Tribunal canadien des droits de la personne

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Tribunal canadien
des droits de la personne

Les armoiries du Tribunal

Canadian Human
Rights Tribunal

Référence : 2018 TCDP 10

Date : le 26 avril 2018

Numéro du dossier : T2207/2917

Entre :

Cecilia Constantinescu

la plaignante

- et -

Commission canadienne des droits de la personne

la Commission

- et -

Service Correctionnel du Canada

l'intimé

Décision sur requête

Membre : Gabriel Gaudreault

 



I.  Contexte de la requête

[1]  Le 16 avril 2018, Cecilia Constantinescu (plaignante) a déposé un avis de requête afin de suspendre les procédures au Tribunal canadien des droits de la personne (Tribunal). Dans un souci de concision, le Tribunal ne reprendra pas l’entièreté des représentations de la plaignante et en résumera les points importants.

[2]  Madame Constantinescu allègue que :

·  le dossier doit être suspendu puisqu’elle estime que Service Correctionnel du Canada (intimé) lui cache des documents;

·  des documents sont acceptés, sans date ni signature, sans précision du contexte de la production de tels documents. Selon ses perceptions, elle estime que suivant les appels conférences auxquels elle participe, ses droits sont considérablement restreints;

·  elle a divulgué, contrairement à l’intimé, tous les documents et informations en sa possession aux autres parties;

[3]  De plus, la plaignante plaide que c’est elle qui subit les préjudices dans cette situation et que ces préjudices augmentent à chaque jour qui passe. Les préjudices invoqués sont :

·  qu’elle n’a pas l’emploi qu’elle aurait dû avoir;

·  qu’elle n’a pas le salaire et les avantages sociaux se rattachant à l’emploi;

·  qu’elle ne profite pas des possibilités d’avancement dans l’emploi;

·  qu’elle ne peut bénéficier d’autres sommes d’argent qui lui revient;

[4]  En raison de ces préjudices, elle estime que la jouissance de sa vie est également diminuée.

[5]  Elle prie le Tribunal de suspendre ses procédures immédiatement, et ce, pour une durée indéterminée, jusqu’à ce que tous les documents et informations qu’elle a demandés soient fournis par l’intimé.

[6]  Elle demande également au Tribunal d’imposer à l’intimé de lui fournir tous les documents dans les plus brefs délais et que ceux-ci soient clairs.

[7]  Elle sollicite le Tribunal afin de lui accorder un délai raisonnable à partir du moment où elle obtiendra de l’intimé tous les documents et informations demandés, et ce, afin qu’elle puisse les étudier.

[8]  Finalement, elle demande au Tribunal un délai supplémentaire de 2 semaines afin de produire et envoyer un mémoire au Parlement du Canada.

[9]  Pour les motifs qui suivent, le Tribunal rejette, à sa face même, la requête en suspension des procédures déposée par Mme Constantinescu.

II.  Droit et analyse

[10]  Tout d’abord, je rappelle que le Tribunal est le maître de sa propre procédure. Comme énoncé par la Cour suprême en 1989 dans sa décision Prassad c. Canada (Ministre de l’Emploi et de l’Immigration), [1989] 1 RCS 560 [Prassad] :

[…]Nous traitons ici des pouvoirs d'un tribunal administratif à l'égard de sa procédure.  En règle générale, ces tribunaux sont considérés maîtres chez euxEn l'absence de règles précises établies par loi ou règlement, ils fixent leur propre procédure à la condition de respecter les règles de l'équité et, dans l'exercice de fonctions judiciaires ou quasi judiciaires, de respecter les règles de justice naturelle.  Il est donc clair que l'ajournement de leurs procédures relève de leur pouvoir discrétionnaire.

[Le Tribunal souligne]

[11]  Le paragraphe 48.9 (1) de la Loi canadienne sur les droits de la personne (LCDP ou la Loi) prévoit que l’instruction des plaintes doit se faire sans formalisme et de façon expéditive, et ce, dans le respect des principes de justice naturelle et des règles de pratique.

[12]  Le Tribunal peut établir ses règles de pratique conformément au paragraphe 48.9(2) de la Loi. Des règles de pratique ont été mises en place par le Tribunal (voir à cet effet les Règles de procédure du Tribunal canadien des droits de la personne (03-05-04)) (Règles).

[13]  Suivant la réception d’un avis de requête conformément au paragraphe 3(2) des Règles, le membre instructeur :

a)  doit s’assurer de donner aux autres parties la possibilité de répondre;

b)  peut préciser sous quelle forme, de quelle manière et à quel moment la réponse doit être présentée;

c)  peut donner des directives au sujet de la présentation de l’argumentation et de la preuve par toutes les parties, et préciser notamment sous quelle forme, de quelle manière et à quel moment elles doivent être présentées;

d)  doit disposer de la requête de la façon qu’il estime indiquée.

[14]  Cependant, tel que le prévoit le paragraphe 1(4) des Règles, le membre instructeur peut, de son propre chef, déroger aux Règles, dans le cas où cette dérogation sert les fins énoncées au paragraphe 1(1) des Règles.

[15]  Le paragraphe 1(1) des Règles prévoit que :

1(1) Les présentes règles ont pour objet de permettre

a)  que toutes les parties à une instruction aient la possibilité pleine et entière de se faire entendre;

b)  que l’argumentation et la preuve soient présentées en temps opportun et de façon efficace;

c)  que toutes les affaires dont le Tribunal est saisi soient instruites de la façon la moins formaliste et la plus rapide possible.

[16]  Je n’ai pas demandé à la Commission canadienne des droits de la personne (Commission) ainsi qu’à l’intimé de déposer des représentations en lien avec la présente requête déposée par la plaignante. Je suis d’avis que, considérant les circonstances particulières de ce dossier et pour les motifs exposés dans les prochains paragraphes, il m’est justifié de déroger aux Règles de procédure du Tribunal, et ce, afin de servir les fins du paragraphe 1(1) des Règles.

[17]  Je suis également d’avis que le principe d’équité procédurale ne commande pas, dans les circonstances spécifiques de cette requête, que le Tribunal invite la Commission et l’intimé à déposer des soumissions formelles. Les parties avait l’opportunité d’écrire au Tribunal depuis le temps que Mme Constantinescu à déposer sa requête (Canadian Copyright Licensing Agency (Access Copyright) v. Canada, 2018 FCA 58 au paragraphe 157). La Commission a envoyé de la correspondance au Tribunal et écrivait « l’absence d’affidavit et les déclarations vagues et nébuleuses dans la requête rend la tâche [sic] difficile pour répondre à la requête ».

[18]  De plus, tel qu’établie dans la décision Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 RCS 817, au paragraphe 21 :

[…] « la notion d’équité procédurale est éminemment variable et son contenu est tributaire du contexte particulier de chaque cas».  Il faut tenir compte de toutes les circonstances pour décider de la nature de l’obligation d’équité procédurale.

Enfin, puisque la présente requête est rejetée, je suis d’avis que cette décision ne crée aucune répercussion négative pour la Commission et l’intimé, et ce, ni dans le contexte de la présente ni dans le contexte plus large de l’instruction de la plainte. La plainte de Mme Constantinescu a été reçue par la Commission en octobre 2015 et a été référée au Tribunal le 31 mai 2017. À ce jour, la plainte a été déposée il y a de cela plus de deux ans et demi.

[19]  Le 15 janvier 2018, quinze jours d’audiences ont été fixés soit du 10 au 13 juillet, du 17 au 20 juillet, du 16 au 19 octobre ainsi que du 22 au 24 octobre 2018. L’exercice de trouver des dates d’audience rapidement et de manière consécutive ne fut pas simple pour les parties ainsi que le Tribunal.

[20]  Le Tribunal a également rendu une récente décision dans le présent dossier (voir Constantinescu c. Service Correctionnel Canada, 2018 TCDP 8) couvrant, entre autres, les éléments suivants :

·  la déclaration écrite non datée et non signée d’un témoin à l’audience;

·  des règles et processus en matière de divulgation devant notre Tribunal;

·  de la production et des règles d’admissibilité de la preuve;

·  des protections accordées aux témoins en vertu de la Loi;

·  des différences entre le processus du Tribunal et des demandes d’accès touchant d’autres organismes fédéraux ou provinciaux.

[21]  Dans cette requête, je rappelle que la réplique de la plaignante a été reçue au Tribunal le 2 mars 2018. Considérant l’importance des allégations dans le dossier, du temps déjà écoulé, des dates d’audiences de juillet 2018, j’ai estimé qu’il était nécessaire d’agir rapidement et de rendre une décision dans les plus brefs délais. Le Tribunal a donc été en mesure de transmettre aux parties sa décision quelques jours plus tard, soit le 13 mars 2018.

[22]  De plus, les parties ont également demandé au Tribunal de trancher deux autres questions fortes importantes. Dans un premier temps, la plaignante a déposé un avis de requête en élargissement de la plainte. Cette requête est en cours. Cependant, la réplique de la plaignante n’a toujours pas été déposée le 20 avril 2018 et ce, contrairement aux instructions du Tribunal sur les délais de dépôt des représentations des parties relatif à cette requête. Il est important de préciser que l’intimée s’oppose à la requête en élargissement de la plainte. Dans un deuxième temps, l’intimé a demandé au Tribunal une ordonnance de confidentialité concernant certains documents qu’il entend produire à l’audience. La plaignante s’oppose, en partie, à cette demande relativement à certains documents précis. L’intimé a également annoncé au Tribunal que suivant sa décision quant à la demande en élargissement de la plainte, il serait probable que de nouveaux documents doivent être divulgués. À cet effet, certains documents devront possiblement être inclus dans la demande en ordonnance de confidentialité. Ce faisant, il est impératif pour le Tribunal de traiter de la requête en élargissement de la plainte avant celle sur la confidentialité de certains documents.

[23]  Aujourd’hui, non seulement le Tribunal doit trancher sur la présente requête, mais deux autres requêtes devront également être tranchée par le membre instructeur d’ici le début des audiences en juillet 2018. Les audiences sont prévues dans moins de deux mois et demi.

[24]  Il est clair pour moi que cette situation commande d’agir avec une grande célérité (alinéa 1(1)(c) des Règles ainsi que le paragraphe 48.9(1) de la Loi). Si une réponse et une réplique devaient être déposées relativement à la présente requête en suspension des procédures, cela aurait inévitablement retardé les dates de l’audience prévue en juillet 2018.

[25]  Il s’agit là, à mon avis, de la raison principale me justifiant de déroger à la règle 3 des Règles, c’est-à-dire la célérité, et de ne pas permettre à l’intimée et à la Commission de répondre à cette demande. D’autre part, sans réitérer les arguments de Mme Constantinescu et suivant une lecture attentive de ses représentations, j’estime qu’il est évident et manifeste que cette requête ne comporte aucune cause d’action raisonnable (voir notamment R. c. Imperial Tobacco Canada Ltée, [2011] 3 RCS 45, 2011 CSC 42, aux paragraphes 21 et 22). D’autres facteurs guident également ma décision et sont exposés dans les prochains paragraphes.

[26]  La plaignante demande au Tribunal de suspendre ses procédures pour une durée indéterminée, et ce, le temps que l’intimé lui fournisse les documents et informations demandés. À cet effet, elle prie le Tribunal d’ordonner à l’intimé de fournir tous ces documents et informations. Ce faisant, le Tribunal doit, entre autres, se demander si les enjeux liés à la divulgation commandent une suspension des procédures.

[27]  En matière de suspension des procédures, le Tribunal s’est questionné, dans sa décision Duverger c. 2553-4330 Québec inc., 2018 TCDP 5, sur le critère à appliquer lorsque celui-ci doit décider de la suspension de ses propres procédures. Les paragraphes 58 à 60 résument bien ce critère :

[58] À mon avis, l’intérêt de la justice permet un examen plus large des considérations relatives à une demande en suspension incluant les principes de justice naturelle, d’équité procédurale et de célérité qui sont notamment prévus au paragraphe 48.9(1) de la Loi. De plus, comme énoncé par la Cour d’appel fédérale au paragraphe 26 de l’arrêt Clayton, le Tribunal pourrait aussi prendre en considération certains facteurs élaborés dans l’arrêt RJR-MacDonald (existence d’une question sérieuse de fait ou de droit à juger, préjudice irréparable, prépondérance des inconvénients).

[59] Or, il va sans dire que l’intérêt de la justice inclut les intérêts de toutes les parties. Elle inclut aussi les intérêts du public. Rappelons que les plaintes déposées devant le Tribunal concernent des individus qui estiment que leurs droits de la personne ont été violés. Ces allégations sont sérieuses et exigent d’agir avec célérité. À chaque fois que des allégations de discrimination enfreignant la LCDP sont invoquées, l’intérêt du public est forcément impliqué (voir Federation of Women Teachers’ Associations of Ontario v. Ontario (Human Rights Commission) (Ont. Div. Ct.), 1988 CanLII 4794 (ON SC)). Sans contredit, les intérêts du public commandent, entre autres, que les plaintes en matière de discrimination soient traitées de manière expéditive (voir Bell Canada v. Communication, Energy and Paperworkers Union of Canada (1997), 127 FTR 44, 1997 CanLII 4851 (FC), [Bell Canada], voir également le paragraphe 48.9(1) LCDP).

[60] En somme, je concède que les facteurs et intérêts à prendre en considération par le Tribunal peuvent varier, selon les circonstances. […]

[28]  Enfin, le Tribunal écrivait au paragraphe 70 de cette décision que les demandes en suspension des procédures devraient être accordées que dans des circonstances exceptionnelles puisqu’autrement, cela pourrait desservir son régime législatif ainsi que son processus quasi judiciaire.

[29]  Cela étant dit, je considère que les arguments de la plaignante en lien avec la divulgation, résumés aux paragraphes 2 de la présente décision, ne suffisent pas à remplir le fardeau du critère de l’intérêt de la justice à eux seuls et ne justifient pas une suspension des procédures.

[30]  Dans sa requête, la plaignante ne précise pas les documents et informations qu’elle requiert de la part de l’intimé. Conformément à ses Règles, le Tribunal fonctionne par avis de requête. Lorsqu’une partie dépose un avis de requête, elle doit inclure suffisamment d’informations et de précisions afin que le Tribunal puisse trancher la question. Il faut garder à l’esprit que c’est à la partie demanderesse qu’incombe la preuve. Dans ce cas-ci, le fardeau repose sur les épaules de Mme Constantinescu puisque c’est elle qui requiert la suspension du dossier. Je suis sensible aux représentations de la plaignante et il est malheureux que la requête manque de détails. Conséquemment, il m'est difficile d’ordonner à l’intimé de divulguer des documents et informations sans savoir de quels documents ou de quelles informations la plaignante fait référence.

[31]  Quant à la divulgation de la preuve potentiellement pertinente au litige, je me permets de rappeler aux parties que les parties et le Tribunal ont participé à plusieurs appels conférences afin de traiter spécifiquement et ponctuellement des questions de divulgation. Des directives ont également été émises afin de guider et d’éclairer les parties dans le processus de divulgation de la preuve. Nous sommes toujours dans ce processus de divulgation et plusieurs demandes de la plaignante ont déjà été abordées, traitées et tranchées antérieurement. Au surplus, le Tribunal a demandé à l’intimé de faire d’autres vérifications quant à certains documents qui sont recherchés par Mme Constantinescu et l’intimé s’est engagé à faire ces démarches supplémentaires.

[32]  Je suis d’avis que les demandes en divulgations de la plaignante ont été tranchées en respectant les principes de justice naturelle, d’équité procédurale, le régime législatif du Tribunal et ses règles de pratique. Il faut garder en tête que le processus du Tribunal se doit être moins formaliste. Traiter des questions de divulgations à l’aide de directives et d’appels conférences respecte la nature du paragraphe 48(9) de la Loi et du paragraphe 1(1) des Règles. J’estime que les enjeux liés à la divulgation de la preuve doivent continuer à être évalués et tranchés par le Tribunal et ce, au cas par cas.

[33]  Enfin, rappelons que le processus de divulgation de la preuve n’est pas encore terminé, d’autant plus que celui-ci est perpétuel, et ce, jusqu’aux audiences. Comme je l’ai déjà mentionné à plusieurs reprises, les parties ont l’obligation de divulguer tous les documents potentiellement pertinents au litige qu’ils ont en leur possession. Ils doivent également divulguer les documents qu’ils découvrent, retrouvent ou viennent en leur possession pendant l’instruction de la plainte.

[34]  Au passage, je me permettrai de faire l’observation générale suivante. Il a été clairement établi, dans la décision du président du Tribunal, David L. Thomas, qu’il existe des limites en matière de divulgation. Dans sa décision Brickner c. la Gendarmerie royale du Canada, 2017 TCDP 28 (CanLII), il écrivait ce qui suit :

[8] Le Tribunal a déjà reconnu dans ses décisions antérieures qu’il peut refuser d’ordonner la divulgation d’éléments de preuve lorsque la valeur probante de ces éléments de preuve ne l’emporte pas sur leur effet préjudiciable sur l’instance. Le Tribunal doit notamment faire preuve de prudence avant d’ordonner une perquisition lorsque cela obligerait une partie ou une personne étrangère au litige à se soumettre à une recherche onéreuse et fort étendue de documentation, surtout lorsque le fait d’ordonner la divulgation risquerait d’entrainer un retard important dans l’instruction de la plainte ou lorsque les documents ne se rapportent qu’à une question secondaire plutôt qu’aux principales questions en litige (voir Yaffa c. Air Canada, 2014 TCDP 22, au paragraphe 4; Seeley, au paragraphe 7; voir aussi R. c. Seaboyer [1991] 2 R.C.S. 577, aux pages 609 à 611).

[9] Il convient également de souligner que la divulgation de renseignements potentiellement pertinents ne veut pas dire que ces renseignements seront admis en preuve lors de l’audition de l’affaire ou qu’on leur accordera une importance significative au cours du processus décisionnel (voir Association des employé(e)s de télécommunication du Manitoba inc. c. Manitoba Telecom Services, 2007 TCDP 28, au paragraphe 4).

[35]  Cela dit, est-ce que l’intérêt de la justice justifie de suspendre les procédures du Tribunal jusqu’à ce que tous les documents et informations que la plaignante demande soient fournis par l’intimé? Considérant que Mme Constantinescu n’a pas décrit avec précision les documents qu’elle recherche, je suis d’avis que non.

[36]  Enfin, la plaignante allègue également un autre facteur au soutien de sa requête en suspension des procédures soit celui du préjudice subi. À ce sujet, elle estime qu’elle est la seule à subir un préjudice dans ce dossier et que celui-ci grandit à chaque jour qui passe. Le Tribunal a résumé les arguments de la plaignante aux paragraphes 3 et 4 de la présente décision.

[37]  Tout d’abord, j’estime qu’il est important de rappeler aux parties que l’instruction de la plainte n’est pas encore terminée. Les parties ont nécessairement une position bien claire sur le dossier. Par contre, tant que l’audience n’est pas terminée et que tous les éléments de preuve ont été soumis au Tribunal, il est impossible à cette étape-ci de se positionner sur l’existence ou non d’actes de discrimination. Corrélativement, il est impossible de se positionner sur les remèdes potentiels que pourrait ordonner le Tribunal. Les préjudices que soulève la plaignante sont entre autres des arguments quant aux dommages qu’elle aurait subis suivant les actes discriminatoires allégués. Elle aura l’occasion de soumettre de la preuve à cet effet et de faire ses représentations à l’audience.

[38]  Cela dit, je concède que le temps est un facteur important dans les circonstances. Plus le temps passe, plus il est difficile de préserver la preuve au dossier incluant la mémoire et les souvenirs des témoins. Plus le temps passe, plus grand est le préjudice pour le public. Je rappelle qu’il n’est pas dans l’intérêt du public que les plaintes en matière de discrimination s’allongent dans le temps (voir Bell Canada v. Communication, Energy and Paperworkers Union of Canada (1997), 127 FTR 44, 1997 CanLII 4851 (FC), voir également le paragraphe 48.9(1) de la Loi).

[39]  Est-ce que les préjudices allégués par la plaignante justifient, selon le critère de l’intérêt de la justice, la suspension du dossier? Je suis d’avis que non.

[40]  Il est important de mentionner que la plaignante demande une suspension pour une durée indéterminée, et ce, jusqu’à ce qu’elle reçoive tous les documents et informations qu’elle demande à l’intimée lui soit transmis. Il est clair pour moi que le caractère indéterminé de la suspension des procédures est, en elle-même, problématique. Il est difficilement concevable qu’un dossier devant le Tribunal soit suspendu pour une durée indéterminée. Il faut, tôt ou tard, que le dossier arrive à une fin, que ce soit l’audience et la décision du membre instructeur, un règlement entre les parties ou un abandon de la plainte.

[41]  En résumé, je juge qu’il n’est pas dans l’intérêt de quiconque que la présente procédure soit suspendue pour une durée indéterminée.

[42]  Finalement, je me permets de mentionner que le potentiel dépôt d’un mémoire au Parlement du Canada n’est pas un motif qui justifie de rallonger ou suspendre les procédures. Si une partie décide de faire des démarches parallèles à celle du Tribunal, il lui est loisible de le faire. Par contre, cela n’affecte en rien les procédures en cours devant le Tribunal.

III.  Décision

[43]  Le Tribunal rejette, à sa face même, la requête en suspension des procédures déposées par la plaignante.

Signée par

Gabriel Gaudreault

Membre du Tribunal

Ottawa, Ontario

Le 26 avril 2018


 

Tribunal canadien des droits de la personne

Parties au dossier

Dossier du tribunal : T2207/2917

Intitulé de la cause : Cecilia Constantinescu c. Service Correctionnel Canada

Date de la décision sur requête du tribunal : Le 26 avril 2018

Requête traitée par écrit sans comparutions des parties

Représentations écrites par:

Cecilia Constantinescu, pour elle même

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