Tribunal canadien des droits de la personne

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TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL

CONGRÉS JUIF CANADIEN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

HENRY MAKOW

l'intimé

DÉCISION SUR REQUÊTE

2010 TCDP 13
2010/05/26

MEMBRE INSTRUCTEUR : Edward P. Lustig

[1] Il s'agit d'une décision au sujet de la requête déposée par l'intimé le 4 septembre 2009 visant à faire ajourner indéfiniment l'affaire en l'espèce.

[2] Le plaignant a déposé sa plainte le 29 janvier 2007. Il soutient que l'intimé a communiqué par Internet des messages susceptibles d'exposer les membres de la communauté juive à la haine ou au mépris en raison de leur appartenance à un groupe identifiable, selon le paragraphe 13(1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la LCDP). Le plaignant fait valoir que le comportement contesté a eu lieu de façon répétée.

[3] Le 16 septembre 2008, la Commission, en application de l'alinéa 44(3)a) de la LCDP, a demandé au Tribunal canadien des droits de la personne (le TCDP) d'instruire la plainte.

[4] Le 2 septembre 2009, le Tribunal a rendu sa décision dans l'affaire Warman c. Lemire 2009 TCDP 26. Cette affaire portait sur une plainte de propagande haineuse visée au paragraphe 13(1) de la LCDP. Dans sa décision exhaustive, le membre instructeur Hadjis a conclu :

[...] j'ai également conclu que le paragraphe 13(1) et les paragraphes 54(1) et 54(1.1) sont incompatibles avec l'alinéa 2b) de la Charte qui garantit la liberté de pensée, de croyance, d'opinion et d'expression. La limite imposée par ces dispositions n'est pas une limite raisonnable au sens de l'article premier de la Charte.

[5] Le 1er octobre 2009, la Commission a demandé à la Cour fédérale le contrôle judiciaire de la décision Warman c. Lemire du Tribunal (voir dossier no T-1640-09 de la CF).

[6] Dans son communiqué de presse, en date du 1er octobre 2009, portant sur le contrôle judiciaire, la Commission a fait les précisions suivantes :

La Commission a présenté cette demande de contrôle judiciaire afin de clarifier des points de droit importants soulevés par la décision. Ces points de droit sétendent au-delà de la présente espèce et pourraient avoir une incidence sur dautres tribunaux administratifs. Par conséquent, lincertitude créée par la décision ne sert pas lintérêt public et justifie quune instance supérieure rende une décision exécutoire.

La demande repose sur deux motifs. La Commission est d'avis que :

(1) Le Tribunal a commis une erreur de droit en statuant que la façon dont la requérante exerce le mandat dont elle est investie par la loi pourrait rendre larticle 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne inconstitutionnel;

(2) Les conclusions du Tribunal à propos de linconstitutionnalité de larticle 13 découlent aussi de ladoption de lalinéa 54(1)c) et du paragraphe 54(1.1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne, par suite du jugement de la Cour suprême du Canada dans laffaire Canada (Commission des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892. Le Tribunal a commis une erreur de droit en refusant dappliquer larticle 13 de la Loi parce quun refus dappliquer lalinéa 54(1)c) et le paragraphe 54(1.1) aurait constitué une réparation suffisante à cet égard.

[7] Les parties ont présenté au Tribunal leurs observations au sujet de la requête de l'intimé en ajournement. Il convient de noter que la requête a été présentée avant la demande de contrôle judiciaire présentée par la Commission à l'encontre de la décision Warman c. Lemire.

[8] J'ai examiné les observations des parties et j'ai conclu qu'il serait approprié et qu'il servirait l'intérêt de la justice d'ajourner l'affaire. Bien que la Cour suprême du Canada ait conclu, dans l'arrêt Canada (Commission canadienne des droits de la personne) c. Taylor, [1990] 3 R.C.S. 892, que le paragraphe 13(1) de la LCDP est constitutionnel, la demande dont la Cour fédérale est présentement saisie vise à clarifier la question en fonction du contexte factuel et légal distinct de la décision du Tribunal dans l'affaire Warman c. Lemire. Il est clair que la décision du membre instructeur Hadjis dépasse la simple question des dispositions sur les sanctions prévues à l'article 54 de la LCDP, puisqu'il a décidé de ne pas écarter les dispositions sur les sanctions et préserver l'article 13 de la LCDP. Il revient maintenant à la Cour fédérale de déterminer la validité de l'article 13 de la LCDP. Cela permettra d'obtenir les clarifications demandées par la Commission et dont, à mon avis, le Tribunal a besoin pour rendre une décision sur la présente affaire et sur d'autres affaires portant sur l'article 13 de la LCDP.

[9] Pour ces motifs, j'ajourne l'instance indéfiniment en attendant le résultat final de l'affaire Warman c. Lemire.

Signé par
Edward P. Lustig

OTTAWA (Ontario)
Le 26 mai 2010

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1330/6008
INTITULÉ DE LA CAUSE : Congrès juif canadien c. Henry Makow
DATE DE LA DÉCISION SUR REQUÊTE DU TRIBUNAL : Le 26 mai 2010
ONT COMPARU :
Igor Ellyn Pour le plaignant
Daniel Poulin/Sheila Osborne-Brown Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Barbara Kulaszka Pour l'intimé
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