Tribunal canadien des droits de la personne

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CANADIAN HUMAN RIGHTS TRIBUNAL TRIBUNAL CANADIEN DES DROITS DE LA PERSONNE

RICHARD WARMAN

le plaignant

- et -

COMMISSION CANADIENNE DES DROITS DE LA PERSONNE

la Commission

- et -

MARC LEMIRE

l'intimé

- et -

PROCUREUR GÉNÉRAL DU CANADA

la partie intéressée

DÉCISION SUR REQUÊTE

2006 TCDP 8
2006/02/23

MEMBRE INSTRUCTEUR : Athanasios D. Hadjis

[TRADUCTION]

[1] De nombreux groupes ont demandé au Tribunal l'autorisation de comparaître comme partie intéressée dans le cadre de la présente plainte.

[2] Richard Warman a déposé une plainte en novembre 2003. Il a prétendu que l'intimé, Marc Lemire, avait diffusé des messages haineux sur un site Internet, et ce, en contravention de l'article 13 de la Loi canadienne sur les droits de la personne (la Loi). Le 24 août 2005, la Commission canadienne des droits de la personne a renvoyé la plainte au Tribunal pour instruction.

[3] Le 24 octobre 2005, le Tribunal a tenu une réunion de gestion de cas par conférence téléphonique avec les parties. L'avocate de M. Lemire, Barbara Kulaszka, a mentionné lors de cette réunion qu'elle avait l'intention de présenter une requête préliminaire concernant la constitutionalité de l'article 13 de la Loi. Le Tribunal a fixé des dates quant au dépôt de la requête de Mme Kulaszka et quant aux réponses de la part des autres parties.

[4] Le 29 novembre 2005, Paul Fromm, agissant pour le compte de la Canadian Association for Free Expression Inc. (CAFE) a envoyé une lettre au Tribunal pour lui demander de le faire reconnaître comme partie intéressée afin qu'il puisse présenter des représentations écrites et orales à l'appui de la requête de M. Lemire.

[5] Les 12 et 19 décembre 2005, Douglas H. Christie a communiqué par écrit avec le Tribunal au nom de la Canadian Free Speech League (CFSL). Il a informé le Tribunal que la CFSL demandait à se faire reconnaître dans la présente instance comme [Traduction] partie intéressée qui ferait des représentations écrites et orales quant à la requête présentée par Marc Lemire à l'égard de la constitutionalité de l'article 13 [ainsi que de l'article 54] de la Loi.

[6] Le 13 décembre 2005, Marvin Kurz, avocat pour la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada, écrivant au nom de l'avocat pour le Congrès juif canadien et pour les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour l'étude de l'Holocauste, a informé le Tribunal que ces trois organismes (le groupe B'Nai Brith) demandaient à se faire reconnaître comme parties intéressées afin de s'opposer conjointement à la requête de M. Lemire concernant la constitutionalité de l'article 13 de la Loi.

[7] Le 19 décembre 2005, le Tribunal a ordonné que la requête de M. Lemire soit traitée dans le cadre de l'audience sur la plainte et ne soit plus traitée comme une question préliminaire.

[8] Les trois groupes qui demandent à être reconnus comme parties intéressées ont informé le Tribunal qu'ils désiraient participer à la présente instance, mais à des degrés divers.

LA CAFE

[9] La CAFE souhaite participer à l'audience dans son ensemble. M. Fromm a mentionné que la CAFE demande qu'on lui accorde les [Traduction] pleins droits de présenter des observations orales et écrites, de présenter une preuve écrite, de présenter [...] et de contre-interroger des témoins.

[10] La CAFE affirme qu'elle est un organisme sans but lucratif qui se consacre à la promotion et à l'utilisation maximale des garanties de la liberté de parole, de la liberté d'expression et de la liberté de réunion, reconnues par la Charte canadienne des droits et libertés (la Charte). Comme la présente procédure soulève des questions importantes quant à ces valeurs, la CAFE prétend qu'elle peut apporter une expertise unique concernant les effets, sur la Charte, des dispositions de la Loi concernant les messages haineux.

[11] La CAFE publie régulièrement une lettre d'information consacrée à la recherche des menaces à la libre expression, elle tient des réunions sur des sujets qui ont trait à la libre expression et fait des observations aux organismes législatifs quant à ces questions. M. Fromm prétend que l'organisme comprend [Traduction] environ 2 000 adeptes et abonnés dans l'ensemble du Canada.

Le groupe B'Nai Brith

[12] Les membres du groupe B'Nai Brith demandent à être constitués parties intéressées pour l'ensemble de la procédure, mais s'engagent à limiter leur participation aux questions relatives à la Charte. Ils s'engagent également à agir conjointement tout au long des procédures et à déposer un seul ensemble d'observations. Ils coordonneront leurs efforts avec M. Warman et la Commission afin de voir à ce qu'il n'y ait pas de chevauchement dans la preuve ou dans les observations.

[13] M. Kurz explique dans sa demande que ses clients sont [Traduction] trois importants organismes juifs canadiens de droits de la personne. Il prétend qu'ils participent depuis longtemps comme intervenants dans les litiges fondés sur la Charte concernant la propagande haineuse, la libre expression et la fixation de limites raisonnables quant à la propagande haineuse.

[14] Comme représentants d'un groupe de personnes qui ont longtemps fait l'objet de haine et de diffamation, les trois organismes composant le groupe B'Nai Brith prétendent qu'elles vont apporter une expérience et un point de vue unique, ce qui leur permettra de faire des observations utiles différentes de celles qui seront faites par la Commission et M. Warman.

La CFSL

[15] La CFSL souhaite simplement contester la validité constitutionnelle de l'article 13 de la Loi. Elle n'a pas l'intention de présenter ou de contre-interroger des témoins.

[16] M. Christie prétend que la CFSL existe pour [Traduction] défendre la liberté d'expression au Canada et pour conseiller et aider ceux dont les droits à la liberté d'expression ont été attaqués par le gouvernement. Il a comparu comme avocat général pour la CFSL dans un certain nombre d'instances devant les cours de justice et devant les tribunaux quasi-judiciaires et il [Traduction] a défendu la libre expression. Selon lui, le point de vue et l'expérience de la CFSL peuvent être utiles au Tribunal dans le cadre de l'examen de la requête de M. Lemire.

[17] Incidemment, le 3 février 2006, le Tribunal a été informé que le procureur général du Canada exercerait son droit, prévu à l'article 57 de la Loi sur les Cours fédérales, L.R.C. 1985, ch. F-7, de participer à l'audience et de présenter une preuve et des observations à l'égard de la question constitutionnelle.

L'analyse

[18] L'article 50 de la Loi accorde au Tribunal un large pouvoir discrétionnaire en ce qui concerne l'attribution du statut de partie intéressée (Nkwazi c. Canada (Service correctionnel), [2000] C.H.R.D. no 15, au paragraphe 22 (T.C.D.P.) (QL)). Il incombe au plaignant de démontrer en quoi son expertise serait utile à la prise d'une décision quant aux questions soumises au Tribunal. Le statut de personne intéressée ne sera pas accordé s'il n'ajoute rien d'important aux positions juridiques des parties représentant un point de vue semblable (Schnell c. Machiavelli and Associates Emprize Inc., [2001] C.H.R.D. no 14, au paragraphe 6 (T.C.D.P.) (QL).

[19] Compte tenu des documents et des arguments présentés, je suis convaincu que l'ensemble des requérants peuvent ajouter d'une manière importante aux positions juridiques des parties concernant la constitutionalité de l'article 13. Il est toutefois évident que leurs intérêts en l'espèce se limitent à la question constitutionnelle. Aucun des requérants n'a cherché à intervenir dans le dossier avant que la présente question ne soit soulevée par Mme Kulaszka comme question préliminaire. Les parties à la plainte avaient reçu l'instruction de traiter la question par des observations écrites. Le Tribunal a laissé la porte ouverte quant à la possibilité d'entendre, au besoin, les observations orales à un moment ultérieur. Tant qu'il semblait que la question allait être traitée comme question préliminaire, les trois requérants ont semblé satisfaits de limiter leur contribution à la seule question constitutionnelle.

[20] Les requérants (la Canadian Association for Free Expression Inc., la Canadian Free Speech League, ainsi que le groupe composé de la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada, le Congrès juif canadien et les Amis du Centre Simon Wiesenthal pour l'étude de l'Holocauste) se voient donc accorder le statut de personne intéressée dans la présente instance, mais uniquement en rapport avec la question de la constitutionalité de l'article 13 et les dispositions connexes pertinentes de la Loi.

[21] Par conséquent, les parties intéressées ont le droit de présenter une preuve, de contre-interroger, et de présenter des observations, mais uniquement en rapport avec la question constitutionnelle. Elles ne pourront toutefois pas répéter la preuve, le contre-interrogatoire ou les observations de M. Warman, de la Commission, de M. Lemire ou du procureur général du Canada.

[22] Mme Kulaszka a soulevé un certain nombre de questions concernant les coûts supplémentaires découlant de la participation de parties additionnelles (comme les coûts de photocopie, de télécopie et de messagerie). Ces questions pourront être traitées lors de la prochaine réunion de la gestion de cas.

Athanasios D. Hadjis

Ottawa (Ontario)

Le 23 février 2006

PARTIES AU DOSSIER

DOSSIER DU TRIBUNAL : T1073/5405
INTITULÉ DE LA CAUSE : Richard Warman c. Marc Lemire
DATE DE LA DÉCISION DU TRIBUNAL : Le 23 février 2006

ONT COMPARU :

Richard Warman Pour lui-même
Giacomo Vigna / Ikram Warsame Pour la Commission canadienne des droits de la personne
Barbara Kulaska Pour l'intimé
Simon Fothergill Pour le Procureur général du Canada
Paul Fromm Pour la Canadian Association for Free Expression
Douglas H. Christie Pour la Canadian Free Speech League
Marvin Kurz Pour la Ligue des droits de la personne de B'Nai Brith Canada et au nom de l'avocat du Congrès juif canadien et des Amis du Centre Simon Wiesenthal pour l'étude de l'Holocauste
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