À peu près une semaine plus tard, il y a eu une réunion des employés au restaurant Chez Miville. À la fin de la réunion, alors qu'elle se levait de table, Mme Des Rosiers a accidentellement renversé un verre d'eau. M. Barbe a aussitôt fait la remarque suivante : C'est pas étonnant qu'elle renverse un verre avec son gros cul d'Africaine. Elle s'est alors tournée vers M. Barbe d'un air fâché, puis a quitté. Un collègue, Claude Laforest, a affirmé lors de son témoignage qu'il avait entendu à cette occasion M. Barbe faire un commentaire qui avait fait rire tout le monde à la table, mais qu'il ne se souvenait pas des mots exacts.

[32] Durant une autre réunion de production, tenue le 28 février 1998, l'équipe a constaté qu'elle avait besoin d'un autre reportage pour compléter une des prochaines émissions. Mme Des Rosiers a indiqué qu'elle avait presque terminé le reportage qu'on lui avait confié sur les Haïtiens et a proposé qu'on se rabatte sur celui-ci pour combler le vide. M. Barbe s'est alors retourné vers elle et lui a dit qu'elle devrait ajouter à son reportage des mâles nègres en sueur , précisant que c'est toujours beau des nègres en sueur . Faisant semblant qu'elle n'avait pas entendu les commentaires de M. Barbe, Mme Des Rosiers a continué de discuter du reportage avec M. Barnabé. Soudainement, M. Barbe s'est penché vers elle et lui a dit Mireille, ta gueule, ta gueule .

L. Avril 1998

[33] Durant une réunion de production, une jeune employée a dit combien elle était craintive à l'idée d'aller chez son dentiste. Tout le monde à table a commencé à relater des expériences pénibles avec les médecins. M. Barbe a indiqué que l'un de ses pires expériences avait consisté à faire examiner son pénis pour déterminer s'il avait contracté une maladie. Après avoir raconté son histoire, M. Barbe s'est retourné vers Mme Des Rosiers et lui a dit que c'était à cause d'une de ses sœurs à elle qu'il pouvait avoir contracté la maladie.

M. Les démarches entreprises par Mme Des Rosiers et leurs conséquences

[34] Mme Des Rosiers s'est parfois entretenue avec Mme Léonard de certains des incidents relatés ci-dessus, notamment du commentaire de M. Barbe au sujet de sa chienne, de ses déclarations au sujet de l'embauche de membres de minorités et de sa remarque à propos du verre qu'elle avait renversé. Mme Des Rosiers a indiqué dans son témoignage qu'elle hésitait à se plaindre trop fort par crainte d'être accusée par d'autres de dramatiser. Elle a fait remarquer que M. Barbe était encore son patron et qu'elle craignait qu'en déposant des plaintes officielles contre lui, elle nuirait à sa propre carrière et ajouterait de l'huile sur le feu.

[35] En février 1998, Mme Des Rosiers a appris que le bureau de Mme Léonard avait parlé à M. Barnabé de la conduite de M. Barbe. Quelques jours plus tard, Mme Des Rosiers a parlé à M. Barnabé de la situation. Il a soutenu que la conduite de M. Barbe n'était ni sexiste ni raciste et qu'après tout, il n'était qu'un iconoclaste . En outre, M. Barnabé a dit à Mme Des Rosiers que si elle allait jusqu'au bout avec ses plaintes, elle perdrait son emploi et serait la seule à en souffrir. À la mi-avril 1998, Mme Des Rosiers a discuté de la question avec le service des ressources humaines de la SRC; toutefois, à ce moment-là, elle n'a reçu aucun conseil particulier, si ce n'est l'assurance que le service communiquerait avec elle incessamment.

[36] Vers la fin d'avril 1998, M. Barbe a rencontré Mme Des Rosiers à l'instigation de M. Barnabé. M. Barbe a commencé par s'excuser auprès de Mme Des Rosiers. Toutefois, il a ajouté que, de toute façon, ce n'était pas une insulte que de traiter les gens de gros cul africain , car il aimait les gros culs. Mme Des Rosiers n'a pas considéré qu'il s'agissait d'excuses, estimant plutôt que c'était une autre humiliation.

[37] Elle allégue qu'à cette époque, on a commencé à saboter son travail. Par exemple, elle prenait des rendez-vous pour interviewer des invités en vue de ses reportages et l'équipe cinématographique était délibérément dépêchée ailleurs, de sorte qu'elle se retrouvait dans l'impossibilité d'enregistrer les interviews. Elle allégue que des interviews qui lui avaient été confiées avaient subséquemment été réattribuées à d'autres membres de l'équipe.

[38] À la mi-mai 1998, Mme Des Rosiers a rencontré un représentant de la Commission, qui l'a informée qu'il existait une politique sur le harcèlement à la SRC. Personne n'avait parlé à Mme Des Rosiers de cette politique auparavant. La Commission lui ayant conseillé de faire part officiellement de ses préoccupations à l'employeur le plus tôt possible, afin de respecter les délais prescrits par la politique, Mme Des Rosiers a envoyé sa lettre de plainte au président de la SRC le 19 mai 1998.

[39] Les activités dans le cadre de la saison de diffusion de l'émission en question ont pris fin en juin. Mme Des Rosiers a été informée par la SRC que sa plainte faisait l'objet d'une enquête. Le service des ressources humaines de la SRC lui a fourni l'assurance que son emploi n'était pas en danger tout en lui disant qu'elle devrait retourner à son bureau au début de la nouvelle saison, soit le 17 août 1998. Cependant, lorsqu'elle est entrée dans son bureau à cette date-là, elle a constaté que tous ses effets personnels n'y étaient plus. La pièce était occupée par M. Barbe, qui lui a dit que c'était maintenant son bureau. Un peu plus tard, elle a entendu M. Barbe qui parlait à M. Barnabé dans le bureau de ce dernier. Lorsqu'elle s'est approchée d'eux pour s'enquérir de ce qu'il était advenu de ses effets, M. Barbe a quitté la pièce. M. Barnabé lui a alors dit qu'étant donné qu'elle avait porté plainte au président de la SRC, il ne voulait plus l'avoir dans son service. Il a alors accompagné Mme Des Rosiers jusqu'au service des ressources humaines, où un autre individu lui a répété qu'on ne voulait plus d'elle à cet endroit et qu'elle devait quitter l'immeuble sans tarder, sans quoi on ferait appel au service de sécurité.

[40] Dans les jours qui ont suivi, Mme Des Rosiers a communiqué avec la superviseure de M. Barnabé, qui lui a d'abord indiqué qu'elle aurait dû s'attendre à un tel traitement à la suite du dépôt de sa plainte. Cependant, une fois que Mme Des Rosiers eut expliqué que la plainte initiale auprès de M. Barnabé avait été faite par le bureau de Mme Léonard, l'attitude de la superviseure a changé et elle accepté d'aider Mme Des Rosiers à trouver un autre emploi au sein de la SRC. Malheureusement, Mme Des Rosiers n'a obtenu qu'un contrat d'un mois et a fait par la suite des travaux à la pige, jusque vers mai 1999. Incapable de gagner sa vie en travaillant ainsi de façon sporadique, elle a commencé à chercher un autre emploi. Finalement, le 10 octobre 2000, elle a été embauchée par le service de marketing d'Air Canada, où elle travaille à ce jour.

[41] Comme je l'ai indiqué ci-haut, le Groupe d'aide a déposé la présente plainte contre M. Barbe le 8 mars 1999. Apparemment, une plainte a également été déposée contre la SRC, mais elle a été réglée alors que la présente affaire était pendante devant la Commission. Au cours des mois qui ont mené à l'audience en l'espèce, une question préliminaire a été soulevée au sujet de la divulgation à M. Barbe du protocole de règlement. La présidente du Tribunal s'est prononcée sur la question le 2 avril 2003 (3). À la suite de cette décision, certaines parties de l'entente de règlement ont été divulguées. Toutefois, ce document n'a jamais été produit à l'audience et je ne l'ai pas vu.

III. LE DROIT

[42] Aux termes de l'alinéa 14(1)c) de la Loi, le fait de harceler un individu en matière d'emploi constitue un acte discriminatoire, s'il est fondé sur un motif de distinction illicite. Le sexe, la race et l'origine nationale ou ethnique figurent parmi les motifs de distinction illicite (par. 3(1)). Le harcèlement sexuel est réputé être un harcèlement fondé sur un motif de distinction illicite (par. 14(2)).

[43] Comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada dans Janzen c. Platy Enterprises Inc. (4), le harcèlement sexuel en milieu de travail peut être défini de façon générale comme une conduite de nature sexuelle non sollicitée qui a un effet défavorable sur le milieu de travail ou qui a des conséquences préjudiciables en matière d'emploi pour la victime. La Cour a fait remarquer que le harcèlement sexuel en milieu de travail est une atteinte à la dignité de la victime et à son respect de soi à la fois comme employé et comme être humain. Le cadre d'analyse des allégations de harcèlement sexuel s'applique également, soutient-on, aux cas de harcèlement fondé sur d'autres motifs de distinction illicite, tels que la race et l'origine nationale ou ethnique (5).

[44] Pour qu'une plainte de harcèlement soit jugée fondée, il faut que soient réunies les conditions énoncées ci-après (6).

  1. On doit démontrer que la conduite du harceleur était, de par sa nature, liée au motif de discrimination allégué (7). Le harcèlement, particulièrement dans les cas de harcèlement sexuel, peut se manifester sur le plan physique (p. ex., pincements, étreintes, caresses, baisers). Il peut également prendre la forme d'un comportement verbal (p. ex., insultes ou remarques concernant le sexe, la race ou l'origine nationale ou ethnique d'un individu; ainsi que des commentaires concernant l'apparence d'une personne ou ses habitudes sexuelles). Pour déterminer si le comportement reproché est lié à un des motifs de distinction illicite, le tribunal se fonde sur le critère de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances, compte tenu des normes sociales existantes.
  2. Les comportements faisant l'objet de la plainte étaient importuns. Autrement dit, il faut déterminer si la conduite du présumé harceleur était désirée ou sollicitée. Pour ce faire, on peut tenir compte de la réaction de la partie plaignante au moment où sont survenus les présumés incidents de harcèlement et déterminer si celle-ci a expressément ou par son comportement démontré que la conduite était importune. Il n'est pas nécessaire de déterminer si un refus verbal a été exprimé dans tous les cas et le fait d'omettre à maintes reprises de répondre aux commentaires suggestifs peut être une indication au présumé harceleur que sa conduite était importune. En pareil cas, la norme à appliquer en vue d'apprécier la conduite reprochée est celle de la personne raisonnable dans les mêmes circonstances.
  3. En règle générale, il faut, pour qu'il y ait harcèlement, un élément de persistance ou de répétition, même si dans certaines circonstances un seul incident peut suffire à créer un milieu de travail hostile. On se fonde une fois de plus sur le critère objectif de la personne raisonnable pour évaluer cet élément.

[45] Dans une affaire de harcèlement sexuel - Stadnyk c. Canada (Commission de l'emploi et de l'immigration), la Cour d'appel fédérale a indiqué que dans les cas où il bénéficie d'un témoignage d'expert qui confirme que l'interaction homme-femme pourrait être perçue différemment par les hommes et par les femmes, le tribunal devrait appliquer le critère juridique du point de vue de la femme raisonnable pour évaluer la conduite reprochée (8).

IV. L'ANALYSE

A. Crédibilité de la preuve

[46] La partie intimée n'ayant pas participé à l'audience, le témoignage de Mme Des Rosiers n'a, de toute évidence, pas été contredit. Malgré cela, j'ai trouvé que Mme Des Rosiers était un témoin crédible. Son témoignage a été clair et éloquent. J'ai remarqué que les dates que Mme Des Rosiers a citées lors de son témoignage pour quelques-uns des incidents différaient de celles mentionnées dans la plainte écrite préparée en mars 1999. Par exemple, selon le formulaire de plainte, la remarque de M. Barbe au sujet de sa chienne, Charlotte, aurait été faite en décembre 1997 plutôt qu'en janvier 1997. De même, le commentaire de M. Barbe à propos de Mme Des Rosiers voulant qu'elle paraisse plus blanche que d'habitude aurait été formulé, indique-t-on, en octobre 1997 plutôt qu'en avril 1997. Je ne perçois pas ces lacunes comme une faiblesse dans son témoignage. Au contraire, elles permettent de démontrer que plutôt que de s'en remettre aveuglément aux éléments inscrits sur le formulaire de plainte, Mme Des Rosiers a témoigné en fonction du souvenir qu'elle avait des incidents. Le fait qu'elle se soit peut-être méprise lors de son témoignage sur le mois ou l'année où s'est produit tel ou tel incident n'est pas vraiment important. Je remarque également que les témoins que Mme Des Rosiers et le Groupe d'aide ont cités ont indiqué qu'ils n'avaient pas discuté avec les plaignantes au sujet de leur temoignage et que leur témoignage était fondé sur le souvenir que chacun d'eux avait des faits et a corroboré dans une certaine mesure celui de Mme Des Rosiers.

B. La conduite reprochée était-elle liée au sexe, à la race ou à l'origine nationale ou ethnique?

[47] Mme Des Rosiers allègue que la conduite reprochée à M. Barbe, telle que décrite dans son témoignage, est liée à au moins un, sinon à plusieurs, des motifs de distinction illicite énoncés dans la Loi.

[48] Il ressort clairement de l'ensemble de la preuve que le présumé harcèlement de la part de M. Barbe était en partie de nature sexuelle, ainsi qu'en témoignent le geste en direction de ses parties sexuelles qu'il a fait lors de la partie au bureau en mai 1997, ses commentaires répétés au sujet des seins de Mme Des Rosiers, son conseil selon lequel elle devrait baiser , son insinuation voulant qu'elle ait obtenu son emploi parce qu'elle avait couché avec un membre de la haute direction de la SRC.

[49] Cependant, le harcèlement exercé par M. Barbe n'était pas uniquement de nature sexuelle. Il était également lié à des facteurs comme la race et l'origine de Mme Des Rosiers. Les comparaisons de M. Barbe entre la couleur de la peau de Mme Des Rosiers et celle de sa chienne, sa déclaration selon laquelle danser était dans son sang et ses commentaires racistes au sujet de ses attributs physiques étaient des commentaires offensants. Il se faisait un point d'honneur de proférer, en sa présence, des commentaires racistes désobligeants envers les Africains et les Noirs. Il manifestait, de par son comportement, un dégoût pour tout ce qui avait trait à son origine haïtienne. Son insistance pour qu'elle fasse un reportage sur la culture créole était marquée au coin de la condescendance, comme s'il voulait indiquer qu'elle était incapable, en raison de son origine ethnique, de faire des commentaires sur la culture québécoise ou francophone. Le port par M. Barbe de la perruque de style rastafari représentait un comportement méprisant et avilissant qui était de nature foncièrement raciste et profondément insultant pour tous les Noirs, qu'ils soient d'origine jamaïcaine, haïtienne ou autre.

[50] Par conséquent, je suis convaincu que la conduite reprochée à M. Barbe était liée tantôt au sexe, tantôt à la race, tantôt à l'origine nationale ou ethnique de Mme Des Rosiers.

C. La conduite de M. Barbe était-elle importune?

[51] D'après le témoignage de Mme Des Rosiers, il est évident que le présumé comportement discriminatoire à son endroit n'était ni souhaité ni sollicité. À plusieurs occasions, elle lui a ouvertement indiqué qu'elle trouvait ses commentaires offensants. À un moment donné, elle était tellement exaspérée par ses remarques incessantes au sujet de la préparation d'un reportage sur la culture créole qu'elle a répondu Lâche-moi! . De même, lorsque M. Barbe lui a demandé, à la suite de sa rencontre avec Michaëlle Jean, si elle avait commencé à se tenir avec des Noirs, Mme Des Rosiers a répondu, l'air offensé, Pardon! .

[52] Cependant, de façon générale, Mme Des Rosiers n'a pas en apparence réagi aux commentaires de M. Barbe, feignant de ne pas les avoir entendus. J'accepte son explication selon laquelle M. Barbe était, après tout, son patron; elle craignait les conséquences qu'un affrontement avec lui aurait sur sa carrière, compte tenu particulièrement de sa situation de simple stagiaire. C'est la raison pour laquelle elle a décidé de s'attaquer au problème indirectement, pour ainsi dire, en exprimant ses préoccupations à M. Barnabé et à Mme Léonard, dans l'espoir que ces personnes seraient mieux placées pour transmettre le message à M. Barbe. Par exemple, elle s'est plainte à M. Barnabé de la remarque de M. Barbe selon laquelle ce n'était pas à elle de faire un reportage sur la Cinémathèque québécoise. Malheureusement, M. Barnabé était réticent à intervenir; en fait, il s'est porté à la défense de M. Barbe, faisant valoir que ce dernier n'était pas vraiment raciste ni sexiste et qu'il n'était qu'un iconoclaste . Quoi qu'il en soit, Mme Des Rosiers a éventuellement constaté qu'elle ne pouvait guère compter sur la compréhension de M. Barnabé, compte tenu du fait qu'il avait lui-même participé à la mascarade - pour reprendre le terme qu'elle a elle-même utilisé - organisée autour de la perruque de style rastafari.

[53] Par ailleurs, il est déraisonnable de penser que M. Barbe ait jamais considéré sa conduite à l'endroit de Mme Des Rosiers comme opportune. Comment quelqu'un pourrait-il raisonnablement conclure que Mme Des Rosiers, une Noire de descendance haïtienne, aurait pu trouver opportuns sa mascarade, ses gestes grossiers en direction de ses parties sexuelles, ses remarques répétées au sujet de ses seins, sa comparaison entre elle et sa chienne et ses nombreux commentaires au sujet des Noirs et des Haïtiens. Il serait ridicule de penser cela.

[54] Par conséquent, je suis convaincu que, dans les circonstances, la façon dont Mme Des Rosiers a réagi au comportement reproché était raisonnable et que, par conséquent, la conduite de M. Barbe était importune.

D. La conduite reprochée comportait-elle un élément de gravité suffisant pour créer un milieu de travail hostile?

[55] La conduite discriminatoire de M. Barbe a commencé dès sa première rencontre avec Mme Des Rosiers, au moment où il a fait à son endroit une remarque sexuellement offensante voulant qu'il ne soit intéressé que par le cul de sa collègue, et a persisté tout au cours de la période où elle a travaillé à l'émission La vie d'artiste. Certains aspects particuliers de sa conduite étaient très graves. C'est le cas notamment de sa mascarade avec la perruque de style rastafari qui a duré une semaine complète. À mon avis, ce seul acte était grave au point qu'on pourrait raisonnablement conclure que Mme Des Rosiers travaillait dans un milieu hostile. Si l'on ajoute à cet élément la myriade d'autres commentaires et actes offensants de M. Barbe à son endroit, qui avaient trait à de nombreuses facettes de l'identité de Mme Des Rosiers (sa race, son sexe et son origine nationale ou ethnique) ainsi qu'à sa dignité en tant que personne, il ne fait aucun doute que son milieu de travail était empoisonné.

[56] Par conséquent, j'estime, pour toutes ces raisons, que M. Barbe a exercé à l'endroit de Mme Des Rosiers un harcèlement fondé sur les trois motifs de distinction illicite cités dans la plainte : la race, le sexe et l'origine nationale ou ethnique.

V. LES MESURES DE REDRESSEMENT

A. Pertes salariales

[57] Mme Des Rosiers a demandé d'être indemnisée des pertes salariales qu'elle a subies en raison du non-renouvellement de son contrat de travail concernant l'émission La vie d'artiste (alinéa 53(2)c) de la Loi). Même si c'est M. Barnabé qui l'a informée le 17 août 1998 qu'elle ne serait pas réembauchée pour la saison 1998-1999, Mme Des Rosiers a prétendu, en s'appuyant sur une preuve circonstancielle, que M. Barbe a joué un rôle dans cette décision. Elle a fait remarquer que lorsqu'elle est retournée au travail le 17 août, M. Barbe occupait son bureau et lui a dit que c'était le sien. Elle a dit se souvenir également que M. Barnabé lui avait déjà mentionné, lorsqu'on lui avait confié des tâches supplémentaires pour deux ou trois autres émissions de télévision, que c'était M. Barbe qui avait décidé de lui offrir cette occasion. Enfin, elle a prétendu que la personne qui l'a remplacée à l'émission La vie d'artiste était quelqu'un que M. Barbe connaissait très bien. Compte tenu de ces faits, elle a conclu que M. Barbe y était pour quelque chose dans la décision de ne pas renouveler son contrat.

[58] En fait, il se peut que M. Barbe n'ait pas voulu que Mme Des Rosiers revienne au sein de l'équipe chargée de l'émission et il est même possible qu'il ait fait part de cette opinion à M. Barnabé. Néanmoins, compte tenu de la preuve dont j'ai été saisi, la décision de refuser le renouvellement du contrat a été prise par M. Barnabé ou peut-être par le service des ressources humaines de la SRC, mais certainement pas par M. Barbe. Il convient de souligner que le représentant du service des ressources humaines qui a conseillé à Mme Des Rosiers de quitter l'immeuble le 17 août 1998, ainsi que M. Barnabé, ont tous deux clairement indiqué qu'ils étaient outrés de l'envoi d'une lettre de plainte au président de la SRC. Je ne suis pas convaincu que la décision de ne pas renouveler le contrat soit attribuable, ne serait-ce qu'en partie, à M. Barbe.

[59] Cependant, il reste encore une question connexe à examiner. Même si M. Barbe n'a pas participé à la décision de ne pas réembaucher Mme Des Rosiers, est-ce que la décision de ne pas renouveler le contrat était indirectement liée à son comportement discriminatoire? N'eût été du harcèlement exercé par M. Barbe, Mme Des Rosiers n'aurait pas porté plainte et écrit au président de la SRC. M. Barnabé, d'autre part, a dit à Mme Des Rosiers qu'elle avait été renvoyée de l'émission à cause de la lettre.

[60] Le Tribunal canadien des droits de la personne s'est penché sur une situation similaire dans Nkwazi c. Service correctionnel du Canada (no 4) (9). Dans cette affaire, la plaignante, qui prétendait que sa superviseure l'avait harcelée, s'était plainte à la direction, qui avait réagi en exerçant des représailles à l'endroit de la plaignante et en ne renouvelant pas son contrat d'employée occasionnelle. Le Tribunal en est venu à la conclusion suivante (10) :

L'indemnisation en matière de droits de la personne vise à remettre la victime dans la position où elle aurait été si le tort ne s'était pas produit, sous réserve des principes de la prévisibilité des dommages et de l'atténuation des pertes. En l'espèce, je suis convaincue qu'il existe un lien de cause à effet entre les actes discriminatoires originaux et la perte par Mme Nkwazi de son emploi : si Mme Neufeld n'avait pas traité Mme Nkwazi de façon discriminatoire, celle-ci ne serait pas plainte à son sujet à la direction du CPR et il n'y aurait pas eu de représailles. Autrement dit, les dommages qui résultent du non-renouvellement du contrat d'employée occasionnelle de Mme Nkwazi découlent du fait que Mme Neufeld a contrevenu à la Loi, et peuvent être examinés dans l'optique de la réparation.

La décision de M. Barnabé de refuser de renouveler le contrat de Mme Des Rosiers était-elle une conséquence raisonnablement prévisible du harcèlement exercé par M. Barbe? Les dommages-intérêts découlant du non-renouvellement du contrat découlent-ils du fait que M. Barbe a contrevenu à l'art. 14 de la Loi? Je remarque que dans l'affaire Nkwazi, l'intimé était l'employeur institutionnel, soit le Service correctionnel du Canada, et non la personne ayant commis l'acte discriminatoire à l'endroit de la plaignante. Par conséquent, c'est l'employeur qui a au bout du compte été jugé responsable de la perte de revenus découlant de sa décision de ne pas renouveler le contrat de travail de la plaignante (11).

[61] En l'occurrence, M. Barbe n'est pas l'employeur et j'ai déjà conclu que la preuve est insuffisante pour corroborer la prétention voulant qu'il ait joué un rôle dans le non-renouvellement du contrat de Mme Des Rosiers. Dans Canada (Procureur général) c. Green (12), la Section de première instance de la Cour fédérale a précisé que les dommages-intérêts doivent être évalués en tenant compte des notions que sont le caractère indirect et la prévisibilité. La Cour a cité un extrait de l'énoncé des motifs du juge Marceau dans Canada (Procureur général) c. Morgan) (13) :

Le but visé demeure le même : écarter les conséquences de l'acte qui sont trop lointaines compte tenu de tous les événements qui ont lieu entre les deux. Quelle que soit la source de responsabilité, le bon sens s'applique.

Par conséquent, j'estime que les pertes salariales subies par Mme Des Rosiers par suite de la décision indépendante prise par l'employeur, la SRC (telle qu'exprimée par la conduite du réalisateur de l'émission, M. Barnabé, et peut-être par le représentant du service des ressources humaines de la SRC), de refuser de renouveler le contrat de Mme Des Rosiers pour l'émission La vie d'artiste, revêt un caractère trop indirect par rapport à la conduite discriminatoire de M. Barbe. Ce serait défier jusqu'à un certain point le bon sens que de tenir M. Barbe responsable des actes discriminatoires de la tierce partie, dans lesquels je ne suis pas convaincu qu'il ait joué un rôle.

[62] Par conséquent, Mme Des Rosiers n'a pas droit à des dommages-intérêts de la part de M. Barbe pour ses pertes salariales.

B. Dépenses

[63] Mme Des Rosiers prétend qu'elle devrait être indemnisée de certaines dépenses qu'elle a subies en raison de l'acte discriminatoire commis par M. Barbe (alinéa 53(2)c) de la Loi).

[64] Mme Des Rosiers réclame, entre autres, les honoraires des avocats qu'elle a consultés en 1998. Elle reconnaît que ces dépenses avaient trait au grief qu'elle entendait déposer contre la SRC et, plus particulièrement, à certaines difficultés qu'elle a eues à convaincre son syndicat de déposer le grief. À proprement parler, ces dépenses n'ont pas rapport à la présente plainte contre M. Barbe et, par conséquent, n'ouvrent pas droit à un remboursement (14).

[65] En outre, Mme Des Rosiers demande qu'on l'indemnise des honoraires de consultation qu'elle a versés à deux psychologues entre septembre 1998 et juin 2000. Elle a indiqué dans son témoignage que sa santé physique et mentale s'était détériorée en raison du harcèlement exercé par M. Barbe. Je suis convaincu que ces services professionnels étaient justifiés et directement liés à l'acte discriminatoire commis par M. Barbe. Ces honoraires totalisent 1 515 $. Des photocopies des factures à l'appui de ces dépenses n'ont pas été communiquées à M. Barbe ou à son avocat avant l'audience. Cependant, dans l'un des documents que la Commission a communiqués à l'avocat de M. Barbe en mars 2003, il est indiqué que l'envoi des factures était imminent. Au cours des semaines qui ont suivi, ni M. Barbe ni son avocat n'a soulevé auprès du Tribunal quelque question que ce soit en ce qui touche cette divulgation partielle. De toute évidence, la consignation en preuve de ces reçus n'a fait l'objet d'aucune opposition du fait que la partie intimée n'a pas pris part à l'audience. Je remarque que les sommes réclamées pour ces consultations psychologiques sont raisonnables et correspondent, en moyenne, à 60 $ par visite. Compte tenu de tous ces facteurs, je suis convaincu que Mme Des Rosiers a droit d'être indemnisée de ces dépenses.

[66] Par conséquent, le Tribunal ordonne à M. Barbe de verser à Mme Des Rosiers la somme de 1 515 $ en guise de remboursement des honoraires de consultation.

C. Dommages-intérêts non pécuniaires

[67] Mme Des Rosiers demande que lui soient versées, en vertu de la version actuelle de la Loi, une indemnité pour compenser le préjudice moral qu'elle a souffert par suite de l'acte discriminatoire (alinéa 53(2)e)), ainsi qu'une indemnité spéciale du fait que l'acte discriminatoire commis par M. Barbe était délibéré ou inconsidéré (par. 53(3)). L'indemnité maximale qui peut être accordée en vertu de chacune des dispositions pertinentes est de 20 000 $.

[68] Avant que soient apportées à la Loi les modifications qui sont entrées en vigueur le 30 juin 1998 (15), l'indemnité dont pouvait bénéficier la victime à titre de dommages-intérêts non pécuniaires était limitée à 5 000 $ (par. 53(3) de la version antérieure de la Loi). Dans Nkwazi (16), le Tribunal a soutenu que dans les cas où la conduite discriminatoire s'est produite avant cette date, les limites antérieures s'appliquent.

[69] En juin 1998, la saison de diffusion de l'émission La vie d'artiste avait pris fin et Mme Des Rosiers n'avait plus de contact avec M. Barbe. Dans la plainte écrite, il est indiqué que le dernier acte de harcèlement consigné au dossier sont les pseudo-excuses présentées par M. Barbe lors de la rencontre où il a prétendu que ce n'est pas une insulte que de traiter quelqu'un de gros cul africain . Cet incident s'est produit en avril 1998. Au cours du mois de mai, M. Barbe était en Europe et n'a pas eu de contact avec Mme Des Rosiers. Dans son témoignage, Mme Des Rosiers a allégué qu'une partie de son travail avait été sabotée après qu'elle eut officiellement porté plainte contre M. Barbe; cependant, ces incidents se sont produits au plus tard à la mi-juin 1998.

[70] Le seul fait qui, dans le contexte des rapports avec M. Barbe et l'équipe de La vie d'artiste, se soit produit selon les allégations de Mme Des Rosiers après le 30 juin 1998, c'est l'avis de son congédiement, qui lui a été donné le 17 août 1998. Comme je l'ai expliqué ci-haut, le non-renouvellement du contrat de Mme Des Rosiers ne peut être lié à la conduite discriminatoire de M. Barbe. En outre, M. Barbe n'a pas harcelé Mme Des Rosiers au cours de l'un ou l'autre des brefs échanges qu'il a eus avec elle ce jour-là (dans son bureau ou dans celui de M. Barnabé). Dans son témoignage, Mme Des Rosiers n'a pas fait état d'autres rencontres ou contacts avec M. Barbe après cette date.

[71] Par conséquent, je conclus que la conduite discriminatoire de M. Barbe s'est produite entièrement avant les modifications du 30 juin 1998 à la Loi. Je suis contraint d'appliquer les dispositions que renfermait l'article 53 au moment où s'est produit l'acte discriminatoire. Selon la version antérieure du paragraphe 53(3), l'indemnité maximale que le Tribunal peut accorder s'il en vient à la conclusion que l'acte discriminatoire est délibéré ou inconsidéré ou que la victime en a souffert un préjudice moral est de 5 000 $.

[72] Je suis convaincu que la conduite discriminatoire de M. Barbe était délibérée et parfois même inconsidérée. Par exemple, sa décision de parader en portant une perruque de style rastafari à la vue de la seule employée de race noire durant la Semaine de l'histoire des Noirs avait strictement pour but d'humilier Mme Des Rosiers. Ses nombreux autres commentaires et gestes vulgaires et insultants au sujet de sa race, de son origine et de son sexe étaient pour le moins mesquins et ont été faits en ne tenant aucunement compte des conséquences sur le plan affectif ou du point de vue de son bien-être.

[73] De même, je suis convaincu que Mme Des Rosiers a souffert un préjudice profond sur le plan effectif et à l'égard de son estime de soi. Selon son témoignage, les actes de harcèlement dont elle a été victime en raison à la fois de son sexe, de sa race et de sa culture ont aggravé sa douleur et les effets de la discrimination. Les insultes proférées s'ajoutaient à l'insinuation qu'elle n'était pas une vraie Québécoise.

[74] Compte tenu de l'ensemble des circonstances, j'ordonne à M. Barbe de verser à Mme Des Rosiers la somme de 5 000 $ en guise de dommages-intérêts non pécuniaires, conformément au paragraphe 53(3) de la version antérieure de la Loi.

D. Don au Groupe d'aide

[75] Les plaignantes demandent que le Tribunal ordonne à M. Barbe de faire un don au Groupe d'aide. Mme Smith a souligné que le Groupe d'aide est un organisme de bienfaisance sans but lucratif composé de bénévoles qui vient en aide aux victimes de harcèlement. L'aide fournie par le groupe à Mme Des Rosiers et tout au cours des procédures devant le Tribunal a été utile, d'autant plus que la Commission s'est retirée un peu avant le début de l'audience.

[76] Cependant, la compétence du Tribunal en matière de redressement est entièrement régie par la Loi. Aucun des recours prévus par l'article 53 de la Loi ne permet d'ordonner à la partie intimée d'indemniser qui que ce soit d'autre que la victime de l'acte discriminatoire. Par conséquent, la demande des plaignantes est rejetée.

E. Intérêts

[77] Les indemnités accordées en vertu de la présente décision ouvrent droit au versement d'intérêts (par. 53(4) de la Loi). Toutefois, comme j'ai accordé l'indemnité maximale que prévoyait la version antérieure de la Loi à titre de dommages-intérêts non pécuniaires, aucun intérêt n'est payable sur cette somme (17). Les intérêts sur le reste doivent être calculés sur une base annuelle, à taux simple, en se fondant sur un taux équivalant au taux d'escompte fixé par la Banque du Canada (données de fréquence mensuelle), pour la période comprise entre la date de la plainte (8 mars 1999) et celle du paiement final.

F. Lettre d'excuses

[78] Les plaignantes demandent que le Tribunal ordonne à M. Barbe de présenter une lettre sincère d'excuses à Mme Des Rosiers. Vu la décision rendue récemment par la Section de première instance de la Cour fédérale dans Stevenson c. Service canadien du renseignement de sécurité (18), selon laquelle le Tribunal n'a pas le pouvoir de rendre de telles ordonnances, cette requête est rejetée.

G. Cour de sensibilisation aux droits de la personne

[79] Mme Smith a informé le Tribunal que le Groupe d'aide offre au public, entre autres, des cours de sensibilisation au harcèlement et aux droits de la personne. Les plaignantes demandent que le Tribunal ordonne à M. Barbe de suivre une telle formation.

[80] Compte tenu du comportement de M. Barbe, il est évident qu'il saurait profiter d'une pareille formation. Par conséquent, le Tribunal ordonne à M. Barbe de suivre un cours sur le harcèlement et les droits de la personne qu'organisera le Groupe d'aide de concert avec la Commission, conformément à l'alinéa 53(2)a) de la Loi. Le cours en question comprendra au moins une et au plus trois journées complètes de formation. Le coût raisonnable de cette formation sera assumé par M. Barbe.

H. Maintien de la compétence

[81] Je conserve ma compétence pour le cas où surviendrait un différend relativement à la mise en œuvre des mesures de redressement et le calcul des indemnités accordées en vertu de la présente décision.

« Originale signée par »


Athanasios D. Hadjis

OTTAWA (Ontario)

Le 27 juin 2003

TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL No : T736/4102

INTITULÉ DE LA CAUSE : Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec Inc. et

Mireille Des Rosiers c. Jean Barbe

LIEU DE L'AUDIENCE : Montréal (Québec)

(les 5, 6 et 7 mai 2003)

DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : le 27 juin 2003

ONT COMPARU :

Linda Smith au nom du Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province de Québec Inc.

Mireille Des Rosiers en son propre nom

1. 1 L.R.C. 1985, ch. H-6.

2. 2 (2 octobre 2002), Ottawa T701/0602 (T.C.D.P.) (transcription).

3. 3 Groupe d'aide et d'information sur le harcèlement sexuel au travail de la province du Québec Inc. c. Barbe, 2003 TCDP 15.

4. 4 [1989] 1 R.C.S. 1252.

5. 5 Rampersadsingh c. Wignall, [2002] D.C.D.P. no 27, par. 40 (T.C.D.P.)(QL); Dhanjal c. Air Canada (1996), C.H.R.R. D/27, par. 206 (T.C.D.P.), confirmée [1997] A.C.F. no 1599 (C.F., 1re inst.)(QL); Marinaki c. Canada (Développement des ressources humaines), [2000] D.C.D.P. no 2, par. 187 (T.C.D.P.) (QL).

6. 6 Canada (CDP) c. Canada (Forces armées) et Franke ( Franke ) (1999), 34 C.H.R.R. D/140, par. 29 à 50 (C.F., 1re inst.); Bushey c. Sharma, 2003 TCDP 21, par. 104 à 107.

7. 7 Rampersadsingh, précitée, note no 5, par. 41.

8. 8 (2000), 38 C.H.R.R. D/290, par. 25 (C.A.F.).

9. 9 (2001), 41 C.H.R.R. D/109 (T.C.D.P.).

10. 10 Ibid., par. 234.

11. 11 Ibid., par. 242.

12. 12 (2000), 38 C.H.R.R. D/1 (C.F., 1re inst.).

13. 13 [1992] 2 C.F. 401, p. 416 (C.A.F.).

14. 14 Voir Larente c. Société Radio-Canada, [2002] D.C.D.P. no 11, par. 293 à 297 (T.C.D.P.).

15. 15 Loi modifiant la Loi sur la preuve au Canada, le Code criminel et la Loi canadienne sur les droits de la personne relativement aux personnes handicapées et en ce qui concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, à d'autres matières, et modifiant d'autres lois en conséquence, L.C. 1998, ch. 9, art. 27.

16. 16 Précitée, note no 9, par. 257 à 270.

17. 17 Canada (Procureur général) c. Hébert (1995), C.H.R.R. D/375, par. 23 (C.F., 1re inst.).

18. 18 2003 CFPI 341 (C.F., 1re inst.).

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